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Huron Steel Fabricators (London) Limited (Demanderesse)
c.
Le ministre du Revenu national (Défendeur)
et
Herman Fratschko (Demandeur)
c.
Le ministre du Revenu national (Défendeur)
Division de première instance, le juge Heald—
Toronto, le 25 septembre; Ottawa, le 2 octobre 1972.
Preuve—Impôt sur le revenu—Exemption de la produc- tion—Affidavit du Ministre énonçant qu'il serait contraire à l'intérêt public de produire les déclarations d'impôt sur le revenu de tiers—Loi sur la Cour fédérale, art. 41(1).
Le ministre du Revenu national a imposé le revenu pour certaines années, de la Huron Steel Co. et celui de Fratschko, l'actionnaire majoritaire, en présumant que cer- tains accords intervenus entre la Huron Steel Co., Fratschko et la Pelon avaient un caractère purement factice, que les sommes versées en vertu de ces accords par la Huron Steel Co. à la Pelon Holdings Limited pour des services d'expert-conseil constituaient en fait un paiement de Fratschko à Peckham en contrepartie des actions que détenait ce dernier dans la Huron Steel Co., que la Pelon Holdings Limited n'a pas fourni de services d'expert-conseil à la Huron Steel Co. et que Peckham était le propriétaire réel de toutes les actions de la Pelon Holdings Limited à toutes les époques en cause. La Huron Steel Co. et Fratschko ont interjeté appel de ces cotisations. Au cours de l'interrogatoire préalable, le Ministre a admis que ses présomptions reposaient sur les déclarations d'impôt sur le revenu de la Pelon Holdings Limited pour les années en cause, mais, pressé par les demandeurs de produire ces déclarations, il a refusé de le faire, invoquant l'article 41(l ) de la Loi sur la Cour fédérale et soutenant que la production des déclarations d'impôt sur le revenu de tiers compromet- trait le caractère exhaustif et la précision des renseigne- ments concernant l'impôt sur le revenu. La Cour a examiné les déclarations d'impôt sur le revenu en question et a conclu qu'il n'y avait rien dans ces documents qui puisse porter atteinte à un intérêt public quel qu'il soit.
Arrêt: Les demandeurs ont le droit d'obtenir la communi cation des déclarations d'impôt sur le revenu en question. L'intérêt public dans la bonne administration de la justice l'emporte de loin sur l'intérêt public que pourrait protéger une exemption de l'obligation de produire l'ensemble d'une catégorie de documents.
Arrêt suivi: La Reine c. Snider [1954] R.C.S. 479.
REQU ETE.
J. A. Giffen, c.r. pour les demandeurs.
E. A. Bowie pour le défendeur.
LE JUGE HEALD—On demande à la Cour, par avis de requête, une ordonnance exigeant du défendeur dans les deux actions dont l'intitulé apparaît ci-dessus qu'il produise et communique à l'avocat des demandeurs les déclarations d'im- pôt sur le revenu pour les années fiscales 1964, 1965 et 1966 d'une compagnie ontarienne connue sous la raison sociale Pelon Holdings Limited (appelée ci-après la Pelon).
Dans les deux cas, il s'agit d'appels portant sur les cotisations d'impôt sur le revenu de la Huron Steel Fabricators (London) Limited (appelée ci-après la Huron Steel) pour les années 1965, 1966, 1967 et 1968 et sur les cotisations d'impôt sur le revenu d'Herman Fratschko (ci-après dénommé Fratschko) pour les années 1965, 1966 et 1967.
Les parties se sont communiqué l'avis d'ap- pel, l'exposé de défense et les listes de docu ments. Les interrogatoires préalables de Fratschko, d'un représentant de la Huron Steel et d'un certain Sterling Adams (ci-après dénommé Adams), l'un des cotiseurs du Minis- tre, ont eu lieu en juillet dernier. Le refus de l'avocat du défendeur de produire lors de l'in- terrogatoire d'Adams les déclarations susdites de la Pelon est à l'origine de la requête des demandeurs. Dans leurs avis d'appel, les demandeurs allèguent les faits suivants:
Le 28 janvier 1965 ou vers cette date, la Huron Steel a convenu par écrit avec la Pelon que cette dernière fournirait à la Huron Steel ses services d'expert-conseil. Cet accord devait rester en vigueur 260 semaines à compter du 5 février 1965. Conformément à cet accord, la Huron Steel a payé à la Pelon $4,800 en 1965, $5,300 en 1966, $5,200 en 1967 et $5,200 en 1968. A peu près à la même date, Fratschko a conclu un accord écrit avec un certain Leslie Peckham (ci-après dénommé Peckham) par lequel Fratschko a consenti un prêt de $5,000 à Peckham et ce dernier a consenti à remettre en nantissement le bloc de 25% des actions ordi- naires de la Huron Steel qu'il possédait. Peck- ham n'ayant pas exécuté son obligation en vertu de cet accord, Fratschko est devenu, le 6 avril 1965 ou vers cette date, propriétaire de ce bloc d'actions nanties en sa faveur.
Avant le 29 janvier 1965, un certain Joseph Toth (ci-après dénommé Toth) détenait dans la Huron Steel une participation de 371% des actions ordinaires. Comme je l'ai déjà signalé, Peckham possédait à cette époque 25% des actions et le reste, soit 37z%, appartenait à Fratschko. Fratschko a acheté la part de Toth le 29 janvier 1965 ou vers cette date.
Ces appels portent sur la validité des accords que je viens de décrire et des paiements effec- tués en vertu de ces accords. En fait, le défen- deur allègue que l'accord intervenu entre la Huron Steel et la Pelon ainsi que celui entre Fratschko et Peckham ont un caractère pure- ment factice et artificiel. Le Ministre affirme que Peckham et Fratschko ont manoeuvré pour que Fratschko acquière les actions de Toth et s'approprie ensuite celles de Peckham grâce aux deux accords mentionnés plus haut, que le Ministre juge indissociables. Le Ministre affirme que les sommes payées en vertu de l'accord entre la Huron Steel et la Pelon consti tuent en réalité le paiement par Fratschko de la participation de 25% des actions ordinaires de la Huron Steel que détenait Peckham et que ce dernier avait nanti en faveur de Fratschko en garantie du remboursement du prêt de $5,000.
Dans les deux actions, le défendeur men- tionne la Pelon dans sa défense. Dans l'action concernant la Huron Steel, le paragraphe 2c) de l'exposé des faits se lit comme suit:
[TRADUCTION] 2. Il n'admet pas la véracité des faits men- tionnés au paragraphe 2 de l'avis d'appel et invoque à l'appui des cotisations les faits suivants:
c) Un certain Leslie E. Peckham (ci-après dénommé «Peckham») a été pendant un certain temps avant le 6 avril 1965 actionnaire et directeur de la demanderesse; à toutes les époques en cause, il était le propriétaire réel des actions de la Pelon Holdings Limited (ci-après dénommée la «Pelon» ).
Le paragraphe 2c) de l'exposé de défense dans l'affaire Fratschko est presque identique.
Lors de l'interrogatoire préalable d'Adams, représentant et cotiseur du Ministre, l'avocat du demandeur a cherché à interroger Adams sur les diverses présomptions de fait utilisées par le Ministre pour justifier les cotisations en ques tion. Les questions et réponses pertinentes se
rapportant au paragraphe 2c) de la défense se
lisent comme suit:
[TRADUCTION]
48. Q. Et alors au paragraphe (2) c) vous affirmez qu'un certain Leslie E. Peckham ci-après dénommé Peck- ham a été un certain temps avant le 6 avril 1965 actionnaire et directeur de la demanderesse et qu'à toutes les époques en cause il était le propriétaire réel des actions de la Pelon Holdings Limited. Examinons chacun de ces deux éléments, voulez- vous. Vous dites pendant un certain temps. Vous voulez dire à partir de la date d'incorporation?
R. C'est exact.
49. Q. Et c'est cette période que le Ministre désigne à la quatrième ligne comme étant l'époque en cause. Quelles sont les époques en cause?
R. Disons que je ne peux donner une réponse défini- tive mais au mieux de mes connaissances je sais qu'il était au moins actionnaire de la Pelon Hol dings en '63, '64 et '65.
50. Q. C'est à cette époque qu'il était directeur de la Huron Steel?
R. Vous m'avez questionné à propos de la Pelon Holdings.
51. Q. Bon, mais comment savez-vous qu'il était le pro
priétaire réel des actions de la Pelon Holdings?
R. Eh bien d'après la déclaration de la compagnie
Pelon Holdings.
52. Q. Vous aviez d'autres sources de renseignements? R. Non, nous n'avons pu trouver aucune autre source.
53. Q. De sorte que la seule preuve appuyant votre alléga- tion est ce que vous venez de me dire?
R. C'est exact.
57. Q. Pour en revenir au paragraphe (2) c), avez-vous en votre possession les déclarations d'impôt de la Pelon Holdings Limited?
R. Elles sont en la possession du ministère. Nous les avons, oui.
58. Q. Elles sont en la possession du ministère? R. C'est exact.
59. Q. Voulez-vous nous les communiquer? R. Non.
Me RIP:
Non, nous ne pouvons vous les communiquer.
Me GRIFFEN [sic]:
60. Q. Je désire faire inscrire au procès-verbal que j'ai demandé leur production. Je pense que j'y ai droit d'après l'article 133.
R. Je pense que le juge de la dernière Cour d'appel a été très clair sur ce point.
Me RIP:
Non, ce n'est pas la même chose.
R. Je sais mais il a dit—
Me RIP:
Un moment, s'il vous plaît.
Me GRIFFEN:
61. Q. Je pense que ces déclarations peuvent m'être com muniquées et devraient l'être en vertu de l'article 133 de l'ancienne loi et de l'article 241 de la loi actuelle et des arrêts portant sur ces articles et j'exige leur communication immédiate.
Me RIP:
R. Nous nous refusons à vous les communiquer maintenant.
Me GRIFFEN:
62. Q. Vous ne nous les communiquerez pas sans une
ordonnance de la Cour?
Me RIP:
R. C'est exact. Me GRIFFEN:
63. Q. Les produiriez-vous avec l'autorisation écrite de
M. Peckham?
R. Je ne le pense pas.
Me RIP:
R. C'est-à-dire que ... attendez un moment. Je répon- drai non pour l'instant.
Le paragraphe 3a) de la défense, qui ren- ferme l'autre allégation concernant les déclara- tions d'impôt.de la Pelon se lit comme suit:
[TRADUCTION] 3. Le défendeur invoque en outre à l'appui des cotisations les faits suivants:
a) La Pelon n'a fourni au demandeur aucun service de quelque nature que ce soit au cours des années 1965, 1966, 1967 et 1968; elle était en fait inactive pendant les années 1966, 1967 et 1968; les paiements effectués par le demandeur et reçus par la Pelon ne correspondent donc à aucune prestation de services.
Le paragraphe 3a) de la défense dans l'affaire Fratschko contient la même allégation.
Lors de l'interrogatoire préalable d'Adams, l'avocat du demandeur l'a interrogé sur cette allégation; les questions 381 à 417 figurent aux pages 42 à 46 du procès-verbal. I1 est évident d'après les réponses à ces questions que, le défendeur fonde au moins en partie les alléga- tions de fait contenues dans le paragraphe 3a) de sa défense sur les déclarations d'impôt de la Pelon, qu'il a de nouveau refusé de produire
lorsqu'il en a été requis par l'avocat du demandeur.
Le défendeur invoque à l'appui de son refus de révéler ces déclarations d'impôt l'article 41(1) de la Loi sur la Cour fédérale, dont voici le texte:
41. (1) Sous réserve des dispositions de toute autre loi et du paragraphe (2), lorsqu'un ministre de la Couronne certi- fie' par affidavit à un tribunal qu'un document fait partie d'une catégorie ou contient des renseignements dont on devrait, à cause d'un intérêt public spécifié dans l'affidavit, ne pas exiger la production et la communication, ce tribunal peut examiner le document et ordonner de le produire ou d'en communiquer la teneur aux parties, sous réserve des restrictions ou conditions qu'il juge appropriées, s'il conclut, dans les circonstances de l'espèce, que l'intérêt public dans la bonne administration de la justice l'emporte sur l'intérêt public spécifié dans l'affidavit.
On a déposé en vertu de l'article 41(1) un affidavit portant la signature d'Elgin Armstrong, sous-ministre pour l'impôt au ministère du Revenu national. Voici les passages pertinents de cet affidavit:
[TRADUCTION] 4. J'ai examiné avec soin les déclarations d'impôt déposées par la Pelon Holdings Limited pour les années d'imposition 1964, 1965 et 1966; chacune de ces déclarations d'impôt comprend la déclaration d'impôt sur le revenu des corporations exigée par le défendeur, de même qu'un bilan et un état du compte d'exploitation de la Pelon Holdings Limited.
5. J'estime que le fait d'obliger le défendeur, soit lors d'un interrogatoire préalable soit lorsqu'une partie réclame la production ou le droit d'examen de certains documents, à produire ou à communiquer les déclarations de revenu de tiers étrangers au litige, ainsi que les états financiers justifi- catifs, serait de nature à compromettre le caractère exhaus- tif et la précision des renseignements que la loi oblige le contribuable à fournir dans sa déclaration de revenu.
6. J'estime que la pratique adoptée par le défendeur et consistant à refuser de produire lors d'un interrogatoire préalable les déclarations de revenu de tiers étrangers au litige est indispensable à une application correcte de la Loi de l'impôt sur le revenu et à la protection du fisc.
7. Pour les motifs d'intérêt public énoncés aux deux paragraphes précédents, j'estime que les déclarations de revenu et les états financiers justificatifs pour les années fiscales 1964, 1965 et 1966 remis au défendeur par la Pelon Holdings Limited sont des documents faisant partie d'une catégorie et contenant des renseignements qui devraient être exemptés de la production et de la divulgation.
Appliquant ici le raisonnement qui a déter- miné le jugement de mon collègue le juge Gibson dans l'arrêt Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited c. La Reine (Dossier T-1414-71. Jugement rendu le 22 juin 1972),
j'ai décidé d'exercer l'autorité attribuée à cette Cour par l'article 41(1) de la Loi sur la Cour fédérale et d'examiner ces déclarations d'impôt sur le revenu. Ces documents ont donc été déposés à la Cour sous pli scellé et j'ai procédé à leur examen.
J'estime qu'il n'y a rien dans ces documents qui puisse porter atteinte à un intérêt public, quel qu'il soit; d'ailleurs l'avocat du défendeur n'a pas prétendu que tel était le cas. Si j'ai bien compris sa thèse, il soutient que toute cette catégorie de documents, c'est-à-dire l'ensemble des déclarations d'impôt sur le revenu de tiers étrangers à un litige donné, devrait être exemp- tée de la divulgation pour les motifs allégués dans l'affidavit, même si l'intérêt public ne devait subir aucun préjudice du fait de la divul- gation de certains documents dans une affaire donnée.
Le caractère confidentiel des déclarations d'impôt sur le revenu a été examiné en détail dans l'arrêt de la Cour suprême Regina c. Snider [1954] R.C.S. 479. A la page 483, le juge Rand a dit:
[TRADUCTION] ... La déclaration de son revenu faite par une personne pour les fins de l'impôt n'est pas plus confiden- tielle que, par exemple, l'état de ses biens immobiliers qui, depuis plusieurs générations, apparaît à la vue de tous dans les rôles d'impôt foncier. Le revenu d'une personne n'est qu'un des aspects de sa vie privée; on voit tous les jours produire devant les tribunaux des détails tirés de ses livres comptables ou de quelque autre source. L'interdiction de la divulgation de ces faits par un ministère n'est qu'une con cession à une tendance innée à garder pour soi ses affaires personnelles. Dans cette société de compétition qu'est la nôtre, cette tendance est bien naturelle et compréhensible, mais c'est la première fois qu'on cherche à lui attribuer une importance primordiale. Chaque jour les tribunaux judiciai- res se voient révéler les aspects les plus confidentiels et les plus délicats des affaires de particuliers; je ne vois guère la nécessité de rappeler ici le peu 'd'importance que peut présenter pour l'évolution du droit ou de la société une donnée telle que le revenu d'un individu. J'estime donc que la seule exemption que l'on puisse invoquer est celle que reconnaît la loi au bénéfice non pas de la Couronne mais des particuliers.
Et à la page 488, le juge Kellock parlant au nom des juges Kerwin, Taschereau et Fauteux (tel était alors leur titre) a dit:
[TRADUCTION] Pour répondre correctement aux questions posées, il est nécessaire d'examiner si les textes manifestent une intention, de la part du législateur, de revêtir dans une mesure quelconque les documents appartenant à cette caté- gorie d'un caractère secret du point de vue de l'État. Il
suffit pour trancher la question de considérer les disposi tions de la Loi de l'impôt sur le revenu (1948) 1I-12 Geo. VI, c. 52.
En vertu de l'art. 82(2), qui vise les appels d'une décision du Ministre portés par un contribuable devant la Commis sion d'appel de l'impôt, le droit de demander une audition à huis clos appartient à l'appelant et non à la Couronne. La rédaction actuelle de cet article fait bien ressortir l'intention du Parlement: on a retiré à la Couronne le droit d'exiger le huis-clos que lui attribuait l'ancien art. 68. Il serait difficile de prétendre à la lumière de ce texte que le Parlement a eu l'intention d'entourer cette catégorie de documents du secret d'État. L'article 93, qui vise les appels à la Cour de l'Échiquier, est semblable à l'art. 82(2). J'estime que ces dispositions visent manifestement à n'accorder le droit au secret en vertu de la loi qu'au seul contribuable.
J'ajoute, en manière de parenthèse, que dans la loi actuelle (la Loi de l'impôt sur le revenu) les seules mentions du droit au secret et du carac- tère confidentiel de certains documents sont celles de l'article 179 (qui donne au contribua- ble (mes italiques) le droit de demander que les procédures devant la Commission d'appel de l'impôt et la Cour fédérale se déroulent à huis clos) et de l'article 241 qui vise la communica tion de renseignements. L'article 241 ne s'appli- que pas ici parce que son paragraphe (3) déclare les paragraphes (1) et (2) inapplicables aux pro- cédures relatives à l'impôt sur le revenu. Les paragraphes (1) et (2) traitent du caractère con- fidentiel de certains documents.
Je suis donc d'avis que les observations du juge Kellock que je viens de citer s'appliquent parfaitement à cette espèce.
Par ailleurs, le juge Estey disait à la page 493 de l'arrêt Snider:
[TRADUCTION] Seuls nous importent ici les documents et renseignements connexes déposés conformément aux lois mentionnées plus haut. Les tribunaux instruisent sans cesse des litiges relatifs à l'assujettissement d'un contribuable à l'impôt ainsi que des poursuites pour le défaut de remplir les obligations imposées par ces lois. De ce fait, de tels docu ments et les renseignements connexes ont été maintes fois déposés devant les tribunaux sans qu'on ait jamais prétendu que la sécurité publique s'en soit trouvée compromise; il ne semble d'ailleurs pas y avoir de raison de principe d'empê- cher que ces documents et les renseignements connexes ne soient divulgués, sauf circonstances extraordinaires. Il en résulte que dans son ensemble, cette catégorie de docu ments ne soulève ordinairement pas la question de la sécu- rité publique et qu'il n'y a donc pas lieu de refuser de les produire en invoquant l'intérêt public.
J'estime donc que dans la présente affaire l'intérêt public dans la bonne administration de
la justice l'emporte de loin sur l'intérêt public que pourrait protéger, si elle était accordée, une exemption de l'obligation de produire l'ensem- ble de cette catégorie de documents.
Dans ces affaires, comme dans toutes les affaires de ce genre en matière d'impôt sur le revenu, le Ministre a énuméré en détail les présomptions justifiant les cotisations d'impôt sur le revenu des demandeurs. En ce qui con- cerne la Pelon, il a présumé qu'un certain Peck- ham a été le propriétaire réel, à toutes les épo- ques en cause, de toutes les actions de la Pelon. Il a aussi présumé qu'aucun service de quelque nature que ce soit n'avait été fourni aux deman- deurs ou à l'un d'eux durant la période considé- rée et qu'aucun des demandeurs n'avait versé quoi que ce soit à la Pelon, contrairement à leurs prétentions.
L'avocat des demandeurs dans son interroga- toire préalable du cotiseur du défendeur a tenté de mettre en doute la validité de ces présomp- tions. Durant l'interrogatoire, on a établi que la présomption suivant laquelle Peckham était le propriétaire réel de toutes les actions de la Pelon repose entièrement sur les déclarations d'impôt sur le revenu de la Pelon. On a aussi établi que le Ministre a fondé dans une large mesure sur ces déclarations sa deuxième pré- somption concernant les services rendus par la Pelon aux demandeurs et les paiements faits par les demandeurs à la Pelon.
Dans la procédure d'appel en matière d'impôt sur le revenu, c'est au contribuable qu'il incombe d'attaquer la validité des cotisations établies par le Ministre. Pour y parvenir, il doit démontrer l'invalidité des présomptions de fait sur lesquelles sont fondées les cotisations du Ministre. Et pourtant, dans cette affaire, le Ministre se refuse à produire les documents qu'il reconnaît justifier certaines de ces présomptions.
Le contribuable est en droit d'obtenir la com munication de tous les documents sur lesquels s'appuie le Ministre pour établir les cotisations d'impôt sur le revenu; à mon avis, il faut certai- nement mettre au nombre de ces documents les déclarations d'impôt en question.
Je vais donc rendre une ordonnance requé- rant le défendeur dans chacune des actions dont
l'intitulé apparaît ci-dessus de produire et de montrer à l'avocat du demandeur dans chacune de ces actions les déclarations d'impôt sur le revenu de la Pelon Holdings Limited pour les années fiscales 1964, 1965 et 1966. Les dépens à suivre la cause.
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