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Globetrotter Management Limited (Appelante)
c.
General Mills Inc. (Intimée)
et
Le registraire des marques de commerce
Division de première instance, le juge Heald— Toronto, le 21 septembre; Ottawa, le 29 sep- tembre 1972.
Marques de commerce—Demande d'enregistrement de la marque «Choklit Buttons» utilisée en liaison avec de la confiserie—Opposition de l'utilisateur de la marque enregis- trée «Buttons» utilisée en liaison avec des bouchées au maïs—Aucune confusion—Loi sur les marques de com merce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 6(5).
L'appelante a demandé l'enregistrement de la marque de commerce «Choklit Buttons» qu'elle projetait d'utiliser en liaison avec de la confiserie, tout en renonçant à l'exclusi- vité de l'emploi du mot «Choklit». Le registraire a refusé au motif que cette marque pouvait créer de la confusion avec la marque de commerce enregistrée de l'intimée «Buttons» utilisée en liaison avec des bouchées au maïs.
Arrêt: La Cour, appliquant les critères qu'expose l'article 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, a décidé que les
marques ne pouvaient être confondues et que le registraire n'aurait pas refuser la demande d'enregistrement.
APPEL d'une décision du registraire des mar- ques de commerce.
George A. Rolston pour l'appelante. R. H. Barrigar pour l'intimée.
LE JUGE HEALD—I1 s'agit de l'appel d'une décision du registraire des marques de com merce; celui-ci a refusé à l'appelante l'enregis- trement de la marque du commerce «Choklit Buttons», qu'elle projetait d'utiliser en liaison avec [TRADUCTION] «des tablettes de chocolat, des cigarettes en chocolat, de la crème glacée, des sucettes, de la gomme à mâcher, des cigares en chocolat, des sucettes givrées et des bon bons.» L'appelante a renoncé à l'exclusivité d'emploi du mot «Choklit», sauf pour sa marque de commerce. L'intimée s'est opposée à la demande au motif que la marque projetée créait de la confusion avec sa propre marque de commerce «Buttons» enregistrée sous le numéro 157,144 en liaison avec [TRADUCTION] «des bouchées au maïs à base de céréale». L'intimée a par ailleurs soutenu que la marque de l'appelante ne distingue pas les produits de
l'appelante et n'est pas susceptible de les distinguer.
Le registraire a conclu que les deux marques pouvaient être confondues au sens de l'article 6 de la Loi sur les marques de commerce et a donc rejeté la demande d'enregistrement de l'appelante.
Les passages pertinents de l'article 6 se lisent ainsi:
6. (2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchan- dises en liaison avec ces marques de commerce sont fabri- quées, vendues, données à bail ou louées, ou que les servi ces en liaison avec lesdites marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces servi ces soient ou non de la même catégorie générale.
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, la Cour ou le registraire, selon le cas, doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris
a) le caractère distinctif inhérent des marques de com merce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre des marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce; et
e) le degré de ressemblance entre les marques de com merce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.
Je suis lié par les prescriptions de l'article 6(5) de la Loi sur les marques de commerce (précité) et, par conséquent, je me propose d'e- xaminer les faits de l'espèce à la lumière de chacun des alinéas de l'article 6(5).
6(5)a)—Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues.
Aucune de ces marques n'a un caractère très distinctif. Les bouchées au maïs de l'intimée ont la forme de boutons. Les bouchées au maïs représentées sur les annonces publicitaires ver sées au dossier sont disposées comme des bou- tons sur une chemise. La marque de l'appelante, «Choklit Buttons» a également un caractère descriptif, dans la mesure le mot «Choklit» est l'équivalent phonétique du mot «chocolate» et indique ainsi la composition du produit. Tou- tefois, la confiserie de l'appelante ne présente
pas matériellement l'aspect de boutons; j'estime donc que, dans l'ensemble, son caractère dis- tinctif est un peu plus prononcé que celui de la marque de l'intimée.
La marque de l'intimée n'est qu'une simple description de ses marchandises, c'est-à-dire d'un objet en forme de bouton; elle doit donc être considérée comme une marque faible. Le Dr. Fox, dans son ouvrage Canadian Law of Trade Marks, 2e éd., vol. 1, page 234, a écrit:
[TRADUCTION] ... lorsque la marque déjà déposée revêt un caractère distinctif inhérent et représente ce que l'on peut appeler une marque forte, de légères différences seront de peu d'importance, tandis que dans le cas de marques faibles ou possédant peu de caractère distinctif inhérent, de légères différences pourront servir de distinc tion entre les marques.
Dans l'arrêt Office Cleaning Services Ltd. c. Westminster Window and General Cleaners Ltd. (1946) 63 R.P.C. 39, à la p. 43, Lord Simonds observait:
[TRADUCTION] A mon avis, la question se ramène à ceci: lorsqu'un commerçant choisit des mots d'usage courant pour former son nom commercial, cela crée nécessaire- ment un risque de confusion. Mais il faut bien courir ce risque, à moins de consentir au premier utilisateur un monopole abusif sur l'emploi de ces mots. Le tribunal verra dans une différence assez minime un moyen suffi- sant d'éviter la confusion. On peut légitimement s'atten- dre à plus de discernement de la part du public lorsqu'un nom commercial consiste, en totalité ou en partie, de mots décrivant les produits ou les services offerts.
Dans l'arrêt General Motors Corp. c. Bellows (1949) 10 C.P.R. 101, à la p. 116 (S.C.C.), le juge Rand a donné sa caution à l'affirmation suivant laquelle, lorsqu'un commerçant choisit comme marque un terme tiré du vocabulaire général du commerce et cherche à empêcher ses concurrents de faire la même chose, la protec tion qu'on peut lui accorder ne saurait être aussi étendue que dans le cas d'un mot inventé, unique ou non descriptif. Le juge Rand s'est exprimé ainsi à la page 116:
[TRADUCTION] Il est sans aucun doute dans l'intérêt du public d'éviter la confusion entre ces marques, mais d'au- tre part ce même intérêt public suppose la liberté du commerçant dans ses opérations ordinaires, et en particu- lier dans l'emploi de mots tirés du fonds commun de la langue.
A mon avis, les arrêts que je viens de citer s'appliquent aux faits de l'espèce. Dans le cas
présent, l'intimée a tiré sa marque «Buttons» du «vocabulaire général du commerce» et la pro tection qu'on peut lui accorder est donc effecti- vement très limitée.
Quant à savoir dans quelle mesure ces mar- ques sont devenues connues, on ne m'a rap porté aucun fait à ce sujet, ni pour l'une ni pour l'autre de ces marques.
6(5)b)—La période pendant laquelle les mar- ques de commerce ont été en usage.
L'intimée utilise sa marque de commerce «Buttons» au Canada depuis avril 1968 environ. On ne m'a rapporté aucune preuve que l'appe- lante ait employé sa marque projetée.
6(5)c)—Le genre des marchandises, services ou entreprises.
La marque de l'intimée est employée en liai son avec [TRADUCTION] «des bouchées au maïs à base de céréale». Les principaux ingrédients semblent en être de la farine de maïs, de la farine de riz, du cheddar vieilli, de l'amidon de blé et du lait écrémé en poudre. Le produit se présente dans une boîte en carton qui en con- tient 5 onces et demie. Sur la boîte renfermant le produit, apparaît entre autres cette réclame: [TRADUCTION] «Goût de Cheddar—mais encore meilleur!» Les autres indications sur la boîte précisent que le produit est une «bouchée au fromage» et qu'elle est «excellente avec des boissons».
L'appelante se propose d'utiliser sa marque en liaison avec des sucreries en forme de fêve, glacées et fourrées au chocolat. Cette friandise sera vendue dans un petit contenant en plasti- que transparent, à un prix de détail d'environ 25¢ le sachet.
L'un des produits est une bouchée aux céréa- les, l'autre une friandise. Je n'hésite pas à con- clure qu'il s'agit de marchandises tellement dis- semblables qu'il serait impossible de les confondre.
6(5)d)—La nature du commerce.
D'une manière générale, et du moins dans les supermarchés, on peut penser qu'une friandise comme celle-ci sera sans doute vendue dans un endroit différent de celui l'on vend des amuse-gueule tels que le produit de l'intimée. Il
se peut bien qu'à l'«épicerie du coin» ou dans des établissements de ce genre, les deux pro- duits soient mis à l'étalage à proximité l'un de l'autre. Même dans ce cas, il m'apparaît impos sible pour quiconque de confondre un produit avec l'autre ou de voir un rapport quelconque entre eux. L'emballage est tout à fait diffé- rent—dans un cas une boîte de carton et dans l'autre un sachet en plastique transparent.
6(5)e)—Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.
La seule ressemblance qu'il y ait entre les deux marques de commerce est l'utilisation commune du mot «Buttons». Par ailleurs, d'au- tres entreprises ont déposé des marques dans lesquelles le mot «Buttons» est utilisé avec d'autres mots. La maison Libby, McNeill & Libby a déposé la marque «Buttons and Bows» pour utilisation en liaison avec des spaghettis et des aliments carnés. La maison Teenie-Weenie Novel Products Limited a déposé la marque «Belly-Button» pour utilisation en liaison avec des «confiseries» et d'autres produits. La maison Christie, Brown and Company Limited a déposé la marque «Peanut Buttons» pour utili sation en liaison avec des «biscuits».
Toutes ces marques ont été déposées pour utilisation en liaison avec des produits alimen- taires. Dans toutes ces marques on trouve le mot «Buttons».
Il me semble qu'un usage si généralisé du mot «Buttons» accouplé à des mots si variés ne peut manquer d'alerter les acheteurs et de diminuer ainsi les risques de confusion.
Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce et pour les motifs que je viens d'indi- quer, je conclus que les marques en question ne créent pas de confusion au sens de l'article 6 de la Loi sur les marques de commerce et que le registraire n'était pas fondé à refuser à l'appe- lante l'enregistrement de sa marque «Choklit Buttons». J'estime aussi que la marque que l'appelante se propose d'utiliser distingue ses marchandises, au sens de la loi.
Le registraire me paraît avoir mal jugé, dans sa décision, de la portée de la renonciation de
l'appelante au mot «Choklit». En dépit de cette renonciation, les marques doivent être exami nées dans leur totalité. Pour comparer deux marques de commerce afin de déterminer s'il existe une possibilité de confusion entre elles, il faut examiner ces marques dans leur totalité (voir Standard Coil Products (Canada) Limited c. Standard Radio Corporation, [1971] C.F. p. 106).
L'appel est donc accueilli avec dépens et le dossier renvoyé devant le registraire pour qu'il en dispose conformément à ces motifs. L'inti- mée n'a pas comparu et n'a pas été représentée lors de l'audition. Toutefois elle a déposé une réponse à l'avis d'appel et a indiqué dans sa plaidoirie écrite qu'elle contestait l'appel et res- tait sur ses positions. L'intimée y déclarait aussi qu'elle n'avait rien à ajouter au dossier déposé devant le registraire et notamment à sa plaidoi- rie écrite et qu'elle souscrivait aux conclusions prononcées par le registraire et aux motifs qui les avaient déterminées.
L'avocat de l'appelante a demandé à la Cour, en vertu de la Règle 344, d'adjuger une somme globale au lieu de frais taxés. Je fixe donc cette somme à $500, au lieu de frais taxés.
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