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In re la Loi sur l'accise et un véhicule automobile de marque Chrysler, modèle 1970.
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 25 septembre; Ottawa, le 28 sep- tembre 1972.
Accise—Saisie d'un véhicule ayant servi à commettre une infraction—Opposition d'un créancier gagiste —Cas non visé par la loi—Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12, art. 164.
La Couronne a saisi, conformément à l'article 163(1)a) de la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12, une automobile utilisée par D pour le transport d'eau-de-vie illégalement fabriquée. D a par la suite été trouvé coupable de cette infraction. Plusieurs mois après la saisie, une dénonciation a été déposée conformément à l'article 114 pour demander la confiscation de l'automobile. Dans un acte intitulé «contes- tation et revendication d'effets saisis», une certaine M a demandé alors une ordonnance en vertu de l'article 164(2) déclarant que son intérêt dans l'automobile saisie en tant que créancier gagiste n'est pas affecté par cette saisie puisqu'elle est innocente de toute complicité dans l'infrac- tion commise par D.
Arrêt: La contestation et la revendication de M sont radiées. L'article 164 ne permet pas au créancier gagiste de s'opposer à une saisie; en outre, M n'est pas intervenue dans le délai d'un mois de la saisie, comme l'exige l'article 164(2).
Arrêt suivi: Le Roi c. Krakowec [1932] R.C.S. 134.
REQUÊTE.
Yvon Brisson pour la Reine.
G. Latulippe pour Ghyslaine Monette.
LE JUGE WALSH—D'après la déclaration figu- rant au dossier, dont la teneur a été reconnue exacte dans l'acte intitulé «contestation et revendication d'effets saisis», l'automobile en question a été saisie le 22 juillet 1971 en vertu de l'article 163(1)a) de la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12 pour avoir servi au trans port d'eau-de-vie fabriquée illégalement par Gaston Dubois. Par un avis daté du 3 août 1971, Dubois a signifié par l'intermédiaire de son avocat à Sa Majesté la Reine, sa décision et son intention de revendiquer cette automobile. L'issue de cette revendication ne ressort pas du dossier mais l'avocat de Sa Majesté a laissé entendre qu'elle avait été abandonnée. Il a éga- lement déclaré que Dubois a été par la suite trouvé coupable et s'est vu imposer une amende conformément à l'article 163(2) de la loi. Ce n'est toutefois que le 4 avril 1972 qu'une dénonciation demandant la confiscation du
véhicule saisi fut déposée conformément à l'ar- ticle 114 de la loi.
D'après l'article 114, un avis de dénonciation doit être affiché dans le bureau du registraire, du greffier ou du protonotaire de la Cour et dans le bureau du receveur ou du proposé en chef de la division d'accise dans laquelle les marchandises ont été saisies; cet avis a été dûment affiché au bureau de la Cour le 12 avril 1972. Le paragraphe (2) de l'article 114 porte que: «si le propriétaire des marchandises ou objets ou la personne qui prétend y avoir droit les revendique et donne une garantie, et observe toutes les autres formalités de la présente loi à cet égard»,. la Cour peut alors entendre et juger la revendication, sous réserve cependant du paragraphe (3) qui se lit ainsi:
114. (3) Nulle revendication de la part d'une personne qui a donné avis de son intention de revendiquer, avant que l'avis ait été affiché, n'est admise, à moins qu'elle ne soit faite dans la semaine qui suit la date de l'affichage de l'avis; et nulle revendication n'est admise à moins qu'avis n'en ait été donné par écrit au receveur ou au fonctionnaire supé- rieur dans le délai d'un mois à compter de la date de la saisie.
Dubois, qui avait donné avis le 3 août 1971 de son intention de revendiquer l'automobile, ne semble pas avoir présenté sa revendication dans le délai d'une semaine suivant l'affichage de l'avis de dénonciation demandant la confisca tion du véhicule; la contestation et la revendica- tion de Dame Ghyslaine Monette, bien que pro- duite le 4 mai 1972, c'est-à-dire dans le délai d'un mois de cet avis, n'a pas été présentée dans le délai d'un mois suivant la saisie effec- tuée le 22 juillet 1971. Dans tous les cas, sa réclamation en vertu de l'article 164(2) de la loi ne serait en fait qu'une demande d'ordonnance déclarant que son intérêt en tant que créancier gagiste innocent de toute complicité dans l'in- fraction ayant entraîné la saisie n'est pas affecté par cette saisie, et qu'elle a pris tout le soin raisonnable à l'égard de son débiteur Dubois. De plus, son droit de réclamation est circonscrit par l'article 164(1):
164. (1) Lorsque des chevaux, véhicules, vaisseaux ou autres accessoires ont été saisis comme confisqués sous l'autorité de la présente loi, quiconque (autre que la per- sonne accusée d'une infraction qui a eu pour résultat cette saisie, ou que la personne en la possession de qui ces chevaux, véhicules, vaisseaux ou autres accessoires ont été
saisis) réclame, à l'égard de ces chevaux, véhicules, vais- seaux ou autres accessoires, un intérêt à titre de proprié- taire, créancier hypothécaire, détenteur de gage ou déten- teur d'un intérêt similaire, peut, dans un délai de trente jours à compter de cette saisie, s'adresser à un juge d'une cour supérieure d'une province du Canada ou à un juge de la Cour de l'Échiquier afin de faire rendre une ordonnance déclarant son intérêt.
Ce droit doit donc être exercé dans un délai de trente jours à compter de la saisie.
La Cour suprême, dans l'arrêt Le Roi c. Max Krakowec et al. [1932] R.C.S. 134, portant sur l'article 181 de la Loi sur l'accise (S.R.C. 1927, c. 60), analogue à l'actuel article 163, et sur l'article 124 de cette loi identique à l'actuel article 114, a notamment rendu jugement en ces termes:
[TRADUCTION] Un camion en la possession de son ache- teur en vertu d'un contrat de vente sous condition, en vertu duquel les vendeurs en conservent la propriété jusqu'au paiement complet, et qui n'était qu'en partie payé, fut saisie en des circonstances qui, comme la cour en a décidé d'après les faits reconnus devant elle, le rendaient susceptible de confiscation par la Couronne en vertu de l'article 181. Arrêt: Il était susceptible de confiscation non seulement au détriment de la personne qui l'avait en sa possession au moment de la saisie, mais aussi au détriment des vendeurs, bien que ces derniers n'aient eu aucune connaissance ou avis de l'emploi illégal qui en était fait.
L'article 124 de la loi n'accorde à la cour aucune discré- tion en la matière. Elle doit décider en droit strict.
Voir aussi l'arrêt Le Roi c. Central Railway Signal Co. Inc. [1933] R.C.S. 555, portant éga- lement sur l'article 124 de la loi. Il est évident que Dame Ghyslaine Monette ne peut s'oppo- ser, à titre de créancier gagiste, à la saisie effectuée par la Couronne, ni revendiquer les effets saisis; ses droits se limitent nécessaire- ment à ceux que lui reconnaît l'article 164. La contestation et la revendication faites par Dame Ghyslaine Monette dans cette instance ne peu- vent donc être retenues pour deux motifs:
a) elles n'ont pas été faites dans les délais légaux; et
b) leurs conclusions demandent un redresse- ment que la Cour ne peut lui accorder.
Dès lors, la requête visant à obtenir la radiation de cette contestation et de cette revendication en vertu de la Règle 419, aux motifs qu'elles ne révèlent aucune cause raisonnable de défense et
qu'elles constituent un emploi abusif des procé- dures de la Cour, est accordée avec dépens.
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