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International Nickel Company of Canada, Limit ed (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance; le juge Catta- nach—Toronto, les 22, 23 et 24 juin; Ottawa, le 24 août 1971.
Impôt sur le revenu—Compagnie minière—Dépenses affé- rentes à la construction d'un lotissement urbain pour les employés de la mine—Pas de dépenses de «mise en valeur.— Règlements de l'impôt sur le revenu, art. 1205.
Impôt sur le revenu—Revenu de l'extraction—Allocation d'épuisement—Bénéfice (calcul du)—Calcul du bénéfice pour déterminer l'allocation d'épuisement—Recherches scientifiques pour acquérir le «savoir faire«—Dépenses de capital—Règlements de l'impôt sur le revenu, art. 1201(5)— Loi de l'impôt sur le revenu, art. 720).
1. Les dépenses afférentes à la construction d'un lotisse- ment urbain dans le but de loger les employés qui ont été engagés par une compagnie minière travaillant à l'extraction et au traitement du minerai de sa mine, ne sont pas imputa- bles à la «mise en valeur» de la mine et, partant, ne peuvent pas être déduites aux termes du Règlement de l'impôt sur le revenu 1205 dans le calcul du revenu de la compagnie.
Arrêt suivi: International Nickel Co. c. M.R.N. [1969] 1 R.C.E.; distinction faite avec l'arrêt: Mount Isa Mines Ltd. c. Fed. Com'r of Taxation [1954] 92 C.L.R. 483; arrêts examinés: M.R.N. c. MacLean Mining Co. [1970] R.C.S. 877 et Johnson Asbestos Corp. c. M.R.N. [1966] R.C.É. 212.
2. En 1965, il fut accordé à l'appelante une déduction, aux termes de l'article 72(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, d'une somme s'élevant à $2,726,784 dépensée pour des recherches scientifiques dans le but d'améliorer et de développer des procédés. L'appelante soutint que pour cal- culer, aux termes du Règlement de l'impôt sur le revenu 1201(2), ses bénéfices de 1965 dans le but d'obtenir des allocations d'épuisement, elle ne pouvait pas déduire les dépenses de recherches scientifiques puisqu'il s'agissait de dépenses de capital.
Arrêt: le but des dépenses de recherches scientifiques était l'acquisition d'un fonds de «savoir faire» scientifique et, par conséquent, il s'agissait d'une dépense de capital qui ne pouvait donc pas être déduite aux termes du Règlement 1201 dans le calcul des bénéfices de l'appelante.
Arrêt suivi: British Insulated & Helsby Cables Ltd. c. Atherton [1926] A.C. 205.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
Stuart Thom, c.r., et R. Webster pour l'appelante.
D. G. H. Bowman et Elizabeth A. McFadyen pour l'intimé.
LE JUGE CATTANACH—I1 s'agit en l'espèce d'un appel interjeté par l'appelante de sa cotisa- tion d'impôt sur le revenu établie par le Ministre pour l'année d'imposition 1965.
[Sa Seigneurie a mentionné certains points abandonnés ou admis par les parties, et a continué:]
Il reste encore des questions à résoudre.
Pour plus de commodité je mentionne la pre- mière sous le titre: question du lotissement urbain.
Au cours de la période qui commence en 1956 et se termine le 14 juin 1961, l'appelante engagea ou fit des dépenses s'élevant à $5,891,- 779 relativement au lotissement urbain de Thompson (Manitoba) comme le précise avec plus de détails l'avis d'appel modifié aux alinéas 4, 5, 6, 7 et 8.
Voici ces alinéas:
[TRADUCTION] 4. En 1956 et auparavant, l'appelante acheta de vastes concessions minières dans la division minière de Gross Lake dans le district minier de Le Pas (Manitoba) et s'assura que l'ensemble des gisements de minerai de la zone de la concession avait une valeur et une étendue suffisantes pour justifier l'aménagement d'une importante zone minière avec les activités connexes de broyage, fusion et affinage.
5. La zone de la concession était située dans une région sans aucun aménagement et éloignée de toute ville ou village. Par conséquent, il était nécessaire d'envisager des moyens pour loger et subvenir aux besoins des 2,000 employés ou plus requis par les activités de l'appelante. Pour pouvoir procéder à l'aménagement de la zone, cette dernière devait se conformer à la politique du gouvernement provincial en ce qui concerne les dispositions à prendre pour ses futurs employés.
6. En 1956, l'appelante entama des négociations avec la province du Manitoba qui débouchèrent sur un accord daté du 3 décembre 1956 entre sa Majesté la Reine du chef de la province du Manitoba et l'appelante (intitulée dans les pré- sentes «la convention»). Dans la mesure ses dispositions se rapportent au présent avis d'appel, on peut les résumer ainsi:
a) Le gouvernement du Manitoba instituerait une organi sation municipale connue sous le nom de Gouvernement local du district de Mystery Lake qui, une fois constituée, serait liée par les termes de la convention;
b) L'emplacement d'une ville serait aménagé dans le district au voisinage de la mine et de l'usine de l'appelante;
c) A ses propres frais, l'appelante construirait dans le lotissement urbain, les routes, les chemins, les trottoirs,
une salle de réunion et les bureaux nécessaires de la ville, les postes d'incendie, les bâtiments scolaires, les égouts, les canalisations d'eau, une station de pompage et les stations d'épuration qui deviendraient propriété du dis trict ou district scolaire constitués alors dans le district;
d) L'appelante verserait au district une somme annuelle calculée selon la formule à appliquer aux dépenses cou- rantes du district y compris les frais scolaires.
e) En aucun cas, la propriété mobilière ou immobilière de l'appelante (autre que les habitations privées et les pen sions de famille) ne serait assujettie aux impôts munici- paux, de district, de district scolaire ou à d'autres cotisa- tions du gouvernement local de quelque genre ou de quelque nature que ce soit.
7. La période de trente-six mois durant laquelle le revenu provenant de la mine de l'appelante à Thompson était exempté d'impôt conformément à l'article 83(5) débu- tait le 15 juin 1961.
8. Avant le début de la période d'exemption, l'appelante fit ou engagea des dépenses s'élevant à un total de $5,891,- 780.74 pour l'aménagement du lotissement urbain men- tionné à l'alinéa 6. Aucune de ces dépenses n'entraient dans le cadre des sous-alinéas a) à D compris du règlement 1205(2).
A l'alinéa 13 de l'avis d'appel modifié, l'appe- lante demande une déduction de 25% du mon- tant déjà cité dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1965 conformément à l'art. 1205 des Règlements' de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'alinéa 13 est rédigé ainsi:
[TRADUCTION] 13. L'appelante fit ou engagea des dépen- ses mentionnées à l'alinéa 8 avant que la mine de Thompson n'entre en production en quantités commerciales raisonna- bles. Ces dépenses peuvent raisonnablement être attribuées à la mise en valeur de cette mine dans l'acception du règlement 1205 de la Partie XII des Règlements de l'impôt sur le revenu et l'appelante réclame une déduction de vingt- cinq pour cent (25%) de ce montant dans le calcul de son revenu pour l'année.
A l'alinéa 15 de sa réponse modifiée, le Ministre refuse à l'appelante le droit à une telle déduction.
L'alinéa 15 est rédigé ainsi:
[TRADUCTION] 15. En tous cas, l'intimé déclare que les dépenses, s'il en est, engagées par l'appelante pour le lotis- sement urbain de Thompson, n'étaient pas des dépenses faites ou engagées par l'appelante qui peuvent raisonnable- ment être attribuées aux travaux de prospection, d'explora- tion et de mise en valeur d'une mine, avant que cette dernière entre en production en quantités commerciales raisonnables, et que l'appelante n'avait pas droit à la déduc-
tion réclamée aux termes du règlement 1205 des Règlements de l'impôt sur le revenu.
Le Ministre soutient aussi que la question de la déduction des dépenses engagées par l'appe- lante pour le lotissement urbain de Thompson (Manitoba), comme on l'a exposé ci-dessus, est res judicata, puisque la même question, ou la même en substance, a été jugée par mon con- frère Gibson lors d'un appel antérieur interjeté devant la Cour de l'Échiquier du Canada et intitulée The International Nickel Co. c. M.R.N. [19691 1 R.C.É. 563.
Dans cette affaire, l'appelante en l'espèce cherchait à déduire les dépenses afférentes au lotissement urbain qu'elle avait engagées de 1958 à 1961 en vertu de l'art. 83A (3)c)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu au titre «des dépen- ses de prospection, d'exploration et de mise en valeur, par elle faites dans la recherche de minéraux au Canada».
M. le juge Gibson jugea que les dépenses ainsi engagées par l'appelante n'étaient pas «des dépenses de mise en valeur» selon l'acception de l'art. 83A(3).
Dans le présent appel, la même appelante cherche à déduire les mêmes dépenses afféren- tes au lotissement urbain (sous réserve que seule la fraction des frais engagés jusqu'au 15 juin 1961 est réclamée) comme étant
[TRADUCTION] La somme de toutes les dépenses faites ou engagées par le contribuable qui peuvent raisonnablement être attribuées aux travaux de prospection, d'exploration et de mise en valeur, avant que la mine entre en production en quantités commerciales raisonnables
aux termes du Règlement 1205.
Le 29 juin 1970, le Ministre demanda à la Cour de rendre une ordonnance radiant les ali- néas pertinents de l'avis d'appel de l'appelante au motif que les questions de fait et de droit soulevées par celle-ci étaient res judicata. La requête fut rejetée sans porter préjudice au droit du Ministre de reprendre son argumenta tion sur ce point lors de l'instance, ce qu'il fit.
La question suivante porte sur la déduction des dépenses faites ou engagées par l'appelante pour les recherches scientifiques pour l'année d'imposition 1965, qu'on intitulera à nouveau pour plus de commodité, la question des recher- ches scientifiques.
Au cours de l'année 1965, l'appelante fit ou engagea des dépenses au Canada d'un montant global de $2,726,784 qui entrent dans le cadre de l'un ou l'autre des sous-al. (i) à (y) de l'art. 72(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. 2
L'appelante s'était prévalue de ces dépenses dont la déduction fut accordée par le Ministre.
Le problème, à cet égard, est souligné dans la première phrase de l'al. 15 de l'avis d'appel modifié qui est rédigée ainsi:
[TRADUCTION] 15. Les dépenses de recherches scientifi- ques mentionnées à l'alinéa 10a) ci-dessus n'étaient pas des dépenses d'entreprise qu'on peut déduire ordinairement dans le calcul des bénéfices aux fins de l'article 1201 des Règlements de l'impôt sur le revenu ni sur un fondement quelconque dans le calcul des bénéfices aux fins dudit article.
A l'al. 17 de la réponse modifiée à l'avis d'appel, le Ministre soutient que l'appelante pouvait déduire à bon droit ces dépenses de recherches scientifiques en calculant ses bénéfi- ces aux fins du Règlement 1201. 3
L'alinéa 17 est rédigé ainsi:
[TRADUCTION] 17. L'intimé déclare que dans le calcul des bénéfices de l'appelante aux fins du Règlement 1201 des Règlements de l'impôt sur le revenu, il a déduit à bon droit les dépenses de nature courante engagée par l'appelante et dont elle se prévaut en ce qui concerne les recherches scientifiques; lesdits montants peuvent être normalement déduits du calcul des bénéfices.
Il n'y a pas de litige entre les parties sur l'exploitation par l'appelante de mines de métal vil selon l'acception du Règlement 1201 (1)a)(iii) et sur la déduction accordée de 33 1/3 p. 100 de l'ensemble des bénéfices de l'appe- lante qui peuvent raisonnablement être attribués à la production de métal brut tiré de toutes les ressources qu'elle exploite.
Il a été convenu que les dépenses de recher- ches scientifiques peuvent être déduites confor- mément à l'art. 72(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu au titre des dépenses de nature cou- rante. Les parties sont en litige sur le point de savoir si le montant dépensé par l'appelante pour les recherches scientifiques est un montant à déduire dans le calcul des bénéfices aux fins du Règlement 1201.
Il est évident que l'appelante a tout avantage à maintenir le montant de ses bénéfices aussi élevé que possible car c'est le montant auquel on se réfère pour calculer la déduction de 33 1/3 p. 100 conformément au Règlement 1201 (2). Plus le montant des bénéfices est élevé, plus la déduction autorisée l'est. Réciproque- ment, il est dans l'intérêt du Ministre de soute- nir que les dépenses peuvent être déduites pour réduire la base sur laquelle l'exonération est calculée.
Selon l'appelante, les dépenses de recherches scientifiques ne devraient pas être déduites dans le calcul des bénéfices aux termes du Règlement 1201 et ledit Règlement 1201 ne prévoit pas non plus que ces dépenses doivent être déduites. L'appelante prétend que ces dépenses ne servent pas à gagner un revenu mais sont plutôt des dépenses de capital. Si tel est le cas, les dépenses ne peuvent alors être déduites aux termes du Règlement 1201. D'au- tre part, le Ministre affirme que ces dépenses sont des dépenses courantes déboursées pour la bonne marche de l'entreprise de l'appelante et en tant que telles, peuvent être déduites à bon droit.
En relation avec les dépenses de recherches scientifiques, une autre question est soulevée.
La deuxième phrase de l'al. 15 de l'avis d'ap- pel modifié de l'appelante est la suivante:
[TRADUCTION] S'il devait être jugé que certaines de ces dépenses peuvent être considérées comme des dépenses d'entreprise déductibles normalement, ce que l'appelante conteste, l'appelante déclare qu'elles devraient par consé- quent entrer dans le calcul des bénéfices conformément à l'article 4 de la Loi sans pour autant porter préjudice au droit de l'appelante à déduire le montant total de ces dépen- ses, conformément à l'article 72(1)a) susmentionné, dans le calcul du revenu de l'année.
En effet l'appelante déclare que le montant qu'elle a consacré aux recherches scientifiques, peut être déduit deux fois. Premièrement, elles peuvent être déduites aux termes de l'art. 72 au sujet duquel il n'y a pas de litige et deuxième- ment, s'il devait être établi que les dépenses de recherches scientifiques sont des dépenses d'entreprise déductibles normalement et par conséquent déductibles aux fins du Règlement 1201, l'appelante déclare donc que les dépenses peuvent être déduites dans le calcul de ses
bénéfices aux termes des art. 3 et 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu au même titre et en sus de la déduction accordée aux termes de l'art. 72.
Le Ministre rejette cette prétention.
On peut résumer ainsi les questions qui me sont soumises:
1. Les dépenses afférentes au lotissement urbain:
a) ces dépenses peuvent-elles «raisonnable- ment être attribuées à ... la mise en valeur de la mine,»?; et
b) la question est-elle res judicata?
2. Les dépenses de recherches scientifiques:
a) peut-on déduire, à bon droit, ces dépenses aux fins du calcul des bénéfices conformé- ment au Règlement 1201?; et
b) s'il en est ainsi, l'appelante a-t-elle alors droit à la double déduction de ces dépenses, une première fois aux termes de l'art. 72 et une deuxième, aux termes des art. 3, 4 et 12?
[Sa Seigneurie cita intégralement l'exposé de faits sur lequel les parties se sont entendues en ce qui concerne la question des dépenses affé- rentes au lotissement urbain et se référa aux témoins produits par l'appelante sur la question des dépenses de recherches scientifiques, puis poursuivit ainsi:]
Je vais envisager maintenant la première question du résumé précédent, qui est celle du lotissement urbain.
Dans l'affaire International Nickel Co. c. M.R.N. (précitée), l'appelante aux présentes cherchait à déduire la somme de $6,920,825.75, dépensée pour créer et construire le lotissement urbain de Thompson (Manitoba) à titre de dépenses de mise en valeur qu'elle avait enga gées pour rechercher du minerai au Canada durant ses années d'imposition 1958, 1959, 1960 et 1961 conformément à l'art. 83A(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans le calcul de ses revenus imposables pour ces années-là.
Les termes importants de l'art. 83A(3) sont les suivants:
83A. (3) Une corporation dont l'entreprise principale est
b) l'exploitation minière ou l'exploration pour la décou- verte de minéraux,
peut déduire, dans le calcul de son revenu aux fins de la présente Partie, pour une année d'imposition, le moindre de
c) l'ensemble
(ii) des dépenses de prospection, d'exploration et de mise en valeur, par elle faites dans la recherche de minéraux au Canada, ...
La question portée devant mon confrère M. Gibson était de savoir si les dépenses afférentes au lotissement urbain engagées par l'appelante étaient «des dépenses de mise en valeur, par elle faites dans la recherche de minéraux au Canada» selon l'acception de l'art. 83A(3). En statuant sur la question, il déclarait à la page 584:
[TRADUCTION] Quant au premier point, il faut à mon avis répondre à deux questions, savoir , (1) les dépenses faites par l'appelante pour la construction du lotissement urbain de Thompson durant les années en question étaient-elles «des dépenses de mise en valeur» et (2) lesdites dépenses furent-elles engagées dans «la recherche de minéraux» au Canada durant lesdites années, selon l'acception de l'art. 83A(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu pendant les années d'imposition en question.
S'étant posé les deux questions précédentes, le juge Gibson chercha alors à interpréter le sens des mots «dépenses de mise en valeur» indépendamment des mots «dans la recherche de minéraux».
Aux pages 587 et 588, il déclarait:
[TRADUCTION] ... Dans ce paragraphe de la Loi, le Parle- ment avait, à mon avis, l'intention de limiter «les dépenses de mise en valeur» aux dépenses qui sont engagées au stade de la mise en valeur de l'exploitation comme le conçoivent les responsables des affaires minières; ce qui est, à mon sens, démontré par l'avis de M. Cox, les définitions du dictionnaire et les définitions tirées de publications minières apportées en preuve.
Il s'ensuit, me semble-t-il, que les «dépenses de mise en valeur» selon l'acception de l'article 83A(3)c)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu désignent les dépenses qui sont enga gées lors de l'ouverture d'un gisement par des puits, des galeries et des ouvertures annexes pour les diverses fins de l'exploitation minière ultérieure telles que l'évaluation des gisements, le calcul du tonnage et au moment voulu, l'ex- traction. C'est en substance le sens donné à mise en valeur par M. E. J. Pryor dans son Dictionary of Minerai Technolo gy susmentionné.
Fondé sur cette interprétation des mots et sur l'examen de l'ensemble de la preuve, j'estime et je juge quant au fait que les dépenses susmentionnées de l'appelante, afférentes au lotissement urbain de Thompson (Manitoba) ne sont pas d'une nature ou d'un genre tel qu'elles tombent dans l'ac-
ception de «dépenses de mise en valeur». En outre, je pense que pour la plupart, ce sont des dépenses de production dues à l'exploitation de la mine de Thompson.
J'interprète les commentaires cités du juge Gibson comme une définition des termes «dépenses. de mise en valeur» en soi comme indiqué. Ayant conclu que les dépenses enga gées par l'appelante pour construire le lotisse- ment urbain de Thompson ne sont pas «des dépenses de mise en valeur», il s'ensuit logique- ment qu'elles ne peuvent pas être des dépenses de mise en valeur qu'elle a engagées dans la recherche de minéraux au Canada.
A la page 588, il poursuit:
[TRADUCTION] J'en conclus qu'il est impossible de relier le travail de mise en valeur accompli par l'appelante dans sa mine de Thompson «dans la recherche de minéraux» pen dant les années d'imposition en question à la nécessité pour cette dernière de construire un lotissement urbain et d'enga- ger les dépenses pour ce faire. Au contraire, la nécessité de construire un tel lotissement urbain et d'engager les dépen- ses pour ce faire, avait pour but de permettre à l'appelante d'extraire le minerai au stade de la production de l'exploita- tion minière ...
Par conséquent, l'appelante fut déboutée de son appel interjeté devant le juge Gibson sur cette question.
Dans le présent appel, l'appelante affirme qu'elle a le droit de déduire 25% de ses dépen- ses faites ou engagées en ce qui concerne le lotissement urbain de Thompson s'élevant à un montant global de $5,891,799 conformément au Règlement 1205 de la Loi de l'impôt sur le revenu durant une période d'années d'imposi- tion consécutives à titre de dépenses faites ou engagées par le contribuable qui peuvent «rai- sonnablement être attribuées aux travaux de prospection, d'exploration et de mise en valeur, avant que la mine entre en production de quan- tités commerciales raisonnables,» sauf pour autant que les dépenses ne pouvaient, entre autres, être déduites aux termes de l'art. 83A ou à l'égard desquelles les biens sont soumis à l'allocation du coût en capital, aucune de ces exceptions n'est applicable dans le cas présent. La mine entra en production en quantités com- merciales raisonnables le 14 juin 1961. La demande de déduction porte sur les dépenses engagées depuis le début du lotissement urbain jusqu'au 14 juin 1961 ce qui s'élève à une somme inférieure à celle qui était demandée aux
termes de l'art. 83A dans l'appel interjeté devant le juge Gibson.
L'essentiel de la plaidoirie faite au nom de l'appelante, si je l'ai bien comprise, portait que le mot «mise en valeur» peut être utilisé dans deux sens, le premier dans un sens technique et le second dans un sens plus large. Il fut avancé qu'à l'art. 83A le mot est utilisé au sens techni que et en outre est limité par les mots «dans la recherche de minéraux» mais dans le Règlement 1205 le mot n'est pas limité ainsi et devrait être interprété dans son sens le plus large. Le mot «mine», utilisé dans le Règlement 1205 peut être étendu aux installations de surface et inclure les installations de logement et de com- modité pour la main-d'oeuvre sans lesquelles il ne pourrait y avoir de mine. Ceci étant, il s'en- suit que les dépenses afférentes au lotissement urbain peuvent être raisonnablement imputables à la mise en valeur de la mine.
A l'appui de la plaidoirie précédente, l'avocat de l'appelante soutint que dans l'appel précé- dent le juge Gibson prenait les termes «dépen- ses de mise en valeur» dans le cadre de l'art. 83A(3)c)(ii), qu'il leur attribuait un sens techni que et qu'il reconnaissait la possibilité d'une interprétation plus large.
A la page 587, le juge Gibson déclarait:
[TRADUCTION] ... A mon avis, le sens donné à ces termes par le témoin, M. Wright, n'est pas celui prévu par le Parlement. Son sens est beaucoup trop large et c'est un sens que l'on peut accepter et considérer comme approprié si l'on se réfère aux concepts d'une mise en valeur globale de plusieurs projets actuels qui peuvent impliquer la fondation d'une nouvelle ville mais ce n'est pas le concept de mise en valeur qui est applicable dans cette affaire.
L'avocat se référait aussi à une décision aus- tralienne. Mount Isa Mines Ltd. c. F. C. of T. (1954) 92 C.L.R. 483, non pas comme à un précédent mais pour illustrer le sens le plus large possible qui peut être donné aux termes «mise en valeur» dans le contexte de la Loi examinée dans cette affaire, dont l'article perti nent est rédigé ainsi:
[TRADUCTION] Article 122. (1) Lorsqu'une personne, qui exploite en Australie une mine l'exception des mines de charbon) dans le but de gagner ou de produire un revenu imposable, engage des dépenses pour l'usine nécessaire et la mise en valeur de la propriété minière, elle sera autorisée à déduire un montant établi conformément aux dispositions du présent article.
Après une période d'exploration et de recher- ches couronnée de succès, l'appelante avait poursuivi une entreprise d'extraction dans une zone isolée et éloignée en Australie. Lorsque les premiers puits d'exploration furent creusés, il y avait une petite ville connue sous le nom de Mount Isa à environ deux milles de la mine. Les installations existantes étaient totalement ina- daptées au logement et au confort raisonnables des employés dont le nombre augmentait cons- tamment. Puisant dans ses propres_ fonds, l'ap- pelante entreprit de construire une nouvelle commune. Ce projet impliquait la construction de maisons, l'adduction d'eau, l'électricité, des services sanitaires, médicaux, un hôpital et des installations scolaires, et les commodités annexes.
Il fut jugé que toutes les dépenses, autres que les dépenses de capital concernant l'usine et directement imputables à la création de la mine et à son exploitation ou à son extension ou expansion à diverses reprises devraient, aux fins de l'art. 122, être considérées comme des dépenses de «mise en valeur de la mine».
Le juge Taylor déclarait aux pages 489 et 490:
[TRADUCTION] La phase de pure mise en valeur dans de nombreux projets peut, éventuellement, être facilement reconnue, mais dans le cas d'une entreprise minière, il n'en est rien. Une mine n'est pas construite une fois pour toutes, elle n'est pas statique mais progresse constamment et gran- dit pour permettre de poursuivre l'exploitation des miné- raux. Parfois, ce processus va de pair avec l'exploitation alors que d'autres fois, il peut résulter d'opérations indépen- dantes et calculées pour rendre les minéraux sous-jacents plus facilement accessibles ou pour favoriser des plans d'expansion ou d'extension de la mine. Toutefois, l'expres- sion employée dans l'art. 122 est large et devait, à mon avis, désigner, outre les dépenses concernant l'usine, toutes les dépenses de capital directement imputables à la création et à la gestion des opérations d'extraction dans lesquelles le contribuable travaille. A mon avis, il y a suffisamment d'indications claires pour dire qu'il en est ainsi. L'article permet à une personne qui poursuit des opérations minières dans le but de gagner ou de produire un revenu imposable de traiter une grande partie des dépenses de capital comme déductibles aux fins de la Loi pendant une période calculée par référence à la durée évaluée d'une mine et il est incon- cevable que le Parlement ait prévu de permettre une telle déduction dans le cas d'immobilisations engagées pour la mise en valeur, au sens de travail préparatoire au début des opérations d'extraction ou accessoires aux opérations pré- sentes, et qu'il rejette cependant une telle déduction pour les dépenses de capital nécessairement engagées à la même
époque que les opérations minières et directement associées à ces dernières. Cette observation à elle seule devrait, à mon avis, écarter toute suggestion selon laquelle le mot «mise en valeur» devrait être compris dans un sens restreint mais cet article comporte en outre une intention contraire. La déduction accordée pour l'usine est une déduction cor- respondant à des dépenses de capital engagées pour une usine nécessaire. C'est, aux termes de l'article, une usine qui est nécessaire à la poursuite des opérations minières dans le but de gagner ou de produire un revenu imposable. Dans le cas d'une usine, la déduction permise n'est pas soumise à d'autres restrictions que celles que l'on peut trouver dans les termes de l'article pris dans leur sens large. En consé- quence, les dépenses pour l'usine tombent dans le cadre de l'article qu'elles soient nécessaires au travail quotidien de la mine ou aux travaux de mise en valeur au sens plus étroit et je pense que cette circonstance éclaire un peu la significa tion du mot «mise en valeur» tel qu'il est utilisé dans l'article. On voit nettement dans chaque cas que la déduc- tion doit servir le même but et que ce serait ne pas respecter le sens général de l'article que de donner un sens restreint à ce dernier mot et par là-même limiter le nombre des dépen- ses de mise en valeur pour lesquelles on peut réclamer une déduction. Peut-être, saisirait-on mieux l'importance de l'ar- ticle en se référant à l'utilisation du mot «mise en valeur» dans le but d'élargir l'article et de couvrir les travaux importants qui ne sont pas couverts par le mot «usine». En tout cas, je suis convaincu que toutes les autres dépenses de capital directement imputables à la création d'une mine et à son fonctionnement ou à son expansion ou extension devraient être en tout temps, aux fins de l'article, considé- rées comme dépenses de mise en valeur de l'exploitation minière.
Il jugea ensuite que, dans les circonstances de cette affaire, la fourniture de logement et des commodités était une partie nécessaire de la création et de la gestion de l'entreprise de l'ap- pelante et qu'en conséquence, elle devrait être traitée comme une dépense engagée lors de la mise en valeur de l'exploitation minière aux fins de l'article.
En ce qui concerne l'affaire Mount Isa (préci- tée), le mot «mise en valeur» dans la phrase «engage des dépenses pour une usine nécessaire et la mise en valeur de l'exploitation minière» est dans un contexte très différent de celui des termes de l'art. 83A de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont voici la partie pertinente: «les dépenses de prospection, d'exploration et de mise en valeur, par elle faites pour la recherche de minéraux ...» et de celui du Règlement 1205 dont voici les termes pertinents: «les dépenses faites ou engagées par le contribuable qui peu- vent raisonnablement être attribuées aux tra- vaux de prospection, d'exploration et de mise en valeur de la mine, , ..».
Concluant que le mot «mise en valeur» ne devrait pas être interprété dans un sens res- treint, le juge Taylor étoffa cette conclusion en s'appuyant sur la maxime noscitur a sociis. Il analysa le mot «mise en valeur» en tenant compte de son association avec les mots «usine nécessaire» comme dans le contexte de l'article. Dans le cas d'«usine nécessaire», la déduction permise n'était pas soumise à d'autres restric tions que celles que l'on trouve dans les termes de l'article pris dans un sens large et cela donne un sens large semblable aux mots «mise en valeur» tel qu'il est utilisé dans l'article.
Cependant, dans l'art. 83A et dans le Règle- ment 1205, le mot «mise en valeur» est utilisé en association avec les mots: «prospection» et «exploration».
Dans l'affaire M.R.N. c. MacLean Mining Co. [1970] R.C.S. 877, le juge Pigeon, en ren- dant la décision unanime de la Cour suprême du Canada, examinait le sens du mot «mine» de l'art. 83(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu et déclarait qu'on ne pouvait l'interpréter pour lui donner le sens de gisement mais plutôt «d'une entreprise minière prise dans son ensemble et comprenant des dépôts de minerai, des galeries, du matériel d'exploitation et des machines aptes à produire du minerai» et que «l'exploitation minière proprement dite est complète par l'abat- tage et l'extraction du minerai».
Il s'ensuit que ce qu'il advient du minerai après qu'il soit arrivé sur le carreau n'est pas «de l'extraction» mais plutôt un processus ulté- rieur de traitement.
Par conséquent, il me semble que le mot «mine» du Règlement 1205 n'est pas synonyme des mots «propriété minière» utilisés dans l'arti- cle examiné dans l'affaire Mount Isa (précitée), ce qui était présumé par l'avocat de l'appelante, mais plutôt que le mot «mine» a le sens plus restreint que lui attribua l'affaire MacLean Mining (précitée).
Dans l'affaire Johnson's Asbestos Corp. c. M.R.N. [1966] R.C.É. 212, le président Jackett analysa la signification des phases ou activités de l'extraction précédant la livraison du minerai sur le carreau de la mine. Ce sont: a) la pros- pection, b) l'exploration, c) la mise en valeur et
d) l'extraction ou production. Le président Jac- kett chercha alors la signification de ces mots dans le langage des ingénieurs des mines ou des autres professionnels de l'industrie minière comme étant:
a) «prospection»: la première phase de déter- mination de l'emplacement d'une exploitation minière possible;
b) «exploration»: en termes généraux, c'est le fait de déterminer l'existence et l'étendue du gisement et cela inclut la prospection;
c) «mise en valeur» d'une mine: en termes généraux, signifie découvrir l'endroit ou la zone sur laquelle l'extraction doit avoir lieu. La mise en valeur consiste en la préparation du gisement ou de l'emplacement minier pour l'extraction à proprement parler;
d) la production ou l'extraction proprement dite est définie par rapport à l'amiante qui était le minerai en question dans cette affaire, comme étant le forage des roches et le frac- tionnement au moyen d'explosifs, la sélection des parties riches en minerai et le transport à l'usine pour le classement. Je pense que le sens de production ou d'extraction doit, en termes généraux, être le transport du minerai au carreau de la mine et que ce sens saute aux yeux.
Le juge Gibson jugea que l'extraction com- prenait les quatre phases citées dans l'affaire International Nickel Co. c. M.R.N. (précitée) et dans l'affaire Marbridge Mines Ltd. c. M.R.N. [1971] C.T.C. 442.
Comme je l'ai indiqué précédemment, lors de l'appel interjeté par l'appelante de la déduction de ces mêmes dépenses de lotissement urbain conformément à l'art. 83A de la Loi, le juge Gibson porta tout d'abord son attention sur le fait de savoir s'il s'agissait de dépenses de «mise en valeur» (et il jugea que ce n'était pas le cas), puis s'interrogea pour savoir s'il s'agis- sait de dépenses de mise en valeur faites dans la recherche de minéraux (et il jugea aussi que ce n'était pas le cas).
Je ne vois pas du tout comment je pourrais attribuer aux dépenses imputables à la mise en valeur de la mine un sens différent et plus large lorsqu'il s'agit des termes du Règlement 1205
que celui qui fut attribué par le juge Gibson aux mots «dépenses de mise en valeur» placés dans le contexte de l'art. 83A de la Loi comme le soutient l'appelante.
La règle fondamentale d'interprétation con- siste à accorder le même sens aux mêmes mots ou expressions dans les différentes parties d'une loi à moins qu'il y ait une raison très claire de ne pas le faire. A mon avis, il n'en existe pas. On remarquera tout d'abord qu'on devrait trouver le sens dans l'article lui-même. Si le texte n'est pas clair, on peut alors lire les autres articles pour voir dans quel sens le mot est utilisé. Les mêmes principes d'interprétation s'appliquent aux règlements établis aux termes d'une loi.
L'article 15 de la Loi d'interprétation S.R.C. 1970, c. I-23, prévoit:
Quand un texte législatif confère le pouvoir d'établir des règlements, les expressions employées dans ceux-ci ont respectivement le même sens que dans le texte législatif qui confère ce pouvoir.
A mon avis, le mot «mise en valeur», dans le contexte il se trouve dans le Règlement 1205, indique que le mot est utilisé dans le même sens que celui de l'art. 83A de la Loi. Comme je l'ai déjà indiqué, le mot est utilisé à l'art. 83A ainsi que dans le Règlement 1205 en association avec les mots «prospection» et «exploration» ce qui influe sur le sens dans lequel les mots «mise en valeur» sont utilisés. Les significations des trois opérations de pros- pection, exploration et mise en valeur ont été définies dans l'affaire Johnson's Asbestos (pré- citée), le précédent appel de l'International Nickel et dans l'affaire Marbridge (précitée).
Il ressort de l'exposé conjoint des faits que les employés de l'appelante qui devaient loger dans le lotissement urbain furent employés aux opérations d'extraction, de broyage et à celles de fusion et d'affinage, et pour des fonctions de gestion, surveillance et administration (voir l'al. 16). Puis à l'al. 18, il est exposé que [TRADUC- TION] «une telle ville était nécessaire pour garder une main-d'oeuvre stable pour les opéra- tions d'extraction, de broyage et de traitement de l'appelante». Elle ne soutint jamais qu'elle avait l'intention d'installer les employés travail- lant à l'opération de mise en valeur ni qu'au- cune de ces personnes ne vivaient dans le lotis-
sement urbain. Il en est de même pour la preuve apportée devant le juge Gibson. Il jugea que les dépenses afférentes au lotissement urbain n'é- taient pas «des dépenses de mise en valeur» mais étaient associées à l'extraction et à la production. En conséquence, il s'ensuit que les dépenses afférentes au lotissement urbain ne peuvent pas être attribuées à la mise en valeur de la mine. Elles sont attribuées à l'extraction et au traitement consécutif du minerai.
Par conséquent, l'appel portant sur la ques tion de la déduction des dépenses afférentes au lotissement urbain aux termes du Règlement 1205 est rejeté.
Étant donné ma conclusion, il n'est pas nécessaire que je statue sur le point de savoir si la question est res judicata.
Il me reste à statuer sur la question des dépenses encourues par l'appelante pour les recherches scientifiques.
Le but du législateur en adoptant l'art. 72 de la Loi de l'impôt sur le revenu est clair.
L'article 11(1) prévoit que par dérogation aux al. a) et b) de l'article 12(1), les montants préci- sés à l'art. 11 peuvent être déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition. L'alinéa j) de l'article 11(1) prévoit la déduction du montant qu'autorise l'art. 72 ou l'art. 72A à l'égard des frais de recherches scientifiques.
Le but évident de l'art. 72 est de permettre au contribuable de déduire de son revenu les mon- tants dépensés pour les recherches scientifiques au sens de l'art. 72 qui autrement pourraient ne pas l'être, soit parce que l'art. 12(1)b) l'exclurait à titre de dépenses de capital, soit parce qu'il serait possible que le montant ainsi dépensé n'ait pas été déboursé directement en vue de gagner un revenu au sens de l'art. 12(1)a) 4 .
Les parties ont convenu que les dépenses de l'appelante pour des recherches scientifiques peuvent être déduites conformément à l'art. 72 de la Loi de l'impôt sur le revenu dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition à titre de dépenses de capital faites au Canada. Ainsi fut fait.
Cependant, la question est de savoir si les dépenses de l'appelante pour les recherches scientifiques peuvent être déduites dans le calcul de ses bénéfices aux fins du Règlement 1201 pour obtenir la base sur laquelle doit être calculée la déduction pour épuisement.
Selon l'appelante, ces dépenses ne sont pas des dépenses d'entreprise déboursées dans le but de gagner ou de produire un revenu prove- nant de son entreprise, mais plutôt une somme déboursée à compte de capital et en tant que telles, ne peuvent pas être normalement dédui- tes pour fixer les bénéfices.
D'autre part, selon le Ministre, les dépenses de recherches scientifiques sont des dépenses courantes directement reliées à l'entreprise de l'appelante et engagées dans le but d'améliorer sa position commerciale et formant partie inté- grante des opérations de l'appelante.
En peu de mots, le conflit porte sur le point de savoir si les dépenses de recherches scienti- fiques sont au fond des dépenses ordinaires ou des dépenses de capital.
Il est encore admis que, si ce sont des dépen- ses de capital, elles ne peuvent être à bon droit déduites pour établir l'épuisement de base aux fins du Règlement 1201, mais si ce sont des dépenses engagées directement en vue de gagner un revenu, elles peuvent alors être déduites aux fins du Règlement 1201.
Le critère classique le plus remarquable pour déterminer s'il s'agit d'un paiement à compte de capital, fnt exposé par le L. C. vicomte Cave dans l'affaire British Insulated and Helsby Cables Ltd. c. Atherton [1926] A.C. 205, dans laquelle il déclarait à la page 213:
[TRADUCTION] ... Mais quand on fait des dépenses non seulement une fois pour toutes, mais encore dans le but d'apporter un élément d'actif ou un avantage pour le béné- fice durable d'un commerce, je pense qu'il y a de très bonnes raisons (en l'absence de circonstances particulières conduisant à une conclusion contraire) de traiter une telle dépense comme si elle était à juste titre imputable non pas au revenu mais au capital.
En raison de la nature et de l'étendue de son entreprise l'appelante dépense dans le cas pré- sent des sommes considérables pour les recher- ches scientifiques et elle le fait depuis plusieurs
années. Elle emploie un personnel hautement qualifié qui a pour fonction exclusive de consa- crer son temps tout entier et sa haute compé- tence à l'étude continue des procédés existants utilisés par l'appelante dans le but de les amélio- rer et de les rendre plus efficaces ainsi que des projets concernant les possibilités de procédés et de méthodes qui n'ont pas été essayés jus- qu'à présent ou la découverte de procédés inconnus. Si ces études prouvent l'efficacité de ces nouveaux projets, il en a résulté, et il en résultera encore pour l'appelante, des dépenses plus importantes pour construire une usine afin d'utiliser le procédé ainsi découvert ou l'amélio- ration d'un procédé déjà utilisé. C'est grâce à ces recherches constantes de moyens meilleurs que l'appelante s'est maintenue à l'avant-garde dans son domaine.
Ceci implique nécessairement des dépenses continues engagées par l'appelante pour les recherches scientifiques. C'est un programme continu et sans fin.
Par conséquent, les dépenses ne peuvent pas être faites «une fois pour toutes» selon le cri- tère de Lord Cave. On peut concevoir que les dépenses de l'appelante puissent être considé- rées comme faites par l'appelante pour un cer tain nombre de projets scientifiques distincts qui se chevauchent et par là-même donnent l'impression d'une dépense continue alors que lorsque l'un des innombrables projets est achevé, se serait une dépense pour ce projet précis «une fois pour toutes». Mais, qu'une dépense soit faite «une fois pour toutes», n'est pas l'unique ou même l'élément déterminant principal.
Dans l'affaire Vallambrosa Rubber Co. c. Farmer (1910) 5 Tax Cas. 529, Lord Dunedin déclarait à la page 536:
[TRADUCTION] ... Maintenant, je ne dis pas que cet examen est absolument définitif ou concluant, mais en gros, je pense que ce n'est pas un mauvais critère de ce qu'est une dépense de capital par rapport à ce qu'est une dépense ordinaire, de dire que les dépenses de capital sont celles qui seront dépensées une fois pour toutes et que les dépenses ordinaires sont celles qui reviendront chaque année.
Visiblement, Lord Dunedin admettait que le paiement une fois pour toutes est au mieux, seulement une preuve grossière, et qu'elle n'est ni complète ni satisfaisante.
Lord Cave, dans l'affaire British Insulated and Helsby Cables Ltd. c. Atherton (précitée), déclarait à la page 213:
[TRADUCTION] ... Mais visiblement, Lord Dunedin n'en- tendait pas que le critère suggéré soit décisif dans chaque cas; car il est facile d'imaginer de nombreux cas un paiement, bien qu'il soit fait «une fois pour toutes» est effectivement imputable aux recettes de l'année.
L'inverse serait également vrai. Les paiements périodiques peuvent bien être des dépenses de capital.
Le juge Dixon déclarait dans l'affaire Associated Newspapers Ltd. c. F. C. of T. (1938) 61 C.L.R. 337 la p. 362,
[TRADUCTION] Le renouvellement n'est pas un critère; ce n'est pas plus qu'une observation dont le poids dépend de la nature de la dépense.
Il est fondamentalement nécessaire de déter- miner si une dépense est une dépense de capital ou une dépense ordinaire pour savoir quel profit constitue un revenu imposable. On accorde les dépenses qui sont les coûts réels du gain de revenu. Les dépenses de capital sont exclues non pas parce qu'elles ne sont pas reliées au but de gagner un bénéfice mais parce qu'elles ne constituent pas un «élément propre du passif» imputable aux recettes d'une entreprise.
Lord Cave déclarait dans l'affaire British Insulated and Helsby Cables (précitée) à la p. 212 [TRADUCTION] «... il reste la ques tion ... de savoir si ... la somme en question est ... un élément propre du débit imputable aux recettes d'une entreprise dans le calcul de ses bénéfices; ...»
En termes généraux, le but d'une dépense de capital est de fournir, d'agrandir ou de modifier les installations ou les machines pour en retirer un bénéfice distinct des dépenses consacrées au fonctionnement de cette machine.
L'appelante distingua soigneusement les dépenses de recherches scientifiques qui ont pour but de créer de nouveaux procédés ou d'améliorer les procédés existants de celles qui ont pour but de maintenir ou de faire fonction- ner les procédés existants à partir de renseigne- ments fournis et d'archives conservées par les nombreux services de recherche de l'appelante et ce sont ces derniers qu'on demande de ne pas considérer comme pouvant être déduits à bon
droit pour fixer les bénéfices globaux aux fins du Règlement 1201.
Pour les propres buts commerciaux de l'appe- lante, toutes ces dépenses de recherches scienti- fiques furent incluses dans les coûts d'exploita- tion et non en tant que coûts en capital. La distinction fut faite dans le but de préparer les déclarations d'impôt sur le revenu.
Je n'attache pas grande importance à cette pratique de comptabilité ou de tenue de livres. Il n'est pas très facile de classer les dépenses de recherches scientifiques et je peux facilement comprendre pourquoi, à des fins commerciales, l'appelante considère que ces dépenses affec- tent ses bénéfices ou pertes nets. Mais d'autres considérations entrent en ligne de compte aux fins de l'impôt sur le revenu.
Il est tout à fait compréhensible qu'une entre- prise commerciale traite, dans ses livres de comptabilité et pour son propre compte, certai- nes catégories de dépenses comme des dépen- ses ordinaires qui sont en fait, aux fins de l'impôt sur le revenu, des dépenses de capital et inversement, plusieurs postes intitulés dans la comptabilité d'une entreprise, ressources de capital, sont aux fins de l'impôt sur le revenu, imposables comme revenu.
L'intitulé d'un poste dans les livres de comp- tabilité n'est pas le critère véritable ou adéquat de la nature de la dépense.
D'après la déclaration de Lord Cave, si j'en comprends bien le fond, une dépense est une dépense de capital quand elle est faite dans le but d'assurer un élément d'actif ou un avantage pour le bénéfice permanent de l'entreprise.
Le but de l'appelante, en entreprenant et en poursuivant son programme de recherches scientifiques, était d'acquérir pour elle-même un fonds de «savoir faire» scientifique auquel elle pourrait faire appel en cas de besoin. Certains projets furent abandonnés. D'autres s'avérèrent stériles. D'autres enfin se poursuivirent pendant de nombreuses années. Plusieurs projets furent entrepris qui expliquent la nature continue des dépenses ainsi que le fait que certains projets demandent plusieurs années pour atteindre leur apogée. Il est sans importance que certains pro- jets aient échoués si le but est que s'ils avaient
été réalisés, un élément d'actif ou des avantages auraient été obtenus. Si l'objectif final était un élément d'actif ou un avantage de capital, alors les dépenses antérieures à ce dernier sont aussi de capital.
A une de mes question, Dr Renzoni répondit que dans certains cas, l'appelante fit une demande de brevet d'invention et l'obtint. Si elle obtient un brevet, celui-ci représente un capital fixe dont la valeur inclut tous les frais d'obtention. (Voir Weinberger c. M.R.N. [1964] R.C.É. 903). L'appelante n'avait pas pour but d'obtenir un brevet pour ses recherches scienti- fiques dans la présente affaire mais elle désirait plutôt avoir un fonds de connaissances auquel faire appel. Si l'appelante pouvait obtenir un brevet, et en fait l'obtint, c'était accessoire.
Je n'arrive pas à faire de distinction entre les dépenses de recherches scientifiques qui abou- tissent à un brevet et les dépenses similaires qui n'aboutissent pas à un brevet mais à l'accumula- tion d'une somme de nouvelles connaissances auxquelles l'appelante peut faire appel et, effec- tivement, fait appel pour rester à l'avant-garde de son activité précise de travail. C'était le but des dépenses. A mon avis, les dépenses se ressemblent beaucoup, il s'ensuit donc que puis- qu'un brevet est un capital fixe et les dépenses pour obtenir le brevet sont des dépenses de capital, les dépenses de recherches dans le but d'acquérir de nouvelles connaissances, d'inven- ter et de développer de nouveaux procédés et d'améliorer les procédés existants sont égale- ment des dépenses de capital.
Dans l'affaire M.R.N. c. Algotna Central Rly. [1968] R.C.S. 477, le juge Fauteux (alors juge puîné), en rendant la décision unanime de la Cour suprême du Canada, déclarait à la page 449:
[TRADUCTION] Le Parlement ne définit pas les expressions «dépense ... de capital« ou «dépense à compte de capital«. Comme il n'y a pas de critère législatif, appliquer ou non ces expressions à toutes dépenses particulières doit dépendre des circonstances propres à l'affaire. Nous ne pensons pas qu'un critère unique permette d'élaborer cette définition et nous approuvons l'avis exprimé dans une décision récente du Conseil privé rendue par Lord Pearce dans l'affaire B.P. Australia Ltd. c. Commissioner of Taxation of the Common wealth of Australia, ([1966] A.C. 224, [1965] 3 All E.R. 209). En mentionnant la question de savoir si une dépense était de capital ou ordinaire, il déclarait à la page 264:
On ne peut pas trouver la solution du problème en appli- quant un critère ou une description rigide. Elle doit découler de plusieurs aspects de l'ensemble des circonstances dont certaines peuvent aller dans un sens et d'autres dans un autre. Une observation peut se détacher si nettement qu'elle domine d'autres et de plus vagues indications dans le sens contraire. C'est une appréciation saine de toutes les caracté- ristiques directrices qui doivent apporter la réponse finale.
Après avoir étudié tous les faits 'du présent appel, j'ai conclu que pour les motifs indiqués ci-dessus, les dépenses de l'appelante pour des recherches scientifiques qu'elle demandait de pouvoir déduire aux termes des art. 72, 72A et en vertu de l'art. 11(1)j) dans le calcul de son impôt sur le revenu pour l'année, sont des dépenses de capital et que par conséquent elle ne peut les déduire pour déterminer la base de la déduction d'épuisement aux fins du Règle- ment 1201.
Il s'ensuit que l'appel de l'appelante est rece- vable sur ce point.
Après avoir ainsi conclu, il ne m'est pas nécessaire de prendre en considération l'autre prétention de l'appelante qui portait que, s'il était jugé que les dépenses scientifiques en question étaient ordinaires, l'appelante serait alors en droit de déduire ces dépenses aux termes de l'art. 12(1)a) ainsi que de l'art. 72, dans le calcul de son revenu imposable pour l'année.
Comme je l'ai indiqué au début, l'appel est accueilli et est renvoyé au Ministre pour une nouvelle cotisation des questions sur lesquelles les parties se sont mises d'accord.
Pour ce qui est de la question de déduire les dépenses engagées ou faites par l'appelante pour le lotissement urbain de Thompson (Mani- toba), l'appel n'est pas recevable.
Pour ce qui est de la question de ne pas déduire les dépenses de recherches scientifi- ques dans le calcul des bénéfices aux fins du Règlement 1201, l'appel est accueilli.
Chacune des' parties ayant eu gain de cause sur certains points portés à l'instance, elles ont respectivement droit aux dépens applicables aux questions sur lesquelles elles ont eu respec- tivement gain de cause
L'avocat du Ministre devra préparer un projet de jugement approprié pour donner effet à la précédente décision et peut demander que ce jugement soit prononcé en vertu de la Règle
3 37(2)b).
1 1205. (1) Sous réserve du paragraphe (3), lorsqu'un contribuable exploite au Canada une mine de charbon ou une mine désignée à l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 1201, il peut déduire, dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition, le montant qu'il peut réclamer sans dépasser 25 p. 100 d'un montant calculé aux termes du paragraphe (2).
(2) Le montant mentionné au premier paragraphe est l'ensemble de toutes les dépenses faites ou engagées par le contribuable qui peuvent raisonnablement être attribuées aux travaux de prospection, d'exploration et de mise en valeur, avant que la mine entre en production en quantités commerciales raisonnables, sauf pour autant que les dépen- ses étaient
a) des dépenses à l'égard desquelles l'article 8 de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu permettait d'opérer une déduction de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les surplus de bénéfices ou une déduction dans le calcul de ces impôts;
b) des dépenses à l'égard desquelles un montant a été déduit dans le calcul du revenu d'un contribuable en vertu de l'article 16 du chapitre 63 des Statuts de 1947 ou de l'article 16 du chapitre 53 des Statuts de 1947-1948 ou, si la dépense avait été engagée antérieurement à 1953, en vertu de l'article 53 du chapitre 25 des Statuts de 1949, seconde session;
c) des dépenses engagées après 1952 l'égard desquelles une déduction était ou est prévue par l'article 53 du chapitre 25 des Statuts de 1949, seconde session, ou par l'article 83A de la Loi;
d) des dépenses qui ont été déduites dans le calcul du revenu du contribuable dans l'année elles ont été engagées;
e) le coût pour le contribuable des biens à l'égard desquels une allocation est prévue en vertu de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11 de la Loi; ou
f) le coût pour le contribuable d'une tenure à bail.
(3) Le montant déductible en vertu du paragraphe (1) ne doit pas dépasser le montant calculé selon le paragraphe (2) moins l'ensemble
a) des montants déduits en vertu du paragraphe (1) dans le calcul du revenu du contribuable pour des années d'imposition antérieures, et
b) des montants semblables déduits dans le calcul du revenu du contribuable aux fins de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu et de la Loi de l'impôt sur le revenu (1948).
2 72. (1) Il peut être déduit dans le calcul du revenu, pour une année d'imposition, d'un contribuable qui a exercé des affaires au Canada et qui a fait des dépenses à l'égard de recherches scientifiques dans l'année, le montant par lequel l'ensemble de
a) toutes les dépenses de nature courante faites au Canada dans l'année
(i) pour des recherches scientifiques se rapportant aux affaires et directement entreprises par le contribuable ou pour son compte,
(ii) un paiement à une association approuvée qui entre- prend des recherches scientifiques relatives au genre d'affaires du contribuable,
(iii) en paiement à une université, collège, institut de recherches approuvés ou autre institution semblable devant servir aux recherches scientifiques relatives aux genres d'affaires du contribuable,
(iv) en paiement à une corporation résidant au Canada et exemptée de l'impôt sous le régime de la présente Partie par l'alinéa gc) du paragraphe (1) de l'article 62, et
(y) en paiement à une corporation résidant au Canada pour des recherches scientifiques relatives aux affaires du contribuable;
3 Voici un extrait du Règlement 1201, dans la mesure il
est pertinent en l'espèce:
1201. (1) Aux fins de la présente Partie
a) l'expression «ressources» signifie
(iii) une mine de métal vil ou précieux, ou ...
(2) Lorsqu'un contribuable exploite une ou plusieurs res-
sources, la déduction accordée est de 33 1/3 p. 100 de
a) l'ensemble des bénéfices de l'année d'imposition qui
peuvent raisonnablement être attribués à la production de
pétrole, de gaz, de métal brut ou de minéraux industriels
de toutes les ressources qu'il exploite, ...
4 12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune
déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable,
b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplace- ment de capital, d'un paiement à compte de capital ou d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie, ...
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