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Vapor Canada Limited (Demanderesse) c.
John A. MacDonald, Railquip Enterprises Limit ed et Vapor Corporation (Défendeurs)
1
Division de première instance, le juge Walsh— Ottawa, les 19 août et 25 novembre 1971.
Plaidoiries—Allégations à l'appui dans la déclaration— Contrefaçon de brevet et de marque de commerce—Révéla- tion de secrets commrrciaux—Insuffisance des détails— Radiation.
Les allégations à l'appui d'une déclaration, selon lesquel- les les défendeurs ont contrefait le brevet et la marque de commerce de la demanderesse, le défendeur M a révélé ses secrets commerciaux et les défendeurs se sont livrés à des pratiques commerciales incorrectes, sont trop imprécises et doivent être supprimées. Les détails concernant le brevet, la marque de commerce et les secrets commerciaux, la façon dont le brevet et la marque de commerce ont été contrefaits et les personnes à qui les secrets commerciaux ont été révélés doivent être tous divulgués.
La demande de remise par les défendeurs de tous les articles contrefaits est radiée pour imprécision.
Renvoi aux arrêts Dow Chemical Co. c. Kayson Plas tics & Chemicals Ltd. [1967] 1 R.C.E. 71; Precision Metalsmiths Inc. c. Cercast Inc. [1967] 1 R.C.E. 214; Union Carbide Canada Ltd. c. Canadian Industries Ltd. [1969] 2 R.C.E. 422; Hassenfeld Bros. Inc. c. Parkdale Novelty Co. [1967] 1 R.C.E. 277.
Redmond Quain pour la demanderesse. J. Nelson Landry pour les défendeurs.
LE JUGE WALSH—Les défendeurs demandent la radiation de la déclaration et de la déclaration modifiée de la demanderesse, déposées respec- tivement les 11 août et 3 novembre 1971, parce qu'elles ne révèlent aucune cause raisonnable d'action, qu'elles sont vexatoires et peuvent causer préjudice, gêner ou retarder l'instruction équitable de l'action. Le 9 novembre 1971, la demanderesse a produit une nouvelle déclara- tion modifiée, apportant quelques modifications très mineures à la déclaration modifiée du 3 novembre 1971; l'avocat y ayant consenti, lors de l'audience que j'ai présidée sur la requête des défendeurs, le jugement portera sur cette nouvelle déclaration modifiée.
Il est bon de résumer brièvement ces procé- dures, que nous révèlent le dossier de la cour et la plaidoirie de l'avocat. La première déclara-
tion, qu'accompagnait un avis de requête aux fins d'injonction interlocutoire, invoquait une prétendue contrefaçon de brevet, l'existence d'une concurrence déloyale et la révélation, par les défendeurs John A. MacDonald et Railquip Enterprises Ltd., de secrets commerciaux et de renseignements confidentiels; le troisième défendeur, Vapor Corporation, à qui l'on ne demande aucune réparation, a été mis en cause comme détenteur de certains des brevets, con- formément à l'article 57(2) de la Loi sur les brevets. La nouvelle déclaration modifiée ajou- tait, à la contrefaçon du brevet, à la concur rence déloyale, à la révélation de secrets com- merciaux et de renseignements confidentiels invoqués dans la déclaration originale, des para- graphes insistant tout particulièrement sur la violation, par les défendeurs, d'une marque de commerce et d'un droit d'auteur. Puisque les défendeurs n'ont pas encore plaidé à l'instance, la demanderesse peut, sans autorisation, amen- der sa déclaration et sa nouvelle déclaration modifiée, en vertu de la Règle 421; même si la Règle 424 avait exigé cette autorisation, celle-ci aurait été accordée en vertu de la Règle 427 quoiqu'on puisse peut-être prétendre qu'elle ajoutait de nouvelles causes d'action, puisque celles-ci provenaient manifestement des mêmes faits, ou sensiblement des mêmes faits, que ceux pour lesquels on recherchait déjà répara- tion dans la déclaration originale.
A l'appui de sa demande d'injonction interlo- cutoire, la demanderesse a produit en temps utile trois affidavits en réponse auxquels les défendeurs prétendent avoir remis neuf affida vits. Les divers témoins ont été et sont encore longuement contre-interrogés sur ces affidavits et l'avocat a informé la cour que la transcription de ces interrogatoires représentait déjà quelque 3,000 pages. C'est pourquoi la demande d'in- jonction interlocutoire n'a pas encore été exa minée. Comme les défendeurs ne sont pas venus contester la déclaration originale, la demanderesse a demandé que soit rendu un jugement par défaut conformément à la Règle 437; le juge Gibson a rejeté cette demande le 14 octobre 1971, avec dépens en faveur des défen- deurs, quelle que soit l'issue de la cause.
Dans la plaidoirie qu'il m'a exposée, l'avocat de demanderesse s'appuyait fortement sur le fait que la requête des défendeurs n'avait été présentée que le 10 novembre 1971, soit près de trois mois après la date de production et de signification aux défendeurs de la déclaration originale, déclarant que cette déclaration origi- nale était moins complète et moins détaillée que la déclaration modifiée et que la nouvelle décla- ration modifiée et que, si les défendeurs avaient voulu faire opposition à la déclaration, au motif qu'elle ne révélait aucune cause raisonnable d'action, qu'elle était vexatoire et pouvait causer préjudice, gêner ou retarder l'instruction équitable de l'action, ils auraient le faire à ce moment-là, qu'il ne faudrait par conséquent pas les autoriser à le faire et retarder encore mainte- nant par cette motion, le règlement du procès. Rien dans les règles ni dans la jurisprudence qui m'a été citée ne permet de soutenir cet argu ment. La demanderesse elle-même, en ne dépo- sant une déclaration modifiée que le 3 novem- bre 1971 et une nouvelle déclaration modifiée le 9 novembre 1971, comme l'y autorisaient les règles sur les modifications, rendait possible le dépôt de la requête des défendeurs et, de toute façon, les règles n'imposaient à ces derniers de délai pour le faire, la Règle 419 autorisant la Cour «à tout stade d'une action» d'ordonner la radiation d'une plaidoirie, ou autre, avec ou sans permission d'amendement. De plus, la pré- sente requête, si elle est accordée et même si elle retarde le règlement de l'action elle-même, ne pourra retarder l'audition de la requête aux fins d'injonction interlocutoire, qui ne peut être examinée qu'à la fin du contre-interrogatoire des témoins des défendeurs par le procureur de la demanderesse.
Quant au fond de la requête présentée par les défendeurs, j'estime que la nouvelle déclaration modifiée de la demanderesse est défectueuse à de nombreux égards, compte tenu de la juris prudence établie récemment par cette Cour dans une série d'arrêts tels que Dow Chemical Co. c. Kayson Plastics & Chemicals Ltd. [1967] 1 R.C.É. 71; Precision Metalsmiths Inc. c. Cer- cast Inc. [1967] 1 R.C.É. 214, décisions du président Jackett, dont c'était alors le titre, que le juge Thurlow a suivies dans les arrêts Union Carbide Canada Ltd. c. Canadian Industries Ltd. [1969] 2 R.C.É. 422, et, plus récemment, le
jugement non encore publié du juge Pratte, dans l'arrêt Posting Equipment Corp. c. B & F Metal Works Ltd. T-2286-71, 4 août 1971, toutes ces décisions portaient sur des actions en contrefa- çon de brevet. Le juge Noël, fonction qu'il occupait alors, a appliqué les mêmes principes en matière de contrefaçon de dessins industriels et de marques de commerce dans les arrêts Hassenfeld Bros. Inc. c. Parkdale Novelty Co. [1967] 1 R.C.É. 277, et dans son jugement, non encore publié, rendu dans l'affaire Lovable Brassiere Co. of Canada Ltd. c. Lovable Knits Inc. B-4229, 1 avril 1971.
Voici quelques extraits de ces jugements pour illustrer les principes de plaidoirie établis en matière de propriété industrielle. Dans l'affaire Dow Chemical le président Jackett déclarait à la page 75:
[TRADUCTION] ... Le simple fait d'affirmer que le défendeur a violé les droits du demandeur n'équivaut pas à alléguer des faits qui constituent une cause d'action et une déclaration dans laquelle c'est la seule affirmation de violation pour- rait être radiée comme un abus des procédures judiciaires. Voir l'affaire Marsden c. Albrecht (1910) 27 R.P.C. 785 (C.A.) par le Lord juge Buckley aux pages 788-789. Les faits doivent être énoncés de manière à convaincre la Cour que, en supposant que l'affirmation soit vraie, la demande- resse a un motif d'action défendable. (Philipps c. Philipps, (1878) 4 D.B.R., 127). Le demandeur ne saurait résister à la demande de radiation, en pareil cas, en prétendant que, s'il est autorisé à demander un interrogatoire illimité du défen- deur, il pourrait alors être en mesure de plaider une cause d'action.
Ce jugement fait également jurisprudence lors- qu'un demandeur, ne pouvant donner de détails sur une violation particulière dont il se plaint, ajoute alors de vagues allégations concernant d'autres violations qu'il soupçonne mais dont il n'a pas véritablement connaissance. A la page 73, le jugement déclare:
[TRADUCTION] L'avocat du demandeur soutient que, si le demandeur a des renseignements sur l'une des violations de son brevet, il est fondé à intenter des procédures pour des violations de cette nature et pour toute autre chose que le défendeur peut avoir faite, constituant une violation du même brevet, de sorte que, au cours de l'interrogatoire du défendeur, il pourra y découvrir la possibilité de différents genres de violation qu'il ignorait lorsqu'il a intenté l'action. Il admet qu'avant le procès, il doit, si le défendeur insiste, modifier son exposé des détails des violations en ajoutant toute autre violation qu'il a découverte entre temps et sur laquelle il a l'intention de s'appuyer, de manière qu'au procès, on s'en tienne à son égard à son exposé des détails modifiés.
Commentant cette prétention, le jugeme_it énonce à la page 74:
[TRADUCTION] Il se peut naturellement que le demandeur, lorsqu'une action est intentée, ait des indices lui permettant d'affirmer que le défendeur a accompli certains actes, sans pouvoir dire avec précision quand, et comment le défen- deur a accompli ces actes. Le défendeur peut être seul à connaître en détail les circonstances d'un cas particulier. Par exemple, le demandeur peut être en mesure de prouver qu'un fabricant a vendu une certaine catégorie de marchan- dises fabriquées selon un procédé dont il détient le brevet. Seul le défendeur peut néanmoins savoir quand, comment et à quel endroit ces marchandises ont été fabriquées. En pareil cas, évidemment, il ne serait pas nécessaire au demandeur de fournir ces détails, au moins avant l'interro- gatoire. Il y a aussi des cas la connaissance du deman- deur est suffisante pour autoriser l'ouverture de poursuites, mais il convient d'octroyer à ce dernier une ordonnance d'inspection du bien en cause en vertu de la Règle 148A avant de lui demander d'exposer ses détails des violations. A comparer avec l'arrêt Edler c. Victoria Press Manufactu ring Company (1910) 27 R.P.C. 114.
Le jugement déclare ensuite à la page 78:
[TRADUCTION] A mon avis, cependant, aucun de ces pro- blèmes ne se pose lorsque le demandeur, en plus d'exposer en détail les faits qu'il connaît et qui constituent une viola tion, tente d'inclure dans la déclaration des faits qu'il ne connaît pas et qui, même s'il a quelque motif d'y croire, n'existent pas. Toute tentative d'inclure, dans la déclaration, des causes d'action fondées sur des faits qu'on ne connaît pas, doit être rejetée. Que le demandeur puisse prouver qu'il s'agit de faits justifiant l'inclusion dans la déclaration d'une seconde cause d'action, ou qu'il s'agisse d'une allusion à une éventuelle cause d'action, dans les deux cas les moyens ne sont pas pertinents et doivent être supprimés des plaidoiries.
Le président Jackett consacre à nouveau ces principes dans l'arrêt Precision Metalsmiths, qui renvoyait à l'affaire Dow Chemical. A la page 220, il déclare:
[TRADUCTION] Dans une action poùr contrefaçon intro- duite en conformité de la Loi sur les brevets, l'exposé de demande doit donc alléguer:
a) les faits fondant en droit le monopole, conféré au demandeur en vertu de la Loi sur les brevets, à l'égard de certaines activités bien définies, et
b) que le défendeur a exercé l'une ou plusieurs des activités bien définies dont le demandeur a le monopole.
Ce n'est donc pas se conformer à cette exigence que d'allé- guer les faits importants uniquement en établissant les con clusions que la Cour devra en tirer, à savoir:
a) que le demandeur est le détenteur d'un ou plusieurs brevets canadiens nommément désignés, et
b) que le défendeur a violé les droits découlant pour le demandeur de la possession de ces brevets.
Dans l'affaire Union Carbide, le juge Thurlow a poussé encore plus loin les principes énoncés dans ces deux arrêts; en l'espèce, bien que les détails des violations indiquassent avec préci- sion les paragraphes qui, dans le brevet en question, avaient été violés, le juge, soutenant que ceci était insuffisant, déclarait à la page 425:
[TRADUCTION] ... lorsque l'empiètement sur un droit de propriété fonde une action en réparation, une description succincte du droit allégué, accompagnée d'une exposé des faits démontrant comment ce droit a pris naissance. Plus précisément, on exige non pas un renvoi à une source de renseignements sur le droit du demandeur, mais une des cription succincte de ce droit pouvant indiquer sans équivo- que ce que le défendeur a violé.
Il ajoutait également, page 427:
[TRADUCTION] .. Je dois préciser, cependant, que si, par une description du droit allégué comportant un énoncé long et peu intelligible d'un certain nombre de revendications du brevet, on peut, dans de nombreux cas, sinon presque toujours, éviter de se faire opposer l'absence apparente de cause d'action, un exposé dans cette forme reste sujet à l'objection qu'il ne constitue pas un exposé succinct d'un fait important, et peut donc tout aussi bien être rejeté en vertu des alinéas c) et e) de la Règle 114, soit parce que susceptible d'entraver l'instruction équitable de l'action ou de lui nuire, soit à titre de recours abusif à des procédures judiciaires. A mon sens, il faut exiger une description suc- cincte, dégagée de tout verbiage inutile et non pertinent, exprimant l'essentiel du droit que l'on allègue avoir été violé par le défendeur. Cette description s'avérera sans doute une tâche longue et difficile, mais j'estime qu'un demandeur et son avocat devraient, avant d'intenter un procès, connaître la nature du droit dont ils entendent prouver la violation, et par suite pouvoir en donner une description suffisante.'
En appliquant ces mêmes principes aux des- sins industriels, dans l'affaire Hassenfeld Bros., le juge Noël, aujourd'hui juge en chef adjoint, invoquait l'arrêt Precision Metalsmiths et décla- rait à la page 281:
[TRADUCTION] ... L'allégation de violation contenue dans la déclaration, selon laquelle le défendeur «en important, dis- tribuant et vendant ce petit personnage «Johnny Canuck, soldat canadien au combat, entièrement articulé, pouvant adopter 1001 positions» ... a contrefait le dessin industriel enregistré sous le numéro 204, folio 26805» de la demande- resse Hassenfeld Bros., Inc., n'est pas suffisante, car elle ne contient pas une description du dessin ou de la prétendue imitation frauduleuse de ce que le défendeur est présumé avoir importé, distribué et vendu, pour prouver qu'il s'agit en fait d'une violation des droits des demandeurs. En l'ab- sence d'une telle description, il n'y a donc aucune allégation de faits importants, nécessaires pour prouver une cause d'action en contrefaçon.
Dans l'affaire Dow Chemical, le président Jackett étudiait une requête à fin de détails bien que, comme il l'a souligné, les objections quant à la forme de la plaidoirie auraient très bien pu être faites par voie de requête en radiation. En l'espèce présente, nous avons la situation con- traire. Les défendeurs ont présenté une requête en radiation et même si des résultats fondamen- talement semblables auraient pu être atteints, en ce qui concerne en tout cas certains des para- graphes incorrectement rédigés de la nouvelle déclaration modifiée, par la voie d'une requête à fin de détails, la requête qu'ils ont présentée est tout à fait correcte. Il ne semble pas y avoir d'avantage pratique; au contaire, les procédures au fond n'en seraient que retardées si seuls les paragraphes qui sont manifestement mal rédigés étaient radiés, et seuls conservés ceux pour lesquels une requête à fin de détails devrait ultérieurement être présentée; c'est pourquoi j'ai l'intention de radier tous les paragraphes qui me semblent demander quelques éclaircisse- ments, réservant à la demanderesse le droit de demander l'autorisation de remplacer par d'au- tres plaidoiries celles qui auront été radiées.
Étudions maintenant les paragraphes particu- liers de la nouvelle déclaration modifiée de la demanderesse, savoir les paragraphes 3 et 4 que voici:
[TRADUCTION] 3. Les défendeurs MacDonald et Railquip Enterprises (appelés en l'espèce les défendeurs) ont violé lesdits brevets aux temps et lieux énoncés dans les détails des violations ci-joints, en fabriquant, construisant, utilisant et vendant, eux-mêmes ou par des intermédiaires, à d'autres personnes et sur le territoire canadien, les inventions énon- cées auxdites lettres patentes.
4. La violation consiste à avoir contrefait chacune des revendications énoncées auxdites lettres patentes et chacun des éléments de combinaison respectivement énoncés dans chacune des revendications, en utilisant (1) dans certains produits, les mêmes combinaisons et les mêmes éléments et (2) dans d'autres produits, de légères variantes de ces derniers.
ainsi que les détails des violations mentionnés au paragraphe 3:
[TR:\ Duc noN] 1. Les défendeurs (autres que Vapor Cor poration) ont, à différentes dates de l'année 1971, actuelle- ment inconnues de la demanderesse, violé les brevets (cor- respondant à chacune des revendications et chacun des éléments de chaque revendication) énoncés à la déclaration, et tout particulièrement le 30 avril 1971 ou vers cette date, en fabriquant, construisant, utilisant et vendant à d'autres personnes pour des fins d'utilisation, lesdites inventions; les
défendeurs ont, en particulier, vendu 150 radiateurs à la National Steel Car Company Limited à Hamilton (pour être installés dans les wagons de chemin de fer du Canadien National) ce qui violait le brevet 774,371 et les autres brevets mentionnés, à Hamilton, Montréal et autres endroits actuellement inconnus de la demanderesse.
Ces paragraphes et les détails en question reviennent à accuser les défendeurs d'avoir violé chacune des revendications du brevet de la demanderesse en vendant les radiateurs à la National Steel Car Company; cependant, ces paragraphes sont trop vagues, ne donnant aucune description succincte des brevets ni de la partie des brevets que l'on prétend avoir été violés, et ne précisant pas ce qui dans les radia- teurs des défendeurs constitue une violation et de quelle façon on pourrait y remédier.
Voici les paragraphes 7 et 7.A.1.:
[TRADUCTION] 7. M. MacDonald, vice-président de la demanderesse, a révélé, pour son propre compte et contrai- rement au contrat écrit passé avec la demanderesse, cer- tains secrets commerciaux en contravention des lois en la matière; il s'est lancé dans cette entreprise parmi d'autres, contrairement aux usages loyaux de l'industrie et du com merce pratiqués au Canada, comme l'énoncent les plaidoiries.
7.A.1. La demanderesse est la première, et l'actuelle pro- priétaire du droit d'auteur de plusieurs centaines de fabrica tions et autres dessins, et des mémoires descriptifs et autres dont se sont frauduleusement accaparés les défendeurs, par eux-mêmes ou par d'autres, dans les locaux de la demande- resse et dont le nombre précis, les descriptions et les dates sont actuellement inconnues de la demanderesse mais con- nues des défendeurs.
Ces paragraphes, ne donnant aucun détail sur les secrets commerciaux que le défendeur Mac- Donald, aurait révélés ni sur les personnes à qui il les aurait révélés, ni sur les fabrications et dessins précis, mémoires descriptifs et autres, protégés par le droit d'auteur, dont il se serait accaparé, doivent être radiés.
Le paragraphe 8 précise:
[TRADUCTION] 8. Les défendeurs ont contrefait, sur le territoire canadien la marque de commerce de la demande- resse «Scotch Guard» appliquée aux radiateurs de wagons de chemin de fer (que la demanderesse a utilisée pendant au moins 15 ans pour distinguer ces radiateurs, qu'elle fabri- quait, de ceux des autres fabricants et que le défendeur MacDonald lui-même, alors employé de la demanderesse, a ainsi utilisée) depuis février 1971, en utilisant ce nom pour des radiateurs de wagons de chemin de fer et en vendant, distribuant et faisant de la publicité pour lesdits radiateurs en rapport avec ladite marque de commerce.
Ce paragraphe ne nous donne cependant aucun détail précis sur l'utilisation de la marque de commerce «Scotch Guard» par les défendeurs, ni sur la vente, la distribution et le lancement publicitaire de ces radiateurs en rapport avec cette marque de commerce qu'on allègue. C'est pourquoi il doit également être radié.
Le paragraphe 10 précise:
[TRADUCTION] 10. Les défendeurs, poursuivant un des- sein illégal, ont fait des offres légèrement inférieures à celles de la demanderesse pour des travaux à effectuer, qui impliquaient nécessairement la connaissance des renseigne- ments confidentiels, droits d'auteur, marque de commerce, secrets commerciaux et brevets mentionnés ci-dessus.
Ce paragraphe ne nous précise pas quels étaient les renseignements confidentiels, droits d'au- teur, marque de commerce, secrets commer- ciaux et brevets, appartenant à la demande- resse, nécessaires dans la réalisation des travaux à effectuer en vertu desdites soumis- sions. Il doit donc être également radié.
Le paragraphe 15 précise:
[TRADUCTION] 15. M. MacDonald, alors au service de la demanderesse, jusqu'à la fin du mois d'avril 1971, a tou- jours considéré comme valides les brevets qu'il avait violés à l'occasion de la construction des appareils pour lesquels il faisait maintenant des offres venant concurrencer celles de la demanderesse et proclamait même, au nom de celle-ci, la validité de ces brevets.
Ce paragraphe ne nous donne pas plus de détails sur les brevets que M. MacDonald aurait contrefaits. Il doit donc être radié.
Voici le paragraphe 17:
[TRADUCTION] 17. Les défendeurs, ou l'un d'entre eux, ont présenté une demande de brevet pour des appareils pratiquement identiques aux inventions énoncées dans les- dits brevets, à l'exception de quelques modifications mineu- res, reconnaissant par conséquent la validité des brevets en question.
Ce paragraphe ne nous renseigne pas sur la prétendue demande de brevet des défendeurs ni sur ce qui la rendait pratiquement identique aux inventions énoncées aux brevets de la demande- resse et ne nous dit pas de quel brevet de la demanderesse il s'agit. Il doit donc être aussi radié.
Paragraphes 22 et 23:
[TRADUCTION] 22. M. MacDonald s'est approprié certains appareils de la demanderesse, certains de leurs éléments et descriptions, ainsi que les plans à utiliser, en effaçant le
nom de la demanderesse mais en conservant les numéros qu'elle avait inscrits sur les pièces.
23. M. MacDonald et la Railquip, à l'insu de la demande- resse, ont illégalement détourné de l'usine de celle-ci et gardé au bureau de la Railquip, 11387 boulevard Gouin ouest à Roxboro (Québec), près de 200 plans, mémoires descriptifs et lettres, appartenant à la demanderesse, qu'ils y détenaient le 15 juillet 1971.
Ces paragraphes ne précisent pas quels appa- reils, éléments et descriptions, plans, mémoires descriptifs et lettres, appartenant à la demande- resse, dont M. MacDonald et la Railquip s'é- taient accaparés. Ils doivent donc être radiés.
Le paragraphe 27 énonce:
[TRADUCTION] 27. Entre le moment M. MacDonald a essayé de se rapprocher de lui et le moment il a finale- ment écarté les tentatives de ce dernier, M. James a remis à MacDonald certains papiers que le premier avait en sa possession et dont tous les détails n'ont pas été actuelle- ment portés à la connaissance de la demanderesse.
Ceci est encore trop vague et doit être supprimé.
Paragraphe 30:
[TRADUCTION] 30. Depuis le 30 avril 1971, les défendeurs ont, par des offres plus avantageuses que celles de la demanderesse, vendu 150 radiateurs de wagon à la National Steel Car (constructeur de wagons pour les chemins de fer du Canadien National) violant ainsi le brevet 774,371 ainsi que les autres brevets précités, et procurant la somme de $90,000; ils ont également vendu d'autres appareils, fabriqués à partir des secrets commerciaux et autres rensei- gnements confidentiels de la demanderesse, pour la somme totale d'environ $260,000, par comparaison à la somme de $289,000 que demandait la demanderesse. M. MacDonald, alors au service de la compagnie, avait participé à l'élabora- tion de l'offre secrète de la demanderesse.
En nous renvoyant au «brevet 774,371, ainsi qu'aux autres brevets précités» tout comme en mentionnant «les autres appareils fabriqués à partir des secrets commerciaux et autres rensei- gnements confidentiels», ce paragraphe ne nous donne aucun détail sur la nature des revendica- tions violées, contenues aux brevets, ni sur la nature des autres appareils vendus, et ne nous dit pas quels secrets commerciaux ou renseigne- ments confidentiels de la demanderesse auraient été utilisés. Il doit donc être supprimé.
Paragraphe 32:
[TRADUCTION] 32. Voici les brevets contrefaits, délivrés à la Vapor Corporation et dûment cédés par elle à la demanderesse:
(1) brevet no 621,537 du 6 juin 1961, sur demande datée du 22 septembre 1958, cédé par cession enregistrée sous le numéro 540,140.
�) brevet no 774,371 du 26 décembre 1967, sur demande datée du 3 juin 1966, cédé par cession enregistrée sous le no 814,857.
(3) brevet no 784,491 du 7 mai 1968, sur demande datée du 24 octobre 1966, cédé par cession enregistrée sous le 818,858.
Comme ce paragraphe ne fait que citer les bre- vets, sans en donner de description succincte ou sans nous dire quelles en sont les parties qui auraient été violées, il doit être radié.
Les paragraphes d), e) et f) des conclusions énonçant les revendications de la demanderesse précisent:
[TRADUCTION] d) Remise à la demanderesse de tous les produits actuellement en la possession ou sous le contrôle des défendeurs, de leurs préposés, commis ou agents, constituant les combinaisons énoncées aux revendications desdits brevets ou représentant des éléments desdites combinaisons.
e) Remise de tous les produits actuellement en la posses sion ou sous le contrôle des défendeurs, de leurs prépo- sés, commis ou agents dans la fabrication desquels la connaissance, les renseignements, dessins ou pièces (et tous renseignements ou autres éléments confidentiels) ont été utilisés grâce à M. MacDonald, alors qu'il était au service de la demanderesse.
f) Remise de tous les plans, dessins, mémoires descriptifs, pièces ou lettres mentionnés ci-dessus, actuellement en la possession ou sous le contrôle des défendeurs, de leurs préposés, commis ou agents.
Ces paragraphes sont trop imprécis quant aux renseignements, dessins, pièces, plans, mémoi- res descriptifs, lettres et renseignements confi- dentiels et doivent être supprimés.
En décidant de procéder à toutes ces radia tions, je n'oublie pas pour autant la difficulté que représentait pour la demanderesse la néces- sité d'être précise lorsqu'elle a intenté son action, tout particulièrement de spécifier les- quels de ses brevets, dessins, plans, mémoires descriptifs etc. ...les défendeurs avaient utili- sés dans la fabrication et la vente du radiateur en cause. Le président Jackett a esquissé cette difficulté dans l'un des passages que j'ai cité, extrait de l'affaire Dow Chemical (précitée). Cependant, un interrogatoire détaillé a mainte- nant eu lieu, bien qu'il ne soit pas encore com- plètement terminé, et un modèle du radiateur que les défendeurs prétendent être celui qu'ils
construisent a été produit à titre de pièce, si bien que les agents et préposés de la demande- resse ont maintenant eu l'occasion de l'exami- ner en détail. La demanderesse devrait être suffisamment informée à ce stade du procès pour pouvoir déclarer avec précision lesquels de ses brevets, dessins, plans et mémoires des- criptifs le défendeur MacDonald lui aurait sous- traits ou aurait copiés avant de quitter son emploi, tout comme elle devrait pouvoir mainte- nant déclarer lesquels de ces brevets, dessins, plans et mémoires descriptifs, la défenderesse, Railquip Enterprises Ltd., a utilisés dans la fabrication de son radiateur. Le fait que les défendeurs eux-mêmes ont tous ces renseigne- ments en leur possession ne dispense pas la demanderesse de l'obligation d'énoncer avec précision lesquels de ces brevets, plans, mémoi- res descriptifs, dessins, secrets commerciaux et autres objets de litige ont été ou sont utilisés par les défendeurs. Le défendeur MacDonald avait le droit, après avoir quitté la compagnie demanderesse, d'entrer en concurrence avec elle et il faudra faire une distinction, à l'instruc- tion, entre l'utilisation de ses connaissances générales en la matière, qui lui appartiennent personnellement, tout comme les plans, dessins, mémoires descriptifs etc.. ..qu'il a réalisés après avoir quitté la demanderesse et l'utilisa- tion que lui ou la Railquip aurait pu faire des plans, dessins et mémoires descriptifs sur les- quels la demanderesse a un droit d'auteur, ou des objets ou procédés que la demanderesse a fait breveter. A ce stade du procès, la demande- resse doit avoir désormais suffisamment de ren- seignements pour lui permettre de fonder son action sur des faits précis qui donnent ouver- ture au droit qu'elle réclame plutôt que d'invo- quer un préjudice vague et imprécis qui, elle l'espère, couvrira toutes les violations qu'elle pourrait avoir omises ou dont elle n'est pas actuellement au courant.
J'ordonne par conséquent que:
1. Les paragraphes 3, 4, 7, 7.A.1., 8, 10, 15, 17, 22, 23, 27, 30 et 32 de la nouvelle déclara- tion modifiée, les nouveaux détails modifiés des violations et les paragraphes d), e), f) des con clusions de la nouvelle déclaration modifiée de la demanderesse, soient radiés.
2. La demanderesse est néanmoins autorisée à demander la permission de remplacer par d'autres plaidoiries la nouvelle déclaration modifiée et les détails des violations qui ont été radiés.
3. Si une telle demande n'est pas faite dans les quatre semaines à compter de la date de la présente ordonnance ou dans tout autre délai que la Cour pourra accorder, les défendeurs pourront demander le rejet de l'action.
4. Les frais de la présente demande en radia tion sont en faveur des défendeurs, quelle que soit l'issue de la cause.
'Voici la Règle 114(1)c) et e) mentionnée dans ce jugement:
114.(1) La Cour peut, à tout stade de la procédure, ordonner le rejet ou l'amendement de toute plaidoirie ou de toute question dans une plaidoirie par le motif
c) qu'elle peut entraver ou retarder l'instruction équitable de l'action ou lui nuire, ou
e)qu'elle constitue par ailleurs un recours abusif à des procédures judiciaires; et elle peut ordonner que l'action soit arrêtée ou rejetée ou que jugement soit enregistré en conséquence, selon le cas.
La Règle 419 des nouvelles Règles contient en substance les mêmes dispositions.
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