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Manchester Liners Limited et John Scott Watson, capitaine, en son nom propre et au nom des officiers et de l'équipage du SS «Manchester Exporter» (Demandeurs)
c.
Le NM «Scotia Trader», anciennement «Irving Hemlock» (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh— Halifax, les 21 et 22 avril; Ottawa, le 7 juin 1971.
Navigation—Sauvetage—Parties—Navire portant secours à un bâtiment en détresse sur sa demande—Contrat de remorquage conclu pendant que le bâtiment sauveteur se trouvait sur les lieux—Rupture du contrat—Demandes de rémunération de sauvetage par le navire, le capitaine, les officiers de bord et l'équipage—Le capitaine peut-il poursui- vre au nom de l'équipage sans en désigner les membres?— Droit de l'équipage à un dédommagement distinct de celui qui est alloué au propriétaire du navire.
Le 4 février 1969, le M, en réponse à un appel général de détresse, s'est porté au secours du H dont le moteur était tombé en panne par grosse mer au large de la côte de la Nouvelle-Écosse. Le M est arrivé sur les lieux à 17h5 et il est resté le long du bord du H, à la demande de celui-ci, pendant que l'on tentait sans succès d'effectuer les répara- tions. Pendant qu'il était sur les lieux, le capitaine du M a informé par radio les représentants du H à Halifax qu'il allait prendre celui-ci en remorque en se conformant au contrat-type de sauvetage du Lloyd. Les représentants du M à Halifax ont par ailleurs passé avec les représentants du H un contrat aux termes duquel le M devait remorquer le H jusqu'à Halifax ou jusqu'au déchargement de ce dernier, moyennant $400 de l'heure à compter de 21h; ils en ont avisé le capitaine du M. Le M a tenté sans succès, à plusieurs reprises, de passer un câble à bord du H en lançant celui-ci à l'aide d'un lance-fusée et d'un porte- amarre flottant; par la suite, le capitaine du H a réussi à obtenir les services d'un autre navire et a informé le M qu'il n'avait plus besoin de lui. Le M a repris sa traversée à destination d'Halifax et a envoyé plus tard au H, qui la lui a réglée, une facture de $5,205 pour l'assistance qu'il lui avait apportée, calculée à raison de $400 de l'heure. Les propriétaires et le capitaine du M, ce dernier agissant tant en son nom personnel qu'au nom des officiers et de l'équi- page du M, ont intenté une action contre le H en alléguant une violation du contrat de remorquage du fait que celui-ci avait fait appel à un autre navire et ont demandé pour chacun d'entre eux une rémunération de sauvetage.
Arrêt: (1) Le capitaine était fondé à intenter l'action au nom des officiers et de l'équipage sans désigner individuel- lement chacun d'entre eux. [Renvoi aux règles de l'Ami- rauté 28(2) et 30.]
(2) Le contrat convenu moyennant une rémunération horaire de $400 pour les services rendus par le M couvrait toutes les demandes que les propriétaires de ce navire auraient autrement pu présenter pour ce sauvetage. La preuve n'a démontré aucune violation de ce contrat.
(3) Le capitaine, les officiers et l'équipage du M étaient fondés à recevoir du H une indemnité de sauvetage de $250 pour les services qu'ils lui avaient rendus à cette fin pendant les quatre heures durant lesquelles le M était resté sur les lieux avant que le contrat de remorquage ne prenne effet. Le sauvetage débute au moment un vaisseau arrive sur les lieux.
ACTION.
D. McInnes, c.r. et J. Gerald pour les demandeurs.
D. Kerr, c.r. et D. Oliver pour les défendeurs.
LE JUGE WALSH—Dans cette action, les demandeurs réclament la rémunération des ser vices de sauvetage rendus au navire à moteur Scotia Trader, sous son ancien nom d'Irving Hemlock (c'est le nom que j'emploierai pour le nommer dans ces motifs), à sa cargaison et à son fret, les 4 et 5 février 1969 ou vers ces dates, dans les parages de l'Ile Beaver, au large de la côte est de la Nouvelle-Écosse. Le Man- chester Exporter est un navire en acier de 5,499 tonneaux, propulsé par une turbine à vapeur à une seule hélice, d'une longueur supérieure à 444 pieds et transportant un équipage de 41 hommes au total à l'époque pertinente; navire était estimé à £200,000 et la cargaison, fret compris, à £700,000. L'Irving Hemlock est un bateau-citerne en acier, de 599 tonneaux, pro- pulsé par un moteur à une seule hélice, d'une longueur de 171 pieds environ; à l'époque perti- nente, il transportait un équipage de 9 hommes en tout. L'évaluation que l'on a donnée de ce bateau ne dépassait pas $100,000 et les pertes de gains touchant au fret s'élevaient à $500 par jour. Il ne transportait pas de cargaison et il naviguait sur lest au moment il s'est trouvé en difficulté. Le 4 février 1969, selon la décla- ration, le Manchester Exporter allait de Man- chester à Halifax avec une cargaison partielle de marchandises diverses lorsqu'à 16h23, heure locale, alors qu'il approchait de la côte de la Nouvelle-Écosse, il a capté un signal radio d'ur- gence émis par la station côtière d'Halifax, demandant à tous les navires qui se trouvaient aux environs de six milles au sud de l'Ile Beaver, de se diriger vers le navire en détresse, l'Irving Hemlock, qui risquait de s'échouer et de lui prêter assistance dans toute la mesure du possible. Il était alors à 12 milles au sud de l'Ile Beaver et il s'est dirigé vers l'endroit indiqué,
signalant sa manoeuvre et se mettant ensuite en contact direct par radio avec l'Irving Hemlock qui lui a demandé de se tenir sur les lieux pendant que ses mécaniciens essayaient de réparer les machines. Lorsqu'il a été aperçu, l'Irving Hemlock dérivait vers l'est par vent de travers sur tribord, du fait qu'il était orienté vers le sud, roulant fortement et embarquant de l'eau par dessus les ponts. Le temps était assombri par des averses de pluie ou des rafales de neige et le vent soufflait ouest sud-ouest force 8, soit un vent de début de tempête avec une mer forte et de la houle.
Après que le Manchester Exporter se fut mis à sa disposition, l'Irving Hemlock a transmis un message radio pour annuler l'appel d'urgence et, le moment venu, le capitaine du Manchester Exporter a reçu un appel par radiotéléphone d'un représentant de l'Atlantic Towing Com pany de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick) lui demandant d'accepter un contrat de remor- quage; il a répondu que s'il devait remorquer l'Irving Hemlock, ce devrait être aux conditions du contrat-type de sauvetage du Lloyd, confor- mément aux instructions de ses propriétaires. Il a adressé l'Atlantic Towing Company à la Fur- ness Withy & Co. Ltd. d'Halifax, représentant des propriétaires au Canada, puis, à 21h30, il a reçu un appel par radiotéléphone de la Furness Withy & Co. Ltd., lui indiquant qu'elle avait conclu un accord avec l'Atlantic Towing Com pany, aux termes duquel il devait essayer de remorquer l'Irving Hemlock jusqu'aux abords d'Halifax, moyennant une rémunération horaire convenue. Dès réception de ce message, il a pris des dispositions pour que son équipage prenne l'Irving Hemlock en remorque, ce qui impliquait que l'on déroule 120 brasses de câbles de sécu- rité de cinq pouces (il s'agit de la circonférence, le diamètre étant d'environ un pouce et demi) du touret sur lequel il était enroulé à l'arrière, et qu'on l'installe le long du pont, prêt à être filé sur l'arrière pour constituer un élément de la remorque, le câble étant assuré sur quatre jeux de bittes à l'arrière du bâtiment, sur bâbord. Il a également fait disposer sur le pont deux haus- sières neuves en polypropylène dont une extré- mité était fixée à l'extrémité libre du câble de sécurité, et l'autre, à la ligne d'attrape qui devait être lancée à l'Irving Hemlock. Ces préparatifs ont obligé les officiers et l'équipage de pont à
travailler sur le pont dans des conditions diffici- les de froid et d'humidité, tandis que le bâtiment tanguait, roulait et embarquait de l'eau de temps en temps; cela a pris près de quatre heures. Pendant ce temps, on avait demandé à l'Irving Hemlock de décrocher un câble de l'ancre afin de l'utiliser pour le remorquage, mais il a pré- tendu être dans l'impossibilité de le faire car son équipage ne pouvait pas, dans les condi tions du moment, manier l'ancre fort lourde. On a également demandé à l'Irving Hemlock de préparer des fusées porte-amarre, mais il a répondu qu'il ne disposait pas de telles fusées.
Les deux feux rouges sur l'Irving Hemlock indiquaient qu'il n'était pas maître de sa manoeuvre et le Manchester Exporter a manoeu- vré de façon à passer près de l'arrière de l'Ir- ving Hemlock, de bâbord en tribord, avant de virer pour le longer parallèlement, sur tribord, à une distance légèrement supérieure à une lon- gueur de navire et il a tiré la première de ses fusées porte-amarre qui, aux dires de l'Irving Hemlock, est tombée sans atteindre le navire. Il a alors décrit un cercle autour de l'avant de l'Irving Hemlock, et est revenu sur bâbord pour le contourner à nouveau par l'arrière et repren- dre sa position précédente; il a tiré une deux- ième fusée, d'une distance de 300 pieds envi- ron, qui, aux dires de l'Irving Hemlock est tombée en avant du navire. Il a répété sa manoeuvre précédente, contournant le navire désemparé et a tiré une troisième fusée qui a semblé tomber en travers du pont avant de l'Irving Hemlock mais, selon la déclaration, per- sonne n'est apparu sur le pont, n'a fait quelque effort pour tenter de fixer le filin ou n'a rap porté était tombé le filin et, après quatre minutes environ, on a estimé qu'il devait avoir été emporté. Par la suite, une quatrième et dernière fusée a été tirée et elle semble encore être tombée sans atteindre le navire.
Le capitaine du Manchester Exporter a alors averti l'Irving Hemlock qu'il allait essayer de flotter un câble jusqu'à lui; on a attaché une ligne d'attrape à une ceinture de sauvetage et, après des manoeuvres du Manchester Exporter pour se placer au vent par rapport à l'Irving Hemlock, on a lancé la ceinture de sauvetage à la mer à une distance de 200 pieds environ, on l'a éclairée avec les projecteurs du navire, mais
l'Irving Hemlock a fait savoir qu'il ne pouvait pas voir la ceinture de sauvetage, aussi a-t-elle été ramenée à bord et une autre ceinture a été attachée au câble avec un tonneau vide de 40 gallons. Lorsque le Manchester Exporter est arrivé par le travers de l'Irving Hemlock sur tribord, la ceinture de sauvetage et le tonneau ont été jetés une fois encore par dessus bord à une distance de 100 pieds environ, puis le Man- chester Exporter a doublé l'Irving Hemlock de tribord en bâbord avant de manoeuvrer pour faire tête près de sa hanche bâbord; de cette façon, le filin porte-amarre passait autour de l'étrave de l'Irving Hemlock et le long de ses flancs bâbord et tribord, mais, malgré cela, l'Ir- ving Hemlock ne semble pas avoir tenté de hisser le câblé à son bord. Il était environ 7h30 dans la matinée du 5 février quand l'extrémité du filin porte-amarre a finalement été remontée à bord du Manchester Exporter et à 8h10 envi- ron, l'Irving Hemlock lui a fait savoir qu'il n'a- vait plus besoin de son aide.
La déclaration fait valoir en outre que, pen dant tout ce temps, le Manchester Exporter rendait sur demande des services de sauvetage en se tenant à la disposition de l'Irving Hemlock puis en tentant de le prendre en remorque après avoir pris toutes les dispositions nécessaires à cette fin, qu'il avait la volonté et la capacité de le remorquer jusqu'à Halifax, compte tenu de la coopération nécessaire de l'équipage de l'Irving Hemlock, qui ne s'est pas manifestée, et que ces services ont duré du 4 février à 16h34 au 5 février 1969 à 8h10, causant du retard au Man- chester Exporter à son arrivée à Halifax et la perte d'une journée entière de travail de déchar- gement. Le capitaine et l'équipage sont restés à leur poste, avec fort peu de répit, dans des conditions atmosphériques défavorables, pen dant une longue et difficile période de travail et de responsabilités au cours de laquelle ils ont fait preuve d'excellentes qualités de manoeuvre, de persévérance et de jugement, sans tenir compte du danger couru par le navire et son équipage dans la mesure le bâtiment risquait d'être avarié si les câbles venaient à se rompre et à se prendre dans l'hélice; il y avait en outre, un danger de collision pendant les manoeuvres que le Manchester Exporter devait effectuer à une très courte distance de l'Irving Hemlock. La raison de l'avis reçu par le Manchester Exporter
le 5 février à 8h10, lui indiquant que l'on n'avait plus besoin de ses services, réside dans le fait que l'Irving Hemlock avait conclu un autre accord de remorquage, qui a par la suite été exécuté par le chalutier Scotia Point, ce qui a entraîné une rupture du contrat de remorquage conclu par le Manchester Exporter et, pour cette raison, les demandeurs, à titre collectif et individuel, demandent qu'il leur soit accordé des sommes, sous la forme de rémunération de sauvetage, qu'il appartiendra à la Cour de fixer en tenant compte de la somme de $5,205.95 versée par les propriétaires de l'Irving Hemlock à ceux du Manchester Exporter pour s'être tenus à la disposition du navire au tarif de $400 l'heure.
Les défendeurs rejettent les prétentions de la déclaration, mais ils admettent que le 4 février 1969, vers 15h, l'Irving Hemlock a subi en mer une panne de moteur, qu'il a envoyé un appel général de détresse et qu'il a par la suite échangé une série de messages avec le Man- chester Exporter à qui il a demandé de se tenir sur les lieux tandis que les mécaniciens de l'Ir- ving Hemlock essayaient de réparer ses machi nes. Après avoir discuté par radiotéléphone d'un remorquage jusqu'à Halifax, le Manchester Exporter a demandé à l'équipage de l'Irving Hemlock de communiquer avec ses agents à Halifax, ce dont l'Irving Hemlock a alors avisé l'Atlantic Towing Company Limited, son repré- sentant à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick). A l'issue des négociations entre ces derniers et la Furness Withy & Co. Ltd., le représentant du Manchester Exporter, l'Atlantic Towing Compa ny Limited a envoyé au nom des défendeurs, à la Furness Withy & Co. Ltd., vers 22h, un télégramme qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] CONFIRMONS CONVERSATION AU SUJET REMORQUAGE IRVING HEMLOCK PAR MANCHESTER EXPLORER (sic), ACCEPTONS TARIF QUATRE CENT DOLLARS L'HEURE DE 21 HEURES CE SOIR À ARRIVÉE À HALIFAX OU REMERCIÉ, OPÉRATION RÉUSSIE OU NON, PLUS COÛT CÂBLES ROMPUS PLUS COÛT TEMPS SUP- PLÉMENTAIRE ÉQUIPE DE DÉCHARGEMENT. MANCHESTER PAS RESPONSABLE ACCIDENT ÉQUIPAGE OU DOMMAGE DUS AU REMOR- QUAGE
ATLANTIC TOWING LIMITED GERALD B LAWSON
Les défendeurs allèguent que le capitaine du Manchester Exporter leur avait affirmé que la Furness Withy & Co. Ltd. était compétente pour négocier et conclure l'accord sur la rému- nération des demandeurs, qu'ils s'étaient fiés à cette affirmation et qu'ainsi les demandeurs auraient perdu leur droit de contester qu'elle était compétente et que les conditions arrêtées au cours de la négociation étaient censées cou- vrir la rémunération de tous les intéressés du Manchester Exporter, y compris les officiers et les membres de l'équipage. En outre, les défen- deurs nient qu'aucun câble lancé par le Man- chester Exporter soit à aucun moment passé à la portée de l'équipage de l'Irving Hemlock et déclarent que les membres dudit équipage sont restés à leur poste toute la nuit et qu'à tout moment ils étaient prêts à saisir une remorque et ils étaient disposés à le faire si le Manchester Exporter avait été en mesure d'en faire parvenir une à bord. Bien qu'ils admettent que les condi tions atmosphériques étaient mauvaises et qu'en raison de sa panne de moteur l'Irving Hemlock roulait et tanguait fortement, ce qui augmentait les difficultés de ceux qui essayaient de travail- ler sur le pont, la défense prétend qu'à aucun moment le navire ne s'est trouvé en danger imminent de perte ou d'avarie. Tôt dans la matinée du 5 février, lorsqu'il est devenu évi- dent qu'en raison de la taille et du manque de maniabilité du Manchester Exporter, il ne serait pas en mesure de s'approcher suffisamment pour envoyer la remorque, l'Atlantic Towing Limited est entrée en pourparlers avec la Supe rior Sea Products Limited de Yarmouth (Nou- velle-Écosse) pour recourir aux services du navire à moteur Scotia Point et il a été convenu le 5 février vers 7h que le Scotia Point qui se trouvait alors dans les parages ferait route vers l'Irving Hemlock et le prendrait en remorque pour un prix forfaitaire de $2,500 plus éventuel- lement le coût des amarres rompues jusqu'à concurrence de $375, le paiement du prix étant subordonné à la réussite du remorquage jusqu'à Liscomb ou Halifax. Lorsque le 5 février à 8h10, il a reçu confirmation que le Scotia Point était en route, le capitaine de l'Irving Hemlock a averti celui du Manchester Exporter qu'il n'avait plus besoin de ses services et ce dernier a poursuivi sa route vers Halifax; peu après le Scotia Point est arrivé, il a passé une remorque
au navire désemparé et l'a remorqué jusqu'à Liscomb il est arrivé à 17h20 le même jour. La défense prétend en outre que la Furness Withy & Co. Ltd. a, au nom des demandeurs, envoyé à l'Atlantic Towing Limited, représen- tant de l'Irving Hemlock, une facture d'un mon- tant de $5,05.95 qui a été payée pour solde de tout compte afférent aux services rendus par les demandeurs, ce qui englobe le temps passé par le Manchester Exporter à se tenir à la disposi tion de l'Irving Hemlock au tarif convenu de $400 l'heure, les frais de déchargement imputa- bles au retard du Manchester Exporter à Halifax et toutes les cartouches, les câbles etc ... utili- sés au cours de la tentative de remorquage de l'Irving Hemlock; elle prétend encore que tous les travaux effectués ou tous les services rendus par le Manchester Exporter ou ses pro- priétaires, ou ses officiers et son équipage, ou les demandeurs, ont été entièrement payés con- formément aux conditions arrêtées dans le con- trat précité et sur la base de ladite facture. La défense prétend en outre que pour ce qui est de la demande d'indemnité de sauvetage, les efforts du Manchester Exporter et de son équi- page, bien que déployés avec diligence et bonne volonté, n'ont nullement contribué ni à la sécu- rité de l'Irving Hemlock ni à quelque action de sauvetage couronnée de succès.
En réponse, les demandeurs déclarent qu'au- cun contrat d'aucune sorte liant les membres de l'équipage du Manchester Exporter n'avait été conclu ou ne pouvait l'avoir été en vertu des dispositions de l'art. 201(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada S.R.C. 1952, c. 29, ou de quelque autre manière. Ils contestent en outre l'affirmation que les conditions atmos- phériques n'étaient pas critiques ou que l'Irving Hemlock n'était pas en danger imminent de perte ou d'avarie.
Avant de continuer à traiter du fond de l'af- faire, il convient de statuer sur un point de procédure. Au par. 5 de leur avis pour admis sion de faits, les demandeurs ont demandé aux défendeurs d'admettre:
[TRADUCTION] 5. Que John Scott Watson, capitaine du SS Manchester Exporter au cours du voyage 23, est dûment et régulièrement habilité par tous les membres de l'équipage dudit navire au cours dudit voyage, et chacun d'eux, à intenter la présente action en leur nom, et chacun
desdits membres de l'équipage consent à l'introduction et au jugement de cette action.
Dans leur réponse, les défendeurs ont refusé cette admission et, en fait, cherchent à obtenir de la Cour, en vertu de la Règle 68, l'autorisa- tion de produire une réplique à la réponse adressée à la défense pour déclarer, entre autres, que:
[TRADUCTION] ... les officiers et l'équipage du Manchester Exporter ne sont pas, en plus du demandeur John Scott Watson, parties à cette action.
En conséquence, le procureur des demandeurs a présenté à l'ouverture du procès un avis de motion priant la Cour d'ordonner que les noms des officiers et de l'équipage du Manchester Exporter soient supprimés, qu'ils ne figurent pas à l'instance en qualité de demandeurs dési- gnés et que l'action se poursuive sous la forme et l'intitulé actuel. Au cours du débat suscité par cette requête, l'avocat des demandeurs a soutenu qu'il était prêt à modifier les actes de procédure afin d'y faire figurer les noms des autres officiers et des membres de l'équipage en qualité de co-demandeurs et que, de fait, tous à l'exception de quatre d'entre eux l'avaient auto- risé par écrit à le faire; l'avocat des défendeurs a pour sa part déclaré que s'ils n'étaient pas ainsi désignés, son client pourrait subir un pré- judice dans la mesure où, s'il advenait que l'action soit rejetée avec dépens, le recouvre- ment de ces dépens pourrait présenter certaines difficultés si seul le capitaine était désigné et censé agir en son nom propre et au nom des officiers et de l'équipage sans que ces derniers ne soient désignés individuellement. Bien que j'aie décidé d'accorder à l'avocat des défen- deurs, en vertu de la Règle 68, l'autorisation de produire la réplique à la réponse adressée à la défense, puisqu'en plus des arguments concer- nant le refus de joindre, en qualité de parties à l'action, les autres officiers et l'équipage, elle comportait deux ou trois prétentions pertinentes et utiles, y compris le rejet de l'affirmation selon laquelle l'art. 201(1) de la Loi sur la marine marchande du Canada invoquée à l'ori- gine dans la réponse à la défense, est applicable dans la présente affaire, je ne pense pas qu'il soit absolument souhaitable, dans ce type d'ac- tions, de désigner individuellement tous les offi- ciers et les membres de l'équipage plutôt que d'autoriser le capitaine à ester en justice en son nom propre et au nom des officiers et de l'équi-
page dans son ensemble, à moins que la loi ne l'exige, puisque cette procédure paraîtrait inuti- lement lourde et pourrait, dans certains cas, entraîner des complications et des retards déraisonnables.
Traitant de cette question, Mayers remarquait à la page 215 de Admiralty Law and Practice in Canada, au sujet de l'ancienne pratique de la Haute Cour d'Amirauté d'Angleterre:
[TRADUCTION] Du fait de cette pratique, un nombre quel- conque de parties pouvaient se joindre en qualité de deman- deurs à une action, sous réserve qu'elles aient un intérêt commun dans le litige et il suffisait de les définir comme les propriétaires d'un navire ou d'une cargaison, ou comme l'équipage d'un navire.
Il cite l'arrêt le Maréchal Suchet [1896] P. 233, à la page 236:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que suivant la prati- que de cette Cour toutes les personnes concernées par un service de sauvetage pouvaient être jointes à la même action afin d'obtenir la rémunération de ces services, ... . L'aspect pratique de cette procédure la justifie.
Dans l'arrêt Tower Bridge, [1936] P. 30, la
page 39, la Cour répartit la prime de sauvetage entre les propriétaires, le capitaine, et les offi- ciers et les membres de l'équipage, qui ne sem- blent pas avoir été désignés individuellement suivant leur grade. Il semble que l'on ait suivi la même pratique aux États-Unis dans une action intitulée Sobonis c. le National Defender [1970] 1 Lloyd's Rep. 40 portée devant la Cour de district des États-Unis du district sud de New York, qui concluait à la page 48:
[TRADUCTION] Il convient de produire avec le jugement une liste des noms et des adresses des membres de l'équi- page du Mesologi en juin 1963.
M. Kennedy écrit à la page 236 de la 4 e édition de Civil Salvage:
[TRADUCTION] Quant aux officiers et marins, la réparti- tion prend généralement la forme d'une somme forfaitaire qu'ils doivent se partager en fonction de leurs grades.
La règle 29(2) de nos Admiralty Rules dispose:
[TRADUCTION] 29. (2) Lorsque dans une action le deman- deur réclame une réparation à laquelle une autre personne a un droit concurrent au sien, toutes les personnes investies de ce droit doivent, sous réserve de toute disposition législa- tive et sauf autorisation contraire de la Cour, être parties à l'action . . .
La règle 30A(1) dispose:
30A. (1) Aucune cause ou affaire ne doit être rejetée en raison de la jonction injustifiée ou de l'absence de jonction d'une partie et la Cour peut, dans toute cause ou affaire, juger des points ou questions en litige, dans la mesure ils affectent les droits et intérêts des personnes parties à la cause ou à l'affaire.
Le paragraphe (2) autorise la Cour, selon les modalités qu'elle estime justes, à ordonner à toute personne qui aurait être jointe comme partie ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour garantir que tous les points débattus dans la cause ou l'affaire peuvent être réellement et complètement tranchés et jugés, de se joindre en qualité de partie, mais il précise qu'aucune personne ne peut être jointe en qua- lité de demandeur sans son consentement donné par écrit ou d'une autre manière selon l'autori- sation accordée. Il ne me semble pas que la présence des autres officiers ou marins devant la Cour soit nécessaire pour juger l'affaire, aussi n'est-il pas utile d'appliquer cet article et, bien que l'on puisse peut-être alléguer qu'il res- sort de la Règle 29(2) qu'ils devraient être joints individuellement en qualité de parties à l'action, elle comporte la condition «sauf autorisation contraire de la Cour».
En fonction de ce qui précède, je pense qu'il est justifié qu'une seule action soit intentée au nom du capitaine, des officiers et de l'équipage et qu'il n'est pas nécessaire que les officiers et les membres de l'équipage soient désignés indi- viduellement, ainsi l'action peut être intentée en leur nom par le capitaine comme on l'a fait dans la présente affaire et la somme accordée, le cas échéant, pourra en conséquence être divisée après le prononcé du jugement. Voir The Spree, [1893] P. 147. Ayant conclu, comme je l'ai fait, que la façon dont les demandeurs ont été dési- gnés dans les actes de procédure est régulière, il n'est pas nécessaire aux demandeurs de procé- der à des modifications dans le but d'ajouter les noms des officiers et de l'équipage en qualité de co-demandeurs et, pour ce qui est de la requête visant à obtenir une ordonnance dispensant de l'inscription et de leur jonction en qualité de demandeurs désignés dans la procédure les noms des officiers et de l'équipage du Manches- ter Exporter, et autorisant la poursuite de l'ac- tion dans sa forme et sous son intitulé actuels, bien que la nécessité de cette requête semble quelque peu douteuse, l'avocat des demandeurs peut avoir eu dans l'idée, en la présentant, la
disposition de la règle 29(2), et je suis par conséquent disposé à accorder l'ordonnance demandée.
[Le Juge passe en revue la preuve sur ce point et continue:]
Au vu de la preuve qui m'a été présentée, je n'estime pas que les propriétaires de l'Irving Hemlock aient fait preuve de mauvaise foi en se ménageant une solution de rechange, à savoir le remorquage par le Scotia Point et en remerciant donc finalement le Manchester Exporter le 5 février à 8h10. S'il y avait eu de leur part quelque indice d'un refus de payer les proprié- taires du Manchester Exporter pour les services qu'il a rendus conformément aux termes du contrat qui a été conclu, la situation aurait été entièrement différente. Peut-être aurait-il été plus courtois de leur part d'avertir les proprié- taires ou le capitaine du Manchester Exporter de cet accord dès qu'il a été conclu avec les propriétaires du Scotia Point et peut-être le capitaine Kristjansson [capitaine du Irving Hemlock—ÉD] aurait-il pu lui aussi en avertir le capitaine Watson [capitaine du Manchester Exporter—RD] lorsqu'il en a eu connaissance bien qu'il considérât sans aucun doute que les accords conclus par ses propriétaires ne le con- cernaient absolument pas et qu'il n'ait lui-même conclu aucun accord avec quiconque et les ait laissé s'occuper de tout. Il semble cependant que même si les propriétaires de l'Irving Hem lock avaient conclu un accord pour que le Scotia Point fasse route et le prenne en remor- que, ils estimaient toujours souhaitable que le Manchester Exporter passe un câble à bord de l'Irving Hemlock pour le maintenir à distance de la terre jusqu'à l'arrivée du Scotia Point dans la matinée et, selon le message capté par la station côtière d'Halifax à 1h04, le capitaine Kristjans- son a accepté cela. Ce faisant, les propriétaires de l'Irving Hemlock ont fait preuve de prudence et non pas pris le risque qu'en raison d'un changement de vent, le navire se trouve dirigé sur la côte avant que le Scotia Point puisse le prendre en remorque et ils étaient tout à fait prêts à continuer de payer le prix horaire très important exigé par le Manchester Exporter pour ce service.
Rien cependant dans ce message n'indique que l'on ait donné au capitaine Kristjansson des
directives afin qu'il n'accepte pas un câble du Manchester Exporter, rien n'indique non plus quel motif aurait pu le porter après cela à refu- ser délibérément sa collaboration afin de placer un câble à son bord. Ce message exprime quel- ques doutes quant à la capacité du Manchester Exporter de remorquer l'Irving Hemlock jusqu'à Halifax dans les conditions atmosphériques du moment et le fait que les propriétaires de l'Ir- ving Hemlock aient voulu ajouter une deuxième corde à leur arc en envoyant le Scotia Point, beaucoup plus petit, propriété de la compagnie qui affrétait à l'époque l'Irving Hemlock, pour le remorquer jusqu'au port de Liscomb, plus proche, n'indique pas, me semble-t-il, leur mau- vaise foi. Ils avaient fait appel aux services du Scotia Point en subordonnant sa rémunération au résultat obtenu, et bien qu'il soit vrai que la somme de $2,500 qu'ils lui ont payée pour remorquer le navire jusqu'à Liscomb soit infé- rieure à celle qu'ils auraient payer au Man- chester Exporter pour un remorquage jusqu'à Halifax, qui selon l'estimation du capitaine Watson aurait demandé 7 heures et demie à raison de $400 l'heure, ce léger avantage finan cier aurait été plus qu'effacé si le Manchester Exporter avait pu faire parvenir un câble à bord au cours de la nuit, lorsqu'il tentait de le faire, car dans ce cas, le remorquage jusqu'à Halifax aurait pu être effectué avant le 5 février midi, ce qui se serait traduit par le paiement à ses propriétaires de trois ou quatre heures seule- ment en plus du paiement effectué jusqu'à 8h10 ce matin-là; en outre, aucune somme n'aurait être versée au Scotia Point. De plus, bien qu'il semble vraisemblable que le Manchester Expor ter aurait finalement pu faire parvenir un câble à bord le jour, d'autant plus qu'il semble que le temps s'était quelque peu amélioré, le Scotia Point, un navire beaucoup plus petit puisqu'il s'agissait d'un chalutier, pouvait s'approcher suffisamment près de l'Irving Hemlock pour lui lancer une ligne à main et le prendre en remor- que très peu de temps après être arrivé sur les lieux, ce qui semblerait justifier le jugement des propriétaires de l'Irving Hemlock qui l'avait engagé pour effectuer le remorquage tout en continuant, pendant la même période à payer le Manchester Exporter pour qu'il reste sur les lieux jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de doute sur
l'arrivée du Scotia Point et que tout nouveau danger soit écarté.
Il n'est assurément pas possible de blâmer le capitaine Watson ou son équipage pour n'avoir pas pu faire parvenir un câble à bord vu les conditions météorologiques extrêmement diffi- ciles et l'obscurité, et le capitaine Kristjansson a lui-même admis qu'ils avaient fait preuve d'excellente qualité de manoeuvre et n'a absolu- ment pas critiqué leurs services dans sa déposi- tion. Par contre, je ne peux déduire de la preuve contradictoire que le capitaine Kristjansson se soit refusé à collaborer à l'opération qui consis- tait à faire parvenir un câble à son bord. Sachant que le Manchester Exporter restait sur les lieux et puisque la dérive du navire ne laissait présager à ce moment-là aucun danger pressant et imminent, il se peut qu'il n'ait pas été excessivement inquiet et il est également possible que ses qualités de manoeuvre et celles de son équipage aient été inférieures à celle du capitaine et de l'équipage du Manchester Expor ter, mais je ne peux trouver aucun indice mani- feste d'un refus ou d'une réticence à accepter les services de sauvetage de ce dernier. Il se peut fort bien que le câble qui, selon l'affirma- tion du capitaine Watson, a été tiré de part en part du pont avant de l'Irving Hemlock se soit rompu ou se soit pris dans le grément, ou qu'il ait été difficile à apercevoir et à situer dans l'obscurité et la tempête, et j'accepte le témoi- gnage du capitaine Kristjansson selon lequel son équipage aurait pu éprouver des difficultés à rester en permanence sur le pont et qu'ainsi il est possible qu'il se soit trouvé à l'abri au moment précis cette fusée a été tirée. Pour ce qui est du câble flotté autour du navire, il me semble qu'il aurait été difficile dans l'obscurité et la tempête, et étant donné le roulis des navi- res d'être absolument certain que le câble est entré en contact avec l'Irving Hemlock, même si le tonneau auquel il était attaché était éclairé. En fin de compte, il ressort clairement de la lecture du contrat conclu et confirmé par le télégramme émanant des propriétaires de l'Ir- ving Hemlock que les services seraient fournis «jusqu'à ce qu'il soit remercié» et il était parfai- tement justifié, par conséquent, de décharger à 8h10 le Manchester Exporter de services subsé- quents, moyennant le paiement intégral des ser vices rendus jusqu'à cette heure, conformément
aux termes du contrat. Il n'y a rien de compa rable aux affaires de sauveteurs dépossédés citées par le procureur des demandeurs et le Manchester Exporter a poursuivi sa route sans protestation et en pleine acceptation du fait qu'il avait été déchargé de services ultérieurs.
Bien que l'Irving Hemlock n'ait pas envoyé de S.O.S. ni demandé directement aux navires de venir à son aide, mais que ceci ait été fait par la station côtière d'Halifax de sa propre initiative, et de façon tout à fait justifiée dans les circons- tances elle a eu connaissance du danger que courait le navire, à la suite de l'appel envoyé par son intermédiaire par le capitaine aux arma- teurs propriétaires, c'est certainement pour répondre à cet appel que le Manchester Expor ter s'est porté à son aide, qu'à 17h05 il est arrivé en vue de l'Irving Hemlock et est entré en contact radio avec lui; à 17h29 le capitaine de l'Irving Hemlock a communiqué qu'il se trouvait maintenant sur les lieux et que cela serait suffi- sant; en conséquence, l'appel radio «tous navi- res» a été annulé. On peut dire, par conséquent, que depuis 17h05 une opération de sauvetage sur demande avait commencé. Cependant, aux termes des règles fondamentales du sauvetage, pour que le sauvetage puisse être invoqué, l'o- pération doit avoir réussi et, de fait, telle était la condition posée par le contrat-type de sauve- tage du Lloyd qui constituait la seule base sur laquelle le capitaine du Manchester Exporter était autorisé à entreprendre quelque opération de sauvetage de sa propre initiative. Bien que l'Irving Hemlock ait été finalement sauvé, le sauvetage n'a pas résulté des efforts déployés par le Manchester Exporter, quoique j'ai conclu que l'on ne pouvait pas blâmer son équipage de n'avoir pas mener à bien les opérations de sau- vetage, et il n'est pas douteux qu'il s'est employé avec diligence et énergie à tenter de réaliser le sauvetage (voir les arrêts The Melanie (Propriétaires) c. The San Onofre (Propriétai- res), [1925] A.C. 246, et The Renpor, (1883) 8 P. 115). Cette règle souffre cependant une exception, lorsque les services sont rendus à la demande du navire remorqué auquel cas ils prennent la qualité de services contractuels et une rémunération est versée même si ces servi ces n'ont pas contribué à la sauvegarde finale du navire. M. Kennedy écrit à la page 112 de Civil Salvage 4e éd.:
[TRADUCTION] Si le capitaine d'un navire en détresse demande la prestation d'un service de la nature d'un service de sauvetage—demande, par exemple, à un vapeur de se tenir sur les lieux pendant un orage ou d'aller chercher une ancre depuis la côte—et que ce service est rendu, mais que le navire pour lequel on a demandé le service est finalement sauvé pour quelque autre raison, comme un heureux chan- gement de conditions météorologiques; ou deuxièmement, si après le début de la prestation service et tandis qu'ils ont la volonté et la capacité de le mener à bien, ceux qui l'ont entrepris en sont déchargés par le capitaine du navire en péril qui d'aventure préfère recourir à quelque autre assis tance qui s'offre à lui, le tribunal n'admettra pas que l'acte d'assistance bien que sans résultat, ne soit pas dédommagé s'il a impliqué une contribution sous forme de temps, de travail ou de risque; en outre, dans la seconde hypothèse, il peut englober dans son dédommagement quelque compen sation pour la perte subie par les demandeurs du fait qu'ils ont été empêchés de mener à bien le service qu'ils avaient accepté de rendre.
Le juge Gorell Barnes a approuvé cette thèse dans l'arrêt The Helvetia, (1894) 8 Asp. M.L.C. 264n et également dans l'arrêt The Loch Tulla, (1950) 84L1. L. Rep. 62. Dans l'arrêt The Undaunted, (1860) Lush. pages 90 à 92, le docteur Lushington déclarait:
[TRADUCTION] Je ne puis avoir aucun doute sur le devoir de la Cour dans cette affaire. Il y a une grande différence entre les sauveteurs qui se portent volontaires pour aller sur les lieux et les sauveteurs qui sont employés par un navire en détresse. Les sauveteurs qui se portent volontaires sor- tent à leur propre risque dans l'espoir de gagner une rému- nération et s'ils travaillent en vain, ils n'ont droit à rien: c'est la réalisation effective du service de sauvetage qui leur donne droit à la rémunération de sauvetage. Mais des hommes auxquels un navire en détresse fait appel, que cet appel soit général ou particulier, doivent être payés en fonction des efforts qu'ils ont faits, même si leur travail et leurs services s'avèrent sans résultat pour le navire. Prenez l'exemple d'un navire à l'ancre dans un coup de vent, qui appelle un vapeur afin qu'il se tienne sur les lieux, prêt à le prendre en remorque à sa demande; c'est ce que fait le vapeur, le navire sort du coup de vent sans son assistance: je soutiendrai indubitablement dans un tel cas que le vapeur avait droit à une rémunération de sauvetage, dont le mon- tant serait déterminé par le risque couru par les deux navires, la valeur des biens en danger et les autres circons- tances de l'espèce. L'engagement de prêter assistance à un navire en détresse et l'exécution de cet engagement, dans la mesure du nécessaire ou dans la mesure du possible, ouvre droit à une rémunération de sauvetage.
Dans l'arrêt Maude, (1876) 3 Asp. M.L.C. 338, le remorqueur à vapeur Walter Stanhope, aper- cevant les signaux de détresse du Maude qui avait perdu son hélice dans le mauvais temps, s'est dirigé vers lui et après une discussion entre les capitaines, a entrepris de le remorquer. La haussière a été amarrée mais par la suite elle
s'est rompue et en raison du mauvais temps le vaisseau désemparé a s'ancrer. On a cepen- dant demandé au Walter Stanhope de se tenir sur les lieux durant la nuit et c'est ce qu'il a fait, mais dans la matinée suivante le capitaine du Maude, au lieu de profiter des services du Walter Stanhope dont le capitaine était prêt et disposé à exécuter le sauvetage, a fait appel pour une somme forfaitaire, que le capitaine du Walter Stanhope avait refusé, au service d'un autre vapeur qui était arrivé durant la nuit. Les propriétaires, le capitaine et l'équipage du Walter Stanhope ont demandé en justice une rémunération de sauvetage et en rendant le jugement Sir Robert Phillimore a déclaré:
[TRADUCTION] Il est vrai que cette Cour a posé un prin- cipe général qu'un service qui, même prévu, n'a pas été exécuté ne devait pas être rémunéré. Mais c'est un principe qui dans les circonstances de l'espèce conduit la Cour à examiner le motif de la non-exécution de ce service.
Il ressort en toute impartialité de la preuve que le Walter Stanhope était prêt à faire de son mieux pour aider le navire en détresse et c'est ce qu'il aurait fait si l'autre accord n'avait pas été conclu. Le Walter Stanhope n'a pas droit à une rémunération en fonction de ce qui lui aurait été s'il avait remorqué le Maude jusqu'à Yarmouth ou Hull. Il est resté sur les lieux toute la nuit et il n'aurait pas être congédié; il a droit à une rémunération pour les services qu'il a rendus et à quelque indemnité pour la perte qu'il a subie du fait qu'il n'a pas pu mener à bien le service convenu.
Dans l'arrêt Melpomene, (1873) L.R. 4 A. & E. 129, Sir Robert Phillimore déclarait:
[TRADUCTION]... d'autre part, je pense qu'aucun arrêt ne s'oppose à ce que j'érige en principe cette proposition, qui me semble d'une importance considérable pour les intérêts du commerce et de la navigation, et en particulier à l'heure actuelle, à savoir que, lorsqu'un navire émet un signal de détresse et qu'un autre navire sort, avec l'intention de bonne foi de lui porter assistance et que, dans la mesure de ses possibilités, il le fait, et que quelques circonstances accidentelles empêchent ses services d'être aussi efficaces qu'il les désirait, et qu'aucune faute ne lui est imputable, il ne doit pas rester sans aucune rémunération. Je pense qu'il est dans l'intérêt du commerce et de la navigation qu'une rémunération soit accordée et que cela est également propre à encourager les services de sauvetage d'une manière géné- rale. A mon avis, une faible rémunération suffira dans le cas présent et j'accorderai £50 au Resolute.
Il ne fait aucun doute qu'on a demandé au Manchester Exporter de se tenir sur les lieux près de l'Irving Hemlock et ce avant même que le contrat n'ait été conclu entre les propriétaires des deux navires, et que les propriétaires de l'Irving Hemlock désiraient que le premier reste sur les lieux toute la nuit même après qu'ils
aient envoyé le Scotia Point pour prendre l'Ir- ving Hemlock en remorque; ainsi même si les services rendus n'ont pas été couronnés de succès et n'ont pas contribué au sauvetage final de l'Irving Hemlock, j'aurais attribué une rému- nération de sauvetage aux propriétaires, au capitaine et à l'équipage du Manchester Expor ter si aucun contrat de sauvetage n'avait été conclu entre les propriétaires des deux navires et si aucun paiement n'avait été effectué en conséquence. Ce dédommagement, toutefois, aurait pris en compte le fait que les services de sauvetage n'ont pas eu de résultat et son mon- tant n'aurait pas été supérieur au paiement qui a été fait en vertu du contrat liant les propriétai- res des deux navires, paiement qui représente plus de 5% de la valeur de l'Irving Hemlock. En outre, j'aurais réparti ce dédommagement entre les propriétaires d'une part et le capitaine et l'équipage de l'autre, et je l'aurais probablement fait sur la base de trois-quarts pour les proprié- taires et un quart pour le capitaine et l'équipage (voir Kennedy (précitée)) à la page 235 il écrit:
[TRADUCTION] Depuis 1883, les propriétaires ont reçu si fréquemment les trois-quarts de la rémunération que l'on peut à juste titre parler de répartition ordinaire.
au sujet de l'arrêt Livietta (1883) 8 P.D. 24. Cependant, le fait qu'un contrat de remorquage qui devait entrer en vigueur à 21h, ait été conclu entre les propriétaires des deux navires, change tout proprement parler, l'accord a été conclu avec la Furness Withy & Co. Ltd., représentant des propriétaires du Manchester Exporter, mais il ressort clairement de leur com- portement au cours des négociations qu'ils avaient, le droit de conclure le contrat, ce qu'ils ont fait, au nom des propriétaires et j'estime par conséquent que ce contrat lie les propriétaires). Bien que ce contrat comportât un prix horaire considérablement plus élevé que celui que j'au- rais été porté à accorder au vu de la déclaration de M. Lawson selon laquelle sa compagnie, qui possède des navires spécialement équipés pour les opérations de remorquage et de sauvetage, n'a jamais pu demander des tarifs contractuels comparables à cela, je ne vois aucune raison pour m'immiscer dans les dispositions contrac- tuelles en me fondant sur leur caractère exhor- bitant, étant donné en particulier que les défen- deurs ont payé la facture qu'il leur a été
soumise sans discussion ni protestation. Voir les arrêts The Medina (1877) 2 P.D. 5; The Mark Lane (1890) 15 P.D. 135; The Port Cale- donia and The Anna [1903] P. 184.
Un contrat prévoyant la prestation de servi ces de remorquage moyennant paiement n'est pas à proprement parler, qu'il y ait résultat ou non, un contrat de sauvetage. Comme le note M. Kennedy (précité) à la page 100:
[TRADUCTION] ... Un contrat de sauvetage est un con- trat qui peut fixer, de fait, le prix du sauvetage, mais ne traite pas de toutes les autres conditions nécessaires à fonder une rémunération de sauvetage, l'une d'elles étant la sauvegarde d'une partie au moins de la chose, c'est-à-dire, le navire, la cargaison ou le fret.
M. Lawson a déclaré dans son témoignage qui n'a pas été contesté, et a même été indirecte- ment soutenu par la façon dont la Furness Withy & Co. Ltd. a finalement présenté sa facture, que durant la négociation du contrat, et compte tenu de l'importance du prix demandé, le début de la prestation des services a été fixée à 21h au lieu de 17h05, heure à laquelle le Manchester Exporter est arrivé sur les lieux, et c'est sur cette base que le contrat a été conclu et le paiement entièrement acquitté conformé- ment aux termes du contrat. La demanderesse, la Manchester Liners Limited, ne peut pas gagner sur les deux tableaux et réclamer aussi le paiement pour le sauvetage, même si le sauve- tage n'a pas réussi, d'une somme fixée par la Cour, après avoir crédité la somme reçue en vertu du contrat lorsque le paiement en ques tion a été effectué, en totalité, au tarif de $400 l'heure, à partir de 21h, somme qui était payable quel que soit le résultat des services, et je suis surpris qu'elle ait essayé de le faire. Manifeste- ment, le contrat remplaçait toute réclamation de rémunération de sauvetage dont elle aurait pu autrement se prévaloir et, comme je l'ai déjà indiqué, il représentait en fait pour elle un paie- ment supérieur à la somme que j'aurais accor- dée sur la base de sa réclamation de rémunéra- tion de sauvetage s'il n'y avait pas eu un tel contrat.
Pour ce qui est de la réclamation du capitaine en son nom propre et au nom des officiers et de l'équipage, la situation présente cependant de plus grandes difficultés. La jurisprudence indi- que que la réclamation du capitaine et de l'équi- page, bien qu'elle soit généralement jointe à
celle des propriétaires dans la même action, est une réclamation distincte, et que sous réserve de circonstances spéciales, les propriétaires ne peuvent abandonner par contrat leur droit à une rémunération de sauvetage, pas plus que le capitaine ne pourrait (sauf peut-être dans une situation le contrat est conclu ex necessitate en raison de l'urgence et de l'impossibilité de communiquer avec les propriétaires) lier les armateurs. Dans l'arrêt The Margery, [1902] P. 157, Sir Francis Jeune déclarait à la page 165:
(TRADUCTION] Je ne suis pas du tout disposé à dire que dans certaines circonstances un accord conclu par les pro- priétaires au nom de l'équipage ne pourrait pas les lier, de même qu'un accord conclu dans certaines circonstances par le capitaine peut lier les propriétaires. Il est clair que si, avant l'exécution du service de sauvetage, les capitaines des deux navires s'accordent, ils peuvent conclure un contrat par lequel, sous réserve du pouvoir qu'a cette Cour d'exami- ner s'il est juste ou non, ils peuvent sans aucun doute lier les propriétaires. Je ne serais pas du tout disposé à nier qu'un contrat conclu dans des circonstances analogues par les propriétaires au nom du capitaine et de l'équipage ne pourrait pas lier ces derniers; mais la raison en est l'urgence du problème. Le service doit être exécuté dans la contrainte de l'événement et si le contrat ne peut être conclu par les seules personnes qui sont pour le faire, il ne peut pas l'être du tout. Par conséquent, un accord ainsi conclu ex necessitate oblige; mais cela ne revient pas du tout à dire que lorsqu'il n'y a pas du tout d'urgence un accord conclu par les propriétaires lie le capitaine et l'équipage sans que ces derniers en aient été avisés. Je ne suis pas du tout disposé à accepter cette proposition qui d'ailleurs n'est pas sérieusement soutenue.
Dans l'arrêt The Friesland [1904] P. 345, les propriétaires du navire, ayant été informés par télégraphe que leur navire se trouvait désem- paré au large de la côte sud de l'Irlande ont convenu avec les propriétaires d'un remorqueur que l'on savait dans les parages du navire en détresse, le remorquage de leur navire par ce remorqueur jusqu'à Liverpool selon les condi tions ordinaires du remorquage. Cependant, avant de conclure l'accord et avant que les propriétaires du remorqueur aient pu donner leurs instructions au capitaine de leur remor- queur, le remorqueur avait fait route vers le navire désemparé et avait commencé à le remorquer vers Liverpool. Dans une action de sauvetage intentée par les propriétaires, le capi- taine et l'équipage du remorqueur, Sir Francis Jeune, après avoir jugé que les propriétaires étaient liés par le contrat, a examiné la question de savoir si ce contrat liait également le capi- taine et l'équipage. Il a conclu qu'il s'agissait
d'un service et qu'une part importante de ce service avait été exécutée avant la conclusion du contrat, que le capitaine et l'équipage avaient de ce fait acquis des droits particuliers au moment le contrat avait été conclu, et que [TRADUCTION] «les propriétaires ne peuvent pas sacrifier les droits acquis du capitaine et l'équi- page dans un marché auquel le capitaine et l'équipage n'ont pas donné leur accord». Dans l'arrêt The Leon Blum, [1915] P. 90, 290, les propriétaires d'un navire ont conclu un contrat de remorquage qui subordonnait la rémunéra- tion et le paiement des frais de sauvetage au résultat obtenu. Il a été jugé que les propriétai- res n'avaient aucun pouvoir pour décider au nom du capitaine et de l'équipage qu'ils ne recevraient en aucun cas une rémunération de sauvetage. Cet arrêt se référait également à l'art. 156 du Merchant Shipping Act de 1894, 57-58 Vict., c.60, dont l'essentiel est reproduit dans l'art. 201 de la Loi sur la marine mar- chande du Canada aux termes duquel un marin ne peut renoncer par convention à aucun droit qui peut lui appartenir ou qu'il peut obtenir en matière de sauvetage et toute stipulation con- tractuelle contraire est nulle. Bien que je doute fort que l'art. 201 de la Loi sur la marine marchande du Canada s'applique dans le cas présent, puisque nous ne traitons pas d'un con- trat auquel les marins étaient parties mais plutôt d'un contrat conclu par les propriétaires et qui néanmoins leur est préjudiciable, il semble effectivement que les services de sauvetage du capitaine, des officiers et de l'équipage aient commencé quelques quatre heures avant le con- trat lorsque, sur sa demande, ils sont restés sur les lieux près de l'Irving Hemlock qui se trou- vait en détresse, même si à ce moment-là, ils n'ont pas essayé de faire parvenir un câble à bord ni entrepris aucune opération de sauve- tage. Le sauvetage commence du moment le navire se tient sur les lieux (voir les arrêts The Undaunted, The Tower Bridge et The National Defender (précités)). Selon toute probabilité, le capitaine du Manchester Exporter s'est porté à l'aide de l'Irving Hemlock comme il y était obligé en fait par l'art. 22 du British Merchant Shipping (Safety Convention) Act, de 1949, 12-13 Geo. 6, c. 43, qui dispose notamment ce qui suit:
(TRADUCTION] 22. (1) Le capitaine d'un navire britanni- que, immatriculé au Royaume-Uni doit, dès réception en mer d'un signal de détresse ou d'une information, quelle qu'en soit la source, selon laquelle un navire ou un aéronef se trouve en détresse, se porter, à pleine vitesse, à l'aide des personnes en détresse (en les en informant si possible).. .
(8) Rien dans cet article ne fait obstacle aux dispositions de l'article six de la Maritime Conventions Act, de 1911; et le fait pour le capitaine d'un navire de se conformer aux dispositions de cet article ne doit pas porter atteinte à son droit, ou au droit de toute autre personne, à une rémunéra- tion de sauvetage.
Le capitaine Watson a déclaré dans son témoi- gnage qu'il s'était tenu sur les lieux pour sauver des vies humaines comme il y était obligé par le par. (2) de l'art. 6 de la loi britannique Maritime Conventions Act, de 1911, 1-2 Geo. 5, c. 57, qui dispose:
[TRADUCTION] 6. (2) L'observation, par le capitaine ou par la personne ayant la direction d'un bâtiment, du présent article ne porte pas atteinte à leur droit à l'indemnité de sauvetage, ni à celui d'une autre personne. (On trouve des dispositions identiques aux art. 457 et 526 de la Loi sur la marine marchande du Canada.)
J'en conclus que, dans la présente affaire, le capitaine, les officiers et l'équipage ont droit à une rémunération de sauvetage que j'aurais fixée, s'ils avaient exécuté le sauvetage avec succès, au quart du prix horaire fixé après négo- ciation entre les propriétaires des deux navires, soit $100 l'heure, mais dans leur cas, à partir du 4 février à 17h05 jusqu'à la fin du sauvetage. Vu la tournure de la situation, leurs services, sans qu'il en soit de leur faute, ont échoué et ont pris fin le 5 février à 8h10 soit après envi- ron 15h, ce qui se traduirait par une rémunéra- tion de $1,500 que je réduirais pour suivre la jurisprudence, à $1,000, du fait que ce n'est pas grâce à leur service que le navire a été effecti- vement sauvé. La difficulté consiste à détermi- ner comment cette rémunération peut être accordée sans causer un préjudice déraisonna- ble aux défendeurs qui se sont déjà acquittés d'une très forte somme pour les mêmes servi ces. Il m'apparaît que la défenderesse, la Man- chester Liners Limited, aurait partager la somme qu'elle a reçue en vertu du contrat, avec le capitaine, les officiers et l'équipage confor- mément à la pratique courante en matière de rémunération de sauvetage, mais évidemment la Manchester Liners Limited ne l'a pas fait. L'é-
quipage a reçu le paiement de ses heures sup- plémentaires conformément aux termes de leur contrat de travail mais il a été déclaré au cours des dépositions que cela ne représentait pas une somme très importante'. Le capitaine et les officiers reçoivent, semble-t-il, un salaire men- suel et ils ' n'ont rien reçu de plus pour les efforts très exceptionnels et inhabituels qu'ils ont déployés dans la nuit du 4 au 5 février 1969. Bien qu'il fût sans aucun doute de leur devoir, conformément aux dispositions du Bri- tish Merchant Shipping (Safety Convention) Act, de 1949 (précité) et au droit maritime d'une façon générale, d'assumer ses épreuves et ses efforts personnels exceptionnels, il y a quel- que chose qui sort du cours ordinaire de leur emploi et qui leur donne droit à une indemnité appropriée. S'il y a quelque clause dans le con- trat de travail qui lie le capitaine, les officiers et l'équipage à leur employeur, la Manchester Liners Limited et qui autorise cette dernière à refuser de partager avec ses employés les sommes qu'elle a reçues en vertu du contrat de remorquage, ce n'est pas un point qui peut être tranché dans la présente affaire, non plus que la question de savoir si une telle clause serait contraire à l'art. 201 de la Loi sur la marine marchande du Canada (précitée) puis- que, bien que la Manchester Liners Limited d'une part et le capitaine agissant en son nom propre et au nom des officiers et de l'équipage d'autre part semblent avoir des intérêts oppo- sés, ils sont co-demandeurs et aucun litige les opposant ne m'a été déféré.
Cependant, je pense que les défendeurs étaient justifiés de croire que le paiement qu'ils avaient fait à la Furness Withy & Co. Ltd. en qualité de représentant des propriétaires consti- tuait le paiement de l'ensemble des services rendus et que la somme importante de $400 l'heure qu'ils avaient négociée par contrat cou- vrirait également toute réclamation éventuelle du capitaine, des officiers ou de l'équipage et qu'ils ne courraient pas le risque de faire face à une réclamation ultérieure de leur part, pour ne rien dire d'une réclamation ultérieure de la Manchester Liners Limited, réclamation que, comme je l'ai indiqué, précédemment, je trouve tout à fait injustifiée et abusive. Assurément, d'un point de vue pratique, le capitaine ou les propriétaires d'un navire qui acceptent les servi-
ces de sauvetage ne devraient pas avoir à con- clure deux accords séparés, l'un avec le proprié- taire du navire qui doit effectuer le sauvetage et l'autre avec le capitaine de ce navire agissant au nom des officiers et de l'équipage, et en particu- lier du fait que l'on doit avoir présent à l'esprit que ces accords doivent être conclus sous la pression des événements et de façon assez hâtive. Il semblerait plus raisonnable de présu- mer que les propriétaires du navire sauveteur prendraient d'eux-mêmes des dispositions pour partager la rémunération spéciale avec leurs employés, le capitaine, les officiers et l'équi- page, en particulier lorsque le capitaine du navire sauveteur comme c'est le cas ici, a indi- qué qu'il n'avait aucun pouvoir pour conclure un contrat si ce n'est suivant les conditions du contrat-type de sauvetage du Lloyd et que si quelques modifications devaient y être appor- tées, les propriétaires du navire en détresse devaient se mettre en rapport avec ses proprié- taires ou ses représentants. Néanmoins, le droit est clair sur ce point; le capitaine, les officiers et l'équipage ne peuvent pas être liés par les propriétaires et en particulier lorsqu'ils possè- dent un droit acquis, ayant déjà entrepris une opération de sauvetage en se tenant sur les lieux sur demande avant que le contrat auquel ils ne sont pas parties ait été conclu. En ventilant la rémunération de sauvetage de $1,000 accordée au capitaine, aux officiers et à l'équipage entre la période allant de 17h05 à 21h lorsque le contrat conclu avec les propriétaires a pris effet, et la période allant de 21h à 8h10 lorsqu'il a pris fin, j'accorderais $250 pour la première période et $750 pour la seconde et je déclare- rais les défendeurs débiteurs de la somme de $250 afférant à la première période vis-à-vis du capitaine, des officiers et de l'équipage. Quant à la seconde période pour laquelle j'ai conclu que le capitaine, les officiers et l'équipage avaient droit à une indemnité de sauvetage de $750 pour les services ininterrompus qu'ils ont rendus au cours de cette période, j'estime que cette partie de leur réclamation a été payée par les défendeurs à la demanderesse, la Manches- ter Liners Limited et que c'est à elle que le capitaine, les officiers et l'équipage devraient la réclamer. Je ne puis pas rendre un tel jugement dans la présente espèce, aussi cette question devrait-elle être débattue dans un autre procès.
Le jugement sera par conséquent rendu de la façon suivante:
La réclamation de la Manchester Liners Lim ited est rejetée. Les défendeurs sont condamnés à payer la somme de $250 à John Scott Watson, capitaine, agissant en son nom propre et au nom des officiers et de l'équipage du Manchester Exporter sur le voyage 23, en janvier-février 1969.
Compte tenu des circonstances inhabituelles du présent litige, qui ne serait vraisemblable- ment jamais venu en jugement si la demande- resse, la Manchester Liners Limited, avait par- tagé le paiement qu'elle a reçu avec le capitaine, les officiers et l'équipage, et vu la Règle 344 qui confère à la Cour toute discrétion pour rendre une telle ordonnance quant au dépens, lors- qu'elle l'estime approprié, je décide que, bien que les défendeurs aient été condamnés à payer la somme de $250 au demandeur John Scott Watson, aux officiers et à l'équipage ainsi qu'il a été dit plus haut, la demanderesse, la Man- chester Liners Limited est condamnée à payer les dépens des défendeurs.
Voir l'arrêt The National Defender, [1970] 1 Lloyd's Rep. 40, à la page 46 il est déclaré, au sujet d'une réclamation présentée par l'équipage du navire sauveteur et d'une offre de paiement: [TRADUCTION] «L'offre de paie- ment n'avait manifestement rien à voir avec le traitement ou les heures supplémentaires des demandeurs puisqu'il s'agis- sait d'une obligation pour la Hellenic Shipping, propriétaire du Mesologi qui a effectué le paiement lorsque les deman- deurs ont été relevés de leur service à Pylos (Grèce) à la fin du voyage.»
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