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In re Frank David Ellis
Division de première instance, le juge Collier— Ottawa, les 12 et 13 octobre 1972.
Emprisonnement—Pénitenciers—Sentence de deux ans moins un jour déterminée plus une de six mois indétermi- née—Nouvelle sentence de deux ans—Faut-il tenir compte de la sentence indéterminée dans l'établissement de la date d'élargissement—Code criminel, art. 659(6).
En avril 1971, E a été condamné à une peine d'emprison- nement de deux ans moins un jour déterminée et à une peine de six mois indéterminée sous divers chefs d'accusa- tion, les deux peines à purger concurremment. Le 18 juin 1971, il a été condamné sous un autre chef à purger une nouvelle peine de deux ans dans un pénitencier, concurrem- ment à la peine qu'il purgeait déjà.
Arrêt.' vu que E n'était pas emprisonné au pénitencier par suite de la sentence antérieure, l'article 659(6) du Code criminel n'exige pas que la partie indéterminée de la sen tence antérieure soit réputée ne pas avoir été imposée; par conséquent, la date à laquelle le requérant sera élargi doit être fixée compte tenu de la peine indéterminée.
Arrêts suivis: Re Weston [1972] 1 O.R. 342; Sedore c. Le Commissaire des pénitenciers [1972] C.F. 898.
REQUÊTE pour jugement déclaratoire.
A. C. Pennington pour le Service péniten- tiaire.
K. Cartwright pour Frank David Ellis.
LE JUGE COLLIER—La présente affaire prend son origine dans le dépôt d'une requête deman- dant qu'un bref de mandamus soit délivré contre le service de gestion des dossiers du Service pénitentiaire canadien, au pénitencier de Collin's Bay, aux fins que la date d'élargisse- ment du requérant de ce pénitencier soit modi- fiée au dossier. Aux fins d'éviter des procédu- res inutiles et pour être certaine qu'on jugerait l'affaire au fond, la Couronne a consenti à ce que la requête soit amendée en remplaçant le Service pénitentiaire par le Commissaire des pénitenciers comme intimé à la présente requête, et en considérant la requête en manda- mus comme une demande visant à obtenir un «jugement déclaratoire» aux termes de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
Le 13 avril 1971, le requérant a été con- damné, sous plusieurs chefs d'accusation, à des peines d'emprisonnement concurrentes de deux ans moins un jour, déterminées, et de six mois, indéterminées, pour chacun des chefs. On me dit que le requérant, par suite de ces condamna-
tions, a été incarcéré dans une prison provin- ciale ontarienne plutôt que dans un pénitencier. Le 18 juin 1971, le requérant a été condamné sous un autre chef d'accusation à purger une peine de deux ans dans un pénitencier, concur- remment avec la peine qu'il purgeait déjà. Le requérant a donc été transféré de la prison il était au pénitencier il est actuellement, con- formément à l'article 659(4) du Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34.
Le requérant prétend que, dans la détermina- tion de la date de son élargissement, il ne faut pas tenir compte de la sentence de 6 mois, indéterminée, à laquelle il a été condamné le 13 avril 1971. Il fonde principalement cette préten- tion sur l'article 659(6) du Code. Le Service pénitentiaire est d'avis contraire. Voici le texte intégral de l'article 659.
659. (1) Sauf lorsqu'il y est autrement pourvu, une per- sonne qui est condamnée à l'emprisonnement
a) à perpétuité,
b) pour une durée de deux ans ou plus, ou
c) pour deux périodes ou plus de moins de deux ans chacune, à purger l'une après l'autre et dont la durée totale est de deux ans ou plus,
doit être condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier.
(2) Lorsqu'une personne condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier est, avant l'expiration de cette sentence, condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, elle doit être condamnée à purger cette dernière sentence dans un pénitencier, mais si la sentence antérieure d'emprisonne- ment dans un pénitencier est annulée elle doit purger l'autre conformément au paragraphe (3).
(3) Lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonne- ment et qu'il n'est pas requis de la condamner comme le prévoit le paragraphe (1) ou (2), elle doit, à moins que la loi ne prescrive une prison spéciale, être condamnée à l'empri- sonnement dans une prison ou autre lieu de détention de la province elle est déclarée coupable, autre qu'un péniten- cier, la sentence d'emprisonnement peut être légalement exécutée.
(4) Lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonne- ment dans un pénitencier pendant qu'elle est légalement emprisonnée dans un autre endroit qu'un pénitencier, elle doit, sauf lorsqu'il y est autrement pourvu, être envoyée immédiatement au pénitencier et y purger la partie inexpirée de la période d'emprisonnement qu'elle purgeait lorsqu'elle a été condamnée au pénitencier, ainsi que la période d'em- prisonnement pour laquelle elle a été condamnée au pénitencier.
(5) Lorsque, à un moment quelconque, une personne qui est emprisonnée dans une prison ou un lieu de détention autre qu'un pénitencier est condamnée à purger, l'une après l'autre, deux ou plusieurs périodes d'emprisonnement, cha- cune de moins de deux ans, et que l'ensemble des parties
non expirées de ces périodes à ce moment est de deux ans ou plus, elle doit être transférée dans un pénitencier pour purger ces périodes; mais si l'une ou plusieurs de ces périodes sont annulées et si l'ensemble des parties non expirées de la ou des périodes qui restaient le jour la personne a été transférée en vertu du présent article était de moins de deux ans, elle doit purger cette période ou ces périodes en conformité du paragraphe (3).
(6) Aux fins du présent article, lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonnement pour une période détermi- née suivie d'une période indéterminée, une telle sentence est censée être pour une période de moins de deux ans et seule la période déterminée de cette sentence doit être prise en compte pour déterminer s'il est requis de condamner la personne à être emprisonnée dans un pénitencier ou à être transférée dans un pénitencier en vertu du paragraphe (5); et lorsqu'une telle personne est ainsi condamnée ou transfé- rée, la partie indéterminée de sa sentence est, à toutes fins, censée ne pas avoir été imposée.
(7) . . .
Au nom du requérant, mademoiselle Cart- wright allègue ce qui suit: (1) Le Code est une loi pénale et, par suite, il doit être interprété restrictivement. Rien dans le Code ne permet de transformer une sentence indéterminée en sen tence déterminée, ce qu'elle allègue que le Ser vice pénitentiaire a fait dans la présente affaire. (2) Il se dégage de l'article 659, considéré dans son ensemble, et de la dernière partie du para- graphe (6) dudit article («... et lorsqu'une telle personne est ainsi condamnée ou transférée, la partie indéterminée de sa sentence est, à toutes fins, censée ne pas avoir été imposée») que, lorsqu'une personne est envoyée au pénitencier, la partie indéterminée de sa sentence est supprimée.
Je crois que ces deux prétentions constituent un seul et même argument. Si une interprétation correcte de cet article démontre que la partie indéterminée de la sentence de 6 mois n'est pas visée par la dernière partie du paragraphe (6), le Service pénitentiaire ne transforme pas une sen tence indéterminée en une sentence déterminée. Il fixe simplement la date d'élargissement en prenant pour acquis que le requérant purgera, en fait, les 6 mois additionnels. Il est possible que le requérant obtienne une libération condi- tionnelle portant sur une partie de cette période.
A mon avis, la seconde prétention a été reje- tée dans deux affaires récentes: Re Weston [1972] 1 O.R. 342, le juge Wilson de la Haute Cour de l'Ontario, et Sedore c. Le Commissaire des pénitenciers [1972] C.F. 898, le juge Kerr. Il
est exact qu'en droit strict, je ne suis pas lié par ces décisions. Toutefois, je ne refuserais pas de les appliquer à moins d'être convaincu qu'on y a mal interprété les dispositions de l'article 659(6) ou que leurs faits sont différents de ceux de la présente affaire. J'ai étudié les deux décisions précitées et je crois que les faits en cause sont identiques à ceux de la présente affaire; je souscris donc à l'interprétation qu'on y trouve du paragraphe en question. Dans les deux cas, les requérants sont des détenus qui avaient d'a- bord été condamnés à des sentences détermi- nées inférieures à deux ans, et à une sentence indéterminée additionnelle. Dans l'affaire Weston, le requérant a été condamné à deux années d'emprisonnement peu de temps après la première condamnation, pour avoir tenté d'é- chapper à une garde légale. Il a été transféré au pénitencier par suite de cette condamnation. Dans l'affaire Sedore, le requérant a également été condamné pour avoir tenté d'échapper à une garde légale, mais il a été condamné à purger une peine consécutive de neuf mois dans un pénitencier. Il est sans importance que, dans ces deux affaires, les peines que les requérants ont été condamnés à purger dans un pénitencier aient été des sanctions infligées parce qu'ils avaient tenté d'échapper à une garde légale. Ce qui importe, c'est que les deux requérants ont été «condamnés à être emprisonnés dans un pénitencier» .
C'est ce qui s'est produit dans la présente affaire. Au mois de juin 1971,1e requérant a été condamné à purger une peine d'emprisonne- ment dans un pénitencier aux termes de l'article 659(1), même si cette peine était concurrente à celle qu'il purgeait déjà. Cette sentence qu'il purgeait alors, soit celle du 13 avril 1971, ne devait pas l'être dans un pénitencier et le requé- rant n'a pas été envoyé au pénitencier par suite de cette première condamnation. S'il avait été envoyé au pénitencier par suite de sa condam- nation du mois d'avril, il aurait été une personne «ainsi condamnée» et la partie indéterminée de sa sentence aurait été censée ne pas avoir été imposée.
La question du transfert aux termes du para- graphe (5) ne se pose pas en l'espèce.
A mon avis, l'intention du législateur au para- graphe (6) est la suivante: lorsque les tribunaux
condamnent une personne à purger des peines et qu'il ne résulte pas de cette décision que la personne est «condamnée ... à être emprison- née dans un pénitencier» mais que, pour d'au- tres raisons, elle purge une peine dans un péni- tencier, dans ce cas toute condamnation antérieure à une peine indéterminée est réputée ne pas avoir été imposée.
Comme je l'ai déjà indiqué, ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce. La date à laquelle le requérant sera élargi doit être fixée en tenant compte de la peine indéterminée de six mois. Bien qu'aux termes de la loi, il ne soit pas clair qui, de la Commission des libérations condition- nelles de l'Ontario ou de la Commission natio- nale des libérations conditionnelles, détient les pouvoirs relatifs à la libération conditionnelle du requérant, on m'a fait savoir que la Commis sion nationale des libérations conditionnelles se charge habituellement des cas de ce genre.
La requête est rejetée, sans dépens.
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