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     A-549-98

Marilyn Sharp (appelante)

c.

Office des transports du Canada et Canadien Pacifique Limitée (intimés)

Répertorié: Sharpc. Canada (Office des transports) (C.A.)

Cour d'appel, juge en chef Isaac, juges Décary et Rothstein, J.C.A."Edmonton, 31 mai; Ottawa, 11 juin 1999.

Transports Appel de la décision de l'Office des transports du Canada d'approuver la construction d'une ligne de chemin de ferL'art. 98(2) de la Loi sur les transports au Canada (LTC) prévoit que l'Office peut approuver l'emplacement d'une ligne de chemin de fer, compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires et des intérêts des localitésL'appelante s'oppose à la demande au motif que la ligne n'est pas nécessaireL'art. 98 ne prescrit pas une évaluation de la nécessitéL'Office doit examiner la question de savoir si l'emplacement de la ligne de chemin de fer est convenable, non pas sa construction — —Besoins en matière de service et d'exploitation ferroviairesvise les besoins qui permettront à la compagnie de chemin de fer de fournir un service à ses clientsNe renvoie pas à la nécessité de la ligne — —Intérêts des localitéssignifie que l'Office doit tenir compte des craintes des localités concernant l'emplacement de la ligne de chemin de fer pour décider si l'emplacement est convenableLa nécessité de la ligne sera présumée du fait de la demande présentée par la compagnie de chemin de ferL'interprétation en faveur du critère des besoins va à l'encontre de la politique nationale des transports, selon laquelle la concurrence et les forces du marché sont les principaux facteurs en jeu pour décider si une ligne de chemin de fer devrait être construite; elle imposerait une forme de réglementation économique qui n'est pas nécessaireConformément au virage vers la déréglementation de l'industrie du transport ferroviaire, la LTC a restreint le rôle de l'Office quant à la réglementation de l'entrée dans l'industrie du transport ferroviaire au Canada et au contrôle de la construction de nouvelles lignes de chemin de ferL'interprétation selon laquelle l'art. 98 prescrirait un critère des besoins est incompatible avec le rôle limité attribué à l'Office.

Chemins de fer Appel de la décision de l'Office des transports du Canada d'approuver la construction d'une ligne de chemin de ferL'art. 98(2) de la Loi sur les transports au Canada prévoit que l'Office peut approuver l'emplacement d'une ligne de chemin de fer, compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviairesL'appelante s'oppose à la demande au motif que la ligne n'est pas nécessaireL'art. 98 ne prescrit pas une évaluation de la nécessitéL'interprétation en faveur du critère des besoins va à l'encontre de la politique nationale des transports, selon laquelle la concurrence et les forces du marché sont les principaux facteurs en jeu pour décider si une ligne de chemin de fer devrait être construite; elle imposerait une forme de réglementation économique qui n'est pas nécessaire pour répondre aux besoins des expéditeurs en matière de transportConformément au virage vers la déréglementation de l'industrie du transport ferroviaire, la LTC a restreint le rôle de l'Office quant à la réglementation de l'entrée dans l'industrie du transport ferroviaire au Canada et au contrôle de la construction de nouvelles lignes de chemin de ferL'interprétation selon laquelle l'art. 98 prescrirait un critère des besoins est incompatible avec le rôle limité attribué à l'Office.

Environnement Appel de la décision de l'Office des transports du Canada d'approuver la construction d'une ligne de chemin de ferL'Office a conclu qu'au moment du dépôt de la demande du Canadien Pacifique Limitée (CP) en vertu de l'art. 98(2) de la Loi sur les transports au Canada (LTC), l'Office est devenu l'autorité responsableen vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCÉE)L'art. 16(1)e) de la LCÉE requiert un examen de la nécessité du projet et de ses solutions de rechange dans le cadre du processus d'évaluation environnementaleL'Office a exprimé le point de vue que la nécessité et les solutions de rechange étaient subordonnées à la décision de Union Carbide of Canada's (UCC) qu'elle avait besoin d'un accès direct au CP dans le cadre de l'agrandissement de son usine, et à l'objectif du CP d'améliorer sa part de marchéL'Office était dans l'obligation de faire cette évaluation lui-mêmeBien qu'il se soit appuyé sur les points de vue et les objectifs de UCC et du CP, l'Office a exprimé son propre point de vue relativement à la nécessité et aux solutions de rechangeLes besoins commerciaux sont une raison légitime de rejeter des solutions de rechangeDe même que l'Office a la faculté d'examiner la nécessité et les solutions de rechange, de même il a la faculté de décider la nature et l'étendue de l'examen de ces facteursSauf incompatibilité manifeste, l'Office devrait tenter de respecter à la fois l'intention expresse du législateur en matière de déréglementation en vertu de la LTC et le pouvoir décisionnel que lui a conféré le législateur en matière environnementale sous le régime de la LCÉEL'Office a conclu que la construction de la ligne de chemin de fer n'aurait pas d'effets environnementaux négatifs si les mesures d'atténuation proposées par le CP étaient mises en œuvreL'Office a exécuté les attributions prévues à l'art. 16 de la LCÉE.

Il s'agit d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi sur les transports au Canada (LTC) contre l'arrêté par lequel l'Office des transports du Canada a approuvé la construction d'une ligne de chemin de fer de 12,6 km entre la subdivision Lacombe située dans le centre de l'Alberta et l'installation de polyéthylène de Union Carbide Canada Inc. (UCC) située à Prentiss (Alberta). L'article 98 de la LTC oblige une compagnie de chemin de fer à obtenir l'autorisation de l'Office avant de construire une ligne de chemin de fer, à moins que la ligne ne soit située à l'intérieur d'une ligne de chemin de fer existante ou, s'il s'agit d'une ligne de chemin de fer d'au plus trois kilomètres de long, à proximité d'une ligne de chemin de fer existante. L'Office peut accorder une autorisation s'il est d'avis que l'emplacement de la ligne est convenable, compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires et des intérêts des localités touchées. Au moment de la présentation de la demande d'autorisation, seule la Compagnie des chemins de fer nationaux (CN) avait une ligne de chemin de fer qui desservait l'installation de UCC, et les wagons en circulation sur les lignes du CP devaient être échangés avec le CN à Red Deer et devaient circuler sur la ligne du CN dans des trains du CN entre Red Deer et l'installation de UCC (interconnexion). L'appelante s'est opposée à la demande du CP en invoquant l'inutilité d'une deuxième ligne de chemin de fer desservant l'installation de UCC. Ses craintes se rapportaient aux effets environnementaux négatifs, à la sécurité publique et à l'utilisation des terres. Selon la thèse de l'appelante, UCC pouvait avoir accès au service du CP au moyen d'une interconnexion. L'appelante a déclaré que le CP et UCC étaient dans l'obligation de prouver que l'interconnexion ne répondrait pas à leurs intérêts commerciaux. Subsidiairement, l'appelante a déclaré que le CP pouvait demander à l'Office de prendre un arrêté l'autorisant à exploiter ses trains sur la ligne du CN (droits de circulation) et qu'il doit être démontré que des droits de circulation ne constitueraient pas une solution de rechange satisfaisante pour réaliser les objectifs commerciaux de UCC et du CP.

L'Office a conclu qu'au moment du dépôt de la demande du CP en vertu du paragraphe 98(2), l'Office est devenu l'"autorité responsable" en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale . L'alinéa 16(1)e) requiert un examen de la nécessité du projet et de ses solutions de rechange dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. L'Office a exprimé le point de vue que la nécessité et les solutions de rechange étaient subordonnées à la décision de UCC qu'elle avait besoin d'un accès direct au CP dans le cadre de l'agrandissement de son usine de polyéthylène, et à l'objectif du CP d'améliorer sa part de marché du transport de polyéthylène au Canada. L'Office a ensuite examiné les solutions de rechange que constituaient le transport par camion, le transport par pipeline à suspension et d'autres solutions ferroviaires avant de conclure que la preuve de la nécessité avait été faite et que les solutions de rechange ne répondraient pas aux besoins. L'appelante a invoqué que l'Office a délégué à UCC et au CP la prise d'une décision sur la nécessité et le caractère inadéquat des solutions de rechange, et, partant, n'a pas exécuté le mandat dont il était investi.

Les questions en litige sont: 1) une compagnie de chemin de fer qui demande l'autorisation de construire une ligne de chemin de fer doit-elle prouver que cette ligne est nécessaire; 2) l'Office a-t-il refusé d'exercer sa compétence en n'examinant pas la nécessité de la ligne de chemin de fer et les solutions de rechange en vertu de l'alinéa 16(1)e) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale?

Arrêt: l'appel est rejeté.

Le juge en chef Isaac: L'appelante n'a pas démontré que l'Office national des transports a commis une erreur justifiant l'intervention de la Cour.

Le juge Rothstein, J.C.A.: L'article 98 ne prescrit pas une évaluation de la nécessité. Le paragraphe 98(2) dispose que l'Office doit examiner la question de savoir si "l'emplacement de la ligne est convenable" et non si la construction de la ligne est convenable. De par la distinction faite entre la construction et l'emplacement de la ligne, on a restreint le rôle de l'Office au seul examen du caractère convenable de l'emplacement de la ligne. Aucun critère des besoins n'est implicite.

1) Dans le contexte d'une décision touchant l'emplacement, l'expression "besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires" ne vise que les besoins qui permettront à la compagnie de chemin de fer de fournir un service à ses clients. Elle ne se réfère pas à la nécessité de la ligne. L'expression "besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires" porte sur l'utilisation efficiente de l'équipement, de l'infrastructure et des équipes existants, ainsi que sur les besoins opérationnels, notamment les remblais de voie ferrée visant à permettre le transport du volume de trafic offert, tous des facteurs dont l'Office a tenu compte.

L'expression "intérêts des localités" réfère à la situation où les localités soumettent à l'Office leurs craintes concernant l'emplacement de la ligne de chemin de fer et où l'Office tient compte de ces craintes pour décider si l'emplacement est convenable. Il est loisible à l'Office de décider qu'un emplacement n'est pas convenable, mais ce faisant il ne doit pas tenir compte de la question de savoir si la ligne est nécessaire. La nécessité de la ligne sera présumée du fait de la demande présentée par la compagnie de chemin de fer. Introduire dans le paragraphe 98(2) un critère des besoins reviendrait à ne tenir aucun compte de la politique nationale des transports, qui veut que la concurrence et les forces du marché soient les principaux facteurs en jeu pour décider si une ligne de chemin de fer devrait être construite, et à imposer une forme de réglementation économique quand ce n'est pas nécessaire pour répondre aux besoins des expéditeurs en matière de transport. Il n'est nulle part question dans l'article 98 d'un critère, exprès ou implicite, de l'intérêt public ou d'un critère d'aide au développement du commerce. Conformément au virage vers la déréglementation de l'industrie du transport ferroviaire, la Loi sur les transports au Canada a restreint le rôle de l'Office quant à la réglementation de l'entrée dans l'industrie du transport ferroviaire au Canada et au contrôle de la construction de nouvelles lignes de chemin de fer. Interpréter l'article 98 de manière à exiger l'application d'un critère des besoins relativement à la construction d'une ligne de chemin de fer est incompatible avec le rôle limité attribué à l'Office.

2) Une fois que l'Office eut décidé qu'il était nécessaire d'examiner la nécessité de la ligne et les solutions de rechange, il était dans l'obligation de faire cette évaluation lui-même. Si l'Office n'avait exprimé aucun point de vue personnel sur les questions de la nécessité et des solutions de rechange, il aurait refusé d'exercer sa compétence. Bien qu'il se soit clairement appuyé dans une large mesure sur les points de vue et les objectifs de UCC et du CP, l'Office a exprimé son propre point de vue.

L'Office s'est appuyé sur la décision de UCC de voir à ce que le CP ait un accès direct et sur le désir du CP d'élargir sa part du marché de polyéthylène en desservant directement UCC pour conclure que la ligne de chemin de fer était nécessaire. L'Office avait le droit de faire reposer sa décision concernant la nécessité et les solutions de rechange sur les déclarations de UCC et du CP. Les besoins commerciaux sont une raison légitime de rejeter des solutions de rechange. UCC et le CP prennent un risque et engagent des frais dans le cadre de tels travaux. Ils ne le feraient pas s'ils étaient d'avis qu'une solution de rechange était plus intéressante. UCC et le CP sont beaucoup mieux placés que l'Office pour faire ces évaluations. L'Office a expressément accepté les évaluations de UCC et du CP et, ce faisant, a pris une décision fondée sur la nécessité et les solutions de rechange. Il n'avait pas besoin d'aller plus loin. L'alinéa 16(1)e) de la LCÉE ne précise pas jusqu'où l'Office doit pousser son examen de la question de la nécessité et des solutions de rechange. De même que l'Office a la faculté d'examiner la nécessité et les solutions de rechange, de même il a la faculté de décider la nature et l'étendue de l'examen de ces facteurs. Sauf incompatibilité manifeste, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'Office devrait tenter de respecter à la fois l'intention expresse du législateur en matière de déréglementation en vertu de la LTC et le pouvoir décisionnel que lui a conféré le législateur en matière environnementale sous le régime de la LCÉE.

L'Office a conclu que la construction de la ligne de chemin de fer n'aurait pas d'effets environnementaux négatifs importants si les mesures d'atténuation proposées par le CP étaient mises en œuvre. L'Office a conclu qu'un arrêté approuvant la construction de la ligne de chemin de fer serait assorti de conditions obligeant le CP à donner suite à ses engagements en matière d'atténuation. L'Office a exécuté les attributions prévues aux alinéas 16(1)a) à d) et n'a pas refusé d'exercer la compétence prévue à l'alinéa 16(1)e).

    lois et règlements

        Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 16(1)e) (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 22).

        Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28.

        Loi sur les chemins de fer, L.R.C. (1985), ch. R-3, art. 127.

        Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, art. 5, 41(1), 98(2).

        Règlement sur l'interconnexion du trafic ferroviaire, DORS/88-41.

    jurisprudence

        décision examinée:

        Upper Lakes Group Inc. c. Canada (Office national des transports), [1995] 3 C.F. 395; 125 D.L.R. (4th) 204; 62 C.P.R. (3d) 167; 181 N.R. 103 (C.A.).

    ont comparu:

    Darin J. Hannaford pour l'appelante.

    Ron Ashley pour l'intimé l'Office des transports du Canada.

    Glen H. Poelman et Paul A. Guthrie pour l'intimé le Canadien Pacifique Limitée.

    William G. McMurray pour l'intervenant les Chemins de fer nationaux du Canada.

    avocats inscrits au dossier:

    Miller Thomson, Edmonton, pour l'appelante.

    Office des transports du Canada, Hull (Québec), pour l'intimé l'Office des transports du Canada.

    MacLeod Dixon, Calgary, pour l'intimé le Canadien Pacifique Limitée.

    Les Chemins de fer nationaux du Canada, Montréal, pour l'intervenant les Chemins de fer nationaux du Canada.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge en chef Isaac: J'ai eu le privilège de lire les motifs préliminaires que mon collègue le juge Rothstein a préparés dans le cadre du présent appel.

[2]Bien que je souscrive au dispositif qu'il propose, je préfère malgré tout faire reposer ma décision sur le simple motif que l'appelante n'a pas démontré que l'Office des transports du Canada a commis une erreur justifiant l'intervention de la Cour.

[3]Je suis également d'avis de rejeter le présent appel avec dépens.

    * * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Rothstein, J.C.A.:

LES QUESTIONS EN LITIGE

[4]Il s'agit d'un appel interjeté sur autorisation obtenue en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi sur les transports au Canada1 contre l'arrêté en date du 21 avril 1998 par lequel l'Office des transports du Canada a approuvé la construction d'une ligne de chemin de fer. Les deux questions en litige sont les suivantes:

A) L'Office a-t-il refusé d'exercer sa compétence en n'examinant pas la nécessité de la ligne de chemin de fer en vertu du paragraphe 98(2) de la Loi sur les transports au Canada?

B) L'Office a-t-il refusé d'exercer sa compétence en n'examinant pas la nécessité de la ligne de chemin de fer et les solutions de rechange en vertu de l'alinéa 16(1)e) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale2?

LES FAITS

[5]Le 22 décembre 1997, le Canadien Pacifique Limitée (CP) a, conformément au paragraphe 98(2) de la Loi sur les transports au Canada, demandé à l'Office d'approuver la construction d'une ligne de chemin de fer de 12,6 km entre le mille 103,2 de sa subdivision Lacombe située dans le centre de l'Alberta et l'installation de polyéthylène de la firme Union Carbide Canada Inc. (UCC) située à Prentiss (Alberta). Cette ligne de chemin de fer donnerait au CP un accès direct à l'installation de polyéthylène de UCC, c'està-dire que les locomotives et les trains du CP seraient en mesure de desservir directement l'installation de UCC. Avant cela, seule la Compagnie des chemins de fer nationaux (CN) avait une ligne de chemin de fer qui desservait l'installation de UCC, et les wagons en circulation sur les lignes du CP devaient être échangés avec le CN à Red Deer et devaient circuler sur la ligne du CN dans des trains du CN entre Red Deer et l'installation de UCC. C'est ce qu'on appelle une interconnexion. La ligne de chemin de fer du CP fournirait une deuxième ligne de chemin de fer desservant l'installation de UCC et ferait du CP un concurrent direct du CN comme transporteur de polyéthylène entre cette installation et des marchés situés au Canada et aux États-Unis.

[6]L'appelante s'est opposée à la demande du CP en invoquant l'inutilité d'une deuxième ligne de chemin de fer desservant l'installation de UCC. Ses craintes se rapportaient aux effets environnementaux négatifs, à la sécurité publique et à l'utilisation des terres. Selon la thèse de l'appelante, UCC pouvait avoir accès au service du CP au moyen d'une interconnexion. Suivant le Règlement sur l'interconnexion du trafic ferroviaire [DORS/88-41], le CN, à des prix fixés par règlement, est obligé de faire circuler les wagons du CP sur sa ligne entre l'installation de UCC et le lieu de correspondance avec le CP à Red Deer. L'appelante a déclaré que le CP et UCC étaient dans l'obligation de prouver que l'interconnexion ne répondrait pas à leurs intérêts commerciaux. Subsidiairement, l'appelante a déclaré que le CP pouvait demander à l'Office de prendre un arrêté l'autorisant à exploiter ses locomotives et ses trains sur la ligne du CN qui dessert l'installation de UCC à Prentiss. C'est ce qu'on appelle des droits de circulation. Une fois de plus, l'appelante a déclaré qu'il doit être démontré que des droits de circulation ne constitueraient pas une solution de rechange satisfaisante pour réaliser les objectifs commerciaux de UCC et du CP.

ANALYSE

L'article 98 de la Loi sur les transports au Canada

[7]L'article 98 de la Loi sur les transports au Canada dispose:

98. (1) La construction d'une ligne de chemin de fer par une compagnie de chemin de fer est subordonnée à l'autorisation de l'Office.

(2) Sur demande de la compagnie, l'Office peut accorder l'autorisation s'il juge que l'emplacement de la ligne est convenable, compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires et des intérêts des localités qui seront touchées par celle-ci.

(3) La construction d'une ligne de chemin de fer à l'intérieur du droit de passage d'une ligne de chemin de fer existante ou, s'il s'agit d'une ligne de chemin de fer d'au plus trois kilomètres de long, à 100 mètres ou moins de l'axe d'une telle ligne n'est pas subordonnée à l'autorisation.

[8]L'article 98 oblige une compagnie de chemin de fer à obtenir l'autorisation de l'Office avant de construire une ligne de chemin de fer, à moins que la ligne ne soit située à l'intérieur d'une ligne de chemin de fer existante ou, s'il s'agit d'une ligne de chemin de fer d'au plus trois kilomètres de long, à proximité d'une ligne de chemin de fer existante. L'Office peut accorder une autorisation s'il est d'avis que l'emplacement de la ligne est convenable, compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires et des intérêts des localités touchées. La question est de savoir si la compagnie de chemin de fer qui demande une autorisation doit prouver que la ligne de chemin de fer est nécessaire. L'appelante affirme que les mots "compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires" signifient qu'il faut évaluer la nécessité de la ligne. Il est allégué que pour évaluer ces besoins, il est nécessaire de tenir compte de la ligne de chemin de fer existante du CN, de la possibilité d'une interconnexion et de la possibilité que le CP obtienne des droits de circulation sur la ligne du CN. S'agissant des intérêts des localités, l'appelante affirme qu'il est nécessaire d'examiner la question de savoir si la ligne est vraiment nécessaire. L'appelante soutient que l'emplacement de la ligne de chemin de fer ne peut être jugé convenable que si la ligne elle-même est effectivement nécessaire.

[9]Je suis incapable d'accepter la prétention de l'appelante selon laquelle l'article 98 prescrit une évaluation de la nécessité. Le paragraphe 98(2) dispose que l'Office doit examiner la question de savoir si "l'emplacement de la ligne est convenable" [soulignement ajouté]. Il est significatif que, même si la demande se rapporte à l'autorisation de construire une ligne de chemin de fer, l'Office ne soit pas tenu d'examiner la question de savoir si la construction de la ligne est convenable. Pareille exigence aurait pu faire intervenir un critère des besoins. Au contraire, il semble bien que le législateur a fait une distinction entre la construction et l'emplacement de la ligne, et a restreint le rôle de l'Office au seul examen du caractère convenable de l'emplacement de la ligne. Aucun critère des besoins n'est implicite dans l'examen du caractère convenable de l'emplacement de la ligne.

[10]De plus, les mots "compte tenu des besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires" ne donnent pas à entendre que la nécessité de la ligne est un facteur pertinent pour l'Office. Dans le contexte d'une décision touchant l'emplacement, l'expression "besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires" ne vise que les besoins qui permettront à la compagnie de chemin de fer de fournir un service à ses clients. Elle ne se réfère pas à la nécessité de la ligne. Dans la présente espèce, l'Office a tenu compte de l'utilisation efficiente de l'équipement, de l'infrastructure et des équipes existants, ainsi que des besoins opérationnels, notamment les remblais de voie ferrée visant à permettre le transport du volume de trafic offert. Ce sont les genres de questions visées par les mots "besoins en matière de service et d'exploitation ferroviaires".

[11]D'autre part, l'obligation de tenir compte des "intérêts des localités" ne fait pas intervenir l'examen de la question de savoir si la ligne est nécessaire. La Loi prévoit que les localités soumettent à l'Office leurs craintes concernant l'emplacement de la ligne de chemin de fer et que l'Office tient compte de ces craintes pour décider si l'emplacement est convenable. Il est évidemment loisible à l'Office de décider qu'un emplacement n'est pas convenable, auquel cas il n'accordera pas l'autorisation de construire la ligne de chemin de fer. Toutefois, pour faire cette évaluation, l'Office ne doit pas tenir compte de la question de savoir si la ligne est nécessaire. La nécessité de la ligne sera présumée du fait de la demande présentée par la compagnie de chemin de fer.

[12]Cette interprétation du paragraphe 98(2) est compatible avec la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la Loi sur les transports au Canada. Les passages pertinents de l'article 5 sont les suivants:

5. Il est déclaré que, d'une part, la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces [. . .] est essentielle à la satisfaction des besoins des expéditeurs et des voyageurs [. . .] et, d'autre part, que ces objectifs sont plus susceptibles de se réaliser en situation de concurrence de tous les transporteurs, à l'intérieur des divers modes de transport ou entre eux, à condition que [. . .]

    [. . .]

    b) la concurrence et les forces du marché soient, chaque fois que la chose est possible, les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces;

    c) la réglementation économique des transporteurs et des modes de transport se limite aux services et aux régions à propos desquels elle s'impose dans l'intérêt des expéditeurs et des voyageurs, sans pour autant restreindre abusivement la libre concurrence entre transporteurs et entre modes de transport;

[13]Introduire dans le paragraphe 98(2) un critère des besoins reviendrait à ne tenir aucun compte de cette politique, qui veut que la concurrence et les forces du marché soient les principaux facteurs en jeu pour décider si une ligne de chemin de fer devrait être construite, et à imposer une forme de réglementation économique quand ce n'est pas nécessaire pour répondre aux besoins des expéditeurs en matière de transport. Cette mesure irait à l'encontre de la politique nationale des transports.

[14]Enfin, il est instructif d'examiner l'article 98 dans le contexte de la tendance à la déréglementation de l'industrie des transports au Canada au cours des trois dernières décennies. Dans les remarques qu'il a faites sur la loi remplacée, soit la Loi de 1987 sur les transports nationaux [L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28], dans l'arrêt Upper Lakes Group Inc. c. Canada (Office national des transports)3, le juge en chef Isaac, bien que dissident quant au résultat, a décrit avec précision, selon moi, l'historique législatif jusqu'à la date de cette décision. Aux pages 412 et 413, il déclare:

La Loi [Loi de 1987 sur les transports nationaux] est l'une des nombreuses lois adoptées par le législateur depuis une dizaine d'années dans le but de donner effet à la politique, toujours en vogue, de la déréglementation de l'économie nationale. Depuis l'adoption de cette politique, la gestion de l'économie nationale s'est considérablement éloignée du régime en place depuis les débuts de la Confédération et selon lequel les secteurs-clés de l'économie nationale étaient réglementés par l'État. En vertu de cette nouvelle orientation, l'économie ne serait plus réglementée par l'État, mais plutôt par les forces du marché. Le rôle de l'État se limiterait donc à fournir le cadre à l'intérieur duquel les forces du marché auraient libre cours. [. . .] La plus importante de ces lois est la Loi de 1987 sur les transports nationaux, dont il est question en l'espèce, qui a donné effet à la déréglementation du transport aérien au Canada au sud du 60e parallèle et a mis en vigueur des règles axées sur le marché pour favoriser la concurrence ferroviaire intra-modale et mettre un terme à l'établissement de prix communs par les compagnies de chemin de fer. Il a été dit de cette loi qu'elle était la pierre angulaire de la stratégie du gouvernement canadien visant à mettre en place un système de transport concurrentiel capable de répondre aux divers besoins des voyageurs et des expéditeurs canadiens. L'objectif de cette loi est le suivant: en l'absence de réglementation gouvernementale, permettre au secteur des transports d'évoluer en fonction des décisions se fondant sur les réactions du marché. De cette façon, les décisions en matière de transport seraient davantage fonction des besoins des expéditeurs et des voyageurs que de l'État. [Notes de bas de page omises.]

[15]La Loi sur les transports au Canada est un autre pas vers la déréglementation de l'industrie des transports au Canada. À cet égard, il est utile de comparer l'article 98 de la Loi sur les transports au Canada avec la disposition remplacée, soit l'article 127 de la Loi sur les chemins de fer4. L'article 127 disposait notamment ce qui suit:

127. (1) Si la Commission constate que l'embranchement est nécessaire, dans l'intérêt public ou pour aider au développement du commerce, et si elle accepte le tracé de cet embranchement [. . .] elle peut autoriser par écrit la construction de l'embranchement [. . .]

Il n'est nulle part question dans l'article 98 d'un critère, exprès ou implicite, de l'intérêt public ou d'un critère pour aider au développement du commerce. Il ne reste plus que le critère de l'emplacement. Ce changement est compatible avec le virage du Canada vers la déréglementation de l'industrie du transport ferroviaire évoqué par le juge en chef Isaac dans l'arrêt Upper Lakes Group, précité. Conformément à ce virage, la Loi sur les transports au Canada a restreint le rôle de l'Office quant à la réglementation de l'entrée dans l'industrie du transport ferroviaire au Canada et au contrôle de la construction de nouvelles lignes de chemin de fer. Interpréter l'article 98 de manière à exiger l'application d'un critère des besoins relativement à la construction d'une ligne de chemin de fer est incompatible avec le rôle limité attribué à l'Office.

[16]Pour tous ces motifs, je suis convaincu que l'Office n'a pas commis d'erreur en n'examinant pas la nécessité de la ligne en vertu du paragraphe 98(2) de la Loi sur les tranports au Canada.

Le paragraphe 16(1) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale

[17]L'Office a conclu qu'au moment du dépôt de la demande du CP en vertu du paragraphe 98(2) de la Loi sur les transports au Canada, l'Office est devenu l'"autorité responsable" en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale [LCÉE] puisqu'il était tenu de veiller à ce qu'une évaluation environnementale de la ligne soit faite. Il n'est pas nécessaire d'entreprendre une analyse approfondie de la LCÉE. Il suffit simplement d'examiner l'article 16 de la LCÉE, qui énonce les facteurs dont il faut tenir compte dans le cadre du processus d'évaluation environnementale.

[18]Le paragraphe 16(1) dispose:

16. (1) L'examen préalable, l'étude approfondie, la médiation ou l'examen par une commission d'un projet portent notamment sur les éléments suivants:

    a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autres ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement;

    b) l'importance des effets visés à l'alinéa a);

    c) les observations du public à cet égard, reçues conformément à la présente loi et aux règlements;

    d) les mesures d'atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants du projet;

    e) tout autre élément utile à l'examen préalable, à l'étude approfondie, à la médiation ou à l'examen par une commission, notamment la nécessité du projet et ses solutions de rechange,"dont l'autorité responsable ou, sauf dans le cas d'un examen préalable, le ministre, après consultation de celle-ci, peut exiger la prise en compte.

S'appuyant expressément sur l'alinéa 16(1)e), l'Office a statué qu'il examinerait la nécessité de la ligne et les solutions de rechange dans le cadre de son évaluation environnementale. L'appelante reconnaît qu'en vertu de l'alinéa 16(1)e), l'Office a le pouvoir discrétionnaire de décider s'il convient d'examiner la nécessité de la ligne et les solutions de rechange. Toutefois, elle affirme qu'une fois que l'Office a décidé d'évaluer la nécessité de la ligne et les solutions de rechange, il était dans l'obligation de remplir lui-même cette fonction et de prendre ses propres décisions sur ces questions. L'appelante affirme que l'Office ne l'a pas fait et que pareille omission constitue un refus d'exercer sa compétence.

[19]Je conviens avec l'appelante qu'une fois que l'Office a décidé qu'il était nécessaire d'examiner la nécessité de la ligne et les solutions de rechange, il était dans l'obligation de faire cette évaluation lui-même. Il s'agit alors de savoir s'il ressort des motifs invoqués par l'Office qu'il a effectué une évaluation de la nécessité et des solutions de rechange.

[20]Dans ses motifs, l'Office déclare qu'il a examiné la nécessité du projet et ses solutions de rechange:

[traduction]

Dans la préparation du rapport d'examen préalable, l'Office a notamment examiné:

" la nécessité du projet;

" ses solutions de rechange; [. . .]

[21]L'Office a exprimé le point de vue que la nécessité et les solutions de rechange étaient subordonnées à la décision de UCC qu'elle avait besoin d'un accès direct au CP dans le cadre de l'agrandissement de son usine de polyéthylène, et à l'objectif du CP d'améliorer sa part de marché du transport de polyéthylène au Canada. L'Office a ensuite examiné les solutions de rechange que constituaient le transport par camion, le transport par pipeline à suspension et d'autres solutions ferroviaires. L'Office a finalement conclu que la preuve de la nécessité avait été faite et que les solutions de rechange ne répondraient pas aux besoins.

[22]L'argument invoqué par l'appelante à cet égard est que l'Office a délégué à UCC et au CP la prise d'une décision sur la nécessité et le caractère inadéquat des solutions de rechange, et, partant, n'a pas exécuté le mandat dont il était investi. À titre d'exemple, en ce qui concerne les solutions de rechange que sont le transport par camion et le transport par pipeline à suspension, l'Office a déclaré, après avoir indiqué qu'il n'était pas contre la décision de UCC de rejeter ces solutions de rechange:

[traduction] De telles décisions doivent être laissées à l'exploitant de l'entreprise, en l'espèce l'expéditeur du polyéthylène, CC.

Les autres motifs invoqués par l'Office concernant la nécessité et les solutions de rechange contiennent des remarques similaires, par lesquelles l'Office laisse à UCC et au CP le soin de se prononcer sur la nécessité et le caractère opportun des solutions de rechange.

[23]Si les décisions concernant la nécessité et le caractère opportun des solutions de rechange reviennent à UCC et au CP, l'Office a-t-il refusé d'exercer sa compétence? À mon avis, si l'Office n'avait exprimé aucun point de vue personnel sur les questions de la nécessité et des solutions de rechange, il aurait refusé d'exercer sa compétence.

[24]Toutefois, dans la présente espèce, bien qu'il se soit clairement appuyé dans une large mesure sur les points de vue et les objectifs de UCC et du CP, l'Office a exprimé son propre point de vue. Il n'était pas contre le rejet par UCC des solutions de rechange que sont le transport par camion et le transport par pipeline. Il a reconnu que, du point de vue d'un expéditeur, un accès indirect était moins intéressant qu'une liaison directe, et qu'une liaison directe est fondamentalement plus adéquate et plus efficace. Il a fait remarquer que les problèmes opérationnels que pourraient poser l'établissement d'horaires et la répartition sont préoccupants en ce qui concerne les droits de circulation. L'Office a conclu que l'option que sont les droits de circulation mettait en péril la capacité de UCC de desservir ses clients en raison de la nécessité d'assurer une coordination entre deux transporteurs. Ce sont des constatations de l'Office et elles indiquent bel et bien que l'Office lui-même a examiné la question des solutions de rechange.

[25]L'Office s'est appuyé sur la décision de UCC de voir à ce que le CP ait un accès direct et sur le désir du CP d'élargir sa part du marché de polyéthylène en desservant directement UCC pour conclure que la ligne de chemin de fer était nécessaire. C'est ce que l'avocat du CP a appelé la nécessité commerciale. L'appelante semble être d'avis que l'Office était obligé d'effectuer sa propre analyse approfondie de la question de savoir quelles solutions de rechange pourraient répondre à la nécessité et ne pouvait pas simplement s'appuyer sur les objectifs commerciaux de UCC et du CP. J'estime toutefois que, dans les circonstances de l'espèce, l'Office avait le droit de faire reposer sa décision concernant la nécessité et les solutions de rechange sur les déclarations de UCC et du CP.

[26]Les besoins commerciaux sont une raison légitime de rejeter des solutions de rechange. La construction d'une ligne de chemin de fer est onéreuse. UCC et le CP prennent un risque et engagent des frais dans le cadre de tels travaux. Ils ne le feraient pas s'ils étaient d'avis qu'une solution de rechange était plus intéressante. UCC et le CP sont beaucoup mieux placés que l'Office pour faire ces évaluations. L'Office a expressément accepté les évaluations de UCC et du CP et, pour ce faire, a pris une décision fondée sur la nécessité et les solutions de rechange. Il n'avait pas besoin d'aller plus loin.

[27]L'alinéa 16(1)e) de la LCÉE ne précise pas jusqu'où l'Office doit pousser son examen de la question de la nécessité et des solutions de rechange. De même que l'Office a la faculté d'examiner la nécessité et les solutions de rechange, de même il a la faculté de décider la nature et l'étendue de l'examen de ces facteurs.

[28]Bien que l'Office puisse examiner la nécessité et les solutions de rechange dans le cadre d'une évaluation environnementale, l'alinéa 16(1)e) n'est pas un moyen déguisé de redonner à l'Office un pouvoir de réglementation économique sur la construction de lignes de chemin de fer. Sauf incompatibilité manifeste, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'Office devrait tenter d'harmoniser sa démarche en vertu de la LTC et de la LCÉE. En d'autres termes, il doit respecter à la fois l'intention expresse du législateur en matière de déréglementation en vertu de la LTC et le pouvoir décisionnel que lui a conféré le législateur en matière environnementale sous le régime de la LCÉE. Dans les cas où il est en mesure de décider qu'un projet est acceptable sur le plan environnemental, l'Office peut juger inutile d'examiner la nécessité et les solutions de rechange. Toutefois, je n'écarte pas la possibilité qu'un projet puisse avoir des effets environnementaux si négatifs que l'Office puisse juger nécessaire d'analyser rigoureusement la question de la nécessité et des solutions de rechange.

[29]Ainsi que le prescrivent les alinéas 16(1)a) à d) de la LCÉE, l'Office a examiné les effets néfastes pour l'environnement du projet et l'importance de ces effets, les observations reçues du public, les mesures d'atténuation qui sont réalisables sur les plans technique et économique par le CP et l'importance de l'effet avec la mise en œuvre des mesures d'atténuation. En particulier, l'Office a examiné la qualité de l'air, l'hydrologie, la restauration et le suivi, la faune, l'effet sur l'agriculture, le bruit et la sécurité publique. L'Office a conclu que la construction de la ligne de chemin de fer n'aurait pas d'effets environnementaux négatifs importants si les mesures d'atténuation proposées par le CP étaient mises en œuvre.

[30]L'Office a conclu qu'un arrêté approuvant la construction de la ligne de chemin de fer serait assorti de conditions obligeant le CP à donner suite à ses engagements en matière d'atténuation. Un plan de restauration exhaustif et un programme de déclaration d'accident faunique devraient être soumis, et un programme de suivi devrait être conçu avec avis public du programme requis. L'Office a imposé des conditions supplémentaires concernant la cession de terres dans les courbes et le déplacement sûr du bétail. Des conditions supplémentaires concernant le niveau de bruit ont été imposées.

[31]Je suis convaincu que, dans la présente espèce, l'Office a exécuté les attributions prévues aux alinéas 16(1)a) à d) et n'a pas refusé d'exercer la compétence prévue à l'alinéa 16(1)e) de la LCÉE.

DISPOSITIF

[32]L'appel sera rejeté avec dépens.

Le juge Décary, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.

1 L.C. 1996, ch. 10.

2 L.C. 1992, ch. 37 [art. 16(1)e) (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 22)].

3 [1995] 3 C.F. 395 (C.A.).

4 L.R.C. (1985), ch. R-3.

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