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Le ministre du Revenu national (Demandeur)
c.
Bobbie Brooks (Canada) Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, (P.Q.), le 25 septembre; Ottawa, le 28 septembre 1972.
Impôt sur le revenu—Parties—Pratique—Appel en matière d'impôt sur le revenu interjeté par le M.R.N.-Requête visant d le faire remplacer par la Reine—Règles 424 et 425 des règles de la Cour fédérale—Requête accordée.
Le ministre du Revenu national a interjeté appel d'une décision de la Commission d'appel de l'impôt. Par la suite, cette Cour a décidé dans deux autres affaires qu'une inter- prétation correcte des articles 48(1) de la Loi sur la Cour fédérale et de l'article 175(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu exige que les appels en matière d'impôt sur le revenu soient dirigés contre la Reine ou interjetés par elle, plutôt que contre le ministre du Revenu national ou par lui. Le demandeur, le ministre du Revenu national, a ensuite demandé d'être remplacé par la Reine dans la présente action.
Arrêt: vu les Règles 424 et 425 des règles de la Cour fédérale, il y a lieu de permettre l'amendement.
Arrêts cités: Mastino Developments Ltd. c. La Reine [1972] C.F. 532; La Reine c. Weintraub [1972] C.F. 619.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
Jean Potvin pour le demandeur.
M. Shacter pour la défenderesse.
LE JUGE WALsx—La requête du demandeur, le ministre du Revenu national, visant à le faire remplacer par Sa Majesté la Reine, est contes- tée par la défenderesse. Le demandeur fonde sa requête sur les jugements rendus dans les affai- res Mastino Developments Ltd. c. La Reine [1972] C.F. 532 et La Reine c. Weintraub [1972] C.F. 619. Ce dernier jugement confir- mait la décision du juge en chef adjoint Noël en première instance [1972] C.F. 611. Ces juge- ments établissent d'une manière définitive que les appels en matière d'impôt sur le revenu doivent être dirigés contre Sa Majesté la Reine ou être interjetés par elle, plutôt que contre le ministre du Revenu national ou par lui. Anté- rieurement, la rédaction de l'article 48(1) de la Loi sur la Cour fédérale, lu en corrélation avec l'article 175(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, laissait un doute à ce sujet, mais ces jugements ont clarifié la situation. Il" y a lieu de remarquer que le premier de ces jugements est
celui du juge en chef adjoint Noël, rendu dans l'affaire Mastino le 12 mai 1972, donc posté- rieurement à la production de la déclaration dans la présente affaire, le 18 avril 1972. De plus, il s'agit ici d'un appel, interjeté par le Ministre, d'une décision de la Commission d'ap- pel de l'impôt dans lequel les parties étaient désignées de la même façon.
L'avocat de la défenderesse a soutenu qu'en remplaçant le ministre du Revenu national par Sa Majesté la Reine, une nouvelle partie vient remplacer celle qui a intenté les procédures, que ceci doit être fait par l'introduction d'une nou- velle action plutôt que par un simple amende- ment et que, puisque les délais d'appel sont expirés, cette nouvelle action ne peut plus être intentée. La défenderesse subirait donc un pré- judice si l'on permettait que l'action continue par suite d'un amendement substituant une autre partie au demandeur. A l'appui de cet argument, l'avocat de la défenderesse invoque les motifs du juge en chef adjoint dans l'affaire Mastino (qui était une demande de directives plutôt qu'un véritable litige entre des parties) qui déclare, à la page 539:
Si la présente était une requête en radiation ou si j'avais à statuer sur une telle prétention dans un appel, il faudrait que je tranche la question. La difficulté en l'espèce n'est pas uniquement une question de procédure, c'est aussi une question d'interprétation d'un certain nombre d'articles d'une loi qui traitent de la façon d'introduire des appels devant cette Cour qui, si elle n'est pas adéquate, risque d'entraîner le rejet des procédures.
Il a également plaidé que la Règle 425 ne peut être invoquée pour corriger une erreur de droit. Ladite règle se lit comme suit:
Règle 425. Un amendement aux fins de corriger le nom d'une partie peut être permise en vertu de la Règle 424, même s'il est allégué que l'amendement aura pour effet de substituer une nouvelle partie à l'ancienne, pourvu que la Cour soit convaincue que l'erreur dont la correction est demandée était véritablement une erreur et n'était ni de nature à tromper ni susceptible d'engendrer un doute raison- nable sur l'identité de la partie qui avait l'intention de poursuivre, ou, selon le cas, qu'on avait l'intention de poursuivre.
A l'appui de cette prétention il a cité l'arrêt Bruno c. International Coal and Coke Co. (1913) 12 D.L.R. 745. Il a été décidé dans cet arrêt que le fait pour l'employé d'ignorer son droit à une indemnité pour blessures ne consti- tuait pas un motif susceptible d'excuser son défaut d'avoir donné l'avis prévu à la Work-
men's Compensation Act de l'Alberta. Mais on y a également décidé que le défaut de donner avis dans les délais impartis n'entraînait pas la déchéance du droit, à moins que le défaut ait causé un préjudice à l'employeur. Je ne peux donc conclure que cet arrêt appuie son argument.
Si le demandeur a vraiment commis une erreur de droit en intentant l'action, c'est que le droit était tellement imprécis à l'époque qu'une demande de directives a été déposée en Cour fédérale peu de temps après dans une autre affaire, aux fins de faire déterminer quelle était la façon de désigner les parties à un appel en matière d'impôt sur le revenu. Quoiqu'il en soit, l'article 62 des Règles de 1971 concernant l'ap- plication de l'impôt sur le revenu, cité dans l'arrêt Mastino, édicte que toute procédure peut être instituée conformément à l'ancienne loi, pendant une période de deux années à compter de l'entrée en vigueur de la Loi de l'impôt sur le revenu de 1971. Ledit article se lit comme suit:
62. (6) Tout appel interjeté auprès de la Cour fédérale dans les 2 années de l'entrée en vigueur de la présente loi, conformément à la section J de la Partie I de l'ancienne loi et à toutes les règles établies en vertu de celle-ci, telles qu'elles étaient libellées immédiatement avant l'entrée en vigueur de la présente loi, est réputé avoir été interjeté de la façon indiquée dans la loi modifiée; et tout document qui est signifié au Ministre ou à un contribuable à l'occasion d'un appel ainsi interjeté de la façon indiquée dans cette section et dans ces règles, est réputé avoir été signifié de la manière indiquée dans la loi modifiée.
De plus, la Règle 424 se lit comme suit:
Règle 424. Lorsque permission de faire un amendement mentionné aux Règles 425, 426 ou 427 est demandée à la Cour après l'expiration de tout délai de prescription applica ble mais qui courait à la date du début de l'action, la Cour pourra néanmoins, accorder cette permission dans les cir- constances mentionnées dans la Règle applicable s'il semble juste de le faire.
Cette règle donne un pouvoir discrétionnaire à la Cour. La Règle 425 permet de substituer une nouvelle partie à l'ancienne
. . . pourvu que la Cour soit convaincue que l'erreur dont
la correction est demandée était véritablement une erreur et n'était ni de nature à tromper ni susceptible d'engendrer un doute raisonnable sur l'identité de la partie qui avait l'inten- tion de poursuivre, ou, selon le cas, qu'on avait l'intention de poursuivre.
Il est très clair qu'il n'y a jamais eu de confu sion quant à l'identité du demandeur et que la défenderesse ne subit aucun préjudice, que l'ac-
tion soit intentée au nom du ministre du Revenu national ou au nom de Sa Majesté la Reine. Le présent amendement n'a pour but que de rendre la procédure en cette affaire conforme aux normes actuelles.
Je fais donc droit à la demande d'amende- ment. Si la requête n'avait pas été contestée, il n'y aurait pas eu d'adjudication de dépens. Mais, vu que la défense s'y est opposée sans succès, les dépens de la requête sont accordés au demandeur.
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