Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Allied Farm Equipment Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Heald— Ottawa, les 2 et 9 mars 1972.
Impôt sur le revenu—Compagnies associées—Une asso ciation avec une compagnie étrangère est-elle suffisante— Loi de l'impôt sur le revenu, art. 39(4) et (5), art. 139(1)h).
En l'espèce, trois frères étaient respectivement actionnai- res majoritaires de trois compagnies assujetties à l'impôt canadien dans lesquelles aucun des deux autres ne détenait d'actions. Toutefois, les trois frères étaient les seuls action- naires et détenaient le même nombre d'actions d'une com- pagnie américaine non assujettie à l'impôt canadien sur le revenu.
Arrêt: (Confirmant les cotisations de l'impôt sur le revenu de chacune des trois compagnies canadiennes pour les années 1960 à 1964.) Pendant la période en cause, les trois compagnies canadiennes étaient associées les unes aux autres au sens de l'article 39(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu car, pendant la période en cause, chacune d'elle était associée à la compagnie américaine au sens de l'article 39(4). Bien que la compagnie américaine ne fût pas imposa- ble au Canada, il s'agissait néanmoins d'une «corporation» au sens des dispositions relatives à la définition d'une «corporation» à l'art. 139(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt suivi: International Fruit Distributors Ltd. c. M.R.N. [1953] R.C.E. 231; distinction à faire avec l'arrêt Lea -Don Canada Ltd. c. M.R.N. [1969] C.T.C. 85; [1970] C.T.C. 346.
Philip F. Vineberg pour l'appelante. L. P. Chambers pour l'intimé.
LE JUGE HEALD—Le présent appel porte sur une décision que la Commission d'appel de l'im- pôt a rendue le 7 décembre 1970 rejetant l'ap- pel de l'appelante des nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu relatives à ses années d'imposition 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964.
Les parties ont convenu d'exposer dans un mémoire spécial les points à décider, conformé- ment à la Règle 475. Ce mémoire spécial se lit comme suit:
[TRADUCTION] 1. A toutes les époques en cause
(1) l'appelante était une corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois de la province du Manitoba,
(ii) un résident du Canada qui
(iii) exerçait une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis- saient de la façon suivante:
Actions
Actions Actions privilégiées ordinaires privilégiées de classe A
Alexander J. Kanter .. 400 900
Eugene V. Paskewitz .. 1
George Linden Higgins 1
Total des actions .... 100 400 900
(2) La Falcon Equipment Company Limited était une corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois de la province de l'Ontario,
(ii) un résident du Canada qui
(iii) exerçait une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis- saient de la façon suivante:
Actions Actions ordinaires privilégiées
James I. Kanter 20,005 '500
C. Perry 1
H. Chadwick 1
Total des actions 20,007 500
(3) La Northwest Farm Equipment Limited était une corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois de la province de l'Alberta,
(ii) un résident du Canada qui
(iii) exerçait une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis- saient de la façon suivante:
Actions Actions ordinaires privilégiées
Solomon Kanter 999 400
Dennis Sammen 1
Total des actions 1,000 400
(4) La Middle West Farm Equipment Export Corporation
était une corporation
a) qui était
(i) constituée en corporation conformément aux lois des États-Unis d'Amérique ou de l'un de ces États,
(ii) un non-résident du Canada qui
(iii) n'exerçait pas une entreprise au Canada, et
b) dont les actions émises et en circulation se répartis- saient de la façon suivante:
Actions ordinaires
Alexander J. Kanter 30
James I. Kanter 30
Solomon Kanter 30
Total des actions 90
2. MM. Alexander J. Kanter, James I. Kanter et Solomon Kanter sont frères.
3. Dans les nouvelles cotisations qui font l'objet de l'ap- pel de l'appelante, l'intimé a cotisé de nouveau l'appelante relativement aux années d'imposition 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964 au motif qu'à toutes les époques en cause, l'appelante était associée à la Falcon Equipment Compa ny Limited et à la Northwest Farm Equipment Limited, au sens du paragraphe (5) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu. En effet, à toutes les époques en cause, chacune des corporations suivantes, soit l'appe- lante, la Falcon Equipment Company Limited et la North west Farm Equipment Limited, était associée à la Middle West Farm Equipment Export Corporation au sens du paragraphe (4) de l'article 39 de cette loi.
4. L'appelante et l'intimé sont d'accord sur les faits pré- cédemment exposés.
5. La question que doit trancher la Cour est celle de savoir si la Middle West Farm Equipment Export Corpo ration était, à toutes les époques en cause, associée à chacune des corporations suivantes, soit l'appelante, la Falcon Equipment Company Limited et la Northwest Farm Equipment Limited au sens du paragraphe (4) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
6. L'appelante et l'intimé sont d'accord pour dire que:
(1) si la Cour répond affirmativement à cette question, l'appelante, la Falcon Equipment Company Limited et la Northwest Farm Equipment Limited étaient alors associées les unes aux autres conformément aux dispo sitions du paragraphe (5) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appel sera donc rejeté et l'intimé recevra les dépens, et
(2) si la Cour répond négativement à la question, l'appel sera alors accueilli, l'appelante recevra les dépens et les nouvelles cotisations relatives aux années d'imposition 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964 seront renvoyées à l'intimé pour qu'il les examine de nouveau et qu'il établisse de nouvelles cotisations en se fondant sur le fait que l'appelante n'était pas associée à la Falcon Equipment Company Limited et à la Northwest Farm Equipment Limited au sens de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Lors de l'instruction, les deux parties se sont entendues pour accueillir un fait supplémentaire et, pour le prouver, l'avocat de l'appelante a produit en preuve sous la cote A-1 une lettre datée du 13 janvier 1972 que l'avocat de l'in- timé lui avait adressée et dont voici la partie pertinente:
[TRADUCTION] Je n'ai pas l'intention de plaider que la Middle West Farm Equipment Export Corporation était «employée au Canada». De ce fait et du fait non contesté que la Middle West Farm Equipment Export Corporation n'était ni un résident du Canada ni n'exerçait une entreprise au Canada, il résulte donc que cette compagnie n'était pas imposable au Canada en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et je n'ai certainement pas l'intention de plaider qu'elle est autrement imposable.
Aux fins de l'année d'imposition 1960, voici le texte de l'article 39(4):
39. (4) Aux fins du présent article, une corporation est associée à une autre dans une année d'imposition si, à quelque moment pendant l'année,
a) l'une d'elle possédait directement ou indirectement soixante-dix pour cent ou plus de toutes les actions ordi- naires émises du capital social de l'autre ou
b) soixante-dix pour cent ou plus de toutes les actions ordinaires émises du capital social de chacune d'elles sont possédées directement ou indirectement par
(i) une personne
(ii) deux personnes ou plus, conjointement, ou
(iii) des personnes ne traitant pas entre elles à distance, dont l'une possédait, directement ou indirectement, une ou plusieurs actions de capital social de chaque corporation.
Aux fins des années d'imposition à compter de 1961, l'article 39(4) se lit comme suit:
39. (4) Aux fins du présent article, une corporation est associée à une autre dans une année d'imposition si, à quelque moment pendant l'année,
a) une des corporations contrôlait l'autre,
b) les deux corporations étaient contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes,
c) chacune des corporations était contrôlée par une per- sonne et si la personne qui contrôlait une des corpora tions était liée à la personne qui contrôlait l'autre, et si une de ces personnes possédait directement ou indirecte- ment une ou plusieurs actions de capital social de cha- cune des corporations,
d) une des corporations était contrôlée par une personne et si cette personne était liée à chaque membre d'un groupe de personnes qui contrôlaient l'autre corporation, et si une de ces personnes possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de capital social de chacune des corporations, ou si
e) chacune des corporations était contrôlée par un groupe lié et si chaque membre d'un des ernunes liés était lié à
tous les membres de l'autre groupe lié, et si un des membres d'un des groupes liés possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de capital social de chacune des corporations.
On demande à la Cour de décider si la Middle West Farm Equipment Export Corporation (ci- après désignée la Middle West) était, à toutes les époques en cause, associée à chacune des corporations suivantes, soit l'appelante, la Falcon Equipment Company Limited (ci-après désignée la Falcon) et la Northwest Farm Equipment Limited (ci-après désignée la North west), au sens du paragraphe (4) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si la Cour répond affirmativement à cette question, les parties reconnaissent alors que l'appelante, la Falcon et la Northwest étaient associées les unes aux autres conformément aux dispositions du paragraphe (5) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu et qu'en ce cas, l'appel doit être rejeté avec dépens.
L'appelante soutient que les dispositions de l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu déterminent le sens de tous les articles subsé- quents de la Partie I de cette loi.
Voici le texte de l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu:
2. (1) Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu ci-après, sur le revenu imposable, pour chaque année d'imposition, de toute personne résidant au Canada à quelque époque de l'année.
(2) Lorsqu'une personne non imposable en vertu du para- graphe (1) pour une année d'imposition
a) était employée au Canada à quelque époque de l'an- née, ou
b) exerçait une entreprise au Canada à quelque époque de l'année,
un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu ci-après, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l'année, déterminé en conformité de la section D.
(3) Le revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition est son revenu pour l'année moins les déductions permises par la section C.
Ainsi, ledit article 2 assujettit les personnes suivantes à l'impôt sur le revenu du Canada:
a) toute personne résidant au Canada,
b) toute personne employée au Canada, et
c) toute personne qui exerçait une entreprise au Canada.
L'appelante a donc prouvé, au paragraphe 4 de l'exposé des faits et à la pièce A-1, que la Middle West n'entre dans aucune des catégories précédentes, imposables en vertu de l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'avocat de l'appelante a présenté la situation d'une manière plutôt pittoresque. Il a déclaré que l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu précisait qui était «client» du ministère du Revenu national (impôt) et qui ne l'était pas.
Les faits non contestés prouvent indiscuta- blement que cet article ne vise pas la Middle West qui, de ce fait, n'est pas une «cliente» du ministère du Revenu national (impôt) du Canada.
Dans l'exposé de son argumentation, l'avocat de l'appelante soutient que les dispositions de l'article 2 de la Loi de l'impôt sur le revenu déterminent le sens des articles 3 et 4 de cette loi et que, lorsque ceux-ci se réfèrent au revenu d'un contribuable, il s'agit du revenu et des contribuables visés par l'article 2.
L'avocat a ensuite porté à mon attention l'ar- ticle 44 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui impose à «une corporation» de produire une déclaration annuelle d'impôt sur le revenu. Il prétend que le mot «corporation» utilisé dans cet article ne s'applique qu'aux corporations visées par l'article 2 qui en limite la portée de sorte que les «non-clients» du ministre du Revenu national, comme il les appelle, ne sont pas tenus de produire une déclaration.
L'avocat de l'appelante se réfère alors à l'arti- cle 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu et plaide que, comme dans le cas des autres articles de la Partie I, les dispositions de l'article 2 doivent déterminer le sens de l'article 39 qui doit être lu à la lumière de celui-là.
L'avocat cite d'abord le paragraphe (1) de l'article 39 et se réfère aux mots suivants: «L'impôt exigible d'une corporation, aux termes de la présente Partie, ...». Il fait remarquer que la Middle West ne peut être imposée en vertu de cette Partie, qu'elle n'est pas une «cliente» et que, par conséquent, le mot «corporation» uti- lisé à l'article 39(1) ne s'applique évidemment pas à la Middle West.
Se reportant au paragraphe (2) de l'article 39, l'avocat en cite les premiers mots: «(2) Lorsque deux ou plusieurs corporations (les italiques sont de moi) sont associées les unes aux autres dans une année d'imposition, l'impôt exigible de chacune d'elles ...» et se pose alors la ques tion: [TRADUCTION] «Comment l'article 39(2) peut-il viser une corporation non imposable?»
L'avocat aborde ensuite l'article 39(3). Ce paragraphe permet à des corporations associées de produire au bureau du Ministre une conven tion dans laquelle elles adoptent le procédé qui consiste à attribuer à l'une ou plusieurs d'entre elles un revenu de $35,000 qu'on assujettit à un taux réduit d'imposition. L'avocat se pose alors la même question que précédemment: [TRADUC- TION] «Comment le mot «corporation» utilisé au paragraphe (3) pourrait-il s'appliquer à une corporation qui n'est pas imposable au Canada?»
L'avocat utilise la même argumentation à propos du paragraphe (3)a). Le paragraphe (3)a) traite le cas les corporations associées ne se sont pas entendues pour attribuer à l'une ou plusieurs d'entre elles la première tranche de $35,000 de revenu et, dans ce cas, impose au Ministre de procéder à cette attribution à l'une ou plusieurs desdites compagnies associées. L'avocat plaide que, si le mot «corporation» qu'on utilise au paragraphe (3)a) désigne toute corporation, y compris une corporation «non- cliente» comme la Middle West, le Ministre pourrait donc imposer à un taux réduit le revenu d'une corporation comme la Middle West, alors qu'on ne pourrait utiliser ce taux. Il soutient que cette interprétation aboutirait à un résultat ridicule et qu'on ne peut croire que le législateur ait envisagé une telle conséquence. Il ajoute qu'il est manifeste que le mot «corpora- tion» utilisé au paragraphe (3)a) doit désigner une corporation canadienne pour avoir quelque signification.
L'avocat de l'appelante a cité un autre article de la Partie I de la Loi, à savoir l'article 27(1)e).
Ce dernier texte permet à un contribuable de déduire de son revenu les pertes commerciales subies pendant les cinq années d'imposition qui précèdent, et dans l'année d'imposition qui suit, l'année d'imposition.
Ledit avocat cite l'exemple d'une corporation américaine qui, pendant trois ans, exerce son activité uniquement aux États-Unis et qui perd $100,000 par an. Puis la quatrième année, cette corporation américaine s'installe au Canada et y exploite une entreprise. On suppose en outre qu'au cours de cette quatrième année, cette corporation gagne $300,000 au Canada. L'avo- cat ajoute que le mot «corporation», si l'inter- prétation de l'intimé est correcte, désigne alors «toute» corporation de «quelque endroit que ce soit» et qu'en conséquence, d'après ces faits, lesdites pertes subies par la corporation en question pendant les années elle n'était pas une «cliente» du ministère du Revenu national (impôt) du Canada pourraient être déduites des bénéfices réalisés au Canada la quatrième année, ce qui aboutirait au résultat sensationnel que ladite corporation étrangère n'aurait aucun revenu imposable au Canada la quatrième année.
L'avocat de l'appelante cite cet exemple pour aller jusqu'au bout de son argumentation et montrer à quel résultat ridicule mènerait l'inter- prétation du mot «corporation» de l'article 39 par l'intimé, faussant ainsi le sens de l'article ainsi que l'intention du législateur.
Par ailleurs, l'avocat de l'intimé reconnaît que la Middle West n'est pas imposable au Canada. Il reconnaît également que l'appelante n'est pas associée à la Falcon et à la Northwest selon les termes de l'article 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais il déclare que l'appelante est associée à la Falcon et à la Northwest en vertu de l'article 39(5)à cause des liens qui existent entre l'appelante et la Middle West.
L'avocat de l'intimé déclare que la question à trancher en l'espèce est celle de savoir si la Middle West constitue une «corporation» au sens de l'article 39(4). Si on donnait à cette question une réponse affirmative, l'appelante, la Falcon et la Northwest seraient donc visées par l'article 39(4)b)(iii) en ce qui concerne l'année d'imposition 1960 ainsi que par l'article 39(4)d) en ce qui concerne les années d'imposition à compter de 1961 et seraient donc considérées comme associées à la Middle West.
Il prétend également qu'en vertu du paragra- phe (5) de l'article 39, l'appelante, la Falcon et
la Northwest sont donc censées être associées les unes aux autres. Le paragraphe (5) de l'arti- cle 39 se lit comme suit:
39. (5) Lorsque deux corporations sont associées ou sont considérées, en vertu du présent paragraphe, comme asso- ciées à la même corporation simultanément, elles sont, pour l'application du présent article, censées être associées l'une à l'autre.
J'accepte la thèse de l'avocat de l'intimé vou- lant que la question clé à décider en l'espèce soit celle de savoir si le mot «corporation» utilisé dans l'article 39(4) et (5) est assez large pour comprendre une corporation comme la Middle West. J'accepte également son analyse des conséquences qu'aurait une réponse affir mative de la Cour.
L'avocat de l'intimé cite la définition du mot corporation que donne l'article 139(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu dont voici le texte:
139. (1)(h) «corporation» comprend une compagnie cons- tituée et «corporation constituée au Canada» comprend une corporation constituée dans quelque partie du Canada, avant que celle-ci fût devenue partie du Canada ou après qu'elle l'est devenue;
Il cite également à l'appui de sa thèse le jugement du président Thorson (tel était alors son titre) dans l'arrêt International Fruit Dis tributors Ltd. c. M.R.N. [1953] R.C.É. 231. La Cour suprême du Canada a confirmé cette déci- sion sans donner de motifs écrits.
Dans cette affaire, toutes les actions émises de l'appelante ainsi que celles d'une autre com- pagnie canadienne appartenaient à une compa- gnie américaine. A cette époque, l'article de la Loi en vigueur était, à toutes fins utiles, identi- que à l'article 39(4) applicable en l'espèce pour l'année d'imposition 1960. L'article 39(5) était également, à toutes fins utiles, identique à l'arti- cle actuel. Le président Thorson a décidé dans. cette affaire que le mot «personne» figurant à l'article comprenait les corporations étrangères et qu'en conséquence, l'appelante était une cor poration liée (selon les termes de la Loi d'alors) au sens de l'article.
Le président Thorson a déclaré à la page 233 de cet arrêt:
[TRADUCTION] Il me paraît ressortir de cette définition que le mot «personne» de l'article 39(4)b)(i) de la Loi comprend sans nul doute une corporation. Naturellement, il
comprend «toute» corporation et il n'y a nullement lieu de décider qu'il n'inclut pas une corporation étrangère comme la Pacific Gamble Robinson Company. Il m'est difficile de trouver quelque ambiguïté dans la signification de ce terme en raison de l'utilisation du mot «corporation» à l'article 36(5).
Après un examen attentif des faits pertinents de l'espèce présente, je suis parvenu à la con clusion qu'ils sont analogues à ceux de la déci- sion (précitée) International Fruit et que je suis lié par celle-ci.
Il est vrai que l'affaire International Fruit a été jugée selon l'article 39(4)b)(i), mais je ne crois pas qu'elle aurait été jugée différemment selon l'article 39(4)b)(iii), car ces deux paragra- phes s'appliquaient à l'année d'imposition 1960. Je ne crois pas davantage qu'elle aurait été jugée quelque peu différemment selon l'article 39(4)d) qui s'applique aux années d'imposition à compter de 1961.
A la page 232 dudit jugement, le président Thorson a déclaré:
[TRADUCTION] En bref, l'avocat de l'appelante prétend que le mot «personne» de l'article 36(4)b)(i) n'inclut pas une corporation où, subsidiairement, une corporation étrangère. On a fait valoir que, si on interprétait cet article comme incluant une corporation, l'article 36(5) dont voici le texte:
36. (5) Lorsque deux corporations sont liées ou sont réputées, en vertu du présent paragraphe, liées à la même corporation simultanément, elles sont, pour l'application du présent article, censées être liées entre elles.
constituerait alors une redondance inutile, que, dans cet article, la référence particulière aux corporations avait pour effet d'exclure une corporation du sens du mot «personne» de l'article 36(4)b)(i), que cela en rend le sens ambigu et que cette ambiguïté doit être décidée en faveur de l'appelante.
Je ne peux souscrire à cette opinion. Ce n'est pas donner une bonne interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu que de considérer qu'elle utilise divers termes tout au long de son texte de façon nécessairement logique ou de prétendre que le manque d'uniformité dans leur usage leur donne nécessairement un sens ambigu. (Les italiques sont de moi.)
A mon avis, la partie en italiques de la cita tion précédente du président Thorson constitue une réponse complète à la prétention de l'appe- lante selon laquelle tous les articles de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu suivant l'article 2 doivent être lus en fonction de ce dernier. Je pense que cela répond également à ses observations concernant les paragraphes
(1), (2), (3) et (3a) de l'article 39. On ne me demande pas en l'espèce d'interpréter le mot «corporations» dans ces paragraphes. Je m'inté- resse en l'espèce aux paragraphes (4) et (5) et j'estime que le mot «corporations» utilisé dans ces textes doit recevoir le sens simple et cou- rant que lui attribue la définition de l'article 139(1)h) de la Loi.
Le savant avocat de l'appelante s'est appuyé sur l'arrêt Lea -Don Canada Ltd. c. M.R.N. [1969] C.T.C. 85 (Cour de l'Échiquier); con firmé par la Cour suprême [1970] C.T.C. 346. L'article de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'étude était l'article 20(4):
20. (4) Lorsque des biens susceptibles de dépréciation ont appartenu, à toute époque après le commencement de 1949, à une personne (ci-après appelée le propriétaire ini tial) et que, par une ou plusieurs opérations entre des personnes ne traitant pas à distance, ils sont dévolus à un contribuable, les règles suivantes s'appliquent....
En l'espèce, l'appelante essayait de plaider que le mot «contribuable» comprenait une corpora tion non résidente et non assujettie à l'impôt sur le revenu du Canada. Mon collègue, le juge Cattanach de la Cour de l'Échiquier, et le juge Hall, qui a rédigé le jugement de la Cour suprême, ont rejeté cet argument. M. le juge Hall a décidé que l'article 20(4) ne s'appliquait qu'aux contribuables ayant droit à une déduc- tion et non aux personnes non imposables en vertu de la Partie I.
A mon avis, la décision (précitée) Lea -Don n'appuie pas la thèse de l'appelante. Première- ment, elle interprète un paragraphe de la Loi tout à fait différent et le fait dans le contexte des mots qu'il utilise. Deuxièmement, la situa tion de fait est en l'espèce différente en ce sens que l'application des règles de l'article 39(4) et (5) à la Middle West n'a pas pour effet de l'assujettir à l'impôt, tandis que dans l'affaire Lea -Don (précitée), la Cour traitait d'un article prévoyant une déduction dont l'application ou la non-application entraînait ou non l'assujettis- sement à l'impôt.
L'autre affaire sur laquelle l'appelante s'est 'appuyée se classe dans la même catégorie que l'affaire (précitée) Lea -Don. Il s'agit de l'arrêt Office Overload Co. c. M.R.N. 65 DTC 690. Dans cette affaire également, la Cour devait interpréter un article prévoyant une déduction,
soit, l'article 85D qui traite des règles applica- bles en matière de réclamation à titre de déduc- tion de la partie des dettes actives composée des mauvaises créances.
Dans chacune de ces affaires, l'interprétation de l'article ou du paragraphe en question modi- fiait l'assujettissement à l'impôt des deux orga- nismes en cause. Cette seule particularité distin- gue en fait ces deux affaires de l'espèce présente. Dans celle-ci, l'interprétation deman- dée, quelle qu'elle soit, n'influera en aucune façon sur l'assujettissement à l'impôt de la Middle West.
Dans l'ouvrage Maxwell on Interpretation of Statutes, douzième édition, on peut lire à la page 28:
[TRADUCTION] En matière d'interprétation, la première règle, qui est aussi la plus élémentaire est qu'il faut suppo- ser que les mots et les expressions des lois techniques sont utilisés dans leur sens technique s'ils en ont un et autrement dans leur sens courant; la seconde règle est qu'il faut interpréter les expressions et les phrases selon les règles de la grammaire.
et d'autre part à la page 43:
[TRADUCTION] La soi-disant «règle d'or» est en réalité une modification de la règle littérale. Le baron Parke l'a énoncée ainsi: «C'est une règle très utile dans l'interprétation d'une loi que de s'en tenir au sens courant des mots utilisés ainsi qu'à la construction grammaticale, à moins que cela ne soit en désaccord avec l'intention du législateur qu'on doit rechercher dans la loi elle-même, ou ne conduise à quelque absurdité ou à quelque contradiction manifeste, auquel cas on peut changer ou modifier le texte des expressions de façon à éviter cet inconvénient, mais sans aller plus loin».
Il me semble utile de lire les paragraphes (4) et (5) de l'article 39 en corrélation avec la définition du mot «corporation» de l'article 139(1)h). Ceci fait, je ne vois pas comment on peut considérer que le mot «corporation» exclut une corporation étrangère. Pour ce faire, j'au- rais dû, à la lecture de l'article 39(4) et (5), y ajouter un élément qui n'existe pas. La jurispru dence et la doctrine précisent que je dois donner à ce mot son sens simple et courant, sinon j'aboutirais à une absurdité ou à une contradiction manifeste.
En l'espèce présente, je ne crois pas que cette absurdité ou cette contradiction manifeste puisse arriver.
En conclusion et en réponse au paragraphe 5 de l'exposé des faits, la Cour est d'avis que la
Middle West Farm Equipment Export Corpora tion était, à toutes les époques en cause, asso- ciée à chacune des corporations suivantes, soit l'appelante, la Falcon Equipment Company Limited et la Northwest Farm Equipment Lim ited, au sens du paragraphe (4) de l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'appel est en conséquence rejeté et l'intimé recevra les dépens.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.