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Magnasonic Canada Limited (Requérante)
c.
Le Tribunal antidumping (Intime')
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Thurlow, et le juge suppléant Bastin—Ottawa, les 3,4,5 et 6 octobre 1972.
Examen judiciaire—Tribunal antidumping—Déroulement des audiences du Tribunal—Renseignements confidentiels non transmis aux parties lors de l'audience—Annulation de la décision—Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15, art. 16(1), 28, 29(3).
Le Tribunal antidumping a ouvert une enquête en vertu de l'article 16(1) de la Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15, pour savoir si le dumping de téléviseurs d'une cer- taine catégorie en provenance du Japon et de Taiwan avait causé ou était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables. Cette enquête comportait une audience publique à laquelle la compagnie M, importateur, ainsi- que certaines autres parties étaient représentées. Des renseignements de nature confi- dentielle ont également été fournis au Tribunal ou recueillis auprès de fabricants canadiens. Aucun de ces renseigne- ments n'a été communiqué aux parties. Le Tribunal a jugé qu'il y avait eu dumping.
Arrêt: Sur requête de la compagnie M, présentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour annule la décision du Tribunal. Le Tribunal a rendu sa décision sans avoir mené l'enquête exigée par la loi, dans la mesure il a statué d'après des renseignements qui n'avaient pas été produits au cours des audiences du Tribunal ou devant un membre du Tribunal ainsi que le prévoit la loi; dès lors, les parties n'ont pas eu la possibilité de contester ces renseignements ni de faire valoir leurs prétentions à cet égard.
L'article 16 de la loi donne aux parties le droit de compa- raître ou d'être représentées aux audiences, ce qui implique le droit d'être entendu, et notamment d'avoir une possibilité équitable de répondre à tout ce qui va à l'encontre de leurs intérêts et un droit de présenter leurs prétentions relative- ment aux preuves sur lesquelles le Tribunal se propose de fonder sa décision. Bien que l'article 29(3) prévoie qu'au cours d'une enquête, les témoignages ou les renseignements de nature confidentielle, relatifs aux affaires d'une personne ne doivent pas être rendus publics de manière à pouvoir être utilisés par un concurrent, cela ne justifie à l'extrême, que l'exclusion des concurrents de la salle d'audience pendant que le Tribunal entend ces témoignages et exige que l'on fournisse par la suite à ces parties le rapport prévu à l'article 28.
EXAMEN judiciaire d'une décision du Tribu nal antidumping.
Charles D. Gonthier, c.r., et C. J. Michael Flavèll pour la requérante.
C. R. O. Munro, c.r., et R. G. Vincent pour le procureur général du Canada.
John M. Coyne, c.r., et J. F. Lemieux pour Electronic Industries (Canada).
B. A. Crane et Y. A. George Hynna pour Electronic Industries (Japan).
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement) —La question fondamentale soulevée en l'espèce est de savoir si la décision du Tribunal antidum- ping, objet de la présente demande introduite en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, est invalide parce que la requérante Magnasonic, ou la Magnasonic et d'autres, n'au- raient pas eu la possibilité d'être entendues, ainsi que l'exige la loi, avant qu'on puisse vala- blement rendre une telle décision.
La décision en question portait que
le dumping des téléviseurs munis d'un écran de 12 pouces et plus mesuré en diagonale, en travers de l'écran, en prove nance du Japon et de Taiwan, à l'exclusion des appareils fabriqués au Japon par la Sharp Corporation ou la Sony Corporation, a entraîné des pertes de ventes, de profits et d'emplois pour les fabricants de marchandises semblables au Canada, et a causé et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandi- ses semblables.
La première étape en l'espèce, si l'on se réfère à la loi, a consisté en une «enquête» menée en vertu de l'article 13 (1) de la Loi antidumping' et relative au dumping de télévi- seurs d'une certaine catégorie. Conformément à l'article 13(5) de la loi, qui exige notamment que l'«importateur» soit avisé de l'enquête, la Magnasonic a reçu l'avis requis.
La seconde étape en l'espèce a consisté à ce que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise fasse, à la suite de cette enquête et conformément à l'article 14(1) de la Loi antidumping 2 , une détermination préli ii- naire de dumping relativement à une catégorie donnée de téléviseurs.
La troisième étape en l'espèce a consisté à ce que le Tribunal antidumping entame une enquête, en vertu de l'article 16(1) de la loi, relativement aux marchandises auxquelles la détermination préliminaire s'appliquait pour savoir si le dumping de ces marchandises «a causé, cause ou est susceptible de causer un
préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables».
A l'issue de ladite enquête, le Tribunal en est arrivé à la conclusion (décision) citée précédemment.
Avant d'examiner les dispositions de la loi régissant l'oenquête» du Tribunal et l'évolution de l'«enquête» en l'espèce, il est important de mentionner l'effet de la décision du Tribunal, dans la mesure elle est valide. En premier lieu, conformément à l'article 15 de la loi, toutes les marchandises de la catégorie visée par la détermination préliminaire, qui sont entrées au Canada entre la détermination préli- minaire et la décision du Tribunal, deviennent susceptibles d'évaluation temporaire et l'impor- tateur doit alors fournir une caution ou payer un certain montant qui devient exigible à titre de droit de dumping si, en fait, il y a eu dumping au sens de l'article 4 de la Loi antidumping, ou est remboursable, suivant la décision du Tribunal (la Magnasonic avait importé des marchandises soumises à des droits de dumping temporaires). En second lieu, les téléviseurs de la catégorie décrite dans la décision du Tribunal importés au Canada après cette décision sont frappés des droits antidumping en vertu de l'article 3 de la loi.
Examinons les dispositions de la loi relative à l'enquête du Tribunal en l'espèce. Il faut noter en premier lieu que, lorsque le sous-ministre ouvre une enquête en vertu de l'article 13, il doit faire en sorte qu'un avis de l'enquête soit donné, entre autres, à l'importateur, à l'exporta- teur, au gouvernement du pays d'exportation et au plaignant, le cas échéant; lorsqu'il fait une détermination préliminaire, il doit en aviser les mêmes personnes (articles 13(5) et 14(2)). En outre, on doit publier ces avis dans la Gazette du Canada.
Les autres dispositions relatives au problème en question sont suffisamment importantes pour qu'on les cite. Les voici:
16. (1) Le Tribunal, dès réception par le secrétaire, en vertu du paragraphe 14(2), d'un avis d'une détermination préliminaire du dumping, doit, relativement aux marchandi- ses auxquelles s'applique la détermination préliminaire du dumping, faire enquête pour savoir
a) si le dumping des marchandises qui font l'objet de l'enquête
(i) a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de mar- chandises semblables,
(3) Le Tribunal doit, dans un délai de 90 jours à compter de la date de la réception d'un avis d'une détermination préliminaire du dumping, dans le cas de marchandises aux- quelles la détermination préliminaire s'applique, rendre l'or- donnance ou prendre les conclusions que la nature de la question peut exiger, et il doit déclarer à quelles marchandi- ses ou à quelle sorte de marchandises, y compris, dans les cas cela s'applique, à quel fournisseur et à quel pays d'exportation l'ordonnance ou les conclusions s'appliquent.
(4) Le Tribunal, lors de l'examen de questions relatives à la production au Canada de marchandises ou à leur mise en production au Canada, doit entièrement tenir compte des dispositions de l'alinéa 4a) de l'accord portant sur la mise en oeuvre de l'Article VI de l'Accord général sur les tarifs et le commerce, signé à Genève, en Suisse, le 30 juin 1967.
(5) Le secrétaire transmet, par courrier recommandé, une copie de toute ordonnance ou de toutes conclusions au sous-ministre, à l'importateur, à l'exportateur et aux autres personnes que peuvent spécifier les règles du Tribunal.
21. (1) Est institué un tribunal, connu sous le nom de Tribunal antidumping, composé de cinq membres au plus qui seront nommés par le gouverneur en conseil.
23. (1) Le président est le fonctionnaire administratif en chef du Tribunal et assume la surveillance et la direction des travaux du Tribunal, notamment
a) la répartition des travaux entre les membres du Tribu nal et l'affectation des membres aux auditions du Tribu nal et à la présidence de ces auditions, et
b) de façon générale, la conduite des travaux du Tribunal, sa régie interne et les fonctions de son personnel.
24. (2) Le Tribunal peut siéger aux dates et lieux qu'il estime nécessaires ou souhaitables pour son bon fonctionnement.
25. (1) Le Tribunal peut, sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil, établir des règles concernant
a) les séances du Tribunal; et
b) la procédure de présentation des observations au Tri bunal, et, de façon générale, la procédure régissant le fonctionnement du Tribunal.
26. (2) Le gouverneur en conseil peut, à la demande du Tribunal, fournir au Tribunal les services des fonctionnaires et employés du gouvernement du Canada ou d'un orga- nisme, ministère ou département de ce gouvernement qui sont nécessaires au bon fonctionnement du Tribunal, et ce dernier peut obtenir les conseils et l'aide de tout organisme, ministère ou département du gouvernement du Canada.
(4) Le Tribunal peut, avec l'approbation du conseil du Trésor, nommer des personnes ayant des connaissances techniques ou spécialisées pour conseiller le Tribunal sur toute question, et fixer la rémunération de ces personnes.
27. (1) Le Tribunal est une cour d'archives et doit avoir un sceau officiel, que les tribunaux doivent admettre d'office.
(2) Le Tribunal a, en ce qui concerne la présence, l'asser- mentation et l'interrogatoire des témoins, la production et l'inspection des documents, l'exécution de ses ordonnances, l'accès aux biens et leur inspection et autres matières néces- saires ou convenant au bon exercice de sa compétence, tous les pouvoirs, droits et privilèges conférés à une cour supé- rieure d'archives.
(3) Le Tribunal, aux fins de l'article 172 de la Loi sur les douanes, est censé être une cour de justice.
28. (1) Le président du Tribunal peut ordonner que les témoignages relatifs à une audition devant le Tribunal soient reçus, en tout ou en partie, par un membre du Tribunal et ce membre a et peut exercer tous les pouvoirs du Tribunal en rapport avec cette audition.
(2) Un membre, par lequel des témoignages relatifs à une audition ont été reçus en application du paragraphe (1) doit en faire rapport au Tribunal et une copie du rapport, modi- fié de la manière qui, de l'avis du membre, est nécessaire au respect des dispositions du paragraphe 29(3), doit être four- nie à chacune des parties à l'audition.
(3) Après avoir reçu un rapport fait en vertu du paragra- phe (2) et après avoir tenu une nouvelle audition, complète ou partielle, sur la question, si, à sa discrétion, le Tribunal estime qu'il est souhaitable de le faire, le Tribunal peut rendre son ordonnance ou prendre ses conclusions.
29. (1) Toutes les parties à une audition devant le Tribu nal peuvent comparaître en personne, ou peuvent être représentées, lors de l'audition, par un procureur ou un mandataire.
(2) Une audition devant le Tribunal peut, à la discrétion du Tribunal ou du président, selon le cas, être tenue à huis-clos ou en public.
(3) Lorsque des témoignages ou des renseignements qui sont d'une nature confidentielle, relativement aux travaux ou aux affaires d'une personne, d'une firme ou d'une corpo ration, sont fournis ou obtenus au cours d'une enquête tenue en vertu de l'article 16, les témoignages ou renseigne- ments ne seront pas rendus publics de manière à pouvoir être utilisés par un concurrent ou par un rival commercial de la personne, de la firme ou de la corporation.
Il faut lire l'article 21(2) de la Loi d'interpréta- tion, S.R.C. 1970, c. I-23, en corrélation avec ces dispositions. Voici un extrait de cet article:
21. (2) Lorsqu'un texte législatif établit un conseil, un office, une cour, une commission ou un autre organisme composé de trois membres ou plus (au présent article, appelé une «association»),
a) le quorum à une réunion de l'association est constitué par un nombre de membres égal
(i) à la moitié au moins du nombre des membres prévu par le texte législatif, si ce nombre est fixe, et
(ii) si le nombre de membres prévu par le texte législa- tif n'est pas fixe mais est compris dans des limites comportant un maximum ou un minimum, à la moitié au moins du nombre de membres en fonction, si ce nombre est compris dans ces limites; ... .
Lors de la présente «enquête», il y a eu d'une part une audience publique devant laquelle la Magnasonic et les autres parties, toutes repré- sentées par des avocats, ont apporté des élé- ments de preuve et ont eu la possibilité de faire valoir leurs prétentions à l'égard des preuves présentées. Toutefois il était entendu que, lors de cette audience, nul ne serait tenu de témoi- gner contre sa volonté s'il estimait qu'il devait divulguer des éléments «confidentiels». D'autre part, durant l'enquête un ou plusieurs membres du Tribunal ou le personnel du Tribunal, en dehors des séances, ont reçu la preuve confi- dentielle exigée par le Tribunal ou envoyée volontairement par le sous-ministre ou d'autres personnes. Enfin, durant l'enquête, un ou plu- sieurs membres de la Commission ou de son personnel se sont rendus dans les locaux des fabricants canadiens. Ils ont également fait une ou plusieurs entrevues au cours desquelles ils ont obtenu des éléments de preuve et des renseignements.
Il faut remarquer que le trait caractéristique de ce genre d'«enquête» est que, bien que les «parties» aient eu une connaissance complète de la preuve apportée lors de l'audience publi- que, elles n'avaient pas la possibilité de connaî- tre quelles autres preuves ou renseignements le Tribunal avait acceptés et n'avaient pas la pos- sibilité d'y répondre ou de faire valoir leurs prétentions à cet égard.
A notre avis, laissant de côté l'article 29(3) pour le moment, il ressort manifestement de toutes les dispositions applicables de la Loi antidumping que, pendant une enquête sur une question précise, ce Tribunal devait fonctionner selon le système d'un quorum de membres, siégeant ensemble, soit à huis-clos, soit en public, en présence de toutes les «parties» qui désiraient comparaître, soit en personne soit par l'entremise de leurs avocats ou mandataires. A notre avis, cette exigence expresse de la loi est soumise à une seule exception, rapportée à l'ar- ticle 28, en vertu duquel, si le président du Tribunal l'ordonne, un membre du Tribunal seul peut recevoir les témoignages. Mais, dans un tel
cas, il semble évident, et l'avocat du procureur général du Canada l'admet, que les parties sont fondées à se faire représenter de la même façon que si un quorum de membres siégeait. Le plus important, c'est que, lorsque la preuve est apportée de cette façon, il doit en être fait rapport au Tribunal et une copie dudit rapport doit être fournie à «chacune des parties» et on doit tenir en outre, une nouvelle audience pour que les parties puissent discuter la preuve sup- plémentaire «si, à sa discrétion, le Tribunal estime qu'il est souhaitable de le faire»; on doit supposer que, dans l'exercice approprié de sa discrétion, le Tribunal trouvera souhaitable de le faire en tous les cas la preuve supplémen- taire ainsi reçue peut avoir des conséquences. L'autorisation qu'un membre siège seul, prévue à l'article 28, souligne, à notre avis, la règle générale qu'on peut déduire des dispositions susmentionnées, règle selon laquelle une enquête doit être menée par un quorum de membres siégeant à huis-clos ou en public, de façon à permettre aux «parties» qui le désirent de comparaître ou d'être représentées.
Envisageons maintenant l'article 29(3) pour déterminer s'il entraîne une conclusion diffé- rente de celle qui découle des autres disposi tions de la loi lorsqu'on exclut ce texte.
On doit lire l'article 29(3) dans le contexte. Il vient après une disposition prévoyant que «Toutes les parties» ont le droit de comparaître en personne ou d'être représentées «lors de l'audition» et une autre disposition prévoyant qu'une audience peut, à la discrétion du Tribu nal ou du président «être tenue à huis-clos ou en public». L'article 29(3) prévoit en fait que «lorsque des témoignages ou des renseigne- ments qui sont d'une nature confidentielle, rela- tivement aux travaux ou aux affaires d'une per- sonne, d'une firme ou d'une corporation, sont fournis ou obtenus au cours d'une audition ..., les témoignages ne seront pas rendus publics de manière à pouvoir être utilisés par un concur rent ou par un rival commercial ...» . Il semble bien établi que ceci signifie que lorsque le Tri bunal accepte des témoignages confidentiels, on doit prendre des mesures pour qu'ils ne puissent pas être utilisés par un concurrent ou un rival commercial même si ce rival ou ce concurrent
est partie à l'enquête. En admettant que tel est l'effet de l'article 29(3), et sans exprimer d'opi- nion à cet égard, nous ne pensons pas que l'article 29(3) exige que l'on s'écarte du système des audiences prescrit par les autres disposi tions de la loi. Étant donné cette définition, il exige simplement que lorsque des renseigne- ments de nature confidentielle sont soumis à l'audience, on doit prendre une décision pour déterminer la marche à suivre pour se confor- mer à l'article 29(3). Il semble que dans un cas ordinaire, la première démarche qui vient à l'es- prit serait de recevoir les témoignages à huis- clos. Quant au reste de la procédure, elle peut varier selon les circonstances. A l'extrême, il pourrait être nécessaire, à notre avis, d'exclure tous les concurrents ou rivaux pendant la dépo- sition des témoignages et, après coup, de four- nir à ces parties le même genre de rapport de la preuve reçue en leur absence que celui prévu à l'article 28 pour ces parties lorsqu'il s'agit de preuve confidentielle.
Selon notre analyse du problème soulevé par cette demande, il ne s'agit pas d'un cas il faut examiner si la décision d'un tribunal affec- tera les droits ou intérêts d'une personne de telle façon qu'elle aurait droit à une audition impartiale ou équitable avant que la décision ne puisse être prise. A notre avis, la question en l'espèce est de savoir si on a omis de se confor- mer aux conditions statutaires fixées pour pren- dre la décision. Comparer avec l'arrêt Franklin c. Minister of Town and Country Planning [1948] A.C. 87, rendu par Lord Thankerton à la page 102.
Le Tribunal a pour seule fonction de mener des enquêtes en vertu de l'article 16 relative- ment aux marchandises auxquelles s'appliquent dés déterminations préliminaires du dumping et de rendre ensuite l'ordonnance ou de prendre les conclusions qui s'imposent (article 16(3)). 3
Quant à la conduite de ces enquêtes, la loi a prévu le système des audiences que j'ai men- tionné et a conféré aux «parties» (qui, à notre avis, doivent inclure l'«importateur» et les autres personnes précisées dans la loi et qui ont droit à l'avis de détermination préliminaire) le droit de comparaître à ces audiences ou d'y être représentées. En l'absence de toute indication claire à l'effet contraire dans la loi, nous n'a-
wons aucun doute qu'un tel droit implique que la partie a droit à une audition qui comprend à tout le moins une possibilité équitable de répon- dre à tout ce qui va à l'encontre de son intérêt et un droit de présenter ses prétentions relative- ment aux preuves sur lesquelles le Tribunal se propose de fonder sa décision. Le droit d'une partie de «comparaître» à une «audience» n'au- rait pas de portée réelle si la décision ne devait pas être fondée sur ladite «audience» ou si la partie n'avait pas le droit fondamental d'y être entendue.
A l'encontre de ce point de vue, on a dit que le but de la Loi antidumping est [TRADUCTION] «de protéger l'intérêt du public canadien des marchandises sous-évaluées qui peuvent causer un préjudice sensible ou retarder sensiblement la mise en production de marchandises sembla- bles au Canada» et, en conséquence, que l'en- quête est [TRADUCTION] «essentiellement une recherche des faits et n'implique pas de con frontation entre des parties opposées».
Nous admettons que le but de la loi est de protéger l'intérêt du public canadien des mar- chandises sous-évaluées qui peuvent causer un préjudice sensible ou retarder sensiblement la production au Canada et que l'enquête n'est pas, en tant que telle, une confrontation entre des parties opposées. Toutefois, il semble mani- feste que la raison d'être du Tribunal est que le Parlement a non seulement cherché un moyen de prémunir le pays contre les marchandises sous-évaluées lorsque leur importation risque de causer un préjudice à la production ou un retard dans celle-ci, mais aussi un moyen de ne pas empêcher l'importation des marchandises sous-évaluées lorsqu'elle ne risque pas de causer un tel préjudice ou retard (et, en consé- quence apporterait probablement aux consom- mateurs canadiens des marchandises moins chères sans causer aucun préjudice). En d'au- tres termes, si le Parlement ne se préoccupait pas du danger qu'il y a à se prémunir sans nécessité contre les marchandises sous-éva- luées, la loi aurait simplement interdit toute importation de telles marchandises.
L'une des méthodes que le Parlement aurait pu adopter pour déterminer si on devait inter- dire le dumping d'une catégorie précise de mar- chandises aurait pu être d'en charger un minis-
tère, en lui accordant les pouvoirs nécessaires pour obtenir les renseignements requis et pré- senter ses conclusions. Aucune «partie» n'au- rait alors eu droit à une audience. Au lieu de cela, le Parlement a choisi de créer une cour d'archives pour faire les enquêtes en question et a prévu qu'elles seraient menées au moyen d'audiences auxquelles ceux dont les intérêts économiques sont le plus nettement en cause des deux côtés auraient le droit de comparaître. Il est évident qu'on a pensé que le moyen le plus efficace d'atteindre une conclusion juste était de permettre aux parties opposées dont les intérêts économiques étaient en jeu d'exprimer leur point de vue, de sorte qu'ils puissent s'as- surer, en apportant des éléments de preuve et en présentant leurs prétentions, que la Commis sion prenait connaissance de tous les aspects de la question. Nous ne trouvons pas de méthode garantissant plus sûrement que la Commission n'errerait pas par manque de renseignements ou défaut d'un exposé approprié du problème. Sans aucun doute, l'expérience des pays de common law prouve qu'une telle méthode d'en- quête a des avantages substantiels par rapport au genre de résultats que l'on peut obtenir quand une personne désignée va recueillir des renseignements au moyen d'entrevues et d'inspections.
En outre, on ne peut omettre le fait que le Parlement a estimé approprié d'aviser le gou- vernement du pays de l'exportateur dès le tout début de l'affaire. Bien que nous ne le sachions pas, il se peut qu'en vertu de la convention internationale mentionnée à l'article 16(4) de la Loi antidumping, il soit opportun d'accorder à un tel gouvernement la possibilité de prendre part à une enquête de ce genre, du moins en qualité d'observateur.
On a aussi ajouté à l'encontre du point de vue que nous avons adopté, à savoir le droit de chaque partie à la possibilité équitable de pré- senter son point de vue sur l'affaire, qu'il est manifeste dans la loi que le Tribunal doit pour- suivre sa propre enquête avec son propre per sonnel et avec l'aide des ministères ou des organismes gouvernementaux. Nous sommes tout à fait d'accord avec le fait que le Tribunal peut par différents moyens rassembler les ren- seignements relatifs à l'affaire qui lui est sou-
mise. Il nous semble que la loi prévoit inclure ces éléments de preuve dans le dossier de l'af- faire, dans la mesure ils semblent utiles. Ceci doit se faire au cours des auditions, de la façon que le Tribunal choisit, à condition que la pro- cédure adoptée soit compatible avec le fait d'ac- corder aux «parties» la possibilité d'être enten- dues (l'une des façons évidentes consiste à inviter les avocats de la commission à soumet- tre leur preuve et à faire valoir leurs prétentions de la même façon que les avocats d'une partie).
Un autre argument avancé à l'encontre de la conclusion voulant que le Parlement ait donné aux parties le droit d'être entendues de la façon ordinaire est que, si elles avaient ce droit, il serait impossible, soutient-on, que le Tribunal se conforme aux exigences de l'article 16(3) de la loi selon lequel il doit statuer dans les 90 jours. Nous ne voyons pas d'incompatibilité entre ces deux exigences. Le Parlement a imposé une limite de temps au Tribunal ce qui implique une limite au temps qu'il peut accorder à chaque partie pour présenter son cas. Cela n'annule toutefois pas l'exigence selon laquelle elles doivent avoir la possibilité d'être enten- dues, exigence qui découle nécessairement des autres dispositions de la loi.
En conséquence, nous sommes d'avis que le Tribunal a pris la décision attaquée sans avoir mené l'enquête exigée par la loi, dans la mesure il a agi sur des renseignements qui ne lui avaient pas été communiqués au cours des audiences du Tribunal ou par un seul membre du Tribunal ainsi que le prévoit la loi; il s'ensuit que les parties n'ont pas eu la possibilité de répondre à ces renseignements (soit tels qu'ils avaient été obtenus ou, lorsqu'ils étaient fondés sur des communications confidentielles, tels que communiqués conformément à l'article 29(3)) ni de faire valoir leurs prétentions à cet égard.
Étant donné notre conclusion sur la question susmentionnée, il n'est pas nécessaire d'exami- ner les autres moyens invoqués contre la déci- sion du Tribunal.
A notre avis, la décision du Tribunal doit être infirmée. Mais, avant de ce faire, il faut enten- dre à nouveau les parties pour déterminer s'il y
a d'autres instructions que cette Cour doit ou devrait donner dans les circonstances, eu égard aux dispositions de l'article 52d) de la Loi sur la Cour fédérale.
1 13. (1) Le sous-ministre fait ouvrir immédiatement une enquête concernant le dumping de marchandises, de sa propre initiative ou sur réception d'une plainte écrite portée par des producteurs de marchandises semblables au Canada ou en leur nom,
a) s'il est d'avis qu'il y a des éléments de preuve indi- quant que les marchandises ont été ou sont sous-éva- luées; et
2 14. (1) Lorsqu'on n'a pas, en vertu du paragraphe 13(6), mis fin à une enquête concernant le dumping de marchandi- ses et que le sous-ministre, par suite de l'enquête, est convaincu,
a) que les marchandises ont été ou sont sous-évaluées, et
b) que la marge de dumping des marchandises sous-éva- luées et le volume réel ou éventuel du dumping ne sont pas négligeables,
il fait une détermination préliminaire du dumping spécifiant les marchandises ou la sorte de marchandises auxquelles cette détermination s'applique.
3 On doit envisager cette déclaration sous réserve des paragraphes (3), (7) et (8) de l'article 13 en vertu desquels on peut soumettre certaines questions au Tribunal. Toute- fois, il est significatif de noter que l'article 13(8) prévoit expressément que les questions ainsi soumises seront étu- diées «sans tenir d'audience».
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