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[1997] 2 C.F. 84

T-1602-95

Jose Pereira E Hijos, S.A. et Enrique Davila Gonzalez (demandeurs)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

Répertorié : Jose Pereira E Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général) (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay—St. John’s, 15 mai; Ottawa, 13 décembre 1996.

Droit international Action en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention subséquentes d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesLes demandeurs entendaient faire au procès la preuve que le Règlement sur la protection des pêcheries côtières, modifié, est illégalCette question peut être soulevée sans qu’il soit nécessaire de mentionner dans la déclaration ou dans les précisions des traités ou des conventions internationaux spécifiques qui seront appliqués dans l’action uniquement s’ils sont intégrés dans les règles de droit interne du Canada aux termes d’une disposition législative expliciteDans la mesure où les conventions ou traités internationaux sont considérés comme une source des principes de droit international, il n’est pas nécessaire de les plaider de façon spécifique, puisque cette allégation ne concerne pas des faits, mais des points de droit.

Couronne Responsabilité délictuelle Action en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesL’allégation de poursuite abusive est radiée puisque tous les éléments constitutifs du délit ne sont pas établisAucune preuve que la demanderesse ait été inculpée d’une infractionQuant au capitaine, absence de motif raisonnable et probableLes plaidoiries des demandeurs établissent que les personnes ayant agi au nom des défendeurs se sont fondées sur des motifs raisonnables et probables aux termes de la Loi et du RèglementLeurs mesures étaient appuyées par la présomption de validité d’un texte législatifLa présomption s’applique sauf si elle est réfutée au procèsLes mots qui renvoient à la piraterie et à d’autres formes de conduite criminelle sont radiés parce qu’ils ont une importance juridique uniquement dans le contexte des activités criminelles.

Couronne Pratique PartiesAction en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesAction intentée contre le procureur général et le ministre des Pêches et OcéansLes ministres ne doivent pas être cités en qualité de défendeurs s’ils ne sont pas poursuivis à titre personnelL’art. 48(1) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que, sauf autorisation différente, toute action contre la Couronne est intentée selon le modèle figurant à l’annexeLa formule 2(2) prévoit que Sa Majesté est la seule partie défenderesseL’art. 23(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif prévoit que les poursuites visant l’État peuvent être exercées contre le procureur généralL’utilisation des mots Sa Majesté la Reine ou procureur général du Canada pour désigner l’État est facultativeL’allégation d’exercice abusif de fonctions ayant été radiée, le nom du ministre des Pêches et Océans est radié de l’intitulé de la cause et de la déclaration.

Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Action en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesAllégation de violation de l’art. 7 de la Charte radiée pour absence de cause d’action raisonnableLa demanderesse ne peut invoquer les droits garantis par l’art. 7La plainte que le capitaine n’est pas traité comme d’autres en raison de sa nationalité relève de l’art. 15.

Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Action en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesL’allégation qu’en s’appliquant uniquement aux navires espagnols ou portugais, le Règlement sur la protection des pêcheries côtières vise à autoriser des fouilles, perquisitions et saisies abusives, est radiée, parce qu’elle ne révèle aucune cause d’action raisonnableLes dispositions régissant les fouilles, perquisitions et saisies, et l’usage de la force raisonnable pour la détention des navires en mer ne spécifient pas la nationalitéL’allégation de contravention au droit, garanti par l’art. 10b), à l’assistance d’un avocat, est maintenue, sous condition de modification de la déclaration de façon à invoquer les faits à l’appui.

Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l’égalité Action en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesLa déclaration allègue que le Règlement sur la protection des pêcheries côtières, en prévoyant des mesures visant uniquement les navires espagnols et portugais, viole les droits que l’art. 15 garantit aux demandeursLe Règlement ne s’applique certes qu’aux navires, mais le fait d’empêcher les demandeurs de soutenir à l’instruction que les personnes pilotant ces navires, habituellement des ressortissants de l’État dont ils battent pavillon, seraient directement touchées par l’application du Règlement, aurait pour effet d’ignorer une conséquence importante de ce RèglementLa demanderesse n’a pas une cause d’action fondée sur l’art. 15.

Interprétation des lois Règlement sur la protection des pêcheries côtièresAction en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesRadiation de l’allégation que le navire n’était pas soumis à l’application du Règlement du fait qu’il avait entrepris son voyage de pêche dans les eaux internationales avant la promulgation de ce textePar application de la Loi sur les textes réglementaires et de la Loi d’interprétation, le Règlement était en vigueur le 2 mars 1995S’il est légal, le Règlement s’applique aux demandeurs.

Pratique PlaidoiriesRequête en radiationParties de la déclaration et de la réponse à la demande de précisionsAction en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesRéclamation de dommages-intérêts pour intrusion, voies de fait, poursuite abusive, navigation négligentePrincipes généraux régissant les requêtes en radiationObjections aux allégations en matière de droit international, de poursuite abusive, de violation des droits garantis par les art. 7, 8, 10, 15 de la CharteRequête accueillie en partie.

Pêches — « Guerre du turbot » entre le Canada et l’EspagneLe Canada reproche aux navires espagnols d’avoir dépassé leur quotaAction en dommages-intérêts pour arraisonnement et arrestation en haute mer, saisie et détention d’un chalutier espagnol, et arrestation de son capitaine par les autorités canadiennesLes plaidoiries font valoir l’illégalité du Règlement sur la protection des pêcheries côtièresRequête en radiation de certaines parties de la déclaration et de la réponse à la demande de précisions, en matière de droit international et des droits garantis par la CharteRequête accueillie en partie.

Requête en radiation de certaines parties de la déclaration des demandeurs et de leur réponse à la demande de précisions, en prorogation du délai de dépôt de la défense, et en modification de l’intitulé de la cause en ce qui concerne les défendeurs. Le litige a son origine dans la « guerre du turbot » de 1995 entre l’Espagne et le Canada qui reprochait aux navires espagnols d’avoir dépassé leur quota dans la zone visée par la Convention de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (la zone de réglementation de l’OPAN). La demanderesse Jose Pereira E Hijos S.A. est une société constituée sous le régime des lois espagnoles et le propriétaire-exploitant du bateau de pêche Estai. En mars 1995, le navire Estai était en train de pêcher dans la zone de réglementation de l’OPAN quand il fut approché par une équipe d’arraisonnement armé d’un navire de surveillance des pêches canadien. Après une poursuite, alors que le navire Estai se trouvait en haute mer et à l’est de la zone de réglementation de l’OPAN, une équipe d’arraisonnement armé canadienne formée d’agents de la GRC et d’agents des pêches l’a arraisonné et saisi, et a arrêté son capitaine. Le navire Estai et son équipage ont été conduits à St. John’s à travers les glaces de l’Arctique. À son arrivée au port, le navire a été immobilisé. Le capitaine a été conduit à travers une foule de manifestants en colère qui l’auraient maltraité, bousculé et frappé. Le 18 avril, les défendeurs ont informé les demandeurs que les accusations portées contre le navire Estai et son capitaine seraient suspendues. Les demandeurs réclament des dommages-intérêts, y compris dommages-intérêts spéciaux, généraux, punitifs et exemplaires, pour intrusion, voies de fait, poursuites abusives et navigation négligente. Les défendeurs ont opposé des objections aux allégations en matière de droit international, de poursuites abusives, de violation de droits reconnus par la Charte et autres chefs de demande.

Jugement : la requête doit être accueillie en partie.

Les demandeurs entendaient faire au procès la preuve que le Règlement sur la protection des pêcheries côtières, modifié, est illégal en ce qu’il dépasse la compétence dont le gouverneur en conseil est investi en vertu de la Loi sur la protection des pêches côtières. Cette question peut être soulevée sans qu’il soit nécessaire de mentionner dans la déclaration ou dans les précisions des traités ou des conventions internationaux spécifiques qui, dans la mesure où ils sont considérés comme une source de droit, seront appliqués dans l’action uniquement s’ils sont intégrés dans les règles de droit interne du Canada aux termes d’une disposition législative explicite. Dans la mesure où les conventions ou traités internationaux sont considérés comme une source des principes de droit international, il n’est pas nécessaire de les plaider de façon spécifique, de la même façon qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer d’autres sources, savoir des jugements ou des lois, et cette allégation ne concerne pas des faits, mais des points de droit, qui ne doivent pas être plaidés. Ainsi, les phrases, mots ou expressions renvoyant à des conventions particulières de même que les mots « et allant à l’encontre de la liberté en mer et de la règle de droit » ne sont pas essentiels et sont redondants. Les références générales au droit international ne sont pas radiées puisqu’elles sont juste un élément de la description du régime juridique.

Les allégations de poursuites abusives sont radiées par ce motif que les éléments du délit ou de la faute que constituent les poursuites abusives n’ont pas été établis dans les allégations des demandeurs. Il n’est nullement prouvé ni même allégué que la demanderesse a été accusée d’avoir commis une infraction. Un des éléments clés du délit de poursuites abusives, l’absence de motif raisonnable et probable, n’a pas été plaidé en l’espèce et cet élément ne pourrait être établi même s’il avait été invoqué. Les plaidoiries des demandeurs établissent que les personnes ayant agi au nom des défendeurs se sont fondées sur des motifs raisonnables aux termes de la Loi et du Règlement. Leurs mesures étaient appuyées par la présomption de validité d’un texte législatif, laquelle présomption s’applique encore, sauf si elle est réfutée au procès. Même si les demandeurs réussissent à démontrer au procès que le Règlement visait un objet illégal, cette question concerne la validité du Règlement et non la nature, délictueuse ou autre, d’une poursuite fondée sur ledit Règlement.

L’allégation de violation de l’article 7 de la Charte, contenue dans la déclaration, est radiée par ce motif qu’elle est futile et ne révèle aucune cause d’action raisonnable. La demanderesse ne pouvait revendiquer des droits fondés sur l’article 7. La plainte que le demandeur, capitaine du navire Estai, a été traité différemment des autres en raison de sa nationalité est essentiellement un argument qui concerne l’égalité et auquel l’article 15 de la Charte s’applique.

L’allégation qu’en s’appliquant aux navires espagnols ou portugais, mais non aux navires des autres pays, le Règlement modifié vise à autoriser des fouilles, perquisitions et saisies abusives, contrairement à l’article 8, n’est pas un fondement de la demande de réparation; elle est radiée, parce qu’elle est futile et ne révèle aucune cause d’action raisonnable. La Loi permet les fouilles, perquisitions et saisies des navires qui ne respectent pas la Loi et le Règlement, lequel prévoit l’usage de la force raisonnable pour la détention des navires en mer. Aucune de ces dispositions ne s’applique exclusivement aux navires espagnols ou portugais, même si le Règlement modifié régit la pêche uniquement dans le cas des navires appartenant à ces nationalités ainsi que des navires sans nationalité et des navires de certains pays communément reconnus comme des pays qui fournissent des pavillons de complaisance pour l’immatriculation de bateaux faisant par ailleurs l’objet d’un contrôle minime. Cette allégation est une revendication portant sur l’égalité dans le contexte de l’article 15 de la Charte et non de l’article 8.

Les demandeurs allèguent qu’à l’arrivée du navire Estai à St. John’s, les défendeurs ont refusé de fournir au capitaine et au navire une possibilité raisonnable de retenir les services d’un avocat au sujet des accusations portées contre eux, contrairement à l’alinéa 10b) de la Charte, qui assure à chacun le droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat en cas d’arrestation ou de détention. Il n’est pas certain que les propriétaires d’un navire saisi auraient des droits au sens de l’alinéa 10b) de la Charte. Cette question pourra être soumise à l’instruction, si les demandeurs modifient leur déclaration en invoquant les faits sur lesquels ils se fondent pour soutenir que les propriétaires du navire n’ont pas eu suffisamment de temps pour consulter un avocat.

Les demandeurs allèguent que le Règlement crée une forme de discrimination fondée sur la race et l’origine nationale et ethnique en cherchant à assujettir seulement l’Espagne et le Portugal à la réglementation canadienne et en prescrivant des mesures de conservation et de gestion applicables uniquement aux navires de ces nations. Le Règlement s’applique aux navires de l’Espagne et du Portugal et non aux personnes physiques; cependant, le fait d’empêcher, par la radiation à ce stade-ci, les demandeurs de soutenir à l’instruction que les personnes pilotant ces navires, habituellement des ressortissants de l’État dont ils battent pavillon, du moins dans le cas des navires espagnols, seraient directement touchées par l’application du Règlement modifié, aurait pour effet d’ignorer une conséquence importante dudit Règlement. Toute demande de réparation de la demanderesse fondée sur l’article 15 de la Charte est radiée au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action raisonnable. Les sociétés demanderesses n’ont pas de cause d’action raisonnable aux termes de l’article 15 de la Charte, qui s’applique expressément aux personnes physiques. La question soulevée dans les plaidoiries quant à la transgression par le Règlement des droits que l’article 15 de la Charte reconnaît à une personne n’est pas radiée. La disposition législative établit, à première vue, une distinction fondée sur l’origine nationale des navires que les personnes concernées pilotent et, par conséquent, une distinction implicite fondée sur l’origine nationale de celles-ci.

Les paragraphes donnant les détails du voyage antérieurs aux événements importants survenus en mars 1995 n’ont rien à voir avec les allégations des demandeurs et sont radiés.

Les mots « droit maritime », là où ils servent à décrire une source de la compétence exclusive de l’Espagne à l’égard du navire Estai, sont radiés parce qu’ils ne sont pas essentiels.

Les mots qui renvoient à la piraterie ou à d’autres formes de conduite criminelle sont radiés parce qu’ils ont une importance juridique uniquement dans le contexte des activités criminelles et aucune activité de cette nature n’est pertinente quant aux demandes de dommages-intérêts des demandeurs.

L’allégation que le navire Estai avait entrepris son voyage de pêche dans les eaux internationales avant la modification du Règlement, ce qui signifierait que le navire n’y était pas assujetti avant la fin de son voyage, est radiée parce qu’elle est futile et ne révèle aucune cause raisonnable d’action. Par application de la Loi sur les textes réglementaires et de la Loi d’interprétation, le Règlement portant modification était en vigueur et s’appliquait à tous égards, notamment quant aux activités du navire Estai, depuis minuit le 2 mars 1995. Par conséquent, si le Règlement est constitutionnel, il s’applique aux activités des demandeurs.

Les passages concernant les négociations qui ont eu lieu entre le Canada et la Communauté européenne au sujet des quotas de turbot avant et après l’arraisonnement et la saisie du navire Estai jusqu’au 1er mai 1995, date à laquelle les dispositions touchant expressément les navires espagnols et portugais ont été supprimées du Règlement, sont radiés parce qu’ils sont redondants et n’ont pas pour effet d’appuyer ou d’affaiblir les demandes de dommages-intérêts des demandeurs.

Lorsqu’aucune réclamation n’est formulée contre un ministre à titre personnel, et il n’y a aucune allégation de cette nature en l’espèce, celui-ci ne devrait pas être désigné comme partie défenderesse. Le paragraphe 48(1) de la Loi sur la Cour fédérale et la formule 2(2) prévoient que, sauf autorisation contraire, Sa Majesté la Reine est désignée comme la seule partie défenderesse dans une action intentée contre la Couronne. Cependant, le paragraphe 23(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif prévoit que les poursuites visant l’État peuvent être exercées contre le procureur général du Canada. L’allégation d’exercice abusif des fonctions par les ministres ayant été radiée, le nom du ministre des Pêches et Océans est radié de l’intitulé de la cause et de la déclaration. Il n’y a qu’un seul défendeur dans l’action, soit le procureur général du Canada, qui représente l’État, Sa Majesté la Reine.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Barristers and Solicitors Act, R.S.B.C. 1979, ch. 26.

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 7, 8, 10b), 15.

Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, Doc. NA A/CONF. 62/122 et Corr. 1 à 11; 26 I.L.M. 1261.

Convention sur la haute mer, 29 avril 1958, 450 R.T.N.U. 11.

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 6(2)b).

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 48(1).

Loi sur la protection des pêches côtières, L.R.C. (1985), ch. C-33, art. 5.2 (édicté par L.C. 1994, ch. 14, art. 2), 6 (mod. par L.C. 1990, ch. 44, art. 14; 1992, ch. 1, art. 43; 1994, ch. 14, art. 3).

Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), art. 23(1) (mod., idem, art. 29).

Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), ch. S-22, art. 11(2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 103).

Règlement sur la protection des pêcheries côtières, C.R.C., ch. 413, art. 21 (mod. par DORS/95-136, art. 2; 95-222, art. 1).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 419, 1716, annexe, formule 2(2) (mod. par DORS/90-846, art. 25).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170; (1989), 60 D.L.R. (4th) 609; 41 Admin. L.R. 1; 37 C.P.C. (2d) 1; 71 C.R. (3d) 358; 42 C.R.R. 1; 98 N.R. 321; 35 O.A.C. 161; Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641(1990), 71 D.L.R. (4th) 253; 45 Admin. L.R. 1; 109 N.R. 357 (C.A.); Organisation nationale anti-pauvreté c. Canada (Procureur général), [1989] 3 C.F. 684(1989), 60 D.L.R. (4th) 712; 36 Admin. L.R. 197; 26 C.P.R. (3d) 440; 99 N.R. 181 (C.A.); inf. [1989] 1 C.F. 208(1988), 32 Admin. L.R. 1; 21 C.P.R. (3d) 305; 21 F.T.R. 33 (1re inst.); Imperial Chemical Industries PLC c. Apotex Inc., [1989] 2 C.F. 608(1989), 22 C.I.P.R. 201; 23 C.P.R. (3d) 1; 26 F.T.R. 32 (1re inst.); Liebmann c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1994] 2 C.F. 3(1993), 69 F.T.R. 81 (1re inst.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326; (1989), 103 A.R. 321; 64 D.L.R. (4th) 577; [1990] 1 W.W.R. 577; 71 Alta. L.R. (2d) 273; 45 C.R.R. 1; 102 N.R. 321; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; (1989), 56 D.L.R. (4th) 1; [1989] 2 W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 25 C.C.E.L. 255; 10 C.H.R.R. D/5719; 36 C.R.R. 193; 91 N.R. 255; R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296; (1989), 48 C.C.C. (3d) 8; 69 C.R. (3d) 97; 39 C.R.R. 306; 96 N.R. 115; 34 O.A.C. 115; Antonsen c. Canada (Procureur général), [1995] 2 C.F. 272(1995), 32 Admin. L.R. (2d) 237; 91 F.T.R. 1 (1re inst.).

DÉCISIONS CITÉES :

Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; (1980), 115 D.L.R. (3d) 1; 33 N.R. 304; Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; (1985), 18 D.L.R. (4th) 481; 12 Admin. L.R. 16; 13 C.R.R. 287; 59 N.R. 1; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S 959; (1990), 74 D.L.R. (4th) 321; [1990] 6 W.W.R. 385; 49 B.C.L.R. (2d) 273; 4 C.C.L.T. (2d) 1; 43 C.P.C. (2d) 105; 117 N.R. 321; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S 927; (1989), 58 D.L.R. (4th) 577; 25 C.P.R. (3d) 417; 94 N.R. 167; R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259; (1992), 88 D.L.R. (4th) 110; 70 C.C.C. (3d) 1; 8 C.R.R. (2d) 89; 133 N.R. 241; R. c. Pearson, [1992] 3 R.C.S. 665; (1992), 77 C.C.C. (3d) 124; 17 C.R. (4th) 1; 12 C.R.R. (2d) 1; 144 N.R. 243; 52 Q.A.C. 1; Kealey c. Canada (Procureur général), [1992] 1 C.F. 195(1991), 1 Admin. L.R. (2d) 138; 46 F.T.R. 107 (1re inst.).

REQUÊTE en radiation de parties de la déclaration et de la réponse des demandeurs à une demande de précisions. Requête accueillie en partie.

AVOCATS :

John R. Sinnott, c.r., pour les demandeurs.

John R. Power, c.r., et Michael F. Donovan pour le défendeur.

PROCUREURS :

Lewis, Sinnott & Heneghan, St. John’s, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge MacKay : En juillet 1995, les demandeurs ont intenté une action en dommages-intérêts par suite de l’arraisonnement et de la saisie en haute mer ainsi que de l’arrestation et de la détention subséquentes, en mars 1995, d’un chalutier espagnol et de l’arrestation de son capitaine par des fonctionnaires du gouvernement fédéral. L’action a été intentée contre le procureur général du Canada et le ministre des Pêches et Océans, les défendeurs désignés. Dans les présents motifs, le mot « défendeurs » renvoie à ces deux ministres de Sa Majesté, dont la qualité pour agir comme défendeurs constitue l’une des questions à trancher. Conformément à l’ordonnance rendue par les présentes, le défendeur sera ci-après le procureur général du Canada, en qualité de représentant de Sa Majesté la Reine. Les défendeurs ont répondu à la déclaration par une demande de précisions, lesquelles ont été fournies dans la réponse des demandeurs.

Les défendeurs demandent maintenant une ordonnance fondée sur le paragraphe 419(1) des Règles en vue de radier certaines parties de la déclaration des demandeurs et de leur réponse à la demande de précisions. Cette Règle, qui fait partie de la version modifiée des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, prévoit ce qui suit :

Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d’une action ordonner la radiation de tout ou partie d’une plaidoirie avec ou sans permission d’amendement, au motif

a) qu’elle ne révèle aucune cause raisonnable d’action ou de défense, selon le cas,

b) qu’elle n’est pas essentielle ou qu’elle est redondante,

c) qu’elle est scandaleuse, futile ou vexatoire,

d) qu’elle peut causer préjudice, gêner ou retarder l’instruction équitable de l’action,

e) qu’elle constitue une déviation d’une plaidoirie antérieure, ou

f) qu’elle constitue par ailleurs un emploi abusif des procédures de la Cour,

et elle peut ordonner que l’action soit suspendue ou rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

(2) Aucune preuve n’est admissible sur une demande aux termes de l’alinéa (1)a).

(3) Dans la présente Règle, « déviation » signifie ce qui est interdit par la Règle 411.

Les défendeurs invoquent quelques-uns des motifs énoncés au paragraphe 419(1) des Règles à l’égard de certaines parties des plaidoiries des demandeurs. J’examinerai ces parties après avoir passé brièvement en revue les faits à l’origine du litige que les demandeurs relatent dans leurs plaidoiries et après avoir commenté brièvement les principes généraux qui ont été établis au sujet de l’application du paragraphe 419(1).

En plus de la radiation de certaines parties des plaidoiries des demandeurs, les défendeurs demandent une prorogation du délai relatif au dépôt de leur défense ainsi qu’une modification de l’intitulé de la cause en ce qui les concerne.

Les faits à l’origine du litige

La demanderesse Jose Pereira E Hijos, S.A. est une société constituée sous le régime des lois espagnoles et le propriétaire-exploitant du bateau de pêche Estai. Le demandeur, qui est citoyen de l’Espagne, était pendant la période pertinente le capitaine du navire Estai, qu’il a piloté avec un équipage espagnol sous le pavillon de l’Espagne.

En mars 1995, le navire Estai était exploité dans le cadre d’activités de pêche dans les eaux internationales, plus précisément dans la région visée par la Convention de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (la zone de réglementation de l’OPAN) située à l’est des eaux canadiennes et des eaux des pêcheries canadiennes de l’Océan Atlantique nord. Le 6 mars, le navire Estai est sorti de la zone de réglementation de l’OPAN par suite d’un avis dans lequel les autorités canadiennes menaçaient de saisir les navires espagnols utilisés pour la pêche au turbot dans ladite zone, le Canada soutenant que les navires espagnols avaient dépassé leur quota.

Le 8 mars 1995, le navire Estai est retourné aux lieux de pêche de la zone de réglementation de l’OPAN après avoir reçu des autorités espagnoles un avis selon lequel le bateau pouvait continuer à pêcher en se fondant sur le quota combiné de la Communauté européenne. Le lendemain, alors qu’il se trouvait dans la zone de réglementation de l’OPAN, le navire Estai a été approché par une équipe d’arraisonnement armé du navire de surveillance des pêches canadien, le Cape Roger, mais le navire Estai a accéléré dans le but évident d’éviter l’équipe d’arraisonnement. Le Leonard Cowley, un autre navire de surveillance des pêches canadien, et le Sir Wilfred Grenfell, un bateau de la Garde côtière canadienne, se sont joints au Cape Roger afin de pourchasser le navire Estai. Après la poursuite, alors que le navire Estai se trouvait en haute mer, à l’extérieur et à l’est de la zone de réglementation de l’OPAN, les bateaux canadiens ont d’abord tiré un coup de canon à eau et deux rafales de mitrailleuse pour prévenir le navire espagnol; le navire Estai s’est alors déhalé et une équipe d’arraisonnement armé canadienne formée d’agents de la GRC et d’agents des pêches ont arraisonné et saisi le navire Estai et arrêté son capitaine.

Malgré les objections de l’équipage espagnol, le navire Estai et son équipage ont été conduits à St. John’s à travers les glaces de l’Arctique, ce qui aurait causé des dommages au navire. À son arrivée au port de St. John’s le 12 mars, le navire a été immobilisé. Une manifestation importante était en cours sur les quais. Lorsque le capitaine, le demandeur dans l’action, qui était alors en état d’arrestation, a été conduit à travers une foule de manifestants en colère jusqu’au palais de justice, il soutient qu’il a été maltraité, bousculé, frappé et soumis à des obscénités.

Le 14 mars 1995, deux ou trois jours après l’arrivée du navire Estai à St. John’s, le déchargement de la cargaison de poisson se trouvant à bord du bateau a été entrepris sous la direction des défendeurs et n’a cessé que lorsqu’une entente a été conclue en vue de la remise d’un cautionnement de 500 000 $. Le navire et le reste de sa cargaison ont alors été libérés.

Le 18 avril 1995, les défendeurs ont informé les demandeurs que les accusations portées contre le navire Estai et son capitaine seraient suspendues. Le lendemain, le cautionnement qui avait été déposé a été remis ainsi que les intérêts. Le poisson qui avait été déchargé a été retourné à la société demanderesse et Sa Majesté a apparemment payé les frais de cet envoi.

Les demandeurs ont intenté la présente action au moyen d’une déclaration déposée le 28 juillet 1995. Une demande de précisions a été déposée au nom des défendeurs le 24 août 1995 et les demandeurs ont déposé une réponse à cette demande le 18 octobre de la même année. Par la suite, dans une requête datée du 6 décembre 1995 et entendue les 15 et 16 mai 1996 à St. John’s, les défendeurs ont demandé à la Cour de radier certaines parties des plaidoiries des demandeurs.

Accusant les défendeurs d’intrusion, de voies de fait, de poursuites abusives et de navigation négligente, les demandeurs réclament d’eux des dommages-intérêts, y compris des dommages-intérêts spéciaux et généraux ainsi que des dommages-intérêts punitifs et exemplaires. Des dommages-intérêts spéciaux sont réclamés pour la détention du navire Estai du 9 au 15 mars, pour les dommages causés au navire par la glace au cours du trajet vers St. John’s, pour la perte de jours de pêche entre la saisie et la fin de mars, pour les frais d’exploitation engagés par le navire depuis le lieu de saisie jusqu’à St. John’s et pour le trajet de retour ainsi que pour les frais engagés pour le navire et son équipage, le cautionnement et les autres dépenses faites à St. John’s. À l’alinéa 43b) de la déclaration, des dommages-intérêts généraux sont réclamés en ces termes :

[traduction] Des dommages-intérêts généraux à l’égard d’actes d’intrusion et d’actes portant atteinte à la sécurité en haute mer, d’actes de piraterie, de mesures de confiscation illégale, de la saisie illégale du navire « ESTAI », de l’arrestation illégale du capitaine Davila, le demandeur, d’actes de négligence, de la détention illégale des préposés et mandataires de la demanderesse, notamment l’équipage du navire « ESTAI », de la poursuite abusive du navire « ESTAI » et du capitaine Davila, le demandeur, de procédures abusives, de l’omission de protéger le capitaine Davila pendant que celui-ci était détenu, de l’entrave au droit, reconnu par la Charte, d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat (alinéa 10b)) ainsi que de l’entrave aux droits reconnus aux articles 7, 8 et 15 de la Charte, de l’éviction de l’équipage du navire « ESTAI » et du déchargement illégal de la cargaison.

Les demandeurs réclament également des dommages-intérêts punitifs et exemplaires.

La requête visant à radier certaines parties des plaidoiries des demandeurs

Dans leur requête portant radiation, les défendeurs expliquent leurs objections à l’égard de plusieurs parties de la déclaration des demandeurs et de la réponse de ceux-ci à la demande de précisions. Les objections concernent les allégations que les défendeurs ont classées sous les rubriques du droit international, des poursuites abusives, de l’entrave à certains droits reconnus par la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] et d’autres questions. Avant d’examiner les objections détaillées, il convient de passer brièvement en revue les principes généraux qui sont reconnus en ce qui a trait à l’application du paragraphe 419(1) des Règles de la Cour fédérale relativement à la radiation des plaidoiries. La plupart de ces principes généraux ont été établis par la Cour suprême du Canada tant à l’égard du paragraphe 419(1) susmentionné qu’à l’égard des règles similaires que les cours provinciales appliquent dans les provinces de common law. (Voir Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959.)

Selon ces principes généraux, lorsqu’elle est saisie d’une requête portant radiation de la totalité ou d’une partie des plaidoiries, la Cour ne doit pas examiner les questions quant au fond comme elle le ferait à l’instruction; la Cour hésite généralement à radier des plaidoiries, compte tenu du droit d’une partie d’être entendue sur le fond; lorsque les faits plaidés sont tenus pour avérés, ce n’est que dans les cas où il est évident que ces faits ne soulèvent aucune cause d’action que la Cour acceptera de radier la plaidoirie. Ce sont là les principes qui sous-tendent l’examen par la Cour des objections fondées sur les motifs spécifiques énoncés aux alinéas b) à f) du paragraphe 419(1) des Règles.

Un autre principe général débattu en l’espèce concerne le moment auquel une ordonnance portant radiation peut être rendue. Dans la présente affaire, les demandeurs soutiennent qu’en présentant leur demande de précisions, à laquelle les demandeurs ont répondu, les défendeurs ont franchi une étape de la procédure qui devrait empêcher l’examen subséquent d’une requête visant à radier des plaidoiries antérieures. À mon avis, le paragraphe 419(1) des Règles porte expressément sur cette question : elle prévoit que « La Cour pourra, à tout stade d’une action ordonner la radiation de tout ou partie d’une plaidoirie avec ou sans permission d’amendement ». La Règle accorde indubitablement à la Cour le pouvoir discrétionnaire de statuer sur une demande de radiation en tout temps au cours de l’action.

Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, des parties défenderesses ont simplement demandé des précisions au sujet de questions alléguées dans une déclaration, qu’elles ont reçu ces précisions, mais qu’elles n’ont pas encore déposé de défense, elles peuvent, à mon avis, présenter une demande de radiation sans permission, étant donné qu’elles ont agi en temps opportun, et la Cour peut ordonner la radiation, en tout ou en partie, des plaidoiries conformément aux principes généraux exposés ci-dessus. Même s’il est assez irrégulier qu’une partie, après avoir obtenu les précisions qu’elle a formellement demandées, demande ensuite la radiation des précisions fournies, lorsque ces précisions concernent des faits qui n’améliorent nullement le fondement factuel d’une allégation erronée qui est contestée, il convient de radier tant l’allégation que les précisions. Si l’allégation n’est pas radiée, les précisions fournies en réponse à une demande ne devraient pas être radiées, sauf s’il existe un autre motif valable, notamment dans le cas des allégations qui concernent le droit et non les faits.

Allégations concernant le droit international

Les allégations des demandeurs qui concernent le droit international et auxquelles les défendeurs s’opposent comprennent les suivantes.

a) Dans la déclaration, les demandeurs allèguent ce qui suit :

[traduction] 8…. le navire M.V. « ESTAI » était assujetti à la compétence exclusive de l’Espagne conformément au droit maritime, aux principes reconnus du droit international, au droit espagnol, au droit canadien, à l’article 6 de la Convention sur la haute mer faite à Genève en 1958 et à l’article 92.1 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.

16. Les navires… [soit certains navires canadiens exploités sous le contrôle des défendeurs] … ont continué à poursuivre illégalement le navire « ESTAI » dans les eaux internationales, parfois sous un brouillard épais, et contrairement au principe de la liberté en mer et de la règle de droit.

Les mots des paragraphes 8 et 16 qui sont soulignés ci-dessus sont contestés et les défendeurs en demandent la radiation.

b) Au paragraphe 3 de la réponse à la demande de précisions des défendeurs, qui concernait les [traduction] « principes reconnus du droit international » et le « droit canadien » dont il est fait mention au paragraphe 8 de la déclaration, les principes suivants sont allégués :

— le principe selon lequel tous les États ont librement accès à la haute mer et aucun État ne peut assujettir une partie de celle-ci à sa souveraineté;

— le principe selon lequel tous les navires sont assujettis à la compétence et ont droit à la protection de l’État dont ils battent pavillon;

— le principe selon lequel les États peuvent pêcher en haute mer;

— le principe selon lequel, même si un État peut contrôler la pêche dans ses eaux territoriales et dans une zone économique en bordure de ses côtes, cette zone ne peut dépasser 200 milles marins depuis les lignes côtières concernées.

Pour chacun des principes mentionnés, les demandeurs relèvent également des conventions internationales particulières sur les pratiques en haute mer, celles de 1958 [Convention sur la haute mer, 29 avril 1958, 450 R.T.N.U. 11] et de 1982 [Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, Doc. NA A/CONF. 62/122 et Corr. 1 à 11; 26 I.L.M. 1261].

De plus, les demandeurs allèguent que tous les principes relevés constituent des [traduction] « principes reconnus en droit canadien, étant donné que le Canada applique la règle de droit, y compris les principes reconnus du droit international ».

c) Au paragraphe 14 de leur réponse à la demande de précisions des défendeurs, les demandeurs répondent à la demande de précisions concernant les lois visées par l’allégation de transgression qui découle de l’utilisation de l’adjectif « illégal » aux paragraphes désignés de la déclaration. Au paragraphe 15 de leur réponse, les demandeurs répondent à la demande similaire des défendeurs en ce qui a trait aux lois visées par l’allégation de transgression qui découle de l’utilisation de l’adverbe « illégalement » dans certains autres paragraphes. Les réponses des demandeurs comprennent, aux sous-alinéas 14a)(i), 14c)(i), 14h)(i) et 15a)(i), les mots [traduction] « règles de droit international accordant la compétence exclusive à l’État du pavillon ».

Les défendeurs soutiennent que, dans tous les cas a), b) et c) qui précèdent, ces allégations outrepassent la compétence de la Cour et constituent un emploi abusif des procédures de celle-ci, qu’elles ne révèlent aucune cause raisonnable d’action, qu’elles ne sont pas essentielles et qu’elles sont gênantes.

Les défendeurs soutiennent essentiellement qu’en invoquant les principes de droit international, les demandeurs cherchent à faire reconnaître la priorité de ces principes par rapport aux règles de droit du Canada, notamment le Règlement sur la protection des pêcheries côtières (le Règlement) [C.R.C., ch. 413], modifié par le décret C.P. 1995-372 en date du 3 mars 1995, DORS/95-136, qui a été publié dans la Gazette du Canada, partie II, vol. 129, no 6, le 22 mars 1995. Ces modifications touchant le Règlement pris en application de la Loi sur la protection des pêcheries côtières, L.R.C. (1985), ch. C-33, et ses modifications, devaient apparemment porter sur des espèces de poisson classées dans la catégorie des « stocks chevauchants » et sur certains poissons autres que le poisson de fond et réglementer la pêche dans les zones de réglementation de l’OPAN par les navires de certains États, y compris les navires espagnols. De l’avis des défendeurs, les actions reprochées ont été entreprises en application du Règlement modifié et des règles de droit interne qui, à leur avis, « occupent le champ » et dont la Cour doit reconnaître la primauté.

Les principes régissant l’application des règles de droit international par nos tribunaux sont bien reconnus et les demandeurs ne les contestent pas en l’espèce. Ces principes peuvent être résumés comme suit : les principes reconnus du droit international coutumier sont acceptés et considérés par les tribunaux canadiens comme des principes faisant partie des règles de droit interne, sauf, bien entendu, s’ils vont à l’encontre de celles-ci. Lorsqu’ils interprètent les règles de droit interne, qu’elles soient d’origine législative ou qu’il s’agisse de règles de common law, les tribunaux cherchent à éviter toute interprétation ou application allant à l’encontre des principes reconnus du droit international. Dans la mesure où ces principes sont énoncés dans des conventions internationales ou découlent de conventions internationales pouvant aller à l’encontre des règles de droit interne, elles font partie du droit canadien uniquement lorsque le Parlement ou une assemblée législative provinciale adopte une disposition législative en ce sens en se fondant sur la Constitution.

Les demandeurs soutiennent qu’ils reconnaissent les principes régissant les liens entre les règles de droit international et les règles de droit interne. Ils ne contestent pas le fait qu’en cas de contradiction, les tribunaux appliqueront les règles de droit interne. Ils allèguent cependant que le Règlement modifié est illégal pour plusieurs raisons et demandent la possibilité de faire cette preuve à l’instruction. Certaines de ces raisons concernent la Charte, dont il sera question plus loin. Les demandeurs font aussi valoir que le Règlement dépasse la compétence dont le gouverneur en conseil est investi en vertu des dispositions pertinentes de la Loi sur la protection des pêcheries côtières. À mon avis, dans la mesure où les faits allégués sont vrais, l’allégation concernant la validité du Règlement est défendable et la Cour n’empêchera pas les demandeurs de la soulever à l’instruction.

Cette question, qui est fondamentale pour l’action en l’espèce, peut être soulevée sans qu’il soit nécessaire de mentionner dans la déclaration ou dans les précisions des traités ou des conventions internationaux spécifiques qui, dans la mesure où ils sont considérés comme une source de droit, seront appliqués dans l’action uniquement s’ils sont intégrés dans les règles de droit interne du Canada aux termes d’une disposition législative explicite. Dans la mesure où les conventions ou traités internationaux sont considérés comme une source des principes de droit international, il n’est pas nécessaire de les plaider de façon spécifique, de la même façon qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer d’autres sources, p. ex., des jugements ou des lois, et cette allégation ne concerne pas des faits, mais des points de droit, qui ne doivent pas être plaidés. À mon avis, il y a lieu de radier du dossier les phrases, mots ou expressions renvoyant à des conventions particulières au paragraphe 8 de la déclaration et aux alinéas 3a), b), c) et d) de la réponse à la demande de précisions.

J’ordonne que les mots [traduction] « et allant à l’encontre de la liberté en mer et de la règle de droit » du paragraphe 16 de la déclaration soient radiés, parce qu’ils constituent une conclusion de droit.

La dernière objection des défendeurs au sujet des allégations relevant du droit international concerne les parties des réponses à la demande de précisions qui portent sur les lois visées par l’utilisation de l’adjectif « illégal » ou de l’adverbe « illégalement » aux paragraphes 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 27, 28, 30 et 43 de la déclaration. La réponse renvoie, notamment, à la transgression des [traduction] « règles de droit international accordant la compétence exclusive à l’État du pavillon ». Ces mots descriptifs renvoient à une source de droit que les demandeurs invoquent et qui est précisée dans la réponse, comme les défendeurs l’ont demandé. À mon avis, ils ne devraient pas être radiés.

J’en arrive à cette conclusion au sujet des parties susmentionnées à radier parce qu’à mon avis, elles ne sont pas essentielles et sont redondantes. Elles ne portent pas sur des faits essentiels, mais plutôt sur des points de droit, questions qui ne doivent pas être alléguées, parce que ce n’est pas nécessaire. En conséquence, il y a lieu de radier ces parties conformément à l’alinéa 419(1)b) des Règles.

J’aimerais préciser que je n’ordonne pas la radiation des mots [traduction] « principes reconnus du droit international » du paragraphe 8 de la déclaration, ni des principes visés par les descriptions générales du paragraphe 3 de la réponse à la demande de précisions des défendeurs ou encore des renvois généraux, aux paragraphes 14 et 15 de la réponse, aux [traduction] « règles de droit international accordant la compétence exclusive à l’État du pavillon ». À mon avis, le paragraphe 8 décrit l’exploitation du navire Estai sous le pavillon espagnol et le régime juridique, y compris différentes sources de droit, auquel le navire était assujetti avant sa saisie, notamment le droit espagnol et le droit canadien. Ce régime comprendrait également les principes reconnus du droit international, question qui, à mon avis, fait partie de la description factuelle du régime juridique applicable en l’espèce. Dans la mesure où les défendeurs ont demandé des précisions au sujet des principes reconnus du droit international, ils les ont obtenues au paragraphe 3 desdites précisions, sans tenir compte des conventions ou traités spécifiques qui renferment ces principes, lesquelles conventions ne doivent cependant pas être invoquées et doivent donc être radiées. La description générale, aux paragraphes 14 et 15 de la réponse, des règles de droit international comme l’une des sources de droit visées par les mots « illégal » ou « illégalement » que les demandeurs ont utilisés dans différents paragraphes de la déclaration, constituait simplement une partie de la réponse qu’ils ont fournie par suite de la demande de précisions des défendeurs. Les défendeurs n’ont nullement demandé que les mots « illégal » ou « illégalement » soient radiés partout où ils étaient utilisés dans la déclaration et les descriptions générales des sources de droit qui sont mentionnées dans la réponse par suite de la demande des défendeurs et qui constituent un fondement de l’évaluation de ladite réponse ne devraient pas en être radiées.

Allégations de poursuites abusives

Les défendeurs soutiennent que les allégations selon lesquelles les accusations étaient illégales et abusives, qu’elles ont été portées de mauvaise foi et sans motif raisonnable et qu’elles découlaient manifestement d’un exercice abusif du pouvoir de poursuivre devraient toutes être radiées. Selon les défendeurs, ces allégations des demandeurs sont scandaleuses, futiles ou vexatoires et ne révèlent aucune cause raisonnable d’action.

Voici les parties de la déclaration qui appartiennent à cette catégorie :

(i) au paragraphe 30 de la déclaration, les mots [traduction] « et faites de mauvaise foi » qui sont utilisés pour décrire les actions des préposés de la défenderesse lors de l’arraisonnement du navire « ESTAI » et des accusations subséquemment portées contre le capitaine, c’est-à-dire le demandeur dans l’action, et le navire.

(ii) l’ensemble du paragraphe 41 de la déclaration, qui renvoie à un conflit entre le Canada et la Communauté européenne et selon lequel la saisie du navire Estai et l’arrestation de son capitaine et les accusations portées contre eux visaient à forcer la Communauté à accepter les propositions canadiennes au sujet du turbot et peut-être au sujet de certaines autres espèces. Voici la conclusion de ce paragraphe :

[traduction] Les demandeurs déclarent que les défendeurs n’avaient pas de motifs raisonnables d’intenter des poursuites contre le demandeur … Gonzalez et le … navire « ESTAI » et qu’ils ont utilisé le système de justice pénale à des fins auxquelles il n’était pas destiné et ont donc exercé de façon abusive les fonctions du procureur général et du ministre des Pêches et Océans. Les demandeurs affirment que la saisie, les arrestations et les accusations ont été faites de mauvaise foi par les défendeurs et que les poursuites étaient abusives.

(iii) au paragraphe 42 de la déclaration, où ils décrivent l’utilisation par les défendeurs du canon à eau et des mitrailleuses et l’arraisonnement du navire Estai en haute mer à l’aide d’armes automatiques comme des mesures tyranniques et oppressives justifiant des dommages-intérêts punitifs, les demandeurs concluent par les mots suivants dont les défendeurs demandent la radiation :

[traduction] Les demandeurs ajoutent que les actions des défendeurs ont été précipitées par une faille du régime de quota de pêche en vigueur jusqu’à cette date et que les accusations portées contre le demandeur … Gonzalez et le … navire « ESTAI » ainsi que la négociation entreprise par les défendeurs relativement à celles-ci constituaient manifestement un exercice abusif du pouvoir de poursuivre et une procédure abusive qui justifient l’octroi de dommages-intérêts punitifs et exemplaires contre eux.

(iv) le paragraphe 12 de la réponse des demandeurs à la demande de précisions devrait également être radié en entier, de l’avis des défendeurs. Voici le texte de ce paragraphe :

[traduction] Entre le 12 mars et le 16 avril 1995, les défendeurs ont négocié avec l’Union européenne au sujet des quotas de poisson et des règlements applicables aux bateaux de pêche de l’Union européenne et du Canada dans les eaux internationales à l’est des eaux des pêcheries canadiennes. Les défendeurs sont au courant des détails relatifs à cette négociation, à laquelle ils ont participé. L’arraisonnement et la saisie du navire « ESTAI » visaient à forcer l’Union européenne à s’asseoir à la table de négociation et, lorsqu’une entente a été conclue entre l’Union et le Canada le 16 avril 1995, elle était assujettie à la condition que les accusations portées contre le demandeur Enrique Davila Gonzalez et le navire « ESTAI » soient suspendues, à ce que le cautionnement relatif au capitaine Davila et au navire « ESTAI » soit remis et à ce que le poisson saisi à bord du navire « ESTAI » soit retourné. La négociation a eu lieu entre l’Union européenne et le Canada.

Pour demander la radiation des allégations de poursuites abusives, les défendeurs soutiennent que les éléments du délit ou de la faute que constituent les poursuites abusives n’ont pas été établis dans les allégations des demandeurs. Selon les défendeurs, les demandeurs ne pourraient avoir gain de cause en ce qui a trait à ces allégations, qui sont donc futiles et vexatoires dans les circonstances.

Dans l’arrêt Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170, aux pages 192 à 194, le juge Lamer, alors juge puîné, a énoncé en ces termes les critères applicables aux poursuites abusives :

Le demandeur doit prouver quatre éléments pour obtenir gain de cause dans une action pour poursuites abusives :

a) les procédures ont été engagées par le défendeur;

b) le tribunal a rendu une décision favorable au demandeur;

c) l’absence de motif raisonnable et probable;

d) l’intention malveillante ou un objectif principal autre que celui de l’application de la loi.

Un motif raisonnable et probable a été décrit comme [traduction] « la croyance de bonne foi en la culpabilité de l’accusé, basée sur la certitude, elle-même fondée sur des motifs raisonnables, de l’existence d’un état de faits qui, en supposant qu’ils soient exacts, porterait raisonnablement tout homme normalement avisé et prudent, à la place de l’accusateur, à croire que la personne inculpée était probablement coupable du crime en question » …

Ce critère comporte à la fois un élément subjectif et un élément objectif. Il doit y avoir une croyance réelle de la part du poursuivant et cette croyance doit être raisonnable dans les circonstances. La question de l’existence d’un motif raisonnable et probable est à décider par le juge et non par le jury.

Pour avoir gain de cause dans une action pour poursuites abusives intentée contre le procureur général ou un procureur de la Couronne, le demandeur doit prouver à la fois l’absence de motif raisonnable et probable pour engager les poursuites et la malveillance prenant la forme d’un exercice délibéré et illégitime des pouvoirs de procureur général ou de procureur de la Couronne … À mon avis, ce fardeau incombant au demandeur revient à exiger que le procureur général ou le procureur de la Couronne ait commis une fraude dans le processus de justice criminelle …

… un demandeur qui intente une action pour poursuites abusives ne se lance pas dans une entreprise facile. Il doit non seulement s’acquitter de la tâche notoirement difficile de prouver un fait négatif, c’est-à-dire l’absence de motif raisonnable et probable, mais il doit également satisfaire à une norme très élevée en matière de preuve s’il veut éviter le non-lieu ou le verdict imposé.

Les demandeurs soutiennent quant à eux que les éléments du délit de poursuites abusives sont effectivement invoqués dans leur déclaration et leurs précisions, les demandeurs ayant relevé les aspects relatifs à l’objet malveillant ou inapproprié des mesures prises par les préposés des défendeurs. Cependant, comme les défendeurs le soulignent, il n’est nullement prouvé ni même allégué que la demanderesse a été accusée d’avoir commis une infraction. Dans la mesure où le demandeur Gonzalez est concerné, les défendeurs soutiennent que les faits justifiant les accusations portées contre lui sous le régime de la Loi sur la protection des pêcheries côtières et du Règlement s’y rapportant sont énoncés dans les plaidoiries des demandeurs eux-mêmes. L’article 5.2 de la Loi, édicté en 1994 par L.C. 1994, ch. 14 [article 2], prévoit ce qui suit :

5.2 Il est interdit aux personnes se trouvant à bord d’un bateau de pêche étranger d’une classe réglementaire de pêcher, ou de se préparer à pêcher, dans la zone de réglementation de l’OPAN, des stocks chevauchants en contravention avec les mesures de conservation et de gestion prévues par les règlements.

Le Règlement modifié a pour effet d’inclure les navires espagnols dans la classe réglementaire et couvre les poissons de différentes espèces, notamment le turbot, espèce apparemment pêchée par le navire Estai.

À mon avis, les défendeurs ont raison de dire que les plaidoiries des demandeurs établissent que les personnes ayant agi au nom des défendeurs se sont fondées sur des motifs raisonnables aux termes de la Loi et du Règlement. Les demandeurs contestent la validité du Règlement; cependant, à mon sens, même s’ils ont gain de cause à l’instruction, les personnes qui ont agi au nom des défendeurs en mars 1995 aux termes de la Loi et du Règlement qui s’appliquaient alors se sont fondées sur des motifs raisonnables à l’époque.

À mon sens, dans les circonstances, il est permis de dire que leurs mesures étaient appuyées par la présomption de validité d’un texte législatif, laquelle présomption s’applique encore, sauf si elle est réfutée dans une action ultérieure. Ainsi, les demandeurs ne pourraient prouver qu’en mars 1995, les personnes agissant au nom des défendeurs n’avaient aucun motif raisonnable d’agir comme elles l’ont fait.

De plus, dans la mesure où les demandeurs soutiennent que le Règlement portant modification visait un objet illégal, même s’ils ont gain de cause à ce sujet à l’instruction, cette question concerne la validité du Règlement et non la nature, délictueuse ou autre, d’une poursuite fondée sur ledit Règlement.

À mon avis, un des éléments clés du délit de poursuites abusives n’a pas été plaidé en l’espèce et cet élément, soit l’absence de motif raisonnable, ne pourrait être établi même s’il avait été invoqué. J’en arrive à la conclusion que la plupart des allégations qui concernent les poursuites abusives et dont les demandeurs demandent la radiation devraient être radiées des plaidoiries des demandeurs. Pour cette raison, je ne suis pas disposé à ordonner la radiation des mots du paragraphe 12 de la réponse à la demande de précisions qui renvoient aux négociations entre le Canada et l’Union européenne et qui visent à répondre à la demande des défendeurs. Seuls les mots des lignes 8 à 10 de ce paragraphe qui renvoient à l’objet de l’arraisonnement et de l’arrestation du navire Estai dans le contexte du délit de poursuites abusives doivent être radiés.

Allégations concernant les contraventions à la Charte

Les demandeurs soutiennent que certains droits reconnus par la Charte ont été transgressés et les défendeurs demandent la radiation de toutes ces allégations au motif qu’elles sont futiles ou vexatoires et qu’elles ne révèlent aucune cause raisonnable d’action. Voici un résumé des allégations des demandeurs, des objections des défendeurs et de mes propres conclusions à ce sujet.

En ce qui a trait à l’article 7 de la Charte, les demandeurs allèguent, au paragraphe 34, que les modifications apportées à la Loi par le décret C.P. 1995-372 du 3 mars 1995, qui constituent en réalité des modifications apportées au Règlement, vont à l’encontre de cette disposition, selon laquelle « [c]hacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Cette transgression découlerait du fait que le Règlement vise les navires espagnols et portugais, plutôt que l’ensemble des navires, et qu’il prévoit l’imposition de mesures de conservation et de gestion à l’égard de ces navires seulement.

Au cours des plaidoiries, les avocats des deux parties ont convenu que la demanderesse ne pouvait revendiquer des droits fondés sur l’article 7 de la Charte ni soutenir que ces droits auraient été transgressés (voir l’arrêt Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, à la page 1004, par le juge en chef Dickson). À l’instar du défendeur, je reconnais que, dans la mesure où cette allégation concerne les droits du demandeur en qualité de capitaine du navire Estai, la plainte porte sur le fait qu’il a été traité différemment des autres en raison de sa nationalité, compte tenu de la description d’une « classe » de bateau adoptée par les modifications apportées en 1995 au Règlement. Il s’agit essentiellement d’un argument qui concerne l’égalité et auquel l’article 15 de la Charte s’applique. Les droits à l’égalité qui sont visés par l’article 15 ne sont généralement pas considérés comme des garanties auxquelles s’applique l’article 7, du moins pour l’examen de la validité d’une loi ou d’un règlement (voir R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la page 310, par le juge en chef Lamer; R. c. Pearson, [1992] 3 R.C.S. 665, aux pages 688 et 689, par le juge en chef Lamer).

J’en arrive à la conclusion que l’allégation qui figure au paragraphe 34 de la déclaration et selon laquelle les modifications apportées en 1995 au Règlement vont à l’encontre de l’article 7 de la Charte devrait être radiée. Cette allégation est futile et ne révèle aucune cause d’action raisonnable, étant donné qu’elle ne serait pas retenue à l’instruction comme fondement de la réparation demandée.

En ce qui a trait à l’article 8 de la Charte, les demandeurs allèguent, au paragraphe 35 de leur déclaration, qu’en s’appliquant aux navires espagnols ou portugais, mais non aux navires des autres pays, le Règlement modifié en 1995 vise à autoriser des fouilles, perquisitions et saisies abusives, contrairement à l’article 8. Au soutien de leur allégation, les demandeurs font valoir que le propriétaire du navire, l’employeur du capitaine de celui-ci et le capitaine lui-même ont le droit de soutenir que les fouilles, perquisitions et saisies fondées sur la Loi et le Règlement sont inconstitutionnelles, parce qu’elles vont à l’encontre de l’article 8 de la Charte, et de réclamer une indemnité à cet égard.

À mon avis, les défendeurs ont raison de dire que la Loi permet les fouilles, perquisitions et saisies des navires qui ne respectent pas la Loi et le Règlement et que, selon celui-ci, une force raisonnable doit être utilisée pour la détention des navires en mer. Aucune de ces dispositions ne s’applique exclusivement aux navires espagnols ou portugais, même si le Règlement modifié régit la pêche uniquement dans le cas des navires appartenant à ces nationalités ainsi que des navires sans nationalité et des navires de certains pays communément reconnus comme des pays qui fournissent des pavillons de complaisance pour l’immatriculation de bateaux faisant par ailleurs l’objet d’un contrôle minime. À l’instar des défendeurs, j’estime que l’allégation énoncée au paragraphe 35, qui concerne le traitement discriminatoire des navires espagnols et portugais, est une revendication portant sur l’égalité dans le contexte de l’article 15 de la Charte et non de l’article 8. S’il est possible d’alléguer que le Règlement permet des fouilles, perquisitions ou saisies abusives, ce n’est pas parce que la Loi et le Règlement autorisent ces mesures uniquement ou principalement à l’égard des navires espagnols ou portugais. La Cour ne reconnaîtrait donc pas cette allégation du paragraphe 35 de la déclaration comme fondement de la demande de réparation; à mon avis, cette allégation devrait donc être radiée, parce qu’elle est futile et ne révèle aucune cause d’action.

Au paragraphe 24 de leur déclaration, les demandeurs allèguent qu’à l’arrivée du navire Estai à St. John’s, les défendeurs ont refusé de fournir au capitaine et au navire une possibilité raisonnable de retenir les services d’un avocat au sujet des accusations portées contre eux, contrairement à l’alinéa 10b) de la Charte, qui assure à chacun le droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat en cas d’arrestation ou de détention. D’après les faits allégués, le capitaine n’a pas eu le temps de consulter un avocat avant de comparaître devant le tribunal, mais aucune précision de cette nature n’est donnée de façon explicite dans le cas du navire, sauf l’allégation générale quant à l’impossibilité d’avoir recours à l’assistance d’un avocat, faute de temps.

Il n’est pas certain que les propriétaires d’un navire saisi auraient des droits au sens de l’alinéa 10b) de la Charte. Cette question pourra être soumise à l’instruction, si les demandeurs modifient leur déclaration en invoquant les faits sur lesquels ils se fondent pour soutenir que les propriétaires du navire n’ont pas eu suffisamment de temps pour consulter un avocat. Dans les circonstances, l’omission de modifier le paragraphe 24 de la déclaration dans le délai raisonnable fixé par l’ordonnance concernant la demande de radiation entraînera la radiation des renvois au navire Estai auxquels les défendeurs s’opposent.

Selon les dernières allégations des demandeurs qui concernent la Charte, auxquelles les défendeurs s’opposent et qui figurent aux paragraphes 32 et 33 de la déclaration, le Règlement va à l’encontre du droit des demandeurs qui est reconnu à l’article 15 de la Charte en cherchant à assujettir deux nations seulement à la réglementation canadienne et en prescrivant des mesures de conservation et de gestion applicables uniquement aux navires de ces nations. Le Règlement créerait une forme de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale et l’origine ethnique.

Les défendeurs soulignent à juste titre que le Règlement s’applique aux navires de l’Espagne et du Portugal et non aux personnes physiques; cependant, à mon avis, le fait d’empêcher, par la radiation à ce stade-ci, les demandeurs de soutenir à l’instruction que les personnes pilotant ces navires, habituellement des ressortissants de l’État dont ils battent pavillon, du moins dans le cas des navires espagnols, seraient directement touchées par l’application du Règlement modifié en 1995 aurait pour effet d’ignorer une conséquence importante dudit Règlement.

Les défendeurs font valoir qu’à tout événement, la société demanderesse n’a pas de cause d’action raisonnable aux termes de l’article 15 de la Charte, qui s’applique expressément aux personnes physiques. Selon les demandeurs, cette question n’est pas tranchée de façon définitive, même s’ils reconnaissent le refus aux personnes morales du droit de demander une réparation fondée sur l’article 15, d’après les remarques dissidentes que le juge La Forest a formulées dans l’arrêt Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326, à la page 1382, et que les autres membres de la Cour suprême n’ont pas commentées. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641 (C.A.), aux pages 656 et 657, l’absence de qualité des personnes morales a été confirmée par le juge Iacobucci, juge en chef de la Cour d’appel, qui faisait alors allusion aux commentaires que le juge Stone, également de la Cour d’appel, a formulés au sujet de la qualité d’agir d’une société sans but lucratif aux termes de l’article 15 dans l’arrêt Organisation nationale anti-pauvreté c. Canada (Procureur général), [1989] 3 C.F. 684 (C.A.), aux pages 703 et 704. Les défendeurs citent également l’arrêt Imperial Chemical Industries PLC c. Apotex Inc., [1989] 2 C.F. 608 (1re inst.), aux pages 620 à 622, où le juge Rouleau a radié les parties de la défense et de la demande reconventionnelle de la défenderesse qui étaient fondées sur l’article 15 de la Charte, au motif que cette disposition ne s’applique pas aux personnes morales. À mon avis, il faut reconnaître que la Cour fédérale a réglé cette question et, par conséquent, toute demande de réparation de la demanderesse fondée sur l’article 15 de la Charte est radiée au motif qu’elle ne soulève aucune cause d’action raisonnable.

En ce qui a trait au demandeur, les défendeurs font valoir que l’allégation fondée sur l’article 15 est futile et vexatoire et ne révèle aucune cause d’action raisonnable, parce que le demandeur n’allègue pas que le Règlement [traduction] « l’a lésé ou visait à le léser parce qu’il est de nationalité ou d’origine espagnole » et que, de plus, les [traduction] « pêcheurs espagnols s’adonnant à la pêche dans les eaux internationales au large de la côte du Canada ne constituent pas un groupe défavorisé sur le plan social, politique et juridique dans notre société », de sorte que le Règlement ne peut créer un traitement discriminatoire aux termes de l’article 15 de la Charte.

En ce qui a trait à la première des lacunes relevées par les défendeurs, je souligne qu’au paragraphe 32 de la déclaration, après avoir allégué que la modification apportée au Règlement en mars 1995 est discriminatoire et va à l’encontre du paragraphe 15(1) de la Charte, le demandeur précise que [traduction] « des ressortissants espagnols pilotent des navires espagnols » et soutient que le Règlement modifié crée une forme de discrimination fondée sur l’origine ethnique. Au paragraphe 2 de la déclaration, le demandeur est décrit comme un capitaine au long cours, un résident et citoyen d’Espagne et le capitaine du navire Estai. Dans les paragraphes subséquents, le demandeur décrit l’exploitation du navire, qui est un bateau espagnol, sous son commandement, la poursuite et la saisie du navire, l’arrestation de son capitaine, son retour à St. John’s sous les ordres des fonctionnaires canadiens et les principales autres mesures qui l’ont lésé. À mon avis, il ressort implicitement de la déclaration que l’application du Règlement au capitaine du navire Estai a lésé le demandeur en raison de sa nationalité; cependant, s’il est nécessaire d’exprimer clairement cette allégation, les demandeurs peuvent modifier leur déclaration en conséquence.

La deuxième lacune que les défendeurs ont relevée au sujet de l’allégation fondée sur l’article 15 concerne la réserve essentielle selon laquelle la disposition législative contestée doit être discriminatoire. Selon l’article 15, « La Loi … s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique » au sens expliqué par le juge McIntyre, de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, aux pages 180, 181 et 182, et par Mme le juge Wilson, également de la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, aux pages 1330 à 1333. Dans la première décision, le juge McIntyre a conclu que la disposition du Barristers and Solicitors Act de la Colombie-Britannique [R.S.B.C. 1979, ch. 26] faisant de la citoyenneté une condition préalable à l’admission au barreau provincial était discriminatoire, étant donné qu’elle privait une catégorie entière de personnes de certaines possibilités d’emploi en raison uniquement de l’absence de citoyenneté, même s’il a ajouté que cette restriction était justifiée aux termes de l’article premier de la Charte. Dans l’arrêt Turpin, aux pages 1331 et 1332, Mme le juge Wilson a commenté l’importance, « le plus souvent, mais peut-être pas toujours », d’examiner le contexte social général de la loi en question, c’est-à-dire d’examiner la place occupée par le groupe visé par la loi « dans les contextes social, politique et juridique de notre société ». À mon avis, cette dernière réserve sur le sens de la discrimination reprend les termes de la disposition législative elle-même, car à première vue, elle établit une distinction fondée sur l’origine nationale des navires que les personnes concernées pilotent et, par conséquent, une distinction implicite fondée sur l’origine nationale de celles-ci. Si j’ai bien compris l’argument des défendeurs, lorsque la disposition législative contestée s’applique expressément aux navires de certaines nations seulement, il ne serait pas nécessaire de vérifier si les citoyens de ces nations sont par ailleurs lésés dans notre société afin de déterminer si la loi en question est discriminatoire au sens de l’article 15 de la Charte. Ainsi, s’il est jugé après l’instruction que le Règlement vise les pêcheurs espagnols et portugais, ces personnes constitueront, en raison des termes du Règlement eux-mêmes, une « minorité discrète et isolée » définie par rapport à l’origine nationale ou ethnique tout autant que les personnes qui n’étaient pas citoyens aux termes de la loi examinée dans l’arrêt Andrews.

À mon avis, à ce stade, la question soulevée dans les plaidoiries quant à la transgression par le Règlement des droits que l’article 15 de la Charte reconnaît à une personne doit être plaidée à l’instruction et ne devrait pas être radiée de la déclaration.

Objections des défendeurs concernant certaines autres allégations des demandeurs

Les défendeurs s’opposent à plusieurs autres parties de la déclaration des demandeurs et de la réponse de ceux-ci à la demande de précisions. Voici un résumé des parties concernées, un bref exposé de l’objection des défendeurs et ma conclusion au sujet de chaque objection. Les parties contestées sont désignées par les lettres a) à l), qui correspondent aux alinéas 4a) à l) de la requête des défendeurs.

a) Les mots du paragraphe 5 de la déclaration qui servent à décrire le navire Estai, soit [traduction] « et avec ses certificats, y compris le certificat de sécurité, le certificat de jauge et le certificat de matériel délivrés en application des lois de l’Espagne », ainsi que les mots de l’alinéa 1a) de la réponse à la demande de précisions qui visent à répondre à la demande des défendeurs quant à la question de savoir quels sont les certificats inclus dans le mot « certificats » du paragraphe 5 et à énumérer 24 certificats qui auraient été délivrés à l’égard du navire Estai ne seraient pas essentiels et seraient gênants, de sorte qu’ils devraient être radiés.

Les défendeurs soutiennent que ces parties devraient être radiées, étant donné qu’elles n’ajoutent rien aux questions soulevées en l’espèce et que leur preuve à l’instruction, si elle était nécessaire, ne serait nullement pertinente quant aux questions à trancher. De l’avis des demandeurs, la déclaration comprend des renvois aux certificats généraux exigés par la loi espagnole, lesquels renvois visent à indiquer clairement que le navire était assujetti à une réglementation active en Espagne et que ce pays ne constituait pas simplement un endroit utilisé pour l’immatriculation des navires sans que le gouvernement espagnol exerce une surveillance constante à leur égard. En l’absence d’une entente à ce stade-ci par laquelle les défendeurs conviendraient de ne pas contester l’application au navire Estai des lois espagnoles de portée générale à l’égard des bateaux de pêche, les mots de la déclaration sont utiles et sont explicités par l’alinéa 1a) de la réponse à la demande de précisions des défendeurs. À mon avis, ces mots du paragraphe 5 et de l’alinéa 1a) de la réponse ne devraient pas être radiés. Les allégations concernant les certificats du navire Estai ne devront être prouvées que si les défendeurs les contestent.

b) Les défendeurs font valoir que les paragraphes 6, 9 et 10 de la déclaration devraient être radiés, parce qu’ils ne sont pas essentiels et qu’ils sont gênants. Ces paragraphes concernent le départ du navire Estai, en octobre 1994, de l’Espagne en direction des fonds de pêche situés dans les Grands Bancs de la zone de réglementation de l’OPAN, à l’est des eaux des pêcheries canadiennes, la pêche dans ces eaux du 3 novembre 1994 jusqu’au 5 février 1995, date à laquelle il a pris la route en direction de St-Pierre par suite d’un décès survenu à bord, et le retour du navire dans la zone de réglementation de l’OPAN jusqu’au 9 mars de la même année.

Les demandeurs répondent que les paragraphes en question ne renferment aucun élément prolixe ou préjudiciable et qu’ils établissent la nature, la durée et l’endroit du voyage de pêche du navire Estai. C’est possible, mais je ne suis pas convaincu que les renseignements donnés au sujet de la période précédant les événements importants survenus en mars 1995 sont pertinents quant aux allégations des demandeurs. À mon avis, les paragraphes 6, 9 et 10 concernent des faits qui, dans l’ensemble, n’ont rien à voir avec les allégations des demandeurs et devraient donc être radiés. Il se peut que les demandeurs jugent pertinents certains faits qu’ils ont allégués, notamment le fait qu’au début de mars 1995, le navire Estai s’adonnait à la pêche dans la zone de réglementation de l’OPAN située à l’est des eaux des pêcheries canadiennes, région où les bateaux espagnols se rendaient habituellement pour pêcher, et que ledit navire poursuivait un voyage de pêche entrepris en novembre 1994. Si tel est le cas, les demandeurs pourront modifier leur déclaration conformément à la présente ordonnance.

c) Les défendeurs font valoir que le paragraphe 7 de la déclaration, qui renvoie au navire Estai ainsi qu’à son capitaine et à son équipage qui s’adonnaient à la pêche aux termes d’un permis de la Communauté européenne et de l’Espagne, devrait être radié au motif qu’il est gênant et n’est pas essentiel. Selon les défendeurs, le fait que le navire était exploité ou non suivant l’autorisation de l’Espagne et de la Communauté européenne n’a aucune importance et ne change rien à la question de savoir s’il était assujetti à l’application des règlements canadiens valables. Les demandeurs répondent en disant qu’il est important de savoir que le navire était exploité en haute mer conformément à l’autorisation du pays dont il battait pavillon et de la Communauté. Il n’était pas simplement utilisé sans aucune autorisation. À mon avis, cette allégation de fait des demandeurs est justifiée et je souhaite que les défendeurs l’acceptent sans la contester ni en exiger la preuve; par conséquent, je ne suis pas disposé à radier le paragraphe 7 de la déclaration. J’ajoute que les défendeurs invoqueront probablement le fait que le navire était un bateau de pêche espagnol et que leur objection à l’allégation selon laquelle le navire Estai pêchait aux termes d’un permis délivré par l’Espagne est illogique.

d) Les défendeurs allèguent que les mots [traduction] « droit espagnol » du paragraphe 8 de la déclaration ainsi que de l’alinéa 1b) et du paragraphe 2 de la réponse à la demande de précisions, qui énoncent le fondement des certificats et permis délivrés à l’égard du navire Estai , devraient être radiés au motif qu’ils sont gênants et ne sont pas essentiels. Selon les défendeurs, ces éléments n’ajoutent rien aux allégations fondamentales des demandeurs. À l’instar des demandeurs, je reconnais qu’il est pertinent de mentionner qu’au moins jusqu’aux incidents ayant donné lieu à l’action en l’espèce, le navire était assujetti à la compétence exclusive de l’Espagne. Au paragraphe 8 de la déclaration, qui a déjà été commenté, il est allégué qu’en tout temps pertinent, le navire Estai était assujetti à la compétence exclusive de l’Espagne conformément à différentes sources de droit, y compris [traduction] « les principes reconnus du droit international ». J’ai déjà conclu que la source de droit ainsi décrite ne devrait pas être radiée. De la même façon, je ne suis pas disposé à radier les mots « droit espagnol » du paragraphe 8, ni les mots « droit canadien », au sujet desquels aucune question n’est soulevée. Même s’il est inhabituel de mentionner des sources de droit dans des plaidoiries, cette mention m’apparaît utile lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, les incidents ayant donné lieu aux réclamations des demandeurs ont débuté en dehors des limites territoriales du Canada et des eaux des pêcheries canadiennes. Il ne sera peut-être pas nécessaire de prouver à l’instruction le contenu des règles de droit de chaque source mentionnée, si les avocats collaborent suffisamment entre eux lors de la préparation et des plaidoiries.

Par conséquent, je ne suis pas disposé à radier les mots « droit espagnol » du paragraphe 8 de la déclaration. De plus, les paragraphes de la réponse contestés en l’espèce, soit l’alinéa 1b) et le paragraphe 2, qui fournissent des précisions au sujet du droit espagnol applicable aux certificats et permis délivrés à l’égard du navire Estai , sont fournis en réponse à la demande des défendeurs eux-mêmes. À mon avis, ils ne devraient pas être radiés, à moins que les défendeurs retirent leur demande de renseignements à cet égard. S’ils ne le font pas, la réponse complète le tableau. Il se peut que les renseignements fournis dans la réponse ne soient pas essentiels; cependant, dans les circonstances, ils ont été fournis pour répondre à la demande des défendeurs et ne devraient pas être radiés. Si les renseignements énoncés au sujet du droit espagnol ne sont effectivement pas essentiels aux fins de la réclamation, ils ne seront pas gênants au sens où leur preuve exigerait du temps sans être nécessaire au soutien des principales réclamations des demandeurs, à moins que les défendeurs contestent les renseignements en question.

e) Les défendeurs demandent à la Cour de radier les mots « droit maritime » du paragraphe 8 de la déclaration, où ils servent à décrire une source de la compétence exclusive de l’Espagne à l’égard du navire Estai, en plus des [traduction] « principes reconnus du droit international, du droit espagnol et du droit canadien ». À mon avis, les défendeurs ont raison de dire que la description du « droit maritime » est redondante, qu’elle concerne non seulement le droit canadien, comme ils le soutiennent, mais aussi toutes les autres sources de droit mentionnées dans ledit paragraphe. À mon sens, les mots n’ajoutent rien à la partie du paragraphe 8 qui reste après la radiation des renvois aux conventions particulières. Étant donné qu’ils ne sont pas essentiels, les mots « droit maritime » devraient être radiés.

f) Les défendeurs demandent à la Cour de radier les mots [traduction] « et un acte de piraterie » du paragraphe 19 de la déclaration, le mot [traduction] « piraterie » de l’alinéa 43b) de celle-ci, qui fait partie de la demande de réparation, à l’égard des dommages-intérêts généraux liés à la « piraterie » et, dans la réponse à la demande de précisions, les mots qui renvoient à la piraterie ou à d’autres formes de conduite criminelle reprochée par les défendeurs. Selon ceux-ci, ces renvois sont scandaleux ou redondants ou ne révèlent aucune cause d’action raisonnable, car la piraterie n’est pas un délit, mais un acte criminel et ne peut donc, à ce titre, constituer le fondement des dommages-intérêts réclamés par les demandeurs. Les demandeurs soutiennent qu’à l’instar de l’agression, la piraterie peut constituer le fondement de la responsabilité pénale ou civile. Pourtant, les seules autorités citées à la Cour au sujet de la piraterie concernent les circonstances entourant la responsabilité pénale et ne prévoient nullement la possibilité d’intenter des poursuites pénales pour piraterie ou pour d’autres crimes mentionnés aux présentes contre un État moderne. À mon avis, les renvois à la piraterie ont une importance juridique uniquement dans le contexte des activités criminelles et aucune activité de cette nature n’est pertinente quant aux demandes de dommages-intérêts des demandeurs. J’ordonne donc que les renvois à la piraterie ou à d’autres activités criminelles soient radiés des parties de la déclaration auxquelles les défendeurs s’opposent.

g) Les défendeurs demandent la radiation des paragraphes 22 et 25 de la déclaration au motif qu’ils ne sont pas essentiels, qu’ils ne révèlent aucune cause d’action raisonnable, qu’ils sont gênants et qu’ils renferment une allégation relative à des éléments probants. Ces paragraphes renvoient à la mise à quai du navire Estai, à son arrivée à St. John’s, à côté de l’endroit où se tenait une manifestation publique. Les demandeurs allèguent dans ces paragraphes que le capitaine du navire, le demandeur, a été conduit par des agents des défendeurs [traduction] « à travers une foule de manifestants hostiles » et qu’une agression a été commise lorsque des œufs lui ont été lancés à lui ainsi qu’à certains diplomates européens qui l’accompagnaient, de sorte que Sa Majesté n’a pas protégé le demandeur comme elle devait le faire lorsqu’elle l’a accompagné jusqu’au palais de justice à St. John’s.

Selon les défendeurs, l’allégation selon laquelle des œufs ont été lancés en direction de certains diplomates devrait être radiée, étant donné que les diplomates ne sont pas partie à l’action; de plus, ces paragraphes sont futiles ou ne révèlent aucune cause d’action raisonnable et n’établissent aucune réclamation fondée sur un délit. À mon avis, les mots [traduction] « et les diplomates espagnols, français et allemands et ceux de la Communauté européenne qui l’accompagnaient » devraient être radiés du paragraphe 25.

Il est vrai que le paragraphe 22 ne révèle pas en soi une cause d’action raisonnable; cependant, les paragraphes 22 et 25 énoncent ensemble le fondement factuel, bien que d’une façon un peu colorée, de l’allégation d’agression figurant à la dernière partie du paragraphe 25, de l’allégation concernant le manquement des fonctionnaires de Sa Majesté à l’obligation de protéger le capitaine et de l’allégation de négligence en raison de l’insuffisance des mesures adoptées pour faciliter l’accès au palais de justice, lesquels manquements ont permis [traduction] « la poursuite des traitements abusifs, de la bousculade, des obscénités et des agressions ». Je ne crois pas qu’il s’agisse fondamentalement d’une allégation relative à des éléments probants et, à l’instruction, le demandeur pourra ou non présenter des éléments de preuve au soutien de ses arguments, mais il ne s’agit pas d’une question devant être tranchée à ce stade.

h) Les défendeurs demandent à la Cour de radier une partie du paragraphe 28 et l’ensemble du paragraphe 39 de la déclaration, au motif qu’ils sont futiles et vexatoires et qu’ils ne révèlent aucune cause d’action raisonnable. La partie concernée du paragraphe 28 porte sur le déchargement de la cargaison de poisson qui se trouvait à bord du navire Estai, même si celui-ci s’adonnait à la pêche dans les eaux internationales depuis un certain temps déjà avant l’adoption du Règlement en mars 1995. Il n’a pas été allégué, verbalement ou par écrit, que cette question était différente de celle du paragraphe 39, qui concerne le fait que le navire Estai avait entrepris son voyage de pêche dans les eaux internationales avant l’adoption des modifications de mars 1995, ce qui signifierait que le navire n’était pas assujetti à ces modifications, même si celles-ci étaient valables, avant la fin de son voyage.

À mon avis, les mots contestés du paragraphe 28 semblent concerner une allégation selon laquelle, même si les modifications apportées en mars 1995 étaient valables, la Loi et le Règlement, dans la mesure où ils autorisent la saisie de cargaisons, ne s’appliquent pas au poisson pêché et emmagasiné comme cargaison avant l’adoption des modifications en question. Que les demandeurs décident ou non de débattre cette question à l’instruction, je ne crois pas qu’il faille radier les mots contestés du paragraphe 28.

Il en va autrement dans le cas du paragraphe 39. Les demandeurs invoquent ici la jurisprudence concernant les principes de common law; cependant, comme les défendeurs le soutiennent, aux termes de l’alinéa 6(2)b) de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, les modifications en question sont entrées en vigueur à minuit le 2 mars 1995, la veille de l’enregistrement du Règlement portant modification. Il est vrai que le paragraphe 11(2) de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), ch. S-22 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 103], énonce qu’aucune personne ne peut être reconnue coupable d’une infraction découlant d’une contravention à un règlement qui n’avait pas été publié dans la Gazette du Canada à la date de la contravention (en l’occurrence, dans la présente affaire), le Règlement en question n’a été publié que le 22 mars 1995, sauf si le règlement prévoit expressément que ses dispositions entrent en vigueur avant cette publication. Or, en l’espèce, le Règlement énonce expressément que les dispositions concernées « entrent en vigueur avant leur publication dans la Gazette du Canada ».

À mon avis, compte tenu des dispositions de la Loi sur les textes réglementaires et de la Loi d’interprétation, il ne fait aucun doute que le Règlement portant modification était en vigueur et s’appliquait à tous égards, notamment quant aux activités du navire Estai, depuis minuit le 2 mars 1995. Par conséquent, si le Règlement est constitutionnel, il s’applique aux activités des demandeurs et le paragraphe 39 de la déclaration est futile et ne soulève aucune cause d’action raisonnable. Pour cette raison, il doit être radié.

i) Les défendeurs demandent à la Cour de radier les paragraphes 36 et 37 de la déclaration au motif qu’ils ne révèlent aucune cause d’action raisonnable. Ces paragraphes énoncent le fondement de la principale allégation des demandeurs sur laquelle repose leur action et selon laquelle le Règlement portant modification du 3 mars 1995 outrepasse la compétence conférée par l’article 6 [mod. par L.C. 1990, ch. 44, art. 14; 1992, ch. 1, art. 43; 1994, ch. 14, art. 3] de la Loi sur la protection des pêcheries côtières. Cette disposition de la Loi autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements, notamment, selon l’alinéa 6b.2) [édicté., idem], afin de « déterminer, pour l’application de l’article 5.2, les classes de bateaux de pêche étrangers ». Il est admis que le Règlement portant modification, qui a pour effet d’assujettir les bateaux espagnols à l’article 5.2, a été pris en application de l’alinéa 6b. 2) et les défendeurs soutiennent [traduction] « qu’il n’existe aucun fondement juridique permettant de dire que la `classe’ mentionnée à l’alinéa 6b. 2) ne peut être établie en fonction de l’origine nationale d’un navire ».

À mon avis, les paragraphes en question ne devraient pas être radiés. Même s’ils ne donnent peut-être pas lieu en soi à une cause d’action, ils constituent le fondement central des dommages-intérêts que les demandeurs réclament aux défendeurs par suite des activités illégales et non autorisées qu’ils reprochent aux employés des défendeurs. Les demandeurs veulent présenter des éléments de preuve et des arguments au sujet de l’interprétation de la Loi et de l’étendue des pouvoirs conférés par l’alinéa 6b.2) en se fondant en partie sur les mots utilisés et en partie sur les restrictions constitutionnelles qui découlent de la Charte. De plus, les parties ne s’entendent pas sur la valeur, comme précédent, de l’arrêt Antonsen c. Canada (Procureur général), [1995] 2 C.F. 272 (1re inst.), où ma collègue, Mme le juge Reed, a statué que le ministre n’avait pas exercé en bonne et due forme son pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait aux pouvoirs délégués par règlement en matière d’octroi de licences, parce qu’il avait cherché à atteindre des objectifs autres que ceux de la loi concernée, soit la Loi sur la protection des pêcheries côtières.

De toute évidence, les questions qui sont soulevées aux paragraphes 36 et 37 au sujet de la validité du Règlement portant modification donnent lieu à plusieurs arguments qui n’ont pas encore été entendus et qui ne peuvent être tranchés qu’à l’instruction. À mon avis, il est évident que ces paragraphes devraient, non pas être radiés, comme le soutiennent les défendeurs, mais plutôt rester dans la déclaration.

j) Les défendeurs demandent à la Cour de radier le paragraphe 40 et la première phrase du paragraphe 41 de la déclaration, qui concernent les négociations qui ont eu lieu entre le Canada et la Communauté européenne au sujet des quotas de turbot avant et après la saisie et l’arraisonnement du navire Estai jusqu’au 1er mai 1995, date à laquelle le Règlement a à nouveau été modifié [DORS/95-222, art. 1] de façon à supprimer cette fois-ci les dispositions portant spécifiquement sur les bateaux espagnols et portugais. Les défendeurs soutiennent que l’ensemble du paragraphe est gênant, qu’il n’est pas essentiel et qu’il ne révèle aucune cause d’action raisonnable. Pour leur part, les demandeurs font valoir que l’évolution de ces négociations a une importance vitale pour le présent litige. Ce serait en raison de la rupture de ces négociations que le Règlement portant modification a été adopté en mars 1995 et, lorsque les parties ont repris les négociations, les accusations portées ont été abandonnées et, finalement, le Règlement a été modifié à nouveau de façon à en supprimer l’application aux bateaux espagnols. Il s’agit d’une allégation intéressante et la présentation de la preuve s’y rapportant à l’instruction pourrait demander beaucoup de temps sans avoir de conséquences importantes pour les principales réclamations des demandeurs, que les événements décrits dans la déclaration soient établis ou non. Il se peut que les événements allégués soient pertinents quant à l’objet du Règlement portant modification, du moins dans le cas des événements qui ont précédé la modification, mais ils semblent appuyer la protection des pêcheries côtières, que ce soit par négociation ou réglementation, ce qui serait compatible avec l’objet de la Loi.

J’en arrive à la conclusion que le paragraphe 40 et la première phrase du paragraphe 41 de la déclaration ne sont pas essentiels, qu’ils sont en partie redondants et qu’ils n’ont pas pour effet d’appuyer ou d’affaiblir les demandes de dommages-intérêts des demandeurs. À mon avis, ils devraient être radiés de la déclaration.

k) et l) Reprenant des arguments antérieurs, les défendeurs demandent à la Cour de radier certaines parties de l’alinéa 43b) de la déclaration, notamment (i) les mots [traduction] « poursuite abusive du navire « Estai » et du demandeur, le capitaine Davila, une procédure abusive » des lignes 8 à 10; (ii) les mots [traduction] « omission de protéger le capitaine Davila alors qu’il était détenu »; (iii) les mots [traduction] « transgression des droits reconnus aux articles 15, 7 et 8 de la Charte ». De plus, les défendeurs demandent à la Cour de radier du sous-alinéa 14h)(v) de la réponse des demandeurs à la demande de précisions les mots qui renvoient aux articles 7, 8 et 15 de la Charte ainsi que les mots [traduction] « lois civiles contre l’utilisation abusive du système de justice pénale ».

Pour des motifs que j’ai déjà expliqués, je suis disposé à radier du paragraphe 43 de la déclaration les mots [traduction] « poursuite abusive du navire « Estai » et du demandeur le capitaine Davila » et à radier le « s » à la fin du mot [traduction] « article » de façon à remplacer le pluriel par le singulier, et je supprime également les mots [traduction] « 7 et 8 ».

Au sous-alinéa 14h)(v) de la réponse des demandeurs à la demande de précisions, qui renvoie notamment au paragraphe 30 de la déclaration, les mots [traduction] « lois civiles contre l’utilisation abusive du système de justice pénale » devraient être radiés, tout comme les mots [traduction] « et faites de mauvaise foi » du paragraphe 30 de la déclaration, tel qu’il est mentionné ci-dessus. J’ordonne également la radiation des mots [traduction] « Article 7 et Article 8 » du sous-alinéa 14h)(v) de la réponse.

L’intitulé de la cause—désignation de la partie défenderesse concernée

Les défendeurs demandent également à la Cour une ordonnance fondée sur les Règles 419 et 1716 en vue de radier le procureur général du Canada et le ministre des Pêches et Océans comme défendeurs dans l’intitulé de la cause et au paragraphe 3, et de radier l’ensemble du paragraphe 4 ainsi que l’allégation, au paragraphe 41 de la déclaration, selon laquelle ces ministres désignés auraient outrepassé leurs fonctions (poursuites abusives). L’argument est le suivant : la seule partie défenderesse dans l’intitulé de la cause, qui est déjà mentionnée au paragraphe 3 de la déclaration et qui doit s’entendre du défendeur au singulier au paragraphe 41, devrait être Sa Majesté la Reine plutôt que les ministres désignés comme défendeurs.

Lorsqu’aucune réclamation n’est formulée contre les ministres à titre personnel, et aucune allégation de cette nature ne vise en l’espèce le procureur général ou le ministre des Pêches et Océans, aucun d’eux ne devrait habituellement être désigné comme partie défenderesse (voir l’arrêt Kealey c. Canada (Procureur général), [1992] 1 C.F. 195 (1re inst.)). Le paragraphe 48(1) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7] prévoit que, sauf autorisation différente, pour entamer une procédure contre la Couronne devant la Cour fédérale, il faut déposer un acte introductif d’instance selon le modèle figurant à l’annexe et, à la formule 2(2) à l’annexe [mod. par DORS/90-846, art. 25] des Règles, Sa Majesté la Reine est désignée comme la seule partie défenderesse dans une action intentée contre la Couronne. Depuis l’adoption, en 1982, de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21], paragraphe 23(1) [mod., idem, art. 29], il est prévu que « [l]es poursuites visant l’État peuvent être exercées contre le procureur général du Canada ». C’est cette dernière disposition que les demandeurs invoquent. Compte tenu de la nature permissive des deux lois, ma collègue Mme le juge Reed a conclu, dans l’arrêt Liebmann c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1994] 2 C.F. 3 (1re inst.), à la page 21, que l’utilisation des mots « Sa Majesté la Reine » ou « procureur général du Canada » pour désigner l’État est facultative dans une action portée devant la Cour fédérale.

Les demandeurs ont décidé de désigner l’État comme partie défenderesse par les mots « procureur général du Canada », non pas dans le but d’intenter une action contre ce ministre à titre personnel, mais plutôt pour se conformer au paragraphe 23(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et du contentieux administratif. Je ne suis pas disposé à ordonner que cette désignation soit modifiée.

Les demandeurs demandent que les deux ministres demeurent défendeurs, compte tenu de l’exercice abusif des fonctions dont chacun d’eux aurait été coupable. Cette allégation concerne l’argument relatif aux poursuites abusives, dont j’ai ordonné la radiation. L’exercice abusif des fonctions qui est allégué ne donne lieu à aucune cause d’action raisonnable en soi. J’ordonne donc que le nom du ministre des Pêches et Océans soit radié de l’intitulé de la cause et de la déclaration comme défendeur désigné et que le « s » du mot « défendeurs » utilisé dans la déclaration soit supprimé.

Il n’y a qu’un seul défendeur dans l’action, soit le procureur général du Canada, qui représente l’État, Sa Majesté la Reine, et celle-ci est responsable des actions de tous ses préposés agissant dans le cadre de leurs responsabilités. Conformément à la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, Sa Majesté la Reine peut être représentée par le procureur général du Canada.

Conclusion et directive concernant le dépôt des plaidoiries

Une ordonnance est rendue en vue d’accueillir la requête des défendeurs en partie seulement. L’ordonnance indique de façon détaillée les parties de la déclaration et de la réponse à la demande de précisions qui doivent être radiées.

Bien qu’elles ne soient pas aussi nombreuses que les changements demandés par les défendeurs, les modifications demeurent considérables. Il semble donc opportun de demander aux demandeurs de déposer une déclaration révisée conformément à l’ordonnance rendue aux présentes au plus tard le 17 janvier 1997 et au défendeur de produire sa défense au plus tard le 20 janvier 1997, le cas échéant.

Les deux parties demandent des dépens à l’égard de la présente requête, qui est accueillie en partie seulement, chaque partie ayant eu gain de cause sur certains points. Dans les circonstances, les dépens suivront l’issue de la cause.

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