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Northern and Central Gas Corporation, Union Gas Company of Canada Limited and Consu mers' Gas Company (Demanderesses)
c.
L'Office national de l'énergie et Trans -Canada Pipe Lines Limited (Défendeurs)
et
Le procureur général du Canada (Intervenant)
Division de première instance, le juge Gibson— Ottawa, les 25, 26, 27, 28 mai et le 11 juin 1971.
Office national de l'énergie—Droit constitutionnel—Pipe- line inter-provincial—Distributeurs vendant du gaz dans une seule province—Pouvoir de l'Office national de l'énergie d'établir les droits de transmission par pipe-line—Y a-t-il ingérence dans les droits de propriété et les droits civils de la province?—Le pouvoir réglementaire est-il rétroactif?— A.A.N.B., art. 91(2), (29), 92(10)a)— Loi sur l'Office natio nal de l'énergie, 1959 (Can.), c. 46, art. 50, 51.
Les demanderesses achetaient du gaz naturel à une com- pagnie de pipe-line en vertu d'un contrat conclu en 1956 et de contrats subséquents. La compagnie de pipe-line, au moyen de ses installations, transportait le gaz d'Alberta en Ontario les demanderesses le vendaient et le livraient à leurs clients. Le prix du gaz versé par les demanderesses à la compagnie de pipe-line comprenait les frais de transport. En août 1969, la compagnie de pipe-line a déposé auprès de l'Office national de l'énergie, en vertu de l'art. 97(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie, une demande visant à ce que la Partie IV de la Loi (art. 50 à 61) s'applique à la compagnie de pipe-line et demandant, en vertu des art. 50 et 53, de fixer les droits sur le gaz qu'elle vendait au Canada. Le 30 octobre 1969, l'Office émettait une ordonnance ren- dant la Loi applicable à quiconque exploitait un pipe-line à l'entrée en vigueur de la Loi (le 2 novembre 1959). Le 5 novembre 1970, la compagnie de pipe-line demandait à l'Office d'émettre une ordonnance fixant des droits temporaires.
Arrêt: (1) Bien que le pouvoir de réglementer les tarifs de transmission d'un exploitant de pipe-line affecte les droits de propriété et les droits civils des demanderesses, la Loi fédérale est intra vires puisqu'elle constitue un exercice valable de la compétence du Parlement en matière de trafic et de commerce (A.A.N.B. art. 91(2)), et de travaux et d'entreprises inter-provinciaux (art. 91(29) et 92(10)a)).
(2) Le pouvoir de fixer le prix de vente du gaz que confère à l'Office l'art. 50 de la Loi sur l'Office national de l'énergie ne se limite pas aux contrats conclus après le 30 octobre 1969, date la Loi s'est appliquée à la compagnie de pipe-line, mais couvre aussi les contrats antérieurs.
ACTION en déclaration.
C. L. Drouin, c.r., pour Union Gas Co. of Canada Ltd. et Northern and Central Gas Corp., demanderesses;
H. Soloway, c.r., F. Lamar et M. J. O'Grady pour l'Office national de l'énergie, défendeur;
G. D. Finlayson, c.r., et J. H. Francis pour Trans -Canada Pipe Lines Ltd., défenderesse;
B. J. Mackinnon, c.r. et J. E. Sexton pour Consumers' Gas Co., demanderesse;
C. R. O. Munro, c.r., pour le procureur géné- ral du Canada, défendeur.
LE JUGE GIBSON—I1 s'agit en l'espèce de six actions qui ont été jugées ensemble. Dans trois des actions, le défendeur est le procureur géné- ral du Canada et dans les trois autres, les défen- deurs sont l'Office national de l'énergie et Trans -Canada Pipe Lines Limited, le procureur général du Canada étant partie en qualité d'intervenant.
Les demanderesses aux actions dans lesquel- les le procureur général du Canada est seul défendeur cherchent à obtenir une décision selon laquelle:
... Les articles 50, 51, 52, 53, 54, 61 et 97(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie sont ultra vires du Parlement fédéral, dans la mesure elles tendent à réglementer ou à donner le pouvoir de réglementer le prix du gaz naturel vendu et livré exclusivement à l'intérieur d'une province.
Dans les trois autres actions, les demanderes- ses requièrent la Cour de déclarer:
Que l'Office national de l'énergie n'a aucune compétence pour intervenir de quelque manière que ce soit dans la fixation des prix et des taux actuellement en vigueur dans les contrats entre la demanderesse et la défenderesse, Trans -Canada Pipe Lines, qu'il n'y a aucun tarif touchant la demanderesse au sens de la Loi et que l'Office ne peut pas fixer dans l'avenir ces prix en vertu de la Loi en vigueur; (et)
De déclarer que les articles 50, 51, 52, 53, 54, 61 et 97(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie et l'ordonnance MO-62-69 de l'Office, en date du 30 octobre 1969, ne peuvent avoir d'effet rétroactif et ne peuvent influer sur les prix fixés dans les contrats susmentionnés;
Dans ces dernières actions, les demanderes- ses requéraient aussi d'autres réparations qui n'ont pas été demandées dans la présente instance.
Les parties se sont mises d'accord sur cer- tains faits pour les besoins de la présente instance.
En résumé, cet accord porte sur les points suivants:
1. La demanderesse, Northern and Central Gas Corp. Ltd., est une compagnie constituée selon les lois fédérales du Canada, dont le siège social est à Toronto (Ontario), et les demande- resses, The Consumers' Gas Co. et Union Gas Co. of Canada Ltd. sont des compagnies consti- tuées selon les lois de l'Ontario, ayant leurs sièges sociaux respectifs à Toronto et à Cha- tham (Ontario).
2. La défenderesse, Trans -Canada Pipe Lines Ltd., a été constituée par une loi spéciale du Parlement du Canada, 15 Geo VI, c. 92, modi- fiée par des lois spéciales, 2-3 Elizabeth II, c. 80 et 16-17 Elizabeth II, c. 46.
3. Le défendeur, l'Office national de l'éner- gie, a été institué par la Partie I de la Loi sur l'Office national de l'énergie, Statuts du Canada, 1959, c. 46, modifiée.
4. La Consumers' Gas Co., en 1956, ou vers cette époque ainsi que la Northern and Central Gas Corp. Ltd. en 1957 ou vers cette époque et l'Union Gas Co. of Canada Ltd. en 1959 ou vers cette époque commencèrent respective- ment, aux termes de plusieurs contrats, à ache- ter à Trans -Canada Pipe Lines Ltd. de grandes quantités de gaz naturel qui appartenaient à cette dernière.
5. Toutes les demanderesses prennent livrai- son de leurs achats de gaz naturel à la défende- resse Trans -Canada Pipe Lines Ltd. dans diffé- rents endroits en Ontario et elles vendent et livrent le gaz naturel à leurs clients respectifs en Ontario. (Il y a une exception dans le cas de la Consumers' Gas Co. qui vend une partie du gaz à une compagnie associée à Hull, (Québec).) (Il est expressément prévu dans ces différents con- j trats que le droit de propriété du gaz ne passe pas de Trans -Canada Pipe Lines Ltd. aux;, demanderesses tant qu'il n'est pas livré; et l'en-1 semble des lieux de livraison est uniquement+ situé à l'intérieur de la province de l'Ontario).
6. Le 14 août 1969, la défenderesse Trans- Canada Pipe Lines Ltd. a formulé une demande
afin d'obtenir une ordonnance en vertu de l'art. 97(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie (appelée ci-après Loi) pour que la Partie IV lui soit appliquée. En outre, elle requérait des ordonnances de l'Office pour fixer «les taux ou droits justes et raisonnables» qu'elle pouvait demander pour le gaz qu'elle vendait au Canada, et «pour rejeter tout tarif ou droits ou partie de ceux-ci qui existaient et qui étaient incompatibles avec les taux ou droits justes et raisonnables ainsi fixés». La demande a été présentée en vertu des art. 50 et 51 de la Loi.
7. Le 30 octobre 1969, l'Office national de l'énergie, par une ordonnance M0-62-69 a déclaré que la Partie IV de la Loi s'appliquait à «toute personne qui, le jour de la mise en vigueur de la Loi, exploitait un pipe-line». La Trans -Canada Pipe Lines Ltd. en exploitait un le 2 novembre 1959, date à laquelle la Loi est entrée en vigueur.
8. Le 5 novembre 1970, la défenderesse Trans -Canada Pipe Lines Ltd. a demandé à l'Office qu'il fixe par ordonnance des droits provisoires.
9. Les demanderesses ont déposé et versé au dossier des plaidoiries et des interventions à l'encontre des deux dites demandes de ladite défenderesse.
10. L'article 61 de la Loi a été abrogé et un nouvel art. 61 l'a remplacé au chapitre 52 des Statuts du Canada 1960-61, qui a reçu l'assenti- ment royal et est entré en vigueur le 13 juillet 1961.
11. L'article 51 de la Loi a été modifié et un nouveau par. (2) y a été ajouté au chapitre 65 des Statuts du Canada 1969-70 qui a reçu l'as- sentiment royal et est entré en vigueur le 26 juin 1970.
12. Les débats sur les deux demandes com- mencèrent le 9 février 1971 et sont toujours pendants.
13. La défenderesse Trans -Canada Pipe Lines Ltd. ainsi que l'Office, également défen- deur, ont versé au dossier des copies des diffé- rents contrats susmentionnés passés entre elle et les différentes demanderesses aux dates ou vers les dates suivantes»
Dans la province de l'Alberta, il y a et il y a toujours eu à toutes les époques en cause un office appelé Office de la conservation du gaz et du pétrole de l'Alberta. Il délivre entre autres choses des permis d'exportation du gaz de l'Al- berta après avoir déterminé si ce gaz constitue un excédent par rapport aux besoins présents et futurs de l'Alberta.
Depuis 1964, il existe aussi dans la province de l'Ontario un office appelé Office de l'énergie de l'Ontario. L'article 19 de la Loi créant cet office, à savoir la Loi sur l'Office de l'énergie de l'Ontario, 1964 (Ont.), c. 74 modifié, donne à cet Office le pouvoir «sous réserve des règle- ments, ... de rendre des ordonnances approu- vant ou fixant des taux ou autres droits justes et raisonnables sur la vente du gaz par transmet- teurs, distributeurs et compagnies d'emmagasi- nage, et pour la transmission, la distribution et l'emmagasinage du gaz».
Les articles suivants de la Loi sur l'Office national de l'énergie se rapportent à la présente affaire:
2. Dans la présente loi,
a) «Office» désigne l'Office national de l'énergie;
c) «compagnie» désigne une personne autorisée, en vertu d'une loi spéciale, à construire ou à exploiter des pipe-lines;
g) «importation» signifie, à l'égard du gaz ou du pétrole, le fait d'introduire au Canada par pipe-lines, wagons-citer- nes, camions-citernes ou navires-citernes;
m) «Pipe-line» signifie une canalisation pour la transmis sion du gaz ou du pétrole, reliant une province à une autre ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites d'une province, et comprend tous les branchements, extensions, citernes, réservoirs, installations d'emmagasi- nage, pompes, rampes de chargement, compresseurs, moyens de chargement, systèmes de communication entre stations par téléphone, télégraphe ou radio, ainsi que les biens immeubles ou meubles et les ouvrages connexes;
q) «loi spéciale» signifie
(i) une loi du Parlement du Canada qui autorise une personne y nommée à construire ou exploiter un pipe line ou qui est édictée en fonction spéciale d'un pipe line qu'une personne est autorisée, par une telle loi, à construire ou à exploiter, et
(ii) des lettres patentes délivrées en vertu de l'article 5A ou de l'article 5n de la Loi sur les corporations cana- diennes, sauf aux fins de l'alinéa b) de l'article 80;
r) «droit» comprend tout droit, taux ou prix ou tous frais exigés ou établis pour l'expédition, le transport, la trans mission, la garde, la manutention ou la livraison d'hydro- carbures, ou pour l'emmagasinage, les surestaries ou choses analogues.
97. (1) La Partie IV de la présente loi ne s'applique pas à une personne qui, le jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, exploite un pipe-line, à moins que l'Office ne l'ordonne.
(Comme il ressort de l'accord sur les faits, l'Office a ordonné que le 30 octobre 1969, la Partie IV s'appliquerait à la Trans -Canada Pipe Lines Ltd.)
91. L'Office doit, dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, soumettre au Ministre un rap port sur l'activité de l'Office aux termes de la présente loi pour ladite année, et le Ministre doit faire présenter le rapport au Parlement dans un délai de quinze jours après qu'il a été reçu ou, si le Parlement n'est pas alors en session, l'un quelconque des quinze premiers jours le Parlement siège par la suite.
(Cette loi est entrée en vigueur le 2 novembre 1959.)
(La Partie IV de la Loi qui a pour titre «Mouvement, droits et tarifs» comprend les art. 50à61.)
50. L'Office peut rendre des ordonnances sur tous les sujets relatifs au mouvement, aux droits ou tarifs.
51. (1) Une compagnie ne doit pas imposer de droits, sauf les droits que spécifie un tarif produit auprès de l'Office et en vigueur.
(2) Si le gaz que transmet une compagnie par son pipe line lui appartient, elle doit, lors de l'établissement de tous les contrats de vente de gaz qu'elle peut conclure et des modifications y apportées à l'occasion, en fournir copie conforme à l'Office, et les copies conformes ainsi fournies sont censées, aux fins de la présente Partie, constituer un tarif produit en conformité du paragraphe (1).
(L'article 51(2) de la Loi est entré en vigueur le 26 juin 1970.)
52. Tous les droits doivent être justes et raisonnables, et ils doivent toujours, dans des circonstances et conditions fondamentalement semblables, à l'égard de tout le mouve- ment d'une même nature opéré sur le même parcours, être imposés également à toutes personnes, au même taux.
53. L'Office peut rejeter tout tarif ou une partie d'un tarif qu'il estime contraire à une disposition quelconque de la présente loi ou à une ordonnance de l'Office, et il peut exiger qu'une compagnie y substitue, dans un délai prescrit,
un tarif qu'il juge satisfaisant, ou il peut prescrire d'autres tarifs au lieu du tarif ainsi rejeté en totalité ou en partie.
55. Une compagnie ne doit faire, à l'égard d'une personne ou d'une localité, aucune différenciation injuste dans les droits, le service ou les aménagements.
60. Lorsque l'Office juge une telle action nécessaire ou désirable dans l'intérêt public, il peut ordonner à une com- pagnie exploitant un pipe-line pour la transmission du gaz d'étendre ou améliorer ses moyens de transmission, en vue de faciliter le raccordement de son pipe-line à tous aména- gements établis par une personne ou une municipalité quel- conque pratiquant, ou légalement autorisée à pratiquer, la distribution locale du gaz au public, et de vendre du gaz à ladite personne ou municipalité et, pour ces objets, de construire des canalisations secondaires jusqu'aux agglomé- rations immédiatement adjacentes à son pipe-line, si l'Office estime qu'il n'en résultera, pour la compagnie, aucun far- deau injustifié. Cependant, l'Office n'a nullement le pouvoir de forcer une compagnie à vendre du gaz à des clients additionnels lorsque le fait d'agir ainsi diminuerait sa capa- cité de fournir un service suffisant à ses clients déjà inscrits.
61. Si le gaz que transmet une compagnie, par son pipe line, appartient à la compagnie, la différence entre ce qu'il en coûte à la compagnie pour le gaz au point celui-ci pénètre dans son pipe-line et le montant pour lequel la compagnie vend le gaz, est réputée, aux fins de la présente Partie, un droit imposé par la compagnie, à l'acheteur pour la transmission de ce gaz.
(L'article 61 est entré en vigueur dans sa forme actuelle le 13 juillet 1961.)
(Au sujet de ce dernier article, aucun des différents. contrats susmentionnés et versés au présent procès n'indique le coût de la transmis sion du gaz, c'est-à-dire la différence entre ce qu'il en coûte à la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. pour le gaz au point celui-ci pénètre dans son pipe-line et le montant pour lequel elle vend le gaz aux différentes demanderesses.)
62. (1) Sous réserve des dispositions de la présente loi et de sa loi spéciale, une compagnie, aux fins de son entre- prise, peut:
h) transmettre des hydrocarbures au moyen d'un pipe-line et réglementer le temps et la manière dont s'opérera la transmission des hydrocarbures, ainsi que les droits à percevoir en l'espèce; et
En outre, et cela s'applique à la présente affaire, la Partie I de l'annexe aux Règles de pratiques et de procédures de l'Office national de l'énergie qui indique à l'al. 11 (ii) les rensei-
gnements que doit fournir un requérant pour obtenir un certificat en ce qui concerne un pipe-line de gaz, exige que le requérant rem- plisse une déclaration proforma des revenus estimés et des dépenses prévues pour son sys- tème de pipe-line, ceci pour les première, troi- sième et cinquième années suivant la délivrance dudit certificat, en indiquant entre autres le «coût d'achat du gaz».
De même, l'art. 2(2) des Règlements de nor malisation de la comptabilité des oléoducs, établi par C.P. 1969-1792 sous l'autorité de la Loi sur l'Office national de l'énergie, exige que «toute compagnie d'oléoducs qui est soumise à la compétence de l'Office ... sauf autorisation contraire, doit suivre les prescriptions concer- nant la comptabilité édictées dans ces règle- ments». Ces règlements sont très détaillés.
Dans sa présente instance, les témoins des demanderesses étaient MM. George W. Carpen ter, vice-président exécutif et directeur techni que de la Consumers' Gas Co.; Robert Glenn Caughey, administrateur de la Gas Supply Union Gas Supply Co. of Canada; et R. John- son, responsable des tarifs de la Northern and Central Gas Corp. Ltd.
Le procureur général du Canada n'a produit aucune preuve.
L'Office national de l'énergie a versé au dos sier sous la classification de pièce 10 la trans cription du premier jour des dépositions devant l'Office national de l'énergie le 9 février 1971, de pièce 11 une copie d'une ordonnance de l'Office national de l'énergie en date du 18 juin 1970 et de pièce 12 une copie dp l'ordonnance de l'Office national de l'énergie en date du 17 décembre 1970.
Le seul témoin de la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. était M. Vernon Hortie, président de cette compagnie.
La preuve a établi que la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. possède les pipe-lines, comme l'indi- que la pièce 5. Ces pipe-lines permettent la transmission du gaz de l'Alberta à travers la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario et le Québec dans l'état du Vermont (U.S.A.). C'est aussi grâce à ses pipe-lines, à Emerson (Mani- toba), que la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. livre
du gaz à une compagnie de pipe-lines associée ayant pour raison sociale Great Lakes Trans mission Gas Co. Cette compagnie transmet le gaz grâce à ses pipe-lines à travers les états du Minnesota, du Wisconsin et du Michigan et en Ontario qui, dans la ville de Dawn en Ontario, se raccordent avec le pipe-line que possède la demanderesse, Union Gas Co. of Canada Ltd.
La preuve a établi aussi que la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. achète son gaz dans la province de l'Alberta, achat qui n'a, jusqu'à maintenant, pas encore été soumis aux ordonnances d'un office, tant provincial que fédéral; qu'elle prend livraison de ce gaz dans son pipe-line à un endroit donné de la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan; qu'elle livre tout ce gaz par son propre système de pipe-lines; qu'elle vend le gaz qu'elle livre ainsi à différents endroits dans les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et dans l'état du Ver- mont (U.S.A.); que les acheteurs de la deman- deresse en vertu desdits contrats, déposés au dossier de la présente instance et à l'Office, payent à la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. le prix de la transmission du gaz en qualité de transporteur et le prix du gaz en une somme! unique et qu'il n'y a aucune répartition de cette' somme entre le prix de la transmission du gaz etj le prix du gaz lui-même.
Comme il est dit plus haut, la Trans -Canada Pipe Lines Ltd., dans ladite requête déposée à l'Office national de l'énergie, demande que l'Of- fice rende des ordonnances pour fixer «des taux ou des droits justes et raisonnables» qu'elle peut exiger pour le gaz qu'elle vend au Canada, ainsi que pour «rejeter tout tarif ou droit ou portion de tarif en vigueur qui sont incompati bles avec les taux ou les droits justes et raison- nables ainsi fixés».
L'article 50 de la Loi sur l'Office national de l'énergie autorise l'Office national de l'énergie à «rendre des ordonnances sur tous les sujets relatifs au mouvement, aux droits ou aux tarifs». Probablement, un tarif aux fins de cet article est une liste des droits.
Comme on l'a mentionné ci-dessus, un droit est défini par l'art. 2r), de la Loi et comprend «tout droit, tout prix ou tous frais exigés ou établis pour ... la transmission, la garde, la
manutention ou la livraison d'hydrocarbures, ou pour l'emmagasinage, les surestaries ou choses analogues»; et l'art. 61 contient une définition plus large des droits, dans laquelle il est prévu que «la différence entre ce qu'il en coûte à la compagnie pour le gaz au point celui-ci pénè- tre dans son pipe-line et le montant pour lequel la compagnie vend le gaz, est réputée, aux fins de la présente Partie, (c'est-à-dire la Partie IV), un droit imposé par la compagnie à l'acheteur, pour la transmission de ce gaz».
En raison de l'art. 51(1), aucune compagnie soumise à la Loi, comme la Trans -Canada Pipe Lines Ltd., ne peut imposer «de droits, sauf les droits que spécifie un tarif produit auprès de l'Office et en vigueur».
En raison de l'art. 51(2) de la Loi qui est entrée en vigueur le 26 juin 1970, cette disposi tion s'applique à toutes les compagnies comme la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. qui, outre qu'elles fournissent les services de transmission ou de transport, possèdent aussi et vendent le gaz qu'elles transmettent par leurs propres pipe lines, c'est-à-dire:
51. (1)...
(2) Si le gaz que transmet une compagnie par son pipe line lui appartient, elle doit, lors de l'établissement de tous les contrats de vente de gaz qu'elle peut conclure et des modifications y apportées à l'occasion, en fournir copie conforme à l'Office, et les copies conformes ainsi fournies sont censées aux fins de la présente Partie, constituer un tarif produit en conforpiité du paragraphe (1).
La plupart des contrats que les demanderes- ses ont passés avec la Trans -Canada Pipe Lines, comme on l'a indiqué ci-dessus, ont été passés avant le 26 juin 1970. Ces contrats peuvent être ou ne pas être des contrats entrant dans l'accep- tion de l'art. 51(2) de la Loi.
L'article 52 prévoit aussi que le droit imposé doit être juste et raisonnable sans aucune diffé- renciation envers un quelconque consomma- teur; et l'art. 53 de la Loi prévoit aussi que l'Office «peut rejeter tout tarif ou une partie d'un tarif qu'il estime contraire à une disposi tion quelconque de la présente loi ou à une ordonnance de l'Office», et qu'en outre il peut, après le rejet, «exiger qu'une compagnie y subs- titue, dans un délai prescrit, un tarif qu'il juge satisfaisant, ou il peut prescrire d'autres tarifs
au lieu du tarif ainsi rejeté en totalité ou en partie» .
La Cour a eu à sa disposition des exposés de toutes les parties épuisant la question.
En bref, les positions•; -des demanderesses
étaient les suivantes:
1. La vente du gaz en Ontario, faite confor- mément aux contrats qu'elles ont passés avec la Trans -Canada Pipe Lines en Ontario, était une question de propriété et de droits civils dans la province et une matière d'une nature purement locale ou privée dans la province et en consé- quence, à leur avis, [TRADUCTION} «la tentative d'application de la législation actuelle et future et/ou de ses clauses aux (demanderesses) ... et à la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. est une ingérence dans la propriété et les droits civils dans la province et dans des matières d'une nature purement locale ou privée dans la province». (Article 92(13) et (16) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique).
A
(i) Caloil Inc. c. Procureur général du Can. (1971) 15 D.L.R. (30 164, le président Jackett, aux pp. 172-73, 175-76; (ii) Caloil Inc. c. Procureur général du Can. (10 mai 1971) R.C.S.; (iii) Procureur général de la C.-B. c. Procureur général du Can. [1937] A.C. 377, Lord Atkin aux pp. 386-87; (iv) Le Roi c. Eastern Terminal Eleva tor Co. [1925] R.C.S. 434, le juge Duff aux pp. 446-48; (y) Re: Loi sur l'organisation du marché des produits agricoles [1957] R.C.S. 198; le juge en chef Kerwin, à la p. 204; le juge Rand, aux pp. 203, 212-13; le juge Fauteux (alors juge-puîné), à la p. 256; (vi) Carnation Co. c. Régie des marchés agricoles du Qué. [1968] R.C.S. 238, le juge Martland (pour la cour) aux pp. 253-54; (vii) Home Oil Distributors Ltd. c. Procureur général de la C.-B. [1940] R.C.S. 444, le juge Crocket, à la p. 448, le juge Davis, à la p. 451, le juge Hudson, à la p. 455.
B
(i) Campbell-Bennett Ltd. c. Comstock [1954] R.C.S. 207 (voir maintenant l'art. 79 de la Loi sur l'Office national de l'énergie); (ii) Montréal c. Tramways de Montréal [1912] A.C. 333, à la p. 346; (iii) Re: Radio Communications [1932] A.C. 304, Lord Dunedin, à la p. 315.
2. Quoi qu'il en soit, la Loi sur l'Office natio nal de l'énergie ne doit pas produire d'effet rétroactif qui permette un ingérence dans des droits préexistants contractuels ou autres.
(i) On the Interpretation of Statutes, de Maxwell. 11e éd. pp. 204-06; 12e éd. pp. 215-16; (ii) On Statute Law, de Craies, 5e éd. pp. 357-58, 360-61, 369; (iii) Schmidt c. Ritz (1901) 31 R.C.S 602, le juge Strong, aux pp. 605-06; (iv) Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Board [1933] R.C.S. 629, le juge en chef Duff, à la p. 638; (y) In re: Athlumney [1898] 2 B.R. 547, le juge Wright, à la p. 551; (vi) Pitcher c. Shoebot- tom [1971] 1 O.R. 196, le juge Lieff, à la p. 113; (vii) La Reine c. Walker (1970) 11 D.L.R. (3e) 173, le juge Martland, à la p. 186; (viii) Gloucester c. Ottawa, [1940] O.W.N. 524 (C.A.), à la p. 529; (ix) West c. Gwynne [1911] 2 Ch. 1 à 10.
3. Une interprétation convenable des art. 50, 51, 60, 61 et 97 de la Loi sur l'Office national de l'énergie établira que ces articles, et en fait tous les articles de la Loi prise dans son ensem ble, ne traitent pas dans leurs termes mêmes de la vente du gaz, mais traitent de la transmission du gaz et d'autres hydrocarbures et que par conséquent, l'Office national de l'énergie est seulement habilité, entre autres, à prendre à l'égard de la Trans -Canada Pipe Lines Ltd., compagnie inter-provinciale, des mesures en ce qui concerne des tarifs de transport relatives à ces transmissions et n'est en aucun cas habilité par un article quelconque de la Loi à prendre des mesures en ce qui concerne le prix qui doit être payé pour la vente du gaz.
Pour démontrer la validité de la Loi sur l'Of- fice national de l'énergie, l'avocat du procureur général du Canada ne s'est pas appuyé sur les pouvoirs fédéraux en matière de commerce. (Article 91(2) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.) Au lieu de cela, il s'est appuyé sur la catégorie de sujet visée par la législation comme se rapportant à des travaux ou entrepri- ses d'une nature fédérale. (Article 91(29) et article 92(10) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.)
Selon cette thèse, cette législation visait seu- lement les prix de transmission du gaz et des autres hydrocarbures par des pipe-lines inter- provinciaux; ces prix de transmission sont imposés de deux manières, à savoir: première- ment, dans le cas le gaz et le pipe-line qui sert à le transporter ont le même propriétaire et deuxièmement, dans le cas le propriétaire du gaz n'est pas celui du pipe-line; parce que la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. appartient à la première catégorie, l'Office, en fixant un prix de transmission du gaz, doit y inclure le prix de
vente du gaz, et la seule personne qui puisse supporter ce prix dans le cas présent est l'ache- teur du gaz; en d'autres termes, le pouvoir de l'Office de fixer les droits ou les prix dans cette situation influence le prix du gaz, mais le fait qu'il l'influence ne rend pas la législation qui l'habilite ultra vires du gouvernement fédéral tant que cette législation reste dans les limites de la compétence fédérale.
En somme, selon cette thèse, la compétence de l'Office à l'égard de l'objet de ladite requête, présentée par la Trans -Canada Pipe Lines Ltd., était une question se rapportant à une entreprise inter-provinciale dans l'acception d e l'art. 92, al. (10)a) et de l'art. 91(29) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et non une question de propriété et de droits civils dans la province ou une matière d'une nature purement locale ou privée dans la province, dans l'acception de l'art. 92, par. (13) et (16) de l'Acte de l'Améri- que du Nord britannique.
1. Caloil Inc. c. Procureur général du Can. Cour suprême du Canada (non rapporté); 2. La Reine c. Com'n des transports [1968] R.C.S. 118; 3. Campbell- Bennett c. Trans Mountain Oil Pipe Line Co. [1954] R.C.S. 207; 4. Gold Seal Ltd. c. Procureur général de l'Alta, 62 R.C.S. 424; 5. Toronto c. Bell Telephone Co. [1905] A.C. 52; 6. Winner c. S.M.T. (Eastern) Ltd. [1954] A.C. 541.
L'avocat de l'Office national de l'énergie, entre autres choses, soutenait que des droits et des tarifs étaient en vigueur au 30 octobre 1969 selon l'acception de la Partie IV de la Loi sur l'Office national de l'énergie, et en particulier selon l'art. 53 et que même s'il n'y en avait pas, l'Office national de l'énergie était encore habi- lité à exercer sa compétence à cette fin en vertu de l'art. 51(2) de la Loi; que le but de la Loi n'est pas de donner à l'Office le pouvoir de réglementer la vente du gaz, mais seulement celui de prendre des ordonnances sur tous les sujets «relatifs au mouvement, aux droits ou aux tarifs»; que le fait que l'exercice de tels pouvoirs de réglementation puisse influencer (, certains contrats passés entre les demanderes- ses et la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. avant la date de l'entrée en vigueur de la Partie IV de la Loi, fixée par l'Office, (conformément aux pou- voirs que lui donnait à cet effet l'art. 97(1) de la Loi), n'est pas essentiel dans cette affaire; que
l'art. 51(2) de la Loi est purement administratif et sanctionne les pratiques suivies par l'Office jusqu'au moment ce paragraphe a été passé; et que «le taux fixant les contrats entre les parties privées, même s'ils ont été passés avant la mise en vigueur de la législation d'utilité publique, ne peut pas l'emporter sur la législa- tion quand elle entrera en vigueur»;
Ottawa Electric Rly. Co. c. Ottawa et Canada Atlantic Rly. Co. [1906] R.C.S. 354; Grand Trunk Rly. et Com- pagnie de chemins de fer Pacifique-Canadien c. Toronto [1909] R.C.S. 613; Maritime Electric Co. c. General Dairies Ltd. [1937] A.C. 610, 1 All E.R. 748; Union Dry Goods Co. c. Georgia Public Service Corp. (1919) 248 U.S. 372; Washington c. Public Service Com'n (1921) 129 N.E. 459; Producers Transportation Co. c. Rr. Com'n of Cal. (1919) 251 U.S. 228; Re: Highland Telephone Corp. (1921) PUR 162; Market Street Rly. c. Pacific Gas and Electric Co. [1926] A. 509;
que selon une interprétation correcte de la Loi sur l'Office national de l'énergie, c'est une légis- lation supplétive créant un système complet de règlements, et le Parlement doit avoir eu l'inten- tion de faire rentrer les dispositions contractuel- les présentes dans son cadre.
Articles 97(2); 58(1); 52; 53; 54; 55; 56; 61 et le plus important art. 51(1); On Statutes de Maxwell, 12e éd., 1959, aux pp. 215 et suivantes, milieu de la p. 216; Loi d'interprétation, 1967-68, c. 7, art. 11; West c. Gwynne [1911] 2 Ch. 1; 80 L.J. Ch. 578; Acme Village c. Steele -Smith [1933] R.C.S. 47; Tomashaysky c. Nichols (1955) 16 W.W.R. 598; Procureur général du Can. c. Compagnie de publication La Presse Ltée. (1966) 63 D.L.R. (2e) 396; Grand Trunk Rly. c. Hepworth Silica Pressed Brick Co. (1919) 51 R.C.S. 81, par le juge Davies, à la p. 85; B.C. Elec. Rly. c. Public Utilities Com'n of B.C. [1960] R.C.S. 837; Edmonton c. North western Utilities Ltd. [1961] R.C.S. 392; Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Bd. [1933] R.C.S. 629.
En ce qui concerne la théorie sur les ques tions constitutionnelles afférentes à la validité de la Loi sur l'Office national de l'énergie, l'avo- cat de la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. alléguait que la Loi pouvait être confirmée en vertu des pouvoirs fédéraux en matière de commerce (art. 91(2) de l'Acte de l'Amérique du Nord britanni- que) et aussi en tant qu'exercice du pouvoir sur un ouvrage ou une entreprise inter-provinciaux (art. 91(29) et art. 92(10)a) de l'Acte de l'Améri- que du Nord britannique).
Re: l'exercice du pouvoir sur une entreprise ou un ouvrage inter-provinciaux: (Article 91(29) rapproché de l'art. 92(10)a) de l'Acte de l'Amé- rique du Nord britannique.)
Campbell-Bennett Ltd. c. Comstock Mid-western Ltd. [1954] R.C.S. 297 et en particulier le juge Kerwin dans l'opinion qu'il exprimait tant pour lui-même que pour le juge Fauteux (alors juge puîné) à la p. 211; ainsi que le juge Rand dans l'opinion qu'il exprimait tant pour lui- même que pour les juges Kellock, Locke et Cartwright à la p. 214; Grand Trunk Rly. c. Procureur général du Can. [1907] A.C. 65; Toronto c. Bell Telephone Co. [1905] A.C. 52 et en particulier à la p. 59; Re: Regula tion of Radio [1932] A.C. 304 et en particulier p. 315; Procureur général de l'Ont. c. Winner [1954] A.C. 541 et en particulier aux pp. 580-83; MacDonald c. Riordon (1899) 8 Qué. B.R. 555 confirmé par (1899) 30 R.C.S. 619 et en particulier la décision du juge Wurtele de la Cour du Banc de la Reine de Québec aux pp. 573-74; Re: Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail [1955] 3 D.L.R. 721 et en particulier le juge Kellock à la p. 749; La Reine c. Com'n des transports (1968) D.L.R. vol. 65 la p. 425. Une décision de la Cour suprême du Canada et en particulier aux pp. 432-34;
Re: pouvoirs fédéraux en matière de com merce: (Article 91(2) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.)
Citizens Ins. Co. c. Parsons (1881) 7 App. cas. 96 et en particulier l'exposé de Sir Montague Smith aux pp. 112-13; Re: Loi sur l'organisation du marché des pro- duits naturels [1936] R.C.S. 398, confirmé par le Con- seil privé en [1937] A.C. 327; Re: Article 5a) Loi de l'industrie laitière [1949] R.C.S. 1; P.E.L Potato Mar keting Bd. c. H.B. Willis Inc. [1952] 2 R.C.S. 392; Murphy c. Compagnie de chemins de fer Pacifique- Canadien [1958] R.C.S. 626; Re: Loi sur l'organisation du marché des produits agricoles [1957] R.C.S. 198; 7 D.L.R. (2e) 257, en particulier en ce qui concerne les exposés du juge Rand aux pp. 271-72, du juge en chef Kerwin à la p. 264 et aussi aux pp. 264-65 et 266; Procureur général du Can. c. C.P.R. [1958] R.C.S. 285; G.W. Saddlery Co. v. The King [1921] 2 A.C. 91; La Reine c. Klassen (1959) 20 D.L.R. (2e) 406; Krickard c. Procureur général de la C.-B. (1958) 14 D.L.R. (2e) 58; Com 'n des entreprises d'utilité publique c. Victoria Cablevision Ltd. (1965) 51 D.L.R. (2e) 716; Re: Radio Communication [1932] A.C. 304; Carnation Co. c. La régie des marchés agricoles du Qué. [1968] R.C.S. 238.
En ce qui concerne la capacité de la Loi sur l'Office national de l'énergie à accorder compé- tence à l'Office national de l'énergie, l'avocat de Trans -Canada Pipe Lines Ltd. a fait appel à la jurisprudence suivante:
On Interpretation of Statutes de Maxwell 11e éd. à la p. 206; West c. Gwynne [1911] 2 Ch. p. 1 et en particulier
l'exposé de Lord Buckley à la p. 11; G. T. Rly. et Compagnie de chemins de fer Pacifique-Canadien c. Toronto [1910] 42 R.C.S. 613 et en particulier l'exposé du juge Davies, à la p. 627; Tramways de Montréal c. Montreal Terminal Railway (1905) 36 R.C.S. 369; Ottawa Elec. Rly. c. Ottawa (1906) 37 R.C.S. 354 et en particulier l'exposé du juge Davies à la p. 359; B.C. Elec. Rly. c. Public Utilities Com'n of B.C. [1960] R.C.S. 837; Munn c. Illinois (1877) 94 U.S. 113; Rail road Com'n c. Permian Basin Pipeline 302 S.W. (2e) 238-54, aussi cité dans l'édition de H. R. Williams de Oil and Gas au vol. 4, 1962, p. 802; Re: Northwestern Utilities Ltd. c. Northwestern Utilities Ltd. (1960) 25 D.L.R. (2e) 262, confirmé par la Cour suprême du Canada [1961] R.C.S. 392; B.C. Elec. Rly. c. Public Utilities Com'n of B.C. [1960] R.C.S. 837, et en parti- culier les exposés des juges Martland à la p. 853 et Locke à la p. 843; Bluefield Water Works Co. c. West Virginia Public Service Com'n (1923) 262 U.S. 679 à la p. 690; Bd. of Public Utility Com'rs c. New York Tele. Co. (1925) 271 U.S., p. 23 à 31; Re: l'affaire North western Utilities Ltd. c. Northwestern Utilities Ltd. (1961) 25 D.L.R. (2e) 262, confirmé (1961) R.C.S. 392, et en particulier l'exposé du juge Locke à la p. 402; Edmonton c. Northern Alberta Natural Gas Develop ment Co. (1920) 50 D.L.R. 506, qui fut porté devant la Cour suprême du Canada et est rapporté sous le nom de Northern Alberta Natural Gas Development Co. c. Procureur général de !'Alta, 61 R.C.S. à la p. 213; Gloucester c. Ottawa [1941] 1 D.L.R. 483, rapporté à la Cour suprême du Canada sous le nom de Ottawa c. Eastview [1941] R.C.S. 448, à la p. 459, le juge Rinfret à la p. 465.
En ce qui concerne l'effet des dispositions diverses contenues dans les différents contrats qui déclarent que les différentes méthodes de fixation des prix dans ces contrats sont soumi- ses à réglementation:
Oil and Gas Law, vol. 4 p. 802 [TRADUCTION] «La signification de ces clauses etc.,» publié par MM. H. R. Williams et C. J. Meyers; Un{ted States District Court—décision de Brooklyn, Public Utilities Reports (1927) A. 200.
Les règlements concernant les taux font partie des pouvoirs réglementaires de l'État et de tels pouvoirs ne peuvent être ni limités ni altérés par un contrat.
Alabama Supreme Court—Salter c. Georgia—décision concernant les entreprises d'intérêt public de l'Ala- bama, Public Utilities Reports (1932) E. 333.
Les taux fixés par un contrat antérieur à la mise en vigueur du Public Utility Act n'en sont pas moins soumis à l'exercice raisonnable des pouvoirs régle- mentaires de l'État.
Florida Supreme Court—Division sud, Public Utilities Reports (1924) C. 428.
Il faut sous-entendre que les contrats ont été conclus en se référant à l'exercice éventuel de l'autorité légi-
time du gouvernement, et qu'aucune obligation née du contrat ne peut aller jusqu'à détruire l'autorité légitime gouvernementale.
Indiana Supreme Court—Washington c. Public Service Commission, Public Utilities Reports (1921) C. 459.
Le simple fait que la législature n'a pas édicté de règlements qui empêchent le taux fixé par un contrat d'être valable au moment il est conclu, ne permet pas aux parties, par contrat entre particuliers, de limiter ou de diminuer l'exercice futur de ce pouvoir de la législature; le contrat est réputé rester soumis aux règlements quels qu'ils soient qui seront imposés par la Loi dans l'avenir.
Indiana Supreme Court—Public Service Commission c. Girton, Public Utilities Reports (1921) B. 16.
Lors de la conclusion des contrats, antérieurs à l'e- xercice des pouvoirs réglementaires de l'État, les parties sont censées être au courant du fait que dans l'avenir, l'État peut, s'il juge à propos d'exercer ce droit, toucher le contrat par ses règlements.
Michigan Supreme Court—Highland Telephone Compa ny, Public Utilities Reports, (1921) C. 162.
En aucun cas, deux ou plusieurs particuliers, associa tions ou corporations, ou toute combinaison de ceux-ci ne peuvent conclure un contrat valable fixant des taux et ainsi déposséder l'État de son droit de contrôle des taux.
United States District Court—Market Street Railway Co. c. Pacific G and E, Public Utilities Reports (1926) A. 509.
L'État a le pouvoir d'annuler ou de remplacer les taux fixés auparavant par des contrats entre les entreprises publiques et leurs clients.
Keremos Land Co. c. MacTavish [1925] 1 D.L.R. 897 et en particulier l'exposé du juge Morrison à la p. 900; Maritime Electric Co. c. General Dairies Ltd. [1937] A.C. 610 et en particulier l'exposé de Lord Maugham à la p. 620.
En ce qui concerne le droit qu'a un tribunal canadien de prendre en considération des déci- sions américaines, il est fait un renvoi précis aux arrêts suivants:
Le Roi c. Rideout [1949] 4 D.L.R. 612 et en particulier la p. 618; B.C. Elec. Rly. c. Public Utilities Com'n of B.C. [1960] R.C.S. 837, en particulier le jugement du juge Locke à la p. 844.
Voilà ce qui a été soumis par les avocats des parties.
Pour parvenir à la conclusion à laquelle je suis arrivé dans cette affaire, j'ai accepté les principes suivants: (1) la conclusion des diffé- rents contrats entre les demanderesses et la
défenderesse Trans -Canada Pipe Lines Ltd. qui ont été apportés en preuve, est un sujet qui, en général, entre dans les catégories de sujets attri- bués aux législatures des provinces en vertu de l'art. 92(13) et (16) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique; (2) la majorité desdits con- trats ont été conclus avant l'entrée en vigueur de la Partie IV de la Loi sur l'Office national de l'énergie, soit avant le 30 octobre 1969; et (3) le droit au gaz, mentionné dans ces divers con- trats, passe de la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. aux demanderesses, à des points de livraison qui sont tous à l'intérieur de la province de l'Ontario.
Le titre complet de la Loi que nous étudions dans cette affaire est Loi pourvoyant à l'établis- sement d'un Office national de l'énergie. A la lecture de l'ensemble de la Loi et en particulier des dispositions citées au début des présents motifs, il est probable que la raison pour laquelle cette Loi a été passée, était de régle- menter les tarifs des pipe-lines destinés à la transmission du gaz et tous les services annexes concernant le gaz et tous les hydrocarbures.
C'est un nouveau genre de législation rendu nécessaire par les changements économiques qui se produisirent au Canada après la décou- verte d'énormes quantités de gaz dont l'exis- tence était jusqu'alors inconnue, dans la pro vince de l'Alberta et de la Saskatchewan.
1'okiet de cette législation, au sens je l'ai exposée, n'entre dans aucune des catégories de sujets qui étaient attribuées exclusivement aux législatures des provinces par l'art. 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Au contraire, l'objet de la Loi sur l'Office national de l'énergie entre à la fois dans les pouvoirs fédéraux en matière de commerce (voir art. 91(2) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique) et aussi dans les pouvoirs fédéraux en matière de législation sur les ouvrages et entreprises inter-provinciaux (voir art. 91(29) et art. 92(10)a) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique).
Étant donné qu'elle entre dans les pouvoirs fédéraux en matière de commerce, la Loi sur l'Office national de l'énergie donne entre autres à l'Office national de l'énergie le pouvoir de réglementer les prix que peut percevoir le trans-
porteur public par pipe-line pour la transmission de gaz qui relie une province avec une ou plusieurs autres provinces ou qui se prolonge au-delà des limites d'une province. En outre, dans le cas le transporteur public par pipe line, à titre de partie intégrante de son activité inextricablement liée à celle-ci, vend aussi du gaz, l'Office est également habilité à réglemen- ter les prix de transmission, et dans la mesure le prix de vente du gaz est une partie insépa- rable de ces prix de transmission, à réglementer le prix auquel le gaz peut être vendu en Ontario. En d'autres termes, dans la mesure la fixa tion accessoire du prix auquel le gaz peut être vendu en Ontario fait partie de l'ensemble de son système de réglementation de la fixation des prix de transmission, l'Office peut exercer valablement à ce sujet le pouvoir que lui con- fère l'art. 50 de la Loi de «rendre des ordonnan- ces sur tous les sujets relatifs au mouvement, aux droits ou aux tarifs».
En ce qui concerne le fait que ce sujet entre dans le pouvoir fédéral de légiférer sur les ouvrages ou les entreprises inter-provinciaux, la preuve a établi que la défenderesse, la Trans- Canada Pipe Lines Ltd., dans la mesure ceci touche l'objet de cette action, ne poursuit en exerçant son activité en qualité de transporteur public par pipe-line qui, en même temps, pos- sède et vend le gaz qu'elle transporte dans son pipe-line,hgu'une seule en trepriseet non pas deux entreprises séparées et distinctes, à savoir la vente du gaz en général au public et la vente de ses services en tant que transporteur public par pipe-line. En n'ayant qu'une seule entre- prise, la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. n'effec- tue ses affaires qu'avec des membres du public qui à la fois achètent ses services en qualité de transporteur public par pipe-line et son gaz.
L'Office national de l'énergie, en exerçant ses pouvoirs réglementaires en vertu de la Loi sur l'Office national de l'énergie sur les prix qu'un transporteur public par pipe-line tel que la Trans -Canada Pipe Lines Ltd. peut percevoir, touchera sans aucun doute la propriété et les droits civils qu'ont les demanderesses dans les différents contrats qui ont été versés dans le présent procès et qui ont été déposés à l'Office national de l'énergie. Néanmoins, comme nous avons établi que le sujet à l'égard duquel la Loi
sur l'Office national de l'énergie a été passée est un sujet qui est du ressort desdits pouvoirs du Parlement, le fait que la mise en oeuvre des pouvoirs accordés dans cette Loi à l'Office national de l'énergie touchera la propriété et les droits civils ne soulève aucune objection sur la validité de la Loi. 2
En outre, à l'égard des allégations sur la rétroactivité de la loi en ce qui concerne ceux des différents contrats qui ont été conclus anté- rieurement à l'entrée en vigueur de la Partie IV de la Loi sur l'Office national de l'énergie, je considère que la règle de la rétroactivité de l'interprétation légale n'est pas applicable.
Au contraire ce qui est applicable, c'est la règle séparée et distincte des droits acquis.'
La question est ici de déterminer si le pouvoir accessoire de fixer les prix de vente du gaz, accordé par l'art. 50 de la Partie IV de la Loi sur l'Office national de l'énergie à l'Office natio nal de l'énergie, se rapporte à tous les contra s de vente de gaz ou seulement à certains, savoir ceux qui ont été exécutés après l'entrée en vigueur de la Partie IV de la Loi, soit après le 30 octobre 1969. Il est évident qu'il se rap- porte aux premiers seulement. En d'autres termes, la question est de déterminer l'étendue et la portée de l'art. 50, et non pas la date à partir de laquelle la Partie IV de la Loi doit être considérée comme faisant loi.
En conséquence, si l'Office national de l'é- nergie, en exerçant ses pouvoirs en vertu de l'art. 50 de la Loi, doit aboutir à fixer un prix de vente du gaz plus élevé que celui qui avait été stipulé à l'origine entre les parties dans les différents contrats versés au 'dossier de l'af- faire, ceci ne touche en rien lesdits contrats dans le passé mais simplement pour l'avenir,
Il en résulte par conséquent, pour ce qui est des requêtes déposées par la défenderesse Trans -Canada Pipe Lines Ltd. le 14 août 1969 à l'Office national de l'énergie en vue d'obtenir des ordonnances pour fixer «des droits ou des tarifs justes et raisonnables» qu'elle pourrait appliquer pour le gaz qu'elle vend au Canada et pour «rejeter tout tarif ou une partie d'un tarif qui sont incompatibles avec des droits ou des tarifs justes et raisonnables ainsi fixés», qu'à mon avis, l'Office est habilité à le faire en vertu
de la Partie IV de la Loi sur l'Office national de l'énergie et que dans la mesure l'Office, s'il rend de telles ordonnances, peut par ces ordon- nances influencer le prix de vente du gaz actuel- lement en vigueur entre les demanderesses et la défenderesse Trans -Canada Pipe Lines Ltd. conformément aux différents contrats versés au présent procès et déposés à l'Office, n'agira pas au-delà de sa compétence et que ladite compé- tence reconnue dans la Loi sur l'Office national de l'énergie qu'il invoquera en ce faisant, sera une compétence que lui a accordée intra vires le gouvernement du Canada.
Par conséquent, les actions sont rejetées avec dépens.
Les 29 contrats conclus entre la Trans -Canada Pipe Lines Limited et les différentes demanderesses ont été signés à des dates différentes entre le 18 janvier 1955 et le 15 octobre 1970. Des copies de ces contrats ont été dépo- sées à l'Office en diverses occasions entre le 13 novembre 1959 et le 7 janvier 1971—Ed.
z Voir l'affaire Procureur général de la Sask. c. Procureur général du Can. [1949] A.C. 110 à 123, le juge Rand: [TRADUCTION] «C'est la nature et le caractère même de la législation qui importent, et non pas ses résultats économi- ques finals», voir aussi Gold Seal Ltd. c. Dom. Express Co. c. Procureur général de l'Alta (1921) 62 R.C.S. 424 à 460.
3 Alors qu'il est reconnu, comme règle d'interprétation, qu'une loi devrait si possible être interprétée de manière à respecter les droits acquis, cette règle est distincte de la règle selon laquelle aucune loi ne devrait être interprétée de manière à avoir un effet rétroactif. Alors qu'une loi rétroac- tive peut détruire des droits acquis, il ne s'ensuit pas qu'une loi est rétroactive simplement parce qu'elle détruit en fait des droits acquis. Les droits acquis peuvent être détruits même si le Parlement n'a pas expressément déclaré son intention de le faire mais l'a laissée entendre par déduction. (cf. West c. Gwynne [1911] 2 Ch. Div. 1 à 15; et Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Bd. [1933] R.C.S. 629 à 638).
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