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Canadian Motor Sales Corporation Limited (Demanderesse)
c.
Le navire Madonna, Liberty Maritime Corp. et Yamashita-Shinnihon Steamship Company Limi ted (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, le 9 décembre 1971; Ottawa, le 10 janvier 1972.
Procédure—Droit maritime—Dommages à la cargaison— Mentions portées au bref d'assignation—Renvoi au mauvais connaissement—Requête visant à obtenir un amendement— Est-ce une nouvelle cause d'action—Délai de prescription— Règles de La Haye—Discrétion de la Cour—Règle 424 de la Cour fédérale.
Un bref d'assignation, émis le 27 novembre 1970, portait une mention réclamant des dommages-intérêts relativement à 363 automobiles Toyota transportées à bord du Madonna au cours de la traversée du Japon à Vancouver et couvertes par des connaissements datés du 7 septembre 1970. En décembre 1971, soit plus d'un an après le déchargement de la cargaison à Vancouver, la demanderesse sollicita la per mission d'amender la mention portée au bref pour qu'il se rapporte à un chargement de 330 Toyota couvertes par des connaissements datés du 25 octobre 1970. Les Règles de La Haye imposent un délai de prescription d'action d'un an.
Arrêt: l'amendement envisagé n'a pas remplacé une ancienne cause d'action par une nouvelle; il doit donc être accueilli. Toutefois, même si l'amendement avait en fait remplacé une ancienne cause d'action par une nouvelle, la Cour l'aurait accueilli en vertu de la Règle 424 de la Cour fédérale qui accorde un large pouvoir discrétionnaire per- mettantun amendement dans l'intérêt de la justice, même si le délai de prescription statutaire est écoulé.
Arrêts suivis: Chatsworth Investments Ltd. c. Cussins (Contractors) Ltd. [1969] 1 All E.R. 143; Braniff c. Holland & Hannen and Cubitts (Southern) Ltd. [1969] 3 All E.R. 959; Sterman c. E. W. & W. J. Moore [1970] 1 Q.B. 596; Brickfield Properties Ltd. c. Newton [1971] 1 W.L.R. 862.
REQUÊTE.
David F. McEwen pour la demanderesse.
John L Bird pour les défendeurs.
LE JUGE COLLIER—La demanderesse en cette affaire sollicite par voie de requête la permission d'amender le bref d'assignation. Ce bref a été émis le 27 novembre 1970, conformé- ment aux Règles de la Cour de l'Échiquier. Il porte la mention suivante:
[TRADUCTION] La demanderesse réclame au navire «MADONNA», à la LIBERTY MARITIME CORP. et à la YAMASHITA-SHINNIHON STEAMSHIP CO., LTD., en
leur qualité de mandataires, de propriétaires et (ou) d'affré- teurs du navire à moteur susmentionné, le «MADONNA», des dommages-intérêts pour inexécution du contrat concer- nant le transport par mer du port de Nagoya (Japon) à Vancouver (Colombie-Britannique) de 363 automobiles «TOYOTA», conformément aux connaissements numéros INV-1 et NV-1, datés tous les deux du 7 septembre 1970 ou vers cette date à Nagoya (Japon) ou, subsidiairement, des dommages-intérêts pour négligence et (ou) pour manque- ment à leur devoir à l'occasion du transport des marchandi- ses par mer, et (ou) pendant que les marchandises étaient à la charge, sous la garde ou sous la surveillance des défen- deurs et de chacun d'eux.
Comme on peut le voir, le bref fait état de certains connaissements datés du 7 septembre 1970, concernant 363 automobiles Toyota. En fait, l'action de la demanderesse visait un autre chargement d'automobiles Toyota, au nombre de 330, couvert par des connaissements datés du 25 octobre 1970, connaissements numérotés de manière assez semblable à ceux qui cou- vraient la traversée de septembre.
Lors des deux traversées, les automobiles ont été remises à la demanderesse et transportées à bord du même navire, le Madonna. Dans les deux cas, l'affréteur était le même, la Yama- shita-Shinnihon Steamship Co. Ltd.
La demanderesse cherche à faire modifier de manière appropriée les mentions du bref pour qu'il se rapporte aux connaissements couvrant la traversée d'octobre et pour changer le nombre de 363 automobiles pour celui de 330.
L'affréteur défendeur s'oppose à la requête aux motifs que les amendements proposés ont pour effet de remplacer, dans le bref, une ancienne cause d'action par une nouvelle, fondée sur des faits nouveaux ou différents et qu'on ne devrait pas permettre les amende- ments parce que le délai de prescription d'un an que prévoient les Règles de La Haye est écoulé. (Le chargement a été débarqué à Vancouver (C.-B.) vers le 11 novembre 1970 et la présente requête a été introduite le 3 décembre 1971, peu après que la demanderesse ou ses avocats ont découvert l'erreur.)
A mon avis, la demanderesse n'a ni introduit ni substitué une nouvelle cause d'action.
En substance, la demanderesse a une double cause d'action contre les défendeurs, comme l'exposent les mentions portées au bref: des
dommages-intérêts pour inexécution du contrat de transport, et subsidiairement, des dommages- intérêts pour négligence lors du transport des marchandises. A mon avis, si la demanderesse s'était contentée de rédiger le bref comme elle l'a fait, sans faire état du détail des connaisse- ments, ce bref aurait comporté, en droit, des mentions suffisantes. La demanderesse a choisi d'entrer dans des détails qui étaient malheureu- sement erronés. Si la demanderesse s'était servie des mentions générales dont nous venons de parler, puis avait, dans sa déclaration, décrit plus en détail les connaissements et le charge- ment faisant l'objet de la réclamation pour ine- xécution du contrat de transport, je ne doute pas qu'on l'aurait autorisée à amender la décla- ration pour la rectifier, et que c'est en vain qu'on aurait contesté lesdits amendements à raison de la prescription du délai d'action. (Voir, par exemple, relativement aux mentions soi-disant erronées dans des affaires de common law: Hill c. Luton Corporation [1951] 1 All E.R. 1028 (J. Devlin.) Gerard c. Frketich (1964) 45 D.L.R. 155 (B.C.S.C.) Nelson (City) & Owens c. Maglio (1964) 47 W.W.R. 505 (B.C.C.A.).)
J'accorderai en conséquence les amende- ments proposés.
L'avocat de la demanderesse s'est appuyé sur la Règle 424 des Règles de cette Cour et a soutenu qu'il était juste et approprié, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder la permis sion d'amender, même s'il y avait délai de pres cription en cause. Au cas ou j'aurais commis une erreur dans les conclusions que je formule ci-dessus, je vais étudier cette prétention. Voici les Règles 424 et 427:
Règle 424. Lorsque permission de faire un amendement mentionné aux Règles 425, 426 ou 427 est demandée à la Cour après l'expiration de tout délai de prescription applica ble mais qui courait à la date du début de l'action, la Cour pourra néanmoins, accorder cette permission dans les cir- constances mentionnées dans la Règle applicable s'il semble juste de le faire.
Règle 427. Un amendement peut être permis en vertu de la Règle 424 même si l'amendement aura pour effet d'ajou- ter une nouvelle cause d'action ou de remplacer une ancienne cause d'action par une nouvelle, si la nouvelle cause d'action naît de faits qui sont les mêmes ou à peu près les mêmes que ceux sur lesquels se fonde une cause d'ac- tion qui a déjà fait l'objet dans l'action, d'une demande de redressement présentée par la partie qui demande la permis sion de faire l'amendement.
Au nom de l'affréteur défendeur, M. Bird soutient que l'effet des amendements proposés est d'ajouter une nouvelle cause d'action ou de remplacer une ancienne cause d'action par une nouvelle (ne naissant pas des mêmes ou à peu près des mêmes faits que ceux exposés à l'ori- gine dans le bref) après l'expiration du délai de prescription.
Il y a un fait supplémentaire. Lorsque le chargement de voitures d'octobre est arrivé à Vancouver au début de novembre 1970, les avocats de la demanderesse ont menacé de saisir le Madonna. Le cabinet de M. Bird a remis une lettre d'engagement, datée du 18 novembre 1970, rédigée de la manière suivante:
[TRADUCTION] Messieurs: Re: N/M «MADONNA»— Dommages causés à des voitures Toyota—Débarquées à Vancouver (C.-B.) le 11 novembre 1970—Votre dossier: 70-8615—Notre dossier: no 6608/12
Étant donné que vous vous êtes abstenus de prendre des mesures pour saisir le navire susmentionné relativement aux réclamations de votre client à raison des dommages causés à des automobiles, nous nous engageons par la présente à payer la somme totale (y compris intérêts et dépens), qui pourra être accordée par jugement à votre client à l'occasion desdites réclamations par le District d'amirauté de la Colombie-Britannique de la Cour de l'Échiquier du Canada ou par tout appel de ce jugement, jusqu'à concurrence de Can. $25,000 au maximum, à déposer un cautionnement de ce montant dès que la demande nous en sera éventuellement faite, et à compa- raître sur le bref d'assignation qui pourra nous être déli- vré au sujet de ladite réclamation.
Nous nous obligeons en outre à ne soulever aucune objection de compétence en dépit du fait que ledit navire ne serait pas dans le District d'amirauté de la Colombie- Britannique au moment votre procédure serait engagée.
La présente promesse n'est faite qu'à titre de sûreté au nom de la Yamashita-Shinnihon Steamship Co. Ltd. afin d'éviter la saisie qui nous menace ou que nous craignons du navire susmentionné, et ne doit pas s'interpréter comme une renonciation, ni comme préjudiciant à l'un quelconque des moyens de défense, quels qu'ils soient, que nous possédons.
Veuillez agréer, Messieurs, l'assurance de mes sentiments distingués.
Pour OWEN, BIRD & McDONALD,
«John I. Bird»
JIB:dm
Comme on peut le déduire de l'entête de la lettre, c'est sans aucun doute à la traversée d'octobre-novembre et aux prétendus domma-
ges causés à ce chargement que les parties font allusion.
Les Règles 424 et 427 de cette Cour ont été tirées de la Règle` anglaise, Ordonnance 20, Règle 5. La Règle anglaise, qui est apparue pour la première fois dans sa forme actuelle en 1965, a fait l'objet d'un débat à la Cour d'appel (G.B.) dans les arrêts suivants:
Chatsworth Investments, Ltd. c. Cussins (Contractors), Ltd. [1969] 1 All E.R. 143; Braniff c. Holland & Hannen and Cubitts (Southern), Ltd. et autre [1969] 3 All E.R. 959; Sterman c. E. W. & W. J. Moore [1970] 1 Q.B. 596; et Brickfield Properties Ltd. c. Newton [1971] 1 W.L.R. 862.
Dans l'affaire Chatsworth, Lord Denning déclarait à la page 144:
[TRADUCTION] A une certaine époque, il existait une règle de pratique (qui avait été énoncée par Lord Esher, maître des rôles, dans l'arrêt Weldon c. Neal) selon laquelle on ne pouvait pas autoriser d'amendements s'ils risquaient de porter préjudice aux droits de la partie adverse, tels qu'ils existaient à la date de l'amendement. En particulier, on ne pouvait pas les autoriser si cela avait pour effet de permet- tre à un demandeur de se constituer une cause d'action qui autrement eût été irrecevable en raison du Statute of Limitations.
Etàlapage 145:
[TRADUCTION] Subsidiairement, les avocats des deman- deurs ont soutenu que la Cour a le pouvoir, conformément aux nouvelles Règles de la Cour suprême (G.B.) de permet- tre un amendement, même si en fait, il prive les défendeurs d'un moyen de défense prévu par le Statute of Limitations. En cela, je pense qu'ils ont raison. La R.S.C., Ord. 20, r.5(1) prévoit que la Cour peut permettre tout amendement «qui peut être juste et de la façon ... que la Cour peut pres- crire». Auparavant, les Cours se liaient elles-mêmes par la règle de pratique établie par l'arrêt Weldon c. Neal, qui était appliquée strictement et avec rigueur. Tout amendement qui aurait privé le défendeur d'un moyen de défense fondé sur le Statute of Limitations était rejeté. Mais on a constaté que cette règle de pratique provoquait des injustices dans bien des cas. La nouvelle R.S.C., Ord. 20, r.5 (2), (3), (4) et (5) a précisément annulé une série d'arrêts qui provoquaient des injustices. Depuis la nouvelle règle, j'estime que nous devons écarter la règle de pratique stricte établie par l'arrêt Weldon c. Neal. Les cours doivent permettre un amende- ment chaque fois qu'il s'avère juste de le faire, même si cela peut priver le défendeur d'un moyen de défenses résultant du Statute of Limitations. L'affaire présente en est un bon exemple. Il est manifestement juste de permettre l'amende- ment. Tout le litige provient de l'acte des défendeurs eux- mêmes lorsqu'ils ont pris un nom exactement identique à celui des parties contractantes à l'origine. Cela abuserait chacun. Les propres avocats des défendeurs ont été abusés.
Ils n'ont découvert la vérité qu'au dernier moment, juste avant de présenter la défense. On ne doit pas permettre aux défendeurs de profiter d'une confusion qu'ils ont eux- mêmes créée.
En tout cas, la R.S.C., Ord. 20, r.5 (5) prévoit qu'il est possible de permettre un amendement:
... si la nouvelle cause d'action naît de faits qui sont les mêmes ou à peu près les mêmes que ceux sur lesquels se fonde une cause d'action qui a déjà fait l'objet d'une demande de réparation ...
En l'espèce, Cussin (Contractors), Ltd. (no 1) avait demandé une réparation en se fondant sur le contrat primitif et du fait . que cette compagnie n'avait pas fait toute diligence dans son travail. La nouvelle cause d'action naît des mêmes faits, et en outre de la novation. Ceci peut bien être couvert par la R.S.C. Ord. 20, r.5 (5), mais je préfère permettre l'amende- ment sur le fondement plus général que j'ai exposé.
Dans l'affaire Braniff, la Cour d'appel (G.B.), constituée de manière différente, n'a pas suivi le dictum susmentionné que Lord Denning avait fait dans l'arrêt Chatsworth.
Dans l'arrêt Sterman, Lord Denning a désap- prouvé ce qui avait été dit dans l'affaire Braniff et a réitéré son point de vue selon lequel il faut donner à l'Order 20, Rule 5 des Règles anglaises (homologues de nos Règles 424 427), l'inter- prétation large qu'il leur avait donnée dans l'ar- rêt Chatsworth.
Dans l'arrêt Brickfield, le juge, Lord Sachs, déclarait à la p. 871:
[TRADUCTION] Dans la mesure les Règles de la Cour suprême (G.B.) traitent de la pratique et de la procédure, on peut aux fins de cette affaire, les décrire sans inconvénient comme entrant dans deux catégories. La première est la catégorie des règles impératives qui énonce que quelque chose doit être fait d'une certaine manière ou qui interdit complètement de la faire. La seconde est facultative et permet à la cour d'élaborer sa propre pratique. Pour les affaires entrant dans la deuxième catégorie, les tribunaux peuvent sans aucun doute modifier ou changer leur pratique à toute époque. Le but des règles et celui de la pratique est pareillement de parvenir à la justice entre les parties au litige, sujet sur lequel l'expérience peut apprendre aux tribu- naux d'une génération à adopter ce qu'ils peuvent considé- rer comme un point de vue plus général ou plus libéral que celui de leurs prédécesseurs.
Et à la page 872:
[TRADUCTION] Bien que cette cour ait 'approuvé certaines idées générales exposées dans le jugement utilement expli- catif du juge Megaw dans l'arrêt Heaven's [1965] 2 Q.B. 355, ceci ne s'applique pas à tous les jugements. Si, dans ce jugement, le but était de donner à penser que, dans la mesure de leur discrétion, les tribunaux n'allaient pas vers une libéralisation de leur point de vue sur ce que constitue la justice d'une cause entre des parties dans les deux
catégories, je me permets respectueusement de ne pas être d'accord, en particulier en ce qui concerne la catégorie des brefs irréguliers que nous examinons en l'espèce. Depuis l'affaire Pontin c. Wood [1962] 1 Q.B. 594, il y a eu une évolution progressive vers une approche plus large qui a été encouragée par les modifications, apportées aux Règles de la Cour suprême (G.B.), représentées par la R.S.C. Ord. 20, r. 5; il est clair que ces modifications, comme les deux avocats principaux le reconnaissent, avaient pour but de mettre fin à la pratique rigide qui, par suite d'un attache- ment injustifié à l'arrêt Weldon c. Neal [1887] 19 Q.B.D. 394, avait trop souvent provoqué des injustices.
Et à nouveau à la page 874:
[TRADUCTION] Toutefois, l'affaire Braniff [1969] 1 W.L.R. 1533 dans laquelle un nouveau défendeur envisagé n'avait jamais été assigné en temps utile au moyen d'un bref faisant une demande contre lui, tombe ainsi dans une catégorie différente. Ainsi, en ce qui concerne la présente affaire, le dictum du L.J. Widgery sur l'interprétation de l'Ord. 25, r. 5, ne peut pas s'opposer à proprement parler à la décision directe de l'arrêt Sterman [1970] 1 Q.B. 596, bien que, sur la question de l'approche générale, je préfère avec respect celle de Lord Denning, maître des rôles, pour les motifs que j'ai déjà indiqués.
Toutefois, il convient de dire que, même si je ne considé- rais pas que nous sommes liés par la décision rendue dans l'affaire Sterman, j'en conclurais moi-même, malgré les difficultés manifestes provoquées par la mise en oeuvre de la première phrase de l'Ord. 20, r.5 (1), que rien, dans les paragraphes (2) à (5) inclus, ne diminue les pouvoirs impor- tants que donnent les termes généraux du paragraphe (1) et, en particulier, que rien dans l'Ord. 20, r. 5, n'entraîne une diminution des pouvoirs que le tribunal avait sous l'empire des anciennes règles.
Et à la page 876:
[TRADUCTION] L'Ord. 20, r. 5(1): l'expression «Sous réserve des ... dispositions suivantes de cette règle» avait, malgré sa formulation maladroite, pour but de signifier quelque chose comme «tenant compte des dispositions suivantes de cette règle». Théoriquement, il aurait été bien sûr préférable d'utiliser une expression précisant que les paragraphes (2), (3), (4) et (5) de l'Ord. 20, r. 5, devaient s'appliquer sans restreindre la généralité du paragraphe (1), car c'était ce que l'on voulait dire. Heureusement, toutefois, dans l'intérêt de la justice et d'un point de vue matériel, on ne trouve ni à la fin du paragraphe (2) ni à la fin des paragraphes (3), (4) et (5) les mots «et non autrement». Ainsi, ces paragraphes ne produisent pas les effets obligatoires que le défendeur essaie de prouver. L'Ord. 25, r. 5, dans son ensemble, pouvait encore s'interpréter conformément aux points de vue susmentionnés de Lord Denning, maître des rôles, et du juge, Lord Salmon, dans l'affaire Sterman c. E. W. & W. J. Moore [1970] 1 Q.B. 596, 604, 605. Pour ces motifs, bien que je ne méconnaisse pas du tout les facteurs qui peuvent porter d'autres personnes à une conclusion différente, rien, à mon avis, n'empêche le tribunal d'être compétent en l'espèce et d'exercer cette compétence en vertu du R.S.C. Ord. 20, r. 5(1) ainsi qu'en vertu du paragraphe (5) de cette règle. J'ajouterai seulement que, dans l'intérêt de la clarté et pour éviter d'autres litiges à l'avenir au sujet de sa portée, il
faut espérer que le Rules Committee modifiera aussitôt que possible l'Ord. 20, r. 5 en conséquence.
J'adopte respectueusement le point de vue de Lord Denning et du juge, Lord Sachs, selon lequel, en vertu de la Règle 424, il existe un large pouvoir discrétionnaire de permettre un amendement, dans l'intérêt de la justice, même après que le délai de prescription statutaire s'est écoulé. En l'espèce, on avait remis aux avocats de la demanderesse des connaissements qui ne convenaient pas et, à mon avis, l'erreur était compréhensible. Il y avait eu deux traversées à des dates rapprochées, concernant le même genre d'automobiles, expédiées à la même demanderesse, transportées sur le même navire affrétées par le même défendeur.
La lettre d'engagement se rapporte précisé- ment à la traversée d'octobre. L'affréteur défendeur savait qu'il allait y avoir une réclama- tion et il savait manifestement à quel charge- ment elle se rapportait. Je ne vois pas comment le défendeur subirait un préjudice quelconque si les amendements sont permis. Je pense qu'il y va de l'intérêt de la justice de les permettre.
J'accorde en conséquence à la demanderesse l'autorisation d'amender le bref d'assignation comme elle le demande, et cet amendement devra intervenir dans les deux semaines à compter de ce jour.
Les dépens de la présente requête seront mis à la charge de l'affréteur défendeur, quelle que soit l'issue de la cause.
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