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Surinder Nath Nanda, Kenneth Elwin Stoughton, Satyadas Bhatacharya, Charles Ralph Chaytor, Dirk Van Dalen et Thomas Lorne McAnulty (Appelants)
c.
Le comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique (Intime')
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Thurlow et Kerr—Ottawa, le 24 août 1971; le 14 janvier 1972.
Examen judiciaire—Décision du comité d'appel de la Fonction publique—Rejet des appels interjetés par des can- didats aux postes à pourvoir après leurs échecs—Refus d'entendre des témoins au sujet de la partialité d'un membre du jury d'appréciation—Décision infirmée—Nouvelle audi tion limitée à la preuve de ces témoins—Loi sur la Cour fédérale, art. 28, 52.
Les six appelants, vérificateurs 1 à la Fonction publique, furent des candidats malheureux à deux postes de vérifica- teurs 2 à pourvoir. Ils firent appel. Un des motifs de leur appel portait qu'un des membres du jury d'appréciation qui évalua leurs qualifications était partial. Un comité d'appel, établi en vertu de la Loi sur la Fonction publique, entendit leurs appels ensemble. Un témoin appelé par l'avocat des appelants rapporta qu'on lui avait parlé d'une réunion à laquelle un membre du jury d'appréciation déclara que, même s'il s'agissait d'un concours public [il fut transformé plus tard en concours restreint], il ferait son possible pour donner de l'avancement à trois des vérificateurs actuels mais qu'il prendrait au moins une personne de l'extérieur. On refusa à l'avocat des appelants l'autorisation d'appeler trois témoins qui avaient réellement entendu ces déclara- tions et, les appelants s'étant retirés de l'audition avant la fin, lesdits témoins ne furent jamais appelés. Le comité d'appel rejeta les appels des six appelants. Ils s'adressèrent alors à cette cour pour qu'elle annule la décision du comité d'appel en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, au motif, entre autres, que le comité avait omis d'observer un principe de justice naturelle en ne leur per- mettant pas d'appeler lesdits témoins.
Arrêt: l'appel est accueilli (le juge Kerr étant dissident).
Le juge en chef Jackett et le juge Thurlow: D'après la preuve, on peut raisonnablement considérer que le fait que le comité ait refusé d'entendre les témoins revenait à un refus total et général de les entendre sur une question pertinente. En conséquence, l'audition doit être reprise, mais, conformément à l'article 52 de la Loi sur la Cour fédérale, la nouvelle audition du comité doit se limiter à une enquête portant sur les déclarations des témoins. A la lumière de cette enquête, le comité devra revoir sa décision.
DEMANDES d'annulation de la décision du comité d'appel établi en vertu de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.C. 1966-67, c. 71.
M. W. Wright, c.r. et T. L. Shields pour les appelants.
I. Whitehall pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Il s'agit en l'espèce d'une demande d'examen et d'annulation, introduite par les six personnes citées dans l'intitulé de la cause', d'une décision de Mme Irène G. Clapham qui constituait un «comité» établi par la Commission de la Fonc- tion publique en vertu de l'article 45(1) du Règlement de la Fonction publique pour enten- dre l'«appel» de chacun des requérants interjeté en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique S.C. 1966-67, c. 71; [S.R.C. 1970, c. P-32]. La «décision» en ques tion, rendue à Toronto, est datée des 17 et 18 mai 1971 et consiste en un document de sept pages dans lequel Mme Clapham étudie les [TRA- DUCTION] «différents motifs d'appel» présentés au nom de tous les «appelants» que suivent deux ou trois pages portant sur les «mérites» de chacun des appelants.' Ces appels ont été intro- duits par suite de la «nomination» de deux personnes autres que les requérants conformé- ment à un choix effectué dans le cadre du concours 71-DSS-CC-7, AU1 (vérificateur prin cipal), ministère des Approvisionnements et Services, Toronto (Ontario).'
Ni le document énonçant les nominations dont il est fait appel ni aucun de ceux relatifs aux démarches préliminaires (si ce n'est l'avis de concours et le rapport du «comité» de sélec- tion, rapport auquel on se référera plus tard) n'ont été déposés à la Cour. Toutefois, comme il est acquis qu'il s'agissait d'un «appel» inter- jeté en vertu de l'article 21 de. la Loi sur l'em- ploi dans la Fonction publique contre les nomi nations de personnes déjà membres de la Fonction publique et qui ont été choisies pour être nommées à un poste par suite d'un con- cours restreint, il semble à tout le moins que les dispositions suivantes de la Loi font partie de l'arrière-plan statutaire, savoir:
2. (1) Dans la présente loi,
a) «concours restreint» désigne un concours ouvert seule- ment aux personnes employées dans la Fonction publique;
D «concours public» désigne un concours ouvert aux personnes employées dans la Fonction publique de même qu'à celles qui ne le sont pas;
8. Sauf ce que prévoit la présente loi, la Commission possède de façon exclusive le droit et l'autorité de nommer à des postes de la Fonction publique des personnes qui sont déjà membres de la Fonction publique ou qui n'en font pas partie, la nomination n'est ni autorisée ni prévue par quel- que autre loi du Parlement.
10. Les nominations à des postes de la Fonction publi- que, faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des personnes qui n'en font pas partie, doivent être faites selon une sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commission; elles sont faites par la Commission à la demande du sous-chef en cause, à la suite d'un concours, ou selon telle autre méthode de sélection du personnel établie afin de déterminer le mérite des candidats que la Commis sion estime la mieux adaptée aux intérêts de la Fonction publique.
12. (1) La Commission peut, en déterminant conformé- ment à l'article 10 le principe de l'évaluation du mérite, en ce qui concerne tout poste ou classe de postes, prescrire des normes de sélection visant l'instruction, les connaissances, l'expérience, la langue, l'âge, la résidence ou toute autre question que la Commission juge nécessaire ou souhaitable, compte tenu de la nature des fonctions à accomplir. Cepen- dant, ces normes de sélection ne doivent pas être incompati bles avec les normes de classification établies en vertu de la Loi sur l'administration financière pour ce poste ou tout poste de cette classe.
13. Avant de tenir un concours, la Commission doit
a) déterminer la région les postulants sont tenus de résider afin d'être admissibles à une nomination; et
b) dans le cas d'un concours restreint, déterminer la partie, s'il en est, de la Fonction publique, ainsi que la nature des fonctions et le niveau des postes, s'il en est, les candidats éventuels doivent obligatoirement être employés afin d'être admissibles à une nomination.
14. (1) La Commission doit donner, au sujet d'un con- cours projeté, l'avis qui, selon son estimation, fournira à toutes les personnes admissibles une occasion raisonnable de faire une demande.
15. Les demandes doivent être rédigées suivant la for- mule qu'établit la Commission et être faites et vérifiées de la manière que prescrit cette dernière.
16. (1) La Commission doit examiner et étudier toutes les demandes reçues dans le délai qu'elle a fixé pour leur réception. Après avoir considéré les autres documents et tenu les examens, épreuves, entrevues et enquêtes qu'elle estime nécessaires ou désirables, elle doit choisir les candi- dats ayant les qualités requises pour remplir le poste ou les postes relativement auxquels le concours est tenu.
17. (1) Parmi les candidats qualifiés inscrits à un con- cours, la Commission doit choisir ceux qui occupent les premiers rangs et placer leurs noms sur une ou plusieurs listes, dites listes d'admissibilité, selon qu'elle l'estime nécessaire pour suppléer à une vacance ou à des vacances anticipées.
(3) En établissant une liste d'admissibilité dans le cas d'un concours restreint, la Commission doit y inscrire les candidats qualifiés par ordre de mérite.
18. Lorsqu'une nomination prévue par la présente loi doit être faite à un poste quelconque à la suite d'un concours, la personne à nommer doit être choisie sur une liste d'admissi- bilité établie pour ce poste ou pour des postes à des niveaux comparables et comportant des occupations semblables; toutefois, si cette liste est épuisée, le titulaire peut être choisi sur une liste d'admissibilité établie pour des postes comportant des occupations semblables mais situés à un niveau supérieur.
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est
nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à
cette fin au sein de la Fonction publique a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non reçu,...
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre et la Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
En bref, le schéma d'une nomination à la Fonction publique, faite parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des personnes qui n'en font pas partie, comme le prévoient ces
dispositions, comprend les étapes suivantes (pour ce qui nous concerne):
1. Le «sous-chef en cause» demande qu'à la suite d'un concours la Commission de la Fonction publique nomme à un poste de la Fonction publique une personne qui en est déjà membre ou une personne qui n'en fait pas partie (article 10);
2. Quand on veut faire une nomination par «concours», la Commission doit prendre cer- taines mesures préliminaires (articles 13, 14 et 15);
3. La Commission doit étudier toutes les demandes reçues dans les délais et, après avoir considéré tout autre document et tenu les examens, etc., qu'elle estime nécessaires ou désirables, elle doit choisir les candidats ayant les qualités requises (article 16(1));
4. Parmi les candidats qualifiés, la Commis sion doit choisir ceux qui occupent les pre miers rangs et placer leurs noms sur une ou plusieurs listes dites «listes d'admissibilité» (article 17);
5. Une nomination «à la suite d'un concours» est effectuée par la Commission (article 10) à partir de la liste d'admissibilité (article 18).
Comme il l'a déjà été mentionné, nous n'a- vons, à la Cour, aucun document rapportant que la «Commission» ait «choisi» des candidats, établi une liste d'admissibilité ou effectué des nominations. Cependant, nous avons en fait un «Rapport du comité» qui expose que «ce comité» a été «tenu ... par la Commission de la Fonction publique», et qui est apparemment un rapport du «comité» créé par la Commission de la Fonction publique pour tenir en son nom certains concours conformément à la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Ce rapport conclut que, des «candidats» qu'il mentionne, seulement deux ont réussi et il en donne la liste par ordre de mérite. Étant donné que ce docu ment a fait l'objet de l'appel qui a donné lieu à la décision attaquée dans la présente demande et que cet appel a été considéré par tous les intéressés comme tombant dans le cadre de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonc- tion publique, on peut présumer que la Fonction publique l'a adopté et qu'il peut être assimilé à un choix de candidats par la Commission au sens de l'article 16 de la Loi.
En outre, on peut présumer
a) qu'en l'espèce le sous-chef compétent a demandé à la Commission de la Fonction publique que certaines nominations soient faites par concours;
b) qu'on a effectué les démarches préliminai- res prévues par la loi;
c) que les requérants et d'autres personnes ont déposé leur demande pour les emplois en jeu; et
d) que la Commission a établi le «jury d'exa- men» pour conduire le concours en son nom.
J'en viens maintenant aux dispositions relati ves à l'«appel», qui a donné lieu à la décision attaquée devant cette Cour. Pour plus de com- modité, je répète l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Cet article est rédigé ainsi:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non reçu,...
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre et la Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
Conformément à l'article 33 de la Loi qui est rédigé ainsi:
33. Sous réserve de la présente loi, la Commission peut établir les règlements qu'elle juge nécessaires à l'application et à la mise en oeuvre de la présente loi.
la Commission de la Fonction publique a établi les Règlements sur l'emploi dans la Fonction publique, qui contient, sous le titre «Appels», les dispositions suivantes relatives au «choix d'une personne pour une nomination» par «con- cours restreint»:
40. Lorsque le choix d'une personne est fait, pour une nomination parmi les personnes qui sont déjà membres de la Fonction publique par concours restreint, l'agent du person nel responsable
a) doit donner à chaque candidat une déclaration écrite qui indique
(i) le statut de candidat dans le concours, et
(ii) lorsque le candidat n'a pas réussi, le droit dont il dispose, en vertu de l'article 21 de la Loi, d'en appeler de la nomination, et le délai, prescrit par l'article 42 du présent règlement pendant lequel l'appel doit être fait; et
b) peut fournir, à chaque candidat, les renseignements relatifs à la participation du candidat au concours que l'agent du personnel responsable considère appropriés.
42. Chaque appel en vertu de l'article 21 de la Loi doit être fait
a) dans le cas prévu à l'article 40 du présent règlement, dans les quatorze jours à compter de celui la déclara- tion mentionnée à cet article est envoyée à la personne qui se propose de faire appel; .. .
44. (1) Chaque appel interjeté en vertu de l'article 21 ou de l'article 31 de la Loi doit être fait par écrit et adressé à la Commission et doit indiquer les motifs sur lesquels il se fonde; cet écrit est ci-après appelé le «document d'appel».
45. (1) Sur réception par la Commission du document d'appel mentionné à l'article 44, celle-ci doit
a) établir un comité formé d'une ou plusieurs personnes, chargé de faire enquête en la matière, et remettre au comité le document d'appel, et
b) envoyer une copie du document d'appel au sous-chef en cause.
(2) Sous réserve des dispositions des articles 46 et 47, d'autres démarches relatives à l'enquête doivent être faites comme la Commission le décide.
46. Le comité établi pour mener l'enquête mentionnée à l'article 45 doit aviser au moins trois jours à l'avance la personne qui fait appel et le sous-chef en cause, ou leurs représentants, du temps et du lieu qu'il a fixés pour tenir l'enquête.
47. Dès que possible une fois l'enquête terminée, le comité doit rendre sa décision sur l'enquête et doit en envoyer une copie accompagnée d'un exposé des motifs de sa décision à la Commission, au sous-chef en cause et à la personne qui a interjeté appel.
On ne trouve pas de date sur le rapport du «comité» qui effectua la sélection dans ce cas-ci. (Il semble qu'en général ce genre de comité s'appelle jury d'appréciation ou jury d'e- xamen.) C'est apparemment pendant la semaine du 15 février 1971 que le jury d'examen a effectué son travail.
Conformément aux exigences de l'article 44(1) des Règlements sur l'emploi dans la Fonc- tion publique, les requérants à cette action ont respectivement exposés les «motifs» sur les- quels ils se fondent pour interjeter appel en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, de la manière suivante:
M. S. N. Nanda: [TRADUCTION] «On n'a pas bien pris en considération mes qualifications et mon expérience en vue du choix des candi- dats reçus.»
M. K. E. Stoughton: [TRADUCTION] «... on n'a pas bien pris en considération mes qualifi cations en vue du choix des candidats reçus au concours susmentionné.»
M. S. Bhatacharya: [TRADUCTION] «... on n'a pas bien pris en considération mes qualifi cations en vue du choix des candidats reçus au concours susmentionné.»
M. C. R. Chaytor: [TRADUCTION] «1. Le con- cours a été mal annoncé.
2. Il n'y a pas de notes disponibles pour évaluer les candidats.
3. Il y a des rapports contradictoires concer- nant les renseignements utilisés pour évaluer les candidats.
4. Mon directeur n'a pas été consulté.
5. Mes qualifications n'ont pas été bien évaluées.»
M. D. Van Dalen: [TRADUCTION] «... on n'a pas bien pris en considération mes qualifica tions en vue du choix des candidats reçus au concours susmentionné.»
M. Th. McAnulty: [TRADUCTION] «1. L'avis de concours n'a pas été régulièrement affiché mais envoyé par la poste à certaines person- nes seulement; il était rédigé uniquement en anglais.
2. Aucun examen écrit approuvé par la Com mission de la Fonction publique n'a été tenu; seul un examen oral a eu lieu. Rien n'indi- quait que les mêmes questions ont été posées à tous les candidats.
3. On n'a pas gardé de document indiquant les notes possibles et celles obtenues par l'appelant.
4. Bien que mon entrevue ait été prévue pour 11h. du matin elle n'a pas commencé avant
11h45 et s'est poursuivie jusqu'à 13h20, soit pendant mon heure habituelle de déjeuner.»
Le 7 mai 1971, M. H. E. Done, Directeur adjoint des appels et griefs de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, écrivit la lettre suivante au Directeur de la Direction des appels de la Commission de la Fonction publique:
[TRADUCTION] J'ai été nommé pour représenter les appe- lants dont les noms figurent ci-dessous lors de l'audition de leurs appels qui se tiendra à Toronto à 13h30 le 17 mai 1971.
MM. C. R. Chaytor.
S. Batacharya. F. E. Lynch.
T. L. McAnulty. S. Nanda.
K. E. Stoughton. D. VanDalen.
Chacun des appelants m'a demandé de vous faire savoir en son nom qu'il souhaite amplifier son document d'appel pour indiquer qu'il contestera les nominations faites par suite du concours No 71-DSS-CC-7 aux motifs que:
a) le concours n'a pas été régulièrement annoncé,
b) le jury d'examen n'a pas été régulièrement constitué,
c) l'un des candidats choisis n'a pas les qualifications minimales requises pour le poste,
d) le comité a commis une erreur en déclarant qu'il n'était pas qualifié pour le poste de AU 2.
Étant donné que leur présence est capitale pour notre action, nous saurions gré au comité de demander aux per- sonnes suivantes d'assister à l'audition:
M. W. E. Devine,
Coordonnateur de dotation en personnel
Programme B de dotation en cadres administratifs
et
M. R. Landriault,
Agent de dotation en personnel, Ottawa,
Ministère des Approvisionnements et Services.
Je vous saurais gré de m'envoyer copie de toute corres- pondance ultérieure concernant ces appels.
Mme Irène G. Clapham, qui faisait vraisembla- blement fonction de comité à cette fin en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, entendit les appels des requérants les 17 et 18 mai 1971 à Toronto. Comme nous l'avons déjà indiqué, le comité rédigea un rapport qui contient d'abord 7 pages exposant les motifs principaux d'appel présen-
tés au nom de tous les requérants. Voici un extrait de cette partie du rapport:
[TRADUCTION] MM. S. N. Nanda, K. E. Stoughton, S. Bhatacharya, C. R. Chaytor, D. VanDalen et T. L. McA- nulty interjettent appel de la nomination de MM. P. H. Thomas et D. S. Prinsloo dans le cadre du concours 71- DSS-CC-7, AU 2 (Vérificateur principal), ministère des Approvisionnements et Services, Toronto (Ontario).
Le représentant du ministère déclare que le choix avait été effectué dans le cadre d'un concours restreint, confor- mément à l'article 7(1)a) des Règlements sur l'emploi dans la Fonction publique.
Le ministère expliqua que tous les vérificateurs 1 du ministère à Toronto avaient été informés par lettre qu'un concours restreint pour le poste de vérificateur 2 allait être tenu. On leur demandait d'indiquer s'ils désiraient poser leur candidature pour ces postes. On ne leur demandait pas de présenter des demandes d'emploi officielles puisque leur dossier personnel contenait tous les renseignements néces- saires. Quinze employés, y compris les appelants, demandè- rent qu'on étudie leur candidature et furent convoqués à l'entrevue.
Le jury d'examen évalua les candidats en se fondant sur un examen de leur dossier personnel et du dernier rapport d'appréciation, sur des échanges de vues avec leurs supé- rieurs et sur les résultats des entrevues.
Le comité d'appel étudiera tout d'abord l'ensemble des arguments avancés au nom de tous les appelants.
En premier lieu, voyons l'argument selon lequel le jury d'examen n'a pas été régulièrement constitué. Les appelants font état du chapitre 10, section 13 du Manuel de dotation en personnel de la Commission de la Fonction publique, dont voici l'extrait pertinent:
Quand on se sert d'une entrevue pour apprécier les quali- tés d'un candidat, tous les membres du jury doivent être au courant des fonctions, des qualités requises et des normes de sélection. Ils doivent aussi interroger les candi- dats de façon systématique. Toutes les questions doivent paraître raisonnables au candidat et c'est le devoir des agents de dotation en personnel de veiller à ce que la composition du jury et la façon de répartir les matières sur lesquelles on interrogea le candidat favorisent l'unité et la participation de tous. [TRADUCTION] S'il y a trop de membres, le degré de participation de chacun sera réduit à un tel point qu'il pourra sembler être, à un moment ou à un autre, un simple «observateur».
Les appelants ont soutenu que ce texte signifiait que toute personne faisant partie du jury d'examen doit connaî- tre toutes les tâches, spécialisées ou autres, que les candi- dats reçus devront exécuter. L'un des membres du jury d'examen, M. W. E. Devine, agent de la Commission de la Fonction publique, n'avait pas la compétence nécessaire pour siéger au jury d'examen puisqu'il n'a aucune des qualifications techniques des vérificateurs. Tout en étant. qualifié d'un point de vue technique, un autre membre du jury d'examen, M. J. H. Freke, aurait s'exclure de lui-même car il avait des idées préconçues. On l'a entendu faire certaines remarques sur l'issue du concours. Des trois
membres du jury d'examen, seul M. Freke était vraiment au fait des fonctions de ces postes et il était partial. Le troi- sième membre, M. R. Landriault, n'avait pas une connais- sance adéquate des fonctions des postes à pourvoir.
Le ministère répondit que M. Devine était un agent de la Commission de la Fonction publique tout à fait compétent pour remplir les fonctions de membre du jury d'examen. Il s'occupait pour la Commission du programme de dotation en personnel des vérificateurs, il était conseiller auprès des ministères en ce qui concerne les vérificateurs et il avait donné des cours et des conférences sur les techniques de la vérification et sur le choix des vérificateurs. Il était, par conséquent, extrêmement bien qualifié pour remplir les fonctions de président du jury d'examen. M. R. Landriault avait une grande expérience des questions de dotation en personnel, étant lui-même agent du personnel au sein du ministère, tandis que M. Freke, sous les ordres duquel les personnes nommées aux postes à pourvoir travailleraient, occupait la fonction de directeur du bureau des services de vérification à Toronto.
Le ministère ajouta que les appelants avaient mal inter- prété le Manuel de dotation en personnel et que la Commis sion n'avait jamais eu l'intention de constituer les jury d'examen de spécialistes à l'exclusion de tous autres mem- bres qui pourraient contribuer fructueusement à ses délibé- rations. Le ministère nia que M. Freke ait jamais été partial et souligna qu'aucune preuve n'avait été apportée pour appuyer cette prétention.
Ce comité d'appel estime que ce motif d'appel est absolu- ment sans fondement et accepte la réponse du ministère sans hésitation. Deux des membres du jury d'examen sont parfaitement qualifiés d'un point de vue technique et le troisième est un agent du personnel dont la compétence est plus que conforme au critère du Manuel de dotation en personnel. Le Manuel exige seulement que les membres du jury d'examen soient «au courant des fonctions, des quali- tés requises et des normes de sélection...». Les appelants n'ont pas démontré que parmi les membres du jury d'exa- men certains ne remplissaient pas cette exigence.
Quant à la prétention selon laquelle M. Freke était partial, le comité d'appel estime que la preuve apportée par les appelants est aussi sans fondement. Il est totalement insuffi- sant de mentionner hors du contexte des conversations à bâtons rompus pendant la pause-café. Les prétendues remarques de M. Freke ne prouvent rien du tout et le comité d'appel ne les prendra pas en considération.
Les différents motifs communs d'appel, bien que labo- rieusement soutenus par les appelants, ne contiennent aucune raison valable pour que ces appels soient accueillis. Les questions soulevées sont sans fondement et c'est sans hésitation que le comité d'appel les rejette pour se pencher sur les appels particuliers des six appelants.
Le représentant des appelants s'est retiré de l'audition avant que chaque cas particulier ait été entendu, excepté celui de M. Nanda. Il a déclaré: «Je suis consterné et désabusé de voir le peu de sérieux de cette audition et la façon dont elle est conduite. Il serait de toute manière inutile d'étudier le bien-fondé de chaque cas particulier.»
Les appelants n'ayant pas mentionné qu'ils voulaient se désister de leurs appels, le comité d'appel leur fit savoir que l'audition continuerait en leur absence et en celle de leur représentant.
A la suite de cette partie du rapport, on trouve une section distincte traitant des «mérites» de chaque requérant.
L'action devant cette Cour est intentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale dont le paragraphe (1) est le suivant:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une déci- sion ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédures devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la com mission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Voici un extrait de la demande d'examen et d'annulation introduite en vertu de l'article 28:
[TRADUCTION] SACHEZ que les appelants susmentionnés demandent par les présentes que cette Cour examine et annule une décision de l'intimé rendue par Mme Irène G. Clapham, présidente du comité, décision que l'intimé a rendue publique le 8 juin 1971, aux motifs suivants:
1. La présidente du comité d'appel a omis d'observer les principes de justice naturelle dans la mesure où:
a) elle n'a pas accordé au représentant des appelants la possibilité d'appeler des témoins,
b) elle a insisté pour que les appelants fassent leur exposé final avant d'entendre la déposition du ministère des Approvisionnements et Services,
c) sans que la personne comparaissant pour les appelants y consente, elle a remis ses notes écrites à celle qui représentait le ministère des Approvisionnements et Services,
d)4
e) elle a refusé à la personne comparaissant pour les appelants la possibilité d'apporter des arguments en réponse.
2. La présidente du comité d'appel a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire, car,
a) à la page 4 de ladite décision, elle a jugé que les paroles de M. Freke était une «conversation à bâtons rompus pendant la pause-café» sans tenir compte de toute la preuve relative à cette question.
Bien que la demande contienne un autre motif de demande d'examen et d'annulation de la décision du comité d'appel constitué en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique pour statuer sur l'appel des requérants, leur exposé des faits et du droit, tel que rédigé, et la plaidoirie de leur avocat, à mon avis, se limitaient au motif que Mme Irène G. Clapham, qui constitue le «comité» d'appel, a omis d'observer les principes fondamentaux de justice naturelle [TRADUCTION] «et le principe audi alteram partem, dans la mesure elle n'a pas donné au représentant des requérants une occasion équitable d'exposer leur affaire.» Les différents points sur lesquels elle a ainsi failli, selon les requérants, sont énoncés dans cinq alinéas différents de leur exposé des faits et du droit déposé à la Cour.
Puisqu'il n'y a pas de compte-rendu sténogra- phié de ce qui s'est passé à l'audition des appels et que les parties n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur les faits qu'elles estimaient perti- nents, elles ont pu déposer des affidavits et faire des contre-interrogatoires fondés sur leurs affidavits respectifs.
Je vais maintenant résumer, du mieux possi ble, l'«audition» des appels pour faciliter la compréhension de la suite des événements dans la mesure ils ont été établis par les docu ments soumis à la Cour et ils portent sur des arguments qui y ont été présentés.
Le comité d'appel a siégé à Toronto les 17 et 18 mai 1971. M. Harold Edward Done, Direc- teur adjoint des appels et des griefs de l'Al- liance de la Fonction publique du Canada, représentait les requérants, qui étaient tous dans la salle d'audition. M. E. F. Coffin repré- sentait le ministère des Approvisionnements et Services. En outre, d'autres personnes étaient présentes pour seconder M. Coffin, entre autres, M. W. E. Devine qui avait présidé le jury d'examen et M. John Freke qui en avait été membre.
A l'ouverture, Mme Clapham expliqua ainsi la façon dont elle mènerait l'audition:
[TRADUCTION] a) En tant que présidente, je lirai d'abord certains documents en ma possession et ils seront ensuite déposés en preuve;
b) Le ministère expliquera la procédure suivie par le jury d'examen et les motifs de l'échec des appelants;
c) Le représentant des appelants pourra poser des ques tions au ministère;
d) Le représentant des appelants présentera son argumentation;
e) Le représentant du ministère pourra alors poser des questions. Si l'appelant est appelé en personne, alors tant le ministère que moi-même pourrons lui poser des questions;
f) Le ministère pourra alors commenter ou réfuter les points soulevés par les appelants;
g) Si le ministère a apporté de nouveaux éléments de preuve, les appelants pourront alors en apporter la preuve contraire;
h) Chaque partie pourra tirer ses conclusions;
i) Après un examen de la preuve, je ferai connaître ma décision en temps utile au représentant des appelants et au ministère.
Après cette explication, Mme Clapham convia le représentant des appelants et le ministère à poser des questions s'ils n'avaient pas compris certains points de la procédure. Ils n'en posè- rent aucune et ne soulevèrent pas d'objection quant à la procédure proposée.
Lorsque M. Coffin, représentant du minis- tère, entama son explication préliminaire sur le jury de sélection et son fonctionnement, M. Done fit objection, vraisemblablement aux motifs que les déclarations de M. Coffin étaient des «ouï-dire» et il [TRADUCTION] «exigea que le comité d'appel demande à M. W. E. Devine qui était présent et avait présidé le jury d'exa- men, d'expliquer la procédure suivie par ce jury pour faire son évaluation». L'objection fut reje- tée et la requête refusée. A l'issue de l'explica- tion de M. Coffin, M. Done profita de la possi- bilité qu'on lui avait offerte de poser des questions à M. Coffin.
Par la suite, M. Done eut la possibilité de poser des questions à M. Devine, mais, lorsqu'il essaya de lui demander quelles étaient ses quali fications pour siéger au jury d'examen, Mme Clapham s'y opposa. Maintenant, Mme Clapham
déclare que l'explication qu'elle a donnée à ce moment-là de son refus était qu'à ce «moment» précis de l'audition, [TRADUCTION] «c'était la procédure suivie lors de l'audition tenue par le jury d'examen qui était en cause et non les qualifications des membres de ce jury». En outre, elle déclare qu'elle [TRADUCTION] «expli- qua à M. Done que s'il désirait mettre en doute les qualifications de M. Devine, il pourrait le faire plus tard, et que le ministère devrait alors répondre à ses allégations». Elle ajoute en outre maintenant qu'il lui semblait [TRADUCTION] «que la question soulevée par M. Done n'était pas de savoir si M. Devine avait les qualifica tions qu'on lui supposait, mais de savoir si ces qualifications étaient suffisantes pour l'autori- ser à être membre dudit jury d'examen».
Après le «témoignage» de M. Devine, un autre membre du jury d'examen, M. John H. Freke, fut interrogé par M. Done.
Selon Mme Clapham, après les «témoignages» susmentionnés du ministère, elle demanda à M. Done d'entamer sa «cause». Selon les requé- rants, M. Done expliqua à M me Clapham qu'il avait trois arguments d'intérêt général à exposer qui s'appliquaient également à tous les appe- lants en l'espèce et il [TRADUCTION] «continua alors avec l'appel de M. S. N. Nanda ...».
En tout cas, M. Done -appela alors un des requérants, M. Nanda, à témoigner, ce que ce dernier fit. Il y a désaccord quant à ce qui s'est produit à ce stade. A mon avis, mon explication de la position du requérant sera plus claire si je cite le paragraphe 10 de l'affidavit de M. Done, que voici:
[TRADUCTION] Pendant son témoignage, M. Nanda déclara qu'on lui avait parlé d'une réunion tenue par M. Freke à laquelle ce dernier déclara que même si c'était un concours public, il ferait son possible pour donner de l'avancement à trois vérificateurs actuels candidats au concours, mais qu'il prendrait certainement au moins une personne de l'exté- rieur. Comme il ne s'agissait pas d'une preuve directe, je proposai alors d'appeler trois témoins qui avaient assisté à la réunion. La présidente s'opposa à ce que j'appelle des témoins pour appuyer ce point de vue et déclara que M. Nanda en avait déjà parlé et qu'il ne rimait à rien que trois autres personnes lui racontent la même chose. Je lui rappe- lai que M. Nanda nous avait déclaré tout à fait franchement qu'il n'avait pas assisté personnellement à la réunion et que d'autres personnes lui avaient rapporté ces observations soi-disant faites par M. Freke. La présidente continua néan-
moins à s'opposer à ce que j'appelle ces trois témoins pour confirmer cet élément de preuve.
Selon l'intimé, bien que les trois témoins en question n'aient pas eu l'autorisation de témoi- gner à ce moment de la procédure, on ne leur a pas opposé un refus définitif; il était entendu qu'on y procéderait éventuellement. Lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, Mme Clapham déclare que, lorsque M. Nanda évoqua dans son témoignage la conversation que M. Freke avait eu avec son personnel et que les requérants souhaitèrent appeler des témoins au sujet de la conversation qui avait réellement eu lieu, elle avait dit à M. Done que [TRADUCTION] «puisque chaque appelant devait témoigner à son tour et comme j'avais accepté la preuve qui avait été produite, et le fait que cette conversation avait eu lieu, et puisque les appelants devaient témoigner ils pourraient alors souligner ce point puisqu'ils furent témoins de cette conversation». Dans son affidavit déposé à la Cour, Mme Clapham explique pourquoi elle [TRADUCTION] «n'avait pas jugé» que la conversation de M. Freke était pertinente. Voir les paragraphes 29 et 30 de son affidavit que voici:
[TRADUCTION] 29. Que M. John H. Freke a alors témoigné sur le point que M. Nanda avait soulevé dans son témoi- gnage au sujet d'une conversation au cours de laquelle ledit M. Freke a dit qu'il serait de l'intérêt du ministère si certains postes étaient pourvus par des personnes de l'exté- rieur, si toutefois on pouvait trouver des «as».
30. Que puisque la conversation susmentionnée avait eu lieu avant le 'concours restreint (concours dont il est fait appel) et à un moment le concours était public, je n'ai pas estimé cette conversation pertinente.
Après la déposition de M. Nanda, M. Done a fait valoir ses arguments sur les questions d'in- térêt général qu'il avait mentionnées aupara- vant. Toutefois, il y a une divergence entre M. Done et Mme Clapham quant à savoir ce qu'on lui avait demandé de faire à ce point. Mme Clapham déclare: [TRADUCTION] «J'ai demandé à M. Done d'exposer ses arguments portant pourquoi il ne fallait pas confirmer la décision du jury d'examen». M. Done déclare: [TRADUC- TION] «J'ai alors terminé l'exposé de la cause de M. Nanda et j'ai attendu que le ministère fasse son exposé. Toutefois, la présidente m'a fait savoir que si j'avais des arguments à présenter au nom de M. Nanda, je devrais le faire mainte-
nant. J'ai répondu que, n'ayant pas encore entendu le point de vue du ministère, je ne pouvais pas faire d'observations appropriées au nom de M. Nanda. La présidente me rappela qu'elle avait le privilège de mener l'audition à sa façon et que c'était sa façon habituelle de pro- céder. Il ne me restait plus qu'à plaider la cause de M. Nanda.» En tout cas, M. Done a ensuite fait valoir ses arguments qui suivaient plus ou moins précisément des notes préparées pour l'«exposé d'intérêt général» applicable aux cas de tous les appelants et il a soumis aussi des prétentions qui s'appliquaient seulement ou spé- cifiquement à la cause de M. Nanda.
Une autre question litigieuse se rattache aux circonstances dans lesquelles, avec une grande réticence, M. Done mit ses notes sur l'exposé d'intérêt général à la disposition de Mme Clapham, notes qu'elle mit à la disposition de M. Coffin pour qu'elle-même et ce dernier puis- sent les suivre sans avoir à prendre de notes tandis que M. Done les lisait.
A l'issue de l'exposé de M. Done, l'audition fut ajournée jusqu'au lendemain.
Le lendemain, le représentant du ministère, M. Coffin, invita M. Freke à témoigner, M. Freke invita un ou plusieurs de ses «subordon- nés» à témoigner et M. Done posa des questions à M. Freke et au moins à certaines autres per- sonnes. Puis, M. Coffin [TRADUCTION] «pré- senta ses conclusions».
Deux questions litigieuses surgissent à ce point. La meilleure façon de les exposer est de citer un extrait de l'affidavit de M. Done. La première est soulevée par les paragraphes 21 et 22 de l'affidavit, que voici:
[TRADUCTION] 21. Lors du contre-interrogatoire de M. Freke que j'ai effectué, il admit qu'il avait tenu ce qu'il décrivit comme une réunion impromptue pendant une pause-café et qu'il expliqua alors aux vérificateurs que, bien qu'il s'agisse d'un concours public, au moins un ou deux des vérificateurs actuels du ministère obtiendraient de l'avancement à cette occasion.
22. A l'issue de l'exposé du ministère, comme M. Freke avait témoigné au sujet de cette réunion et prétendu qu'elle s'était tenue sans façon et tout à fait par hasard pendant une pause-café, j'ai demandé la possibilité de citer des témoins qui puissent parler de cette réunion. Leur témoignage aurait démontré qu'en fait, M. Freke avait fait savoir dans le ministère qu'une réunion allait être tenue pour discuter des concours en instance. Une
fois encore, la présidente s'opposa à ce que je puisse citer ces témoins.
L'intimé ne reconnaît pas cet incident, mais il est corroboré dans une certaine mesure par le témoignage de M. Coffin. La seconde question litigieuse portant sur ce point dans la procédure ressort du paragraphe 24 de l'affidavit de M. Done qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] 24. Dans son exposé, M. Coffin décrivit les qualifications de M. Devine, président du jury d'examen. Je m'opposai à cette méthode de détermination des quali fications du jury d'examen étant donné qu'aucune preuve des qualifications d'aucun des membres du jury n'avait pu être faite. En outre, je rappelai à la présidente que les observations de M. Coffin étaient tout à fait inappro- priées et qu'elle ne devrait pas lui permettre de continuer parce que je n'avais pas la possibilité de vérifier l'exacti- tude de ses propos. La présidente répondit que M. Coffin pouvait, dans son exposé, faire toutes les déclarations qu'il voulait.
L'intimé prétend que M. Coffin et M. Devine parlèrent des qualifications et du poste de M. Devine et qu'ils pouvaient être contre-interro- gés sur ces sujets avant que M. Coffin n'expose la preuve contraire.
Il semblerait ressortir du contre-interrogatoire de M. Done sur son affidavit qu'après que M. Coffin a présenté ses conclusions, M. Done n'a pas [TRADUCTION] «repris la parole» mais a demandé un ajournement ou a utilisé l'ajourne- ment du déjeuner pour rencontrer tous les requérants qui saisirent l'occasion pour lui faire savoir [TRADUCTION] «qu'à leur avis, la prési- dente n'était pas compétente pour entendre cet appel et qu'il ne rimait à rien de discuter le bien-fondé des autres causes». A la reprise de l'audition, il en informa Mme Clapham. Il lui exposa qu'il ne voyait pas pourquoi il continue- rait et qu'il avait reçu instruction de se retirer et d'appuyer sa cause [TRADUCTION] «sur les trois points principaux» qui s'appliquaient à chacun des appelants. Mme Clapham lui fit savoir qu'elle poursuivrait l'audition des appels en son absence et il lui répondit que c'était son droit.
Ce qui précède est la meilleure reconstitution à laquelle je puisse arriver des événements qui ont eu lieu à l'audition, dans la mesure nous en avons la preuve et ils sont pertinents.
Inévitablement, nos renseignements sont incom- plets et imprécis.
Avant d'en venir à la question de savoir si les requérants ont réussi à démontrer à la Cour que Mme Clapham a omis d'observer les principes de justice naturelle dans sa conduite de l'enquête en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, j'estime qu'il est nécessaire d'étudier certains points fondamen- taux de la législation pertinente et leurs implica tions quant à cette demande.
Tout d'abord, l'article 10 de la Loi sur l'em- ploi dans la Fonction publique exigeait que les nominations dont il est interjeté appel soient faites par la Commission et selon une «sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Com mission». 5 En outre, l'article 10 exige que la Commission fasse la sélection «à la suite d'un concours», .ou «selon telle autre méthode de sélection du personnel établie afin de détermi- ner le mérite des candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux intérêts de la Fonc- tion publique». La Loi contient aussi certaines directives au sujet des concours (articles 13, 14, 15 et 16). Étant donné que la sélection en cause a été faite «à la suite d'un concours», sa validité dépend donc du fait qu'il s'agisse d'une «sélec- tion» de la Commission «établie au mérite, ainsi que le détermine la Commission» et qu'elle ait été conforme à cette partie de la réglementation statutaire qui est obligatoire plutôt que simple- ment indicative.
Le deuxième point important qu'il faut rele- ver à ce moment dans la législation en question est que, aux termes de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, quand il y a appel d'une nomination, le comité d'appel doit faire une «enquête» au cours de laquelle il est donné à «l'appelant» et au «sous-chef en cause l'occasion de se faire entendre». A mon avis, l'«enquête» envisagée à l'article 21 est, ordinai- rement, une enquête sur la question de savoir si la «sélection» sur laquelle se fonde la nomina tion dont il est fait appel était une sélection «établie au mérite, ainsi que le détermine la Commission» et si elle a été faite par la Com mission selon la procédure prévue à l'article 10. En outre, j'estime que ]'«occasion de se faire entendre», à laquelle l'appelant et le sous-chef ont droit, est la possibilité de présenter au
comité d'appel pendant l'enquête tous faits qui portent sur ces questions et la possibilité nor- male de faire valoir des prétentions exposant, vu les faits mis à jour par l'enquête, pourquoi on doit estimer qu'il s'agit d'une sélection faite à bon droit et au mérite ainsi que le détermine la Commission ou le contraire. A mon avis, si au cours d'une enquête tenue en vertu de l'article 21 le comité d'appel n'a pas accordé cette possi- bilité, il y a eu inobservation des exigences de l'article 21 et, en conséquence, erreur de droit entraînant probablement l'annulation de toute décision que le comité d'appel prétendrait rendre. 6
La question de savoir ce que l'on entend par une «sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commission» doit être envisagée en relation avec les faits de chaque espèce. Sans aucun doute, si après les formalités d'un «concours» la «sélection» est faite par la Com mission de la Fonction publique pour des motifs étrangers au «mérite», elle serait nulle, que les trois membres de la Commission aient fait en personne la «sélection» ou qu'elle ait été faite par un jury d'examen ou par une ou plusieurs personnes agissant au nom de la Commission. Par exemple, il est clair que serait illégale une sélection faite pour respecter une directive ministérielle de «choisir» une personne donnée (si l'on peut imaginer une telle directive à notre époque) ou par suite du désir d'accorder un privilège à un candidat particulier pour des rai- sons personnelles. Des questions très comple xes peuvent être soulevées à savoir si le comité d'appel peut passer outre la décision de la Com mission (du jury d'examen ou d'autres person- nes agissant au nom de la Commission), quand, compte tenu des normes de l'article 12, elle a choisi honnêtement un candidat qui, à son avis, est le plus adapté «compte tenu de la nature des fonctions à accomplir». Autrement dit, on risque de faire face à des questions fort délica- tes lorsqu'il s'agira de déterminer si l'article 21 prévoit que le comité d'appel peut annuler une nomination fondée sur une sélection faite par la Commission ou ses représentants, au motif que les personnes en cause n'ont pas réussi en fait à faire une «sélection établie au mérite» même s'ils ont honnêtement fait de leur mieux pour le faire d'après les éléments qu'on leur a fournis.
Toutefois, à mon avis, ces questions ne se posent pas en l'espèce.
Cependant, certaines questions se posent étant donné le «motif» de la plainte des requé- rants devant le comité d'appel, selon lequel [TRADUCTION] «le jury d'examen n'était pas régulièrement constitué». Il ne semble pas y avoir de dispositions dans la loi ou les règle- ments concernant le soi-disant jury d'examen ou comité de sélection. Il doit donc s'agir d'un organisme établi par la Commission comme étant son intermédiaire pour faire une partie du travail de sélection que lui impose l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. D'autre part, même s'il n'existe aucun texte de loi précis concernant ce type de comité et donc, ni qualité requise légalement pour ses membres, ni exigence légale quant à la manière dont il doit être constitué, néanmoins, si les personnes choi- sies pour accomplir cette tâche sont incapables de faire une «sélection» conforme aux exigen- ces de l'article 10—parce qu'elles ne sont pas compétentes pour former un jugement sur les candidats compte tenu de la nature des fonc- tions à accomplir par le candidat reçu, ou parce qu'elles ont tellement d'idées préconçues qu'el- les ne sont pas compétentes pour former un jugement, ou encore parce qu'elles se sont prê- tées à des tractations irrégulières relativement à la question—alors, à mon avis, le comité aurait été constitué de telle manière que la sélection définitive serait nulle.' Toutefois, toute attaque de ce genre d'un comité de sélection doit être faite avec précaution. On doit se souvenir que la Loi elle-même prévoit que toutes les sélec- tions seront faites par la Commission de la Fonction publique, celle-ci étant formée de trois personnes qui ne peuvent vraisemblablement pas réunir en elles-mêmes les qualifications pro- fessionnelles ou autres requises de tous les can- didats à des postes de la Fonction publique. Il faut aussi se souvenir que le but final du pro- cessus de sélection est de pourvoir des postes de la Fonction publique «selon le mérite», ce qui signifie, à mon avis, qu'il faut trouver les personnes les plus aptes à remplir les différents postes de la Fonction publique «compte tenu de la nature des fonctions à accomplir». Le but et l'objectif réels sont de rendre la Fonction publi- que aussi efficace que possible. Je me demande
donc si un point de vue honnêtement avancé par un fonctionnaire chevronné et compétent, en ce qui concerne les besoins du service, peut l'empêcher de participer à la procédure de sélection. L'utilité de faire participer à la procé- dure de sélection les responsables du fonction- nement efficace de la Fonction publique est certainement la raison d'être de l'article 6 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, en vertu duquel la Commission peut déléguer ses fonctions de sélection au sous-chef et à ses subalternes compétents. Toutefois, il y a une nette différence, à mon avis, entre le point de vue d'un fonctionnaire chevronné en ce qui concerne les besoins de la Fonction publique et la position fixée à l'avance de choisir ou de refuser une personne en particulier sans tenir aucun compte du «mérite» qui peut apparaître à la fin de la procédure de sélection.
Selon l'exposé des faits et du droit des requé- rants, déposé avant l'audition de cette demande, Mme Clapham a omis d'observer les principes de justice naturelle et le principe audi alteram partem dans la mesure elle n'a pas donné au représentant des requérants une occasion équi- table d'exposer leur affaire. Voici les détails de cette omission exprimés dans l'exposé:
1. Elle exposa la procédure à suivre pour les appels, mais elle ne suivit pas la procédure prévue par la Commission de la Fonction publique (paragraphe II-2).
2. Elle refusa au représentant des requérants le droit de contre-interroger le président du jury d'examen au sujet de ses qualifications pour y participer, ce qui, selon les requérants, était un point important de leur argumenta tion (paragraphe II-3). 8
3. On ne permit pas au représentant des requérants d'apporter de preuve sur la ques tion de savoir si M. Freke s'était mis dans l'incapacité de siéger au jury d'examen par suite de certaines déclarations qu'il fit à une réunion de personnel avant l'audition [TRA- DUCTION] «où il indiquait qu'il avait déjà tiré certaines conclusions quant au concours» alors qu'on appliqua d'autres normes au représentant du ministère quand il présenta sa
preuve relative à la réunion en question (para- graphe II-4).
4. M m e Clapham enjoignit le représentant des requérants de faire son [TRADUCTION] «exposé final» avant l'audition de la preuve avancée au nom du ministère (paragraphe II-5).
5. Enfin, elle s'est trompée en mettant à la disposition des représentants du ministère une copie des notes personnelles du représen- tant des requérants (paragraphe II-6).
Malheureusement, il est impossible que cette Cour juge le bien-fondé de ces réclamations en s'appuyant sur un examen précis de ce qui a été dit ou fait pendant l'enquête en question, puis- qu'il n'y a pas de compte rendu sténographié des procédures ou, s'il y en a un, il n'a pas été déposé à la Cour. J'estime que c'est malheureux parce que cela crée une situation dans laquelle on demande à la Cour de statuer en se fondant sur la preuve apportée par les parties, qui, outre le fait qu'elle est très imprécise, ce qui est normal, ne se limite pas à une déclaration objec tive de ce qui a réellement été dit et fait pendant l'audition, ce qui, en fait, est la seule chose que l'on devrait considérer. Elle consiste en une petite partie de ce qui a réellement été dit et fait, mêlé avec une grande partie de souvenirs reconstitués de ce que l'on voulait dire et d'ex- plications et de rationalisations ex post facto. J'expose ceci pour expliquer pourquoi, dans mon évaluation de la situation, j'essaierai d'i- gnorer certaines parties de la preuve qui, à tout prendre, me semblent être des essais bien com- préhensibles de la part des témoins pour faire voir sous un meilleur jour une conduite faisant l'objet d'un examen minutieux. (Habituelle- ment, cette façon de procéder fait voir le témoin sous un jour pire et non meilleur. Elle complique toujours la tâche de décider, d'après une prépondérance des probabilités, ce qui s'est réellement passé.) J'expose cet aspect de la question pour une autre raison. Une procédure qui fait que ceux qui ont pris part à des enquê- tes, en qualité d'avocats ou de juges, soient par la suite assaillis de questions pour savoir préci- sément ce qui a été dit, quand et pourquoi, ne peut qu'avoir des effets nocifs sur la conduite de telles enquêtes. La tâche d'un avocat ou d'un juge, ou de toute autre personne jouant un rôle analogue, est suffisamment lourde sans qu'on y
ajoute l'obligation d'expliquer et éventuellement de défendre chacune des démarches qu'il a faites dans une affaire. Il me semble qu'un contre-interrogatoire comme celui des témoins, Mme Clapham et M. Done, dans cette demande, est malvenu, bien que je ne prétende pas indi- quer comment on peut éviter de telles choses dans l'avenir.
Je peux traiter assez rapidement trois des cinq points ayant trait à l'omission d'observer les principes de justice naturelle, sur lesquels repose l'exposé des faits et du droit des requérants.
En premier lieu, en ce qui concerne la préten- tion selon laquelle la procédure adoptée par Mme Clapham ne suivait pas la procédure prévue par la Commission de la Fonction publique du Canada, je suis d'avis que, même si Mme Clap- ham n'a pas suivi la procédure recommandée ou proposée par la Commission, ce n'est pas, en soi, un vice permettant l'annulation de sa déci- sion. Il semble que les avocats des requérants ne s'appuient pas sur ce point comme motif indépendant d'annulation, mais plutôt qu'ils l'a- vancent comme explication ou démonstration du vice en vertu duquel, sous d'autres rubri- ques, ils contestent la décision.
En deuxième lieu, en ce qui concerne l'inci- dent qui s'est produit lorsque Mme Clapham obtint les notes de M. Done et en fit des copies pour le représentant du ministère et pour elle- même, je n'arrive pas à comprendre comment, même si on acceptait intégralement la version de M. Done, il s'ensuivrait que les requérants n'ont pas eu l'entière possibilité de se faire entendre. Cela n'implique pas qu'on leur aurait refusé la possibilité de faire valoir les faits sur lesquels ils s'appuient et cela n'implique pas non plus de restriction quant à leur droit de faire valoir leur point de vue. Il s'ensuit que je n'ai pas besoin de me faire une opinion quant à ce qui s'est réellement passé en l'espèce. Toute- fois, je voudrais tout de même dire que, à mon avis
a) une personne menant une telle enquête ne devrait pas essayer de forcer l'une ou l'autre partie à lui remettre des documents en sa possession à moins qu'il ne s'agisse de docu-
ments que le tribunal a le droit en vertu de la loi de demander, et
b) si l'une des parties remet un document au tribunal, on devrait seulement l'accepter à condition que l'autre partie en reçoive aussi une copie.
D'après le témoignage de M me Clapham, je crois qu'elle accepterait ce point de vue et qu'elle n'avait pas l'intention de faire quoi que ce soit qui y soit opposé.
En troisième lieu, après avoir soigneusement étudié la preuve pertinente, je ne conclus pas que M. Done devait, ou pouvait, raisonnable- ment penser qu'on lui demandait de faire ses conclusions «définitives» sur un aspect des appels avant que toute la preuve y relative n'ait été déposée. L'exposé de la procédure fait par M me Clapham envisageait nettement que chaque partie pourrait tirer ses conclusions et M. Done n'indique nulle part qu'il ait demandé ou qu'on lui ait refusé le droit de le faire.
Il reste donc à envisager la question de savoir si les requérants ont été privés de la possibilité de présenter leur argumentation et leur preuve
a) en ce qui concerne les qualifications de M. Devine, et
b) en ce qui concerne les déclarations que M. Freke a faites avant la tenue du concours.
C'est que se posent des problèmes qu'il ne m'est pas facile de régler.
D'une part, j'admets que M me Clapham comp- tait toujours intérieurement permettre aux requérants de faire appel aux trois témoins pour prouver le contenu des déclarations de M. Freke et qu'elle comptait prendre leurs témoi- gnages en considération dans tous les appels. J'admets aussi qu'en tout temps, elle comptait permettre au représentant des requérants d'in- terroger les fonctionnaires appropriés au sujet des qualifications de M. Devine. En outre, je dois dire que la manière dont M. Done a mené la cause des requérants devant le tribunal d'ap- pel n'attire pas ma sympathie. Me basant sur la preuve qu'il a soumise, il apparaît qu'à certains moments du moins il n'a pas été très poli et a fait montre d'un manque de collaboration. Ceux d'entre nous qui ont fait l'expérience des audi tions de nature judiciaire savent qu'une telle
conduite a pour but d'amener même les offi- ciers de justice les plus expérimentés à commet- tre des erreurs.
En ce qui concerne les qualifications de M. Devine, il faut remarquer que M. Done admet tout à fait franchement qu'il n'avait aucun fait à présenter au comité d'appel. Il comptait sur la possibilité de contre-interroger les témoins cités par le ministère. On aurait pu faire valoir au nom de l'intimé que les appelants devant le comité d'appel devaient présenter toutes les objections qu'ils pouvaient avoir à faire au sujet des nominations et que, s'ils n'avaient pas de faits à avancer, cela mettait fin à ces objections. Heureusement, l'intimé ne fit pas valoir cet argument, qui aurait pu soulever des questions difficiles quant à cette catégorie d'appel. D'a- près mon interprétation des arguments de l'in- timé devant cette Cour, Mme Clapham a toujours estimé que les appelants auraient la possibilité de contre-interroger les témoins sur les qualifi cations de M. Devine et, bien qu'on n'ait pas permis à M. Done de le faire en leur nom au début de l'audition, il en a eu en fait l'entière possibilité dès le second jour. Sur ce point, la preuve est contradictoire. Toutefois, j'en suis venu à la conclusion que M. Done a eu l'entière possibilité de contre-interroger sur cet aspect de la question. En étudiant la preuve, on doit garder à l'esprit que, selon M. Done, les témoins du ministère n'avaient pas traité la question des qualifications de M. Devine sauf lorsque, M. Coffin a tiré les conclusions de son exposé. II me semble que le témoignage le plus franc et le plus sincère sur cette question est celui de l'un des requérants, M. Charles Ralph Chaytor. Lors du contre-interrogatoire, il déclarait:
[TRADUCTION] Q. Je vois. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé alors?
R. Et bien alors, M. Coffin a présenté le point de vue de la direction.
Q. Voici ma question: vous souvenez-vous que M. Coffin ait adressé une demande à la présidente portant que plutôt que M. Coffin pose des questions et fasse des déclarations, il serait peut être mieux que MM. Freke et Devine posent des questions et fassent des déclarations?
R. Non, je ne m'en souviens pas.
Q. Vous ne vous souvenez pas d'une telle demande?
R. Non.
Q. M. Coffin commença-t-il par poser des questions?
R. Non, je ne le crois pas. Il commença, si ma mémoire est fidèle, par décrire les qualifications de M. Devine.
Q. Je vois. Et à la suite de cela, M. Freke fit une déposition?
R. Oui.
Q. Et à la suite de cela, M. Devine fit une déposition?
R. Oui.
Q. Et alors M. Coffin reprit la parole, n'est-ce pas?
R. Il me semble bien.
Q. Maintenant vous souvenez-vous si ces témoins, c'est-à-dire MM. Freke, Kew, Devine et Galoway, s'ils ont été contre-interrogés par M. Dunn?
R. Non, pas que je sache. D'une certaine manière, M. Dunn contre-interrogea M. Freke, mais non MM. Galoway et Kew.
Q. Ou M. Devine?
R. Oui, je crois qu'il a posé quelques questions à M. Devine.
Q. A-t-il demandé à M. Devine quelles étaient ses qualifications?
R. Non, il ne le fit pas parce que M. Coffin venait tout juste de les exposer.
Q. Mais M. Devine fit aussi quelques déclarations au sujet de ses propres qualifications, n'est-ce pas?
R. Oui, il fit quelques déclarations concernant ses pro- pres qualifications et je crois que M. Coffin les a quelque peu enjolivées.
Ce témoignage m'amène à conclure que la pré- pondérance des probabilités est que MM. Coffin et Devine ont témoigné quant aux quali fications de M. Devine avant que M. Done puisse les contre-interroger et que son contre- interrogatoire n'a été limité en aucune façon à ce moment-là.
J'en viens maintenant à la réclamation selon laquelle les appelants se sont vus refuser la possibilité de présenter leur cause dans la mesure les déclarations de M. Freke au sujet du concours relatif au passage du niveau de vérificateur 1 à vérificateur 2 au bureau de Toronto sont en cause.
Il est très difficile de voir cette affaire sous son vrai jour.
Pour commencer, on doit rappeler que Mme Clapham a exposé la procédure de l'audition, dont je reprends ici les parties pertinentes pour plus de commodité:
[TRADUCTION] b) Le ministère expliquera la procédure suivie par le jury d'examen et les motifs de l'échec des appelants;
c) Le représentant des appelants pourra poser des ques tions au ministère;
d) Le représentant des appelants présentera son argumentation;
e) Le représentant du ministère pourra alors poser des questions. Si l'appelant est appelé en personne, alors tant le ministère que moi-même pourrons lui poser des questions;
f) Le ministère pourra alors commenter ou réfuter les points soulevés par les appelants;
g) Si le ministère a apporté de nouveaux éléments de preuve, les appelants pourront alors en apporter la preuve contraire;
h) Chaque partie pourra tirer ses conclusions;
Cette procédure a été exposée comme s'il y avait eu un seul appel à entendre, mais, en fait, il y avait six appelants différents représentés par une seule personne. Tous les appels por- taient contre la même nomination et tous, en conséquence, attaquaient la même sélection du jury d'examen. Il semble qu'au début de l'audi- tion, les différents appels ont été l'objet d'une discussion parce qu'il y avait apparemment eu un accord selon lequel M. Done devait présen- ter tout d'abord les motifs de réclamation com- muns à tous les appels et à la «cause» de M. Nanda et que par la suite il présenterait la «cause» de chacun des autres appelants à leur tour.
Voici ce qui s'est passé: lorsque M. Done, à titre de représentant des requérants, fit valoir ses arguments portant sur les motifs généraux de réclamation communs à tous les appels et à la «cause» de M. Nanda, il essaya de présenter à Mme Clapham le témoignage de trois témoins qui avaient une connaissance personnelle de ce que je pourrais appeler la déclaration Freke, mentionnée de manière générale par M. Nanda qui n'avait pas eu connaissance personnelle- ment de l'incident, et on lui refusa l'autorisation de les faire témoigner à ce moment-là.
Je pense qu'il est pour le moins malheureux que Mme Clapham ait refusé d'entendre ces témoins à ce moment qui semblait être le moment voulu pour les entendre, mais, à mon avis, ce n'est pas une raison pour prétendre que les requérants n'ont pas eu l'entière possibilité de se faire entendre. Il s'agissait d'une audition groupant plusieurs appels et, comme on l'a sou-
ligné, le tout était fait sans grande formalité. 9 Il n'y avait pas d'exigences de procédure. Le seul motif d'attaque, en ce qui concerne ces témoins proposés, est qu'il s'agissait en fait d'un refus total de les entendre pendant l'audition. Mme Clapham présidait l'audition et aucune des par ties n'avait le droit de lui dicter comment elle devait le faire. La seule question à tranchér est celle de savoir si les témoins n'ont pas témoigné à cause d'une attitude de Mme Clapham que l'on peut raisonnablement considérer comme étant un refus de les entendre.
Ma première réaction à cette question est que ce n'était pas la raison du refus d'entendre les témoins. M. Done se rendait parfaitement compte qu'avant la fin de l'audition des appels, M me Clapham entendrait tous les appelants y compris les trois témoins proposés. Ceci ressort des extraits de son contre-interrogatoire que voici:
[TRADUCTION] Q. Ne vous a-t-on pas averti que si vous aviez soit une preuve contraire, soit une déclaration contraire à faire, vous pourriez présenter cette preuve ou faire ces déclarations ultérieurement?
R. Non. Je vous ai dit ce que la présidente avait déclaré.
Q. Avez-vous estimé que c'était le cas? Que vous pou- viez le faire?
R. M. WRIGHT: Faire quoi?
Q. M. WHITEHALL: Apporter la preuve contraire de ce que M. Coffin avait dit, ou faire des déclarations contredisant ce qu'il avait dit?
Q. J'avais compris qu'ultérieurement j'aurais le privilège de présenter toutes preuves de mon choix sur toutes questions directement liées à ceci, oui.
Q. Disons que si vous aviez appelé certains des autres appelants après avoir atteint le point dans la procédure que vous considériez comme la fin de la cause de M. Nanda, il se peut bien que les autres appelants aient eu la permission de témoigner.
R. Ça n'aurait rien changé parce que je n'allais pas les appeler.
Q. Eh bien, vous alliez les appeler pour témoigner sur un point précis au sujet de M. Freke.
R. Cela faisait encore partie de la cause de M. Nanda. Vous dites, à la fin de la cause de M. Nanda. J'allais les appeler pour témoigner au sujet de la cause de M. Nanda, c'est ce que j'allais faire.
Q. Il me semble que ce cas était aussi—les points sur lesquels ils allaient témoigner se rapportaient aussi à leur propre cause.
R. Oui. Ce point précis, oui.
Q. Ainsi, il n'y a pas de raison pour que, après avoir terminé l'exposé de la cause de M. Nanda, vous ne puissiez pas appeler alors les autres appelants à témoi- gner sur ce seul point précis.
R. Je voulais qu'aucun de ces autres témoins ne soit appelé à témoigner sur quoi que ce soit à ce stade. C'est mon droit. Je ne voulais pas qu'ils témoignent, je ne voulais pas qu'on puisse les contre-interroger. C'est ce que j'avais décidé.
Q. Est-ce que l'on aurait pu contre-interroger là-dessus?
R. Sur ce point particulier, je n'avais aucune objection.
Q. Vous voulez dire—vous estimiez que, si vous appeliez certains des autres appelants pendant la cause de M. Nanda et pendant la discussion des motifs communs à tous les appelants, et s'ils témoignaient sur ce point précis, on ne pourrait les contre-interroger sur quoi que ce soit d'autre relatif à cette cause?
R. J'ai estimé que si j'appelais un ou tous les trois témoins et si je les interrogeais sur la question précise de cette soi-disant réunion avec M. Freke, ils ne pourraient pas alors être contre-interrogés sur bon nombre de choses concernant le bien-fondé de leur propre cause. Comme je l'ai dit, je pense, pour ce que cela vaut, que le but du contre-interrogatoire, son objet, est de donner la possibilité d'interroger un témoin sur la preuve qu'il a fournie lors de l'interroga- toire direct pour pouvoir vérifier la véracité de ces déclarations et les développer si c'est nécessaire. Je ne pense pas qu'ils seraient aussi susceptibles d'être interrogés, peut-être sur leurs qualifications profes- sionnelles, leurs années d'expérience, leurs rapports confidentiels, les difficultés qu'ils peuvent avoir ou ne pas avoir avec les directeurs de leurs différents bureaux.
Il ressort clairement de ceci que M. Done savait qu'il pourrait faire appel à ces trois témoins pour étayer sa preuve avant la fin de l'audition. En outre, il a délibérément choisi de ne pas les appeler. Ceci ressort de la preuve du requérant M. Chaytor qui était l'un des témoins proposés et du propre témoignage de M. Done concer- nant la décision des requérants de se retirer de l'audition, dont voici un extrait:
[TRADUCTION] Q. Après que M. Coffin a parlé, avez-vous
repris la parole?
R. Non.
Q. Après que M. Coffin a parlé, que s'est-il passé?
R. Quand M. Coffin eut fini?
Q. Oui.
R. Eh bien, au mieux de mon souvenir—je ne prétends pas avoir des souvenirs précis sur ce point. Au mieux de ma connaissance, vous savez, ce qui est arrivé à ce moment-là, c'est que j'ai demandé l'ajournement et je suis sorti.
Q. Voulez-vous dire un ajournement de courte durée? Une pause-café?
R. Un ajournement de courte durée, oui. Vingt minutes. Je suis sorti avec tous les requérants et—je ne suis pas très sûr de la durée exacte de l'ajournement; il a peut-être duré plus longtemps, à bien y penser. En tout cas, nous avons ajourné la réunion.
Q. Bon.
R. Je pense que ça a pu se produire à l'heure du déjeuner car nous avons finalement réuni tous ces gens et tenu une réunion. Les appelants m'ont avisé, à la fois à titre personnel et au nom du groupe, qu'à leur avis la présidente n'était pas compétente pour entendre cet appel et qu'il ne rimait à rien de présenter les autres causes au fond. Je suis revenu et, dès le début, quand nous nous sommes réunis à nouveau, je l'ai dit.
Quand une partie à une procédure a la suffi- sance de décider que le président n'est «pas compétent» et, en se fondant sur cette décision, quitte l'audition, il ne peut par la suite, à mon avis, prétendre qu'on lui a refusé la possibilité de faire valoir ses arguments. Il pourrait en être autrement si le retrait était motivé par le refus du président de lui accorder une audition. Tou- tefois, à mon avis, rares sont les circonstances le retrait correspond en fait à une plainte relative au refus d'accorder la possibilité d'être entendu.
Il y a toutefois un autre aspect à la question. Il ressort, non seulement du témoignage de M. Done mais aussi de celui des témoins dont les affidavits ont été déposés par l'intimé, que les diverses personnes intéressées à l'audition étaient sous l'impression que l'audition avait été divisée en parties séparées et agissaient en con- séquence. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que M. Done a déduit de ce fait, et du point de vue erroné qu'il y avait certaines règles de procédure applicables à cette audition dont il avait le droit de profiter, qu'il pouvait considé- rer un refus d'entendre les trois témoins à un moment donné de l'audition comme un refus total de les entendre. Je crois que c'est à tort que M. Done a adopté cette attitude et je ne peux considérer son point de vue erroné sur la question comme une base pour décider que les requérants n'ont pas eu la possibilité de présen- ter leurs causes. Toutefois, dans la mesure la confusion provient de la conduite de l'affaire parce que les motifs communs à toutes les causes devaient être traités avec la cause de M.
Nanda, c'est une question que l'on doit prendre en considération.
On doit considérer un autre problème relatif à cette partie de l'affaire, savoir les motifs que Mme Clapham avance pour justifier son refus d'entendre les trois témoins au moment elle l'a fait. En mettant le témoignage de M. Done de côté, il me semble que la prépondérance des probabilités en ce qui concerne le témoignage de Mme Clapham est a) qu'elle a estimé que le témoignage des trois témoins était inutile et c'est pourquoi elle ne voulait pas l'entendre pendant la preuve sur les motifs d'intérêt géné- ral et b) que pendant toute l'audition, chaque fois que la question fut soulevée, elle a continué à soutenir que c'était inutile. Il me semble que le motif qu'elle a donné à M. Done de sa déci- sion le premier jour était qu'elle [TRADUCTION] «avait accepté le témoignage qui avait été pré- senté, et le fait que la conversation avait eu lieu». Même si elle a ajouté que [TRADUCTION] «puisque chaque appelant devait témoigner à son tour ... ils pourraient souligner à nouveau ce point puisque ils avaient été témoins de cette conversation», il me semble que le résultat global indique qu'elle a pris comme attitude qu'elle n'entendrait pas les témoignages au moment approprié parce qu'elle devait décider. Qu'elle avait probablement cela à l'esprit et qu'elle l'ait indiqué à ce moment-là ressort du fait que, dans son affidavit, elle déclare qu'elle [TRADUCTION] «ne considérait pas cette conver sation pertinente». En conséquence, j'en con- clus que la prépondérance des probabilités est à l'effet que, lorsque M me Clapham s'est opposée à l'audition des trois témoins le premier jour et lorsque la question revint le deuxième jour, ce qu'elle déclara à ce sujet était exposé de telle sorte qu'on pouvait raisonnablement estimer qu'il s'agissait d'un refus total de les entendre en tout temps au sujet de la déclaration Freke et que c'est ainsi que M. Done l'a compris.
Déterminer la pertinence est le dernier aspect du problème relatif aux trois témoins proposés. A mon avis, même si on avait refusé aux requé- rants la possibilité de présenter leur preuve, si celle-ci avait été sans rapport avec la question devant le tribunal d'appel, ledit refus ne serait pas un refus d'une audition régulière.
Sur cette question de pertinence, nous avons d'une part la conclusion de Mme Clapham fondée sur la preuve par ouï-dire de M. Nanda et le témoignage de M. Freke que ce dernier avait, au cours [TRADUCTION] «d'une conversa tion à bâtons rompus pendant la pause-café», fait une remarque, prise «hors du contexte» (voir la décision d'appel), qu'il serait de l'intérêt du ministère si certains postes étaient pourvus par des personnes de l'extérieur [TRADUCTION] «si toutefois on pouvait trouver des «as»» (voir l'affidavit de Mme Clapham). Il me semble très difficile de dénaturer ceci pour en déduire une prédisposition que l'on pourrait considérer comme empêchant M. Freke de juger les candi- dats selon leur mérite tel que le concours le révèle. 10 D'autre part, d'après ce qu'on nous a dit, les intimés espéraient établir que, lors d'une réunion convoquée délibérément, M. Freke avait déclaré, supposément après y avoir bien réfléchi, que pas plus de deux, ou peut-être trois, des vérificateurs 1 pourraient devenir vérificateurs 2 à la suite d'un concours. Si une telle déclaration a eu lieu dans ces circonstan- ces, il me semble que le comité d'appel aurait s'y arrêter pour déterminer si M. Freke s'opposait si nettement à certains des candidats avant la décision qu'il ne pouvait pas réellement participer à la sélection selon le mérite, déter- miné d'après les renseignements et les éléments mis de l'avant lors du concours. A ce stade, je ne peux pas dire que la preuve proposée n'était pas pertinente."
En fin de compte et après bien des hésita- tions, je conclus que la décision du comité d'appel doit être annulée.
Ceci m'amène à la question de savoir précisé- ment quel jugement doit être rendu si la déci- sion du comité d'appel est annulée conformé- ment à mes conclusions. A cet égard, on doit se rapporter à l'article 52 de la Loi sur la Cour fédérale dont voici un extrait:
52. La Cour d'appel peut
cl) dans le cas d'une demande d'examen et d'annulation d'une décision d'un office, d'une commission ou d'un autre tribunal fédéral, soit rejeter la demande, soit infir- mer la décision, soit infirmer la décision et renvoyer la question à l'office, à la commission ou à l'autre tribunal pour jugement conformément aux directives qu'elle estime appropriées.
A mon avis, en l'espèce, cette Cour ne doit pas simplement «annuler la décision». Si une déci- sion est annulée par suite d'un défaut de compé- tence, ce serait le jugement approprié. Ici, tou- tefois, le comité d'appel a commis une seule erreur, portant sur une des nombreuses ques tions qu'il devait considérer. Il serait ni juste ni équitable d'exiger la tenue d'une toute nouvelle enquête. Seule une petite partie de l'audition a été irrégulière. Il faut remédier à cet inconvé- nient aussi rapidement que le permet une déli- bération régulière et la question devrait être tranchée le plus tôt possible. A mon avis, notre jugement devrait être tel qu'il exige:
a) que l'audition soit reprise après avis appro- prié aux intéressés;
b) que la nouvelle audition soit limitée à une enquête appropriée sur l'incident impliquant les prétendues déclarations de M. Freke, et qu'à la fois les appelants et le ministère aient l'entière possibilité de présenter leur preuve à cet égard et de faire valoir leurs prétentions à la lumière de tous renseignements et preuves obtenus par le comité d'appel à ce sujet;
c) que le comité d'appel écrive alors un rap port complémentaire sur la question de savoir si ces renseignements et preuves ont établi que M. Freke était, au moment de. la procé- dure de sélection, dans un état d'esprit incom patible avec l'exercice d'un jugement honnête lors d'une sélection des candidats «établie au mérite»; et
d) que ce rapport complémentaire soit alors joint à la décision qui est infirmée et que ces deux documents soient communiqués à la Commission en qualité de décision du comité d'appel sur l'enquête tenue en vertu de l'arti- cle 21 par suite des appels.
Dans ce but, je pense maintenant que le juge- ment de cette Cour peut être rédigé à peu près comme suit:
La décision de l'intimé mentionnée dans la demande introduite en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, par laquelle ces procédures ont été instituées, est infirmée; et, par les présentes, il est ordonné que l'audition
des appels des requérants contre les nomina tions de MM. P. H. Thomas et D. S. Prinsloo comme vérificateurs 2 soit reprise dans le seul but de mener une enquête sur l'incident impliquant les déclarations prétendument faites par M. John Freke, au sujet des nomi nations qui seraient effectuées, avant qu'il ne devienne membre du jury d'examen, du con- cours de la Fonction publique 71-DSS- CC-7 et que l'intimé révise sa décision rendue sur les appels dans la mesure elle peut être affectée par cette nouvelle enquête.
LE JUGE THURLOW (oralement)—Ayant pu prendre connaissance des motifs de jugement rendus par le juge en chef, je suis par là-même dispensé de l'obligation d'exposer en détail les faits ou les dispositions pertinentes de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et des règlements en découlant. Je partage son opinion selon laquelle aucun des trois motifs de contes- tation de la décision du comité qu'il discute en premier lieu, c'est-à-dire (1) sa prétendue inob- servation de la procédure prévue dans le Guide, Système des appels de la Fonction publique; (2) l'incident au sujet des notes de M. Done; et (3) la prétendue obligation incombant à M. Done de tirer ses conclusions avant que l'ensemble de la preuve ne soit exposé, n'offre, en l'espèce, de fondement pour annuler la décision du comité d'appel.
En outre, bien que je pense qu'il eût été préférable de permettre à M. Done d'interroger M. Devine sur son aptitude à juger du mérite des candidats, au moment il désirait le faire, soit le premier jour de l'audition, pour qu'il puisse assurer ceux qu'il représentait et lui- même de la compétence de M. Devine à évaluer leur mérite, je ne pense pas qu'on ait démontré que M. Done n'a pas eu par la suite la possibi- lité d'interroger M. Devine à ce sujet. En consé- quence, je suis aussi d'avis que ce motif de contestation n'est pas recevable non plus.
Quant au motif restant, savoir le prétendu refus d'accorder le droit d'appeler des témoins pour décrire la réunion de M. Freke avec les membres de son personnel et pour exposer ce qu'il déclara à cette occasion, je commencerai par quelques observations préliminaires sur les
droits qui me semblent propres aux parties à un appel interjeté en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
En vertu des articles 8 et 10 de cette loi, la Commission de la Fonction publique détient le pouvoir de faire des nominations aux postes de la Fonction publique du Canada et il est prévu que les nominations faites parmi des personnes qui sont déjà membres de la Fonction publique ou des personnes qui n'en font pas partie doi- vent être faites selon une sélection établie au mérite ainsi que le détermine la Commission. L'article 21 prévoit que:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'a- vancement, de l'avis de la Commission, sont ainsi amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre et la Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
Les règlements établis par la Commission en vertu de l'article 33 de la Loi prévoient notam- ment ce qui suit:
44. (1) Chaque appel interjeté en vertu de l'article 21 ou de l'article 31 de la Loi doit être fait par écrit et adressé à la Commission et doit indiquer les motifs sur lesquels il se fonde; cet écrit est ci-après appelé le «document d'appel».
(2) Chaque document d'appel doit indiquer si l'appel sera présenté en anglais ou en français.
46. Le comité établi pour mener l'enquête mentionnée à l'article 45 doit aviser au moins trois jours à l'avance la personne qui fait appel et le sous-chef en cause, ou leurs représentants, du temps et du lieu qu'il a fixés pour tenir l'enquête.
Bien que ces dispositions ne décrivent pas expressément le genre d'enquête à tenir ni la procédure à suivre, il me semble en fait qu'elles indiquent, en particulier en exigeant un docu ment d'appel exposant les motifs et un avis ultérieur portant l'heure et le lieu de l'enquête, que l'enquête prévue (1) doit être de nature judiciaire, pour déterminer si la nomination en cause a été faite conformément au droit; et (2) doit être menée en présence du sous-ministre et de l'appelant, ou de leurs représentants, s'ils estiment à propos d'y assister. A mon avis, les droits du sous-ministre et ceux de l'appelant ne sont donc pas nécessairement les droits minima que les principes de la justice naturelle applica- bles en common law peuvent leur accorder. En outre, je serais porté à croire qu'en vertu de ces dispositions le droit d'être entendu comprend le droit d'appeler des témoins. Cependant, il est inutile, à mon avis, de trancher ce problème puisque la procédure suivie par le comité d'ap- pel comprenait la convocation de témoins. J'a- jouterais qu'à mon avis, les droits du sous- ministre et ceux de la partie qui fait appel devant le comité sont les mêmes et, bien que je pense qu'il ne soit pas juste de considérer l'en- quête comme un procès ou de la considérer comme si la procédure judiciaire s'y appliquait, il me semble que la possibilité d'être entendu à l'enquête qui comprenait le droit pour l'un, mais non pour l'autre, de citer des témoins, ne peut vraiment pas être jugée équitable.
J'en viens au cas présent.
A l'ouverture de la procédure et en présence d'une ou plusieurs personnes représentant le sous-ministre et de six ou sept appelants et de leur représentant commun, M. Done, la prési- dente du comité exposa la procédure qu'elle se proposait de suivre. Voici un extrait du paragra- phe 4 de son affidavit:
[TRADUCTION] a) En tant que présidente, je lirai d'abord certains documents en ma possession et ils seront ensuite déposés en preuve;
b) Le ministère expliquera la procédure suivie par le jury d'examen et les motifs de l'échec des appelants;
c) Le représentant des appelants pourra poser des ques tions au ministère;
d) Le représentant des appelants présentera son argumentation;
e) Le représentant du ministère pourra alors poser des questions. Si l'appelant est appelé en personne, alors tant le ministère que moi-même pourrons lui poser des questions;
f) Le ministère pourra alors commenter ou réfuter les points soulevés par les appelants;
g) Si le ministère a apporté de nouveaux éléments de preuve, les appelants pourront alors en apporter la preuve contraire;
h) Chaque partie pourra tirer ses conclusions;
i) Après un examen de la preuve, je ferai connaître ma décision en temps utile au représentant des appelants et au ministère.
Il est établi que l'on procéda aux étapes a), b) et c) et que ce fut au cours de l'étape c) que M. Done demanda la possibilité d'interroger M. Devine sur ses qualifications, ce qu'on lui refusa. Il me semble évident que, jusqu'à ce moment, l'enquête englobait l'audition des appels de tous les appelants car je trouve incon- cevable qu'on ait pu avoir l'intention de repren- dre les étapes a), b) et c) pour chacun des sept appelants, d'autant plus qu'ils étaient tous représentés par une même personne. En outre, je pense qu'il s'agissait d'une procédure d'en- quête concernant la légalité des nominations faisant suite à un concours plutôt que de sept enquêtes distinctes sur la même question.
A l'étape suivante de la procédure, soit l'ali- néa d) de la liste de Mme Clapham, M. Done fit appel à l'appelant M. Nanda, en tant que témoin, et, après son témoignage, il fut ques- tionné (j'évite le mot contre-interrogé car il me semble suggérer une procédure judiciaire) par M. Freke ou M. Coffin. Au cours de son témoi- gnage, M. Nanda rapporta qu'il avait entendu parler d'une réunion pendant laquelle M. Freke avait soi-disant fait certaines déclarations que M. Done se proposait de présenter, indiquant que M. Freke avait des idées préconçues affec- tant sa capacité de juger les candidats selon leur mérite. A la fin du témoignage de M. Nanda, M. Done essaya de citer comme témoins trois des appelants qui avaient assisté à la réunion et entendu ce que M. Freke avait dit. A mon avis, c'était, conformément à la procédure que Mme Clapham avait fixée, le bon moment pour les appeler. A mon point de vue, la conclusion ne serait pas différente même si l'on considère qu'on procédait simplement à ce moment-là à l'audition de l'appel de M. Nanda (qui compre- nait ce que l'on a appelé les trois points com-
muns à tous les appelants) ou qu'on procédait à une enquête générale portant sur la légalité des nominations faites à la suite du concours. Elle tiendrait même si l'on devait considérer que deux enquêtes distinctes se tenaient en même temps, c'est-à-dire l'une relative aux trois ques tions applicables à tous les appelants et l'autre
concernant le propre appel de M. Nanda.
Il est établi que la présidente refusa d'enten- dre les témoins proposés à ce stade. Selon M. Done, la présidente refusa de les entendre au motif qu'il serait inutile d'entendre trois autres témoins répéter la même chose. Lors du contre-
interrogatoire, Mme Clapham déclara:
[TRADUCTION] 156. Q. Maintenant, il me semble qu'il y a eu un incident—je passais à un autre sujet—un inci dent à l'audition. Il se peut que «incident» ne soit pas le bon mot. En tout cas, M. Done fit témoigner M. Nanda?
R. Oui, il débuta par
157. Q. Et au cours de ce témoignage, M. Nanda a mentionné une certaine réunion à laquelle M. Freke assistait, et ce dernier a soi-disant fait certaines déclarations.
R. Oui, c'est exact.
158. Q. N'est-il pas vrai qu'au cours de son témoignage M. Nanda a déclaré qu'il n'était pas présent quand ceci s'est produit et qu'il a clairement indiqué que, quant à lui, il ne pouvait s'agir que d'ouï-dire?
R. Oui, mais j'ai accepté la déclaration de M. Nanda.
159. Q. Vous avez accepté la déclaration de M. Nanda. L'avez-vous considérée comme véridique?
R. Oui. J'ai accepté la déclaration de M. Nanda. J'ai accepté son témoignage.
160. Q. Qu'a dit M. Nanda?
R. Il faut que je me rapporte à mes notes.
161. Q. D'accord.
R. Sur ce point particulier je n'ai pas les mots exacts employés par M. Nanda. C'est pendant le témoignage de M. Nanda que la question a été soulevée, ou que l'incident s'est produit au sujet de la conversation que M. Freke avait eu avec son personnel. A ce stade de l'audition, ils souhaitaient appeler des témoins pour faire la preuve de la conversation qui avait effective- ment eu lieu. A ce moment-là, j'ai dit à M. Done que, puisque chaque appelant devait témoigner à son tour et comme j'avais accepté la preuve qui avait été produite, et le fait que cette conversation avait eu lieu et puisque les appelants devaient témoigner ils pour- raient alors souligner ce point puisqu'ils furent témoins de cette conversation.
En tout cas, à mon avis, dans la procédure fixée par Mme Clapham, c'était le moment
approprié pour entendre ces témoins si on devait leur permettre d'ajouter quelque chose à ce que M. Nanda avait dit à ce sujet ou même s'ils devaient vraiment être entendus sur la question. Par contre, si on ne devait pas leur permettre d'ajouter quelque chose à ce que M. Nanda avait déjà dit, comme le suggère la déclaration de Mme Clapham, il me semble que la question de la déclaration de M. Nanda était préjugée et que l'on refusait à tous les appelants le droit d'y ajouter quelque chose.
A ce stade, la présidente demanda à M. Done de faire valoir pourquoi, à son point de vue, il ne fallait pas maintenir la décision du jury d'e- xamen dans le cas de M. Nanda et, après l'avoir entendu, elle passa à l'étape f). Toutefois, il semble que l'étape f) n'ait porté que sur l'appel de M. Nanda, incluant ce qui avait déjà été dit sur les trois points communs à tous les appe- lants. On a dit qu'il avait été convenu que les causes de tous les appelants seraient présentées séparément dans un ordre précis et qu'on enten- drait d'abord celle de M. Nanda, qui comprenait les trois points communs à tous les appels qui, bien qu'inclus dans les autres appels, ne seraient pas repris lors de l'audition de ces derniers. Toutefois, dans ces circonstances, si l'on admettait que ce qui se passait était que l'appel de M. Nanda était entendu séparément, il me semble qu'on lui refusait (ainsi qu'aux autres) le droit de compléter la preuve qu'il voulait apporter sur sa propre cause et qui devait s'appliquer aux causes des autres. Il me semble aussi que la présidente précisa à M. Nanda et aux autres qu'elle acceptait comme un fait ce qu'il avait rapporté au sujet dudit inci dent. Il ressort cependant de sa décision qu'elle n'a pas accepté ce que son représentant et lui- même avaient rapporté, mais, en fait, une ver sion différente de l'incident relatée par M. Freke qui avait eu la permission de faire appel à M. Galoway ou M. Kew pour appuyer sa ver sion. En se fondant sur l'ensemble de la preuve, il se peut que la conclusion du comité n'ait pas été déraisonnable, mais elle ne semble pas être compatible avec le fait que la présidente ait accepté comme véridique la déclaration de M. Nanda.
En outre, selon la preuve présentée par M. Done, lorsque M. Freke aborda le sujet au stade
f), M. Done souleva à nouveau la question de son droit d'appeler les trois témoins, point que M. Coffin, d'une certaine manière, vient confir- mer. Il s'ensuivit une discussion d'environ cinq minutes au cours de laquelle on lui refusa à nouveau le droit de les appeler.
On a dit qu'à ce stade, la raison invoquée du refus était qu'il n'y avait pas de contestation. En conséquence, il semble clair, du moins en ce qui concerne la partie de l'enquête relative à M. Nanda, qu'on refusa à M. Done et aux person- nes qu'il représentait le droit d'appeler les témoins en question.
En outre, le seul point qui me semble pouvoir s'opposer à la conclusion que pendant l'ensem- ble de la procédure on refusa à M. Done le droit d'appeler ces témoins, est le fait qu'il semble avoir compris qu'il pouvait les appeler chacun à leur tour lorsque le bien-fondé de chaque appel particulier serait étudié. Tous les appelants et lui-même s'étant retirés avant que ce stade ne soit atteint, ils auraient ainsi abandonné la pos- sibilité qu'on aurait pu leur accorder à ce moment-là de parler de l'incident en question. Compte tenu de ce qui semble avoir été une grande réticence de la part de la présidente quand il s'est agi de permettre que la question soit étudiée et les motifs qu'elle avança pour refuser d'accorder la citation des témoins, à la fois quand on le lui demanda la première fois et lors de la deuxième tentative, il ne me semble pas que les témoins auraient jamais eu l'autori- sation d'en dire plus sur l'incident que ce qu'a- vait déjà dit M. Nanda. Mais, quoiqu'il en soit, il me semble qu'après avoir refusé de permettre de citer des témoins au moment approprié de la procédure qu'elle avait fixée et qu'après avoir participé à la séparation de l'enquête en ce qui était en fait des auditions distinctes des appels des divers appelants, les trois points communs à tous devant être traités au cours de l'audition de l'appel de M. Nanda, je suis d'avis qu'il lui incombait, si l'audition devait être équitable sur la question de l'incident en cause, d'entendre tout ce que les appelants avaient à en dire pendant qu'on en traitait à l'audition de la cause de M. Nanda, en particulier parce que ce fut à ce moment que le représentant du sous-ministre eut la possibilité de s'expliquer sur le sujet.
Malgré l'exposé de M. Whitehall soutenant le contraire, je suis d'avis que la question de la prétendue partialité de M. Freke devait être étudiée à l'enquête devant le comité. J'estime en outre qu'il était très important, dans l'optique du maintien de la confiance des fonctionnaires et du public, tant dans la sélection que dans le système des appels, qu'une telle question, une fois soulevée, soit éclaircie.
J'annule donc le rejet des appels des requé- rants et je renvoie la question au comité comme l'a proposé le juge en chef.
LE JUGE KERR (dissident) (oralement)—Le juge en chef a brossé un tableau complet de la nature de la demande soumise à cette Cour, de son origine, des circonstances qui l'entourent et des problèmes soulevés. Par conséquent, il m'est possible de traiter la question relative- ment rapidement.
Le principal motif d'appel porte que la prési- dente du comité d'appel a omis d'observer les principes de justice naturelle de différentes façons précises. La présidente était Mme Irene G. Clapham. Depuis le ler octobre 1970, elle préside des comités d'appel constitués en vertu de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et, avant la date à laquelle elle a tenue l'enquête en l'espèce, elle avait présidé en moyenne 12 auditions par mois. Personne n'a avancé devant cette Cour qu'elle n'était pas capable de prési- der ou qu'elle n'en avait pas la compétence, ou qu'elle était partiale ou avait un préjugé à l'en- contre de certains des appelants ou de leur cause ou qu'elle n'avait pas agi de bonne foi. Bien sûr, ceci n'exclut pas la possibilité que, dans cet appel particulier, elle ait pu omettre d'observer les principes de justice naturelle.
Comme l'a souligné le juge en chef dans ses motifs de jugement, on demande à la Cour de statuer en se fondant sur la preuve apportée par les parties, qui, outre le fait qu'elle est très imprécise, ne se limite pas à une réclamation objective de ce qui a réellement été dit et fait pendant l'audition. Elle consiste en une petite
partie de ce qui a réellement été dit et fait, mêlé avec une grande partie de souvenirs reconsti- tués de ce que l'on voulait dire et d'explications et rationalisations ex post facto. Néanmoins, malgré ces insuffisances, la Cour doit faire pour le mieux avec ce qu'elle a.
Venons-en maintenant aux cinq prétentions d'inobservation des principes de justice natu- relle présentées dans l'exposé des faits et du droit soumis à cette Cour au nom des requérants.
Selon la première prétention, la présidente a exposé la procédure à suivre mais elle n'a pas suivi la procédure prévue par la Commission de la Fonction publique dans son Guide, Système des appels dans la Fonction publique. Pour faci- liter la comparaison, la procédure de la prési- dente et la procédure correspondante du Guide sont exposées en parallèle ci-dessous:
Procédure de la présidente Procédure du Guide
[TRADUCTION]
a) En tant que prési- 2. Le président du co-
dente, je lirai d'abord cer- mité d'appel explique les
tains documents en ma dispositions de la Loi sur
possession et ils seront en- l'emploi dans la Fonction
suite déposés en preuve; publique et des Règlements
b) Le ministère expli- pertinents au cas à l'étude.
quera la procédure suivie Il explique aussi la procé-
par le jury d'examen et les dure que suivra le comité
motifs de l'échec des ap- d'appel pour la bonne con-
pelants; duite de l'audition.
c) Le représentant des 3. Le président lit la
appelants pourra poser des lettre du ministère avisant
questions au ministère; l'appelant de son droit
d) Le représentant des d'appel ainsi que le docu-
appelants présentera son ment d'appel déposé par
argumentation; l'appelant.
e) Le représentant du 4. Dans le cas d'un ap-
ministère pourra alors per du choix d'un employé
poser des questions. Si pour une nomination, on
l'appelant est appelé en demande alors au repré-
personne, alors tant le sentant du ministère d'ex-
ministère que moi-même poser et d'expliquer les
pourrons lui poser des diverses démarches qui ont
questions; conduit le ministère à ef-
f) Le ministère pourra fectuer ce choix.
alors commenter ou ré- Si le choix a été fait
futer les points soulevés par un concours restreint,
par les appelants. cette déclaration doit faire
g) Si le ministère a mention du placard, de la
apporté de nouveaux élé- zone de sélection, des
ments de preuve, les ap- fonctions à remplir et des
pelants pourront alors en qualités requises. Le repre-
apporter la preuve con- se-ttant du ministère peut
traire; alors inviter le président ou h) Chaque partie pourra l'un des membres du jury
tirer ses conclusions; d'examen à décrire la pro
f) Après un examen de cédure suivie dans l'éva-'
la preuve, je ferai connaî- luation des candidats, et
à expli q uer les résultats du
tre ma décision en temps concours et les raisons
utile au représentant des qui ont causé l'insuccès de
appelants et au ministère. l'appelant.
5. L'appelant (ou son représentant) présente en- suite sa cause et démontre pourquoi les résultats du concours ou le choix ef- fectué ne devraient pas être acceptés. Dans la pré- sentation de sa cause, l'ap- pelant peut déposer comme preuve tout document qui se rattache à la cause et peut faire entendre des té- moins. Le représentant du ministère bénéficie du droit de contre-interroger ces témoins.
6. Apres la présentation de la cause de l'appelant, le représentant du mi- nistère peut répliquer aux allégations faites par l'ap- pelant et présenter le point de vue du ministère en déposant comme preuve des documents pertinents et en appelant des té- moins. L'appelant (ou son représentant) bénéficie du droit de contre-interro- ger les témoins amenés par le ministère, aussitôt que chaque témoin a rendu son témoignage.
7. L'appelant et le re- présentant du ministère peuvent ensuite, à tour de rôle, soumettre un som- maire des points saillants de leur cause.
8. La séance est ensuite levée.
Dans l'affaire Re O'Byrne et Bazley [1971] 3 O.R. 309, le juge Pennell a pris ce Guide en considération et a déclaré à la page 318:
[TRADUCTION] ... A la suite d'un litige relatif à la procédure, le requérant et son avocat se sont retirés. Il est difficile de déterminer l'origine du litige. Il est évident que la Loi et le Règlement ont pour effet d'accorder une latitude considéra- ble en matière de procédure. Par exemple, les témoins n'ont pas à être assermentés et la recevabilité de toute preuve est laissée à la discrétion du comité d'appel. Le «Guide— Système des appels dans la Fonction publique» reflète la nature peu formaliste de la procédure. On ne doit donc pas traiter l'appel comme s'il s'agissait d'une audition formaliste devant un tribunal judiciaire. La procédure doit néanmoins être conforme aux règles de la justice naturelle et on doit accorder à l'appelant toutes les possibilités de présenter sa «cause» en interrogeant et contre-interrogeant des témoins et en exposant ses arguments sur l'ensemble de l'affaire au comité d'appel. Il est inutile d'ajouter que le comité d'appel doit agir de bonne foi et entendre équitablement les deux parties.
Il y a beaucoup d'appels de ce genre. Le Guide est utile, mais il ne s'agit pas d'un règle- ment que l'on doit suivre à la lettre. Je pense qu'il est admissible de s'écarter de la procédure du Guide et que, si l'on omet de la suivre, il ne s'ensuit pas nécessairement que la décision finale est de nul effet ipso facto. Il me semble que, dans ce domaine, la Loi et les Règlements ont pour but que l'enquête soit menée de manière aussi peu formaliste et avec autant de célérité que les circonstances et les exigences de l'équité le permettent, eu égard au droit inhérent des personnes qui font appel et du sous-chef en cause (ou de leurs représentants) d'avoir la possibilité d'être entendus. Je ne vois aucune différence importante entre la procé- dure exposée par la présidente et celle du Guide.
Selon la deuxième prétention, la présidente commit une erreur en mettant à la disposition du représentant du ministère une copie dès notes personnelles du représentant des appe- lants, M. Done. Il est possible que cela ait été utile au représentant du ministère; du moins cela lui épargna l'obligation de prendre des notes au cours du long plaidoyer de M. Done. Mais cela n'empêcha pas M. Done ou les appe- lants d'être entendus, ne restreignit ni ne limita pas la possibilité qu'ils avaient de faire valoir des motifs ou des preuves à l'appui de leurs appels et, en l'étudiant sous tous les angles, je ne peux conclure qu'il s'est agi d'une violation ou d'un déni de justice naturelle.
Selon la troisième prétention, la présidente a ordonné au représentant des appelants de tirer
ses conclusions avant l'audition de la preuve du ministère.
Je ne pense pas que la preuve et les éléments soumis à la Cour justifient la conclusion ou la déduction que la présidente a donné de telles directives. La procédure que la présidente expose dans son affidavit, procédure qu'elle expliqua dès l'ouverture de l'audition à toutes les personnes présentes, prévoyait tout d'abord que le ministère expliquerait la procédure suivie par le jury d'examen et les motifs de l'échec des appelants; qu'ensuite le représentant des appe- lants pourrait poser des questions au ministère; que le représentant des appelants présenterait alors son argumentation et que le représentant du ministère pourrait poser des questions' ; que le ministère pourrait alors commenter ou réfuter les points soulevés par les appelants et que, si le ministère apportait de nouveaux éléments de preuve, les appelants pourraient en faire la preuve contraire; et que, finalement, chaque partie pourrait tirer ses conclusions.
Dans son affidavit, la présidente déclare qu'a- près la fin du témoignage de M. Nanda, elle [TRADUCTION] «demanda à M. Done de faire valoir ses arguments portant que la décision du jury d'examen ne devrait pas être maintenue». A cet égard, on trouve dans la transcription du contre-interrogatoire mené par M. Wright sur l'affidavit de la présidente, la question et la réponse suivantes:
[TRADUCTION] 52. Q. Donc, d'après vous, il y aurait deux conclusions? Il y aurait deux possibilités de conclure, c'est bien ça? Une première fois en vertu du paragra- phe 4 et une deuxième fois en vertu du paragraphe 4h). Est-ce bien ce que vous dites?
R. Vous pouvez parler de conclusion, mais pour moi c'est la présentation de son argumentation, de ses préten- tions ou de ses arguments; quel que soit le terme utilisé, ce n'est qu'une seule et même chose. Le résumé constitue la conclusion finale et chaque partie peut conclure comme je l'ai déclaré à l'alinéa h). Elles ont donc deux chances de faire valoir leurs arguments.
Considérant la question de manière objective, je ne pense pas que M. Done, un homme raison- nable, intelligent et assez au fait de la procédure des comités d'appel établis par la Loi, ait jamais eu des motifs de croire qu'on lui refusait la possibilité de faire ses conclusions finales après la présentation du restant de la preuve. Pendant la matinée du deuxième jour de l'audition, M.
Freke et d'autres personnes témoignèrent à un moment M. Done était présent et il posa des questions au moins à certains d'entre eux. Il me semble incroyable qu'il ait pensé à ce moment-là qu'il n'aurait aucune autre possibilité d'analyser leurs témoignages dans ses conclu sions. En fait, s'il ne tira pas ses conclusions, ce n'est pas parce qu'on lui en refusa le droit, car il n'y a pas eu de refus semblable, mais parce que les appelants et lui-même se sont retirés de l'enquête et ont laissé la présidente la poursui- vre en leur absence.
Selon la quatrième prétention, la présidente refusa au représentant des appelants le droit de contre-interroger M. Devine, président du jury d'examen, au sujet de ses qualifications pour y siéger.
La preuve à cet effet est contradictoire. Sans aucun doute, M. Done se rendit à l'audition avec la ferme intention de mettre en doute les qualifications de M. Devine d'être membre du jury d'examen. Et c'est ce qu'il fit. Il déclara que le premier jour, il posa à M. Devine une question concernant ses qualifications, mais que la présidente enjoignit M. Devine de ne pas y répondre. Je reconnais que la présidente donna cet ordre à ce moment-là. Dans son affidavit elle déclare:
[TRADUCTION] 12. Pendant le contre-interrogatoire de M. Devine effectué par M. Done, ce dernier l'interrogea sur ses qualifications. J'ai refusé cette question parce que, comme je l'ai déclaré à l'audition, à ce stade, c'était la procédure suivie lors de l'audition tenue par les jury d'examen qui était en cause et non les qualifications des membres de ce jury.
13. J'ai expliqué à M. Done que s'il désirait mettre en doute les qualifications de M. Devine, il pourrait le faire plus tard, et que le ministère devrait alors répondre à ses allégations.
Je pense que je suis sensible au motif de la présidente pour ce faire. Elle faisait une enquête sur un certain nombre d'appels dans lesquels il y avait certaines questions commu nes à tous et d'autres seulement relatives à chaque appelant en particulier. Elle désirait donc que l'audition soit menée et les questions traitées de la manière et dans l'ordre qui, à son avis, favoriseraient le mieux possible une audi tion ordonnée et équitable. En envisageant maintenant la situation avec l'avantage du recul, on pourrait conclure que le moment le plus
approprié pour permettre à M. Devine de répon- dre aux questions posées par M. Done au sujet de ses qualifications était celui ce dernier tenta pour la première fois de les poser. Quoi qu'il en soit, la présidente devait trancher dere- chef et elle opta pour un moment ultérieur. Le contexte peut être reconstitué à partir des sou venirs de M. Coffin, évoqués dans certaines de ses réponses au contre-interrogatoire de M. Wright:
[TRADUCTION] 78. Q. N'est-il pas vrai que M. Done en
vint alors au contre-interrogatoire de M. Devine?
R. Hm-hmm, oui.
79. Q. N'est-il pas vrai qu'il se mit alors à poser des
questions sur les qualifications de M. Devine?
R. Oui, je m'en souviens.
80. Q. Et les qualifications de M. Landriault?
R. Je ne me rappelle pas qu'il ait posé des questions à M. Landriault, mais sans aucun doute il a interrogé M. Devine sur ses qualifications.
81. Q. Lui-a-t-on donné la possibilité d'achever son con-
tre-interrogatoire quant à leurs qualifications?
R. A ce moment-là?
82. Q. A ce moment-là.
R. Non, pas à ce moment-là. On en a discuté plus tard.
83. Q. Pourquoi pas à ce moment-là?
R. Il était évident qi;'il allait y avoir plus tard un moment ce genre de discussion cadrerait mieux dans la procédure.
84. Q. Comment a-t-on démontré cette évidence et qui
l'a fait?
R. La présidente du comité.
92. Q. ... N'est-il pas vrai que, lorsque M. Done a commencé à interroger M. Devine au sujet de ses qualifications, il a été arrêté par la présidente et que ses questions ont été rejetées. Qu'en dites-vous?
R. Je crois—si je ne réponds pas directement à votre question, je comprendrais que vous vous y opposiez, ce ne sont que des souvenirs. Les interruptions qui se sont produites, peut-être vous objecterez-vous aussi à l'utilisation de ce mot, mais je me rappelle très claire- ment que Mme Clapham a déclaré: «Chaque chose en son temps et vous aurez l'occasion de faire ressortir tous les détails que vous voudrez». Tel est mon souvenir.
Ceci nous amène à la seconde considération, savoir, est-ce que, plus tard, M. Done a eu l'occasion d'interroger M. Devine sur ses quali fications. L'occasion se serait présentée le deuxième jour de l'audition. M. Devine témoi- gna pendant la matinée de ce jour-là. Dans le
contre-interrogatoire de M. Done sur son affida vit, les questions et réponses suivantes apparaissent:
[TRADucTION]195. Q. N'est-il pas exact qu'au même moment, nous avons fixé l'heure à l'aide des autres témoins, n'est-il pas exact que M. Devine a aussi fait des déclarations?
R. Oui, je crois que la toute première personne, à qui M. Freke a parlé, appelée comme témoin, était M. Devine.
200. Q. Avez-vous essayé à ce moment-là, j'utilise bien le mot «essayer», de poser des questions à M. Devine?
R. Non, mais je vais vous expliquer pourquoi. J'espérais sincèrement qu'à ce moment-là certains témoignages pourraient démontrer que les qualifications de M. Devine étaient bien ce qu'on prétendait. Cependant, il n'a rien dit concernant ses qualifications, rien du tout. En fait, j'avais déjà essayé une fois de lui poser des questions sur ce point et on m'avait déclaré: «Je n'entendrai aucune preuve sur ce point». J'ai supposé, pour ce que cela vaut, que c'est pourquoi le représen- tant du ministère s'en est désintéressé. On lui avait dit—la présidente avait déjà dit qu'elle n'entendrait aucune preuve à ce sujet. Je ne pouvais rien lui demander à ce sujet en contre-interrogatoire pour la simple raison que les présidents de comités d'appel de la Fonction publique m'ont toujours rappelé que, lors d'un contre-interrogatoire, je suis seulement autorisé à poser des questions portant sur les déclarations faites par le témoin lors de son interrogatoire principal, c'est-à-dire qu'on peut alors mettre en question la véracité de ses déclarations ou lui demander de les approfondir. Je ne pouvais pas contre-interroger parce que la question n'avait pas été soulevée.
207. Q. Et vous n'avez posé aucune question à M. Devine au sujet de ses qualifications le deuxième jour par suite de ce que vous supposiez être une règle du contre-interrogatoire?
R. Non, pas ce que je supposais, mais ce que m'avait dit la présidente la veille en mots très simples et directs.
208. Q. Quand?
R. Le tout premier jour quand j'ai posé la question pour la première fois à M. Devine. La présidente a dit: «Ne répondez pas à cette question», et elle a ajouté: «Je n'entendrai aucune preuve sur ce point».
209. Q. Vous rappelez-vous que la présidente ait bien utilisé les mots «aucune preuve»?
R. Je me souviens que la présidente a dit qu'elle n'enten- drait aucune preuve sur ce point.
210. Q. Vous souvenez-vous que la présidente ait dit «à ce moment-là» ou «en tout temps»?
R. Je me souviens que la présidente a dit cela. Son intervention a été nette et sans équivoque, elle a dit «Ne répondez pas à cette question, je n'entendrai aucune preuve sur ce point».
211. Q. Bon. La présidente vous a-t-elle donné des direc tives sur l'utilisation du contre-interrogatoire pendant l'audition?
R. Non.
Le témoignage selon lequel M. Devine a témoigné et donné des renseignements précis le matin du deuxième jour est corroboré par M. Coffin et par l'un des requérants, M. Chaytor. D'après les souvenirs de M. Chaytor, M. Devine a fait quelques déclarations concernant ses pro- pres qualifications, M. Coffin les a quelque peu enjolivées et M. Done a posé quelques ques tions à M. Devine, mais pas au sujet de ses qualifications.
La preuve est contradictoire, mais j'en con- clus que la prépondérance des probabilités est à l'effet que le refus de la présidente de permettre à M. Done de contre-interroger M. Devine sur ses qualifications le premier jour de l'audition n'était pas un refus absolu valable pour toute l'audition, mais qu'il était limité, conformément à son plan général de l'audition, à cette étape précise de l'audition; j'en conclus en outre que M. Done eut la possibilité d'interroger M. Devine sur ses qualifications le deuxième jour et que la présidente n'a ni empêché ni limité son contre-interrogatoire de M. Devine à ce moment-là.
Il reste la cinquième et dernière des préten- tions importantes présentées au nom des requé- rants. Elle est relative à une réunion de M. Freke et de son personnel tenue quelques mois avant l'audition. On a prétendu qu'à cette réu- nion, M. Freke avait fait des déclarations indi- quant qu'il en était déjà arrivé à certaines con clusions au sujet du concours. M. Done voulait appeler trois des appelants qui avaient assisté à la réunion, pour qu'ils témoignent sur cet aspect de l'affaire. On a avancé au nom des appelants que la présidente s'opposa à ce que M. Done apporte une telle preuve, mais qu'elle permit au représentant du ministère de faire sa preuve à ce sujet, et que la présidente conduisit l'audition de l'appel de telle sorte qu'elle empêcha représentant des appelants d'avoir la possibilité de présenter de manière complète et appropriée la cause des appelants, en ne lui permettant pas
d'appeler des témoins au sujet de cette réunion tout en permettant au représentant du ministère d'appeler les siens.
A cet égard, la preuve est encore contradic- toire. Toutefois, il semble certain que le premier jour de l'audition M. Done fit appeler 1o.. Nanda, un des appelants, pour qu'il témoigne. Apparemment, après quelques discussions, on lui permit de témoigner et il rapporta ce qu'on lui avait raconté que M. Freke avait dit lors de ladite réunion. M. Done proposa alors d'appeler trois des appelants qui avaient assisté à la réu- nion, pour qu'ils donnent un témoignage de première main à ce sujet et sur ce que M. Freke avait dit. La présidente s'opposa à leur témoi- gnage à ce moment-là. Les passages suivants, extraits du contre-interrogatoire de la prési- dente mené par M. Wright, sont pertinents à cet égard:
[TRADUCTION] 157. Q. Et au cours de ce témoignage, M. Nanda a mentionné une certaine réunion à laquelle M. Freke assistait, et ce dernier a soi-disant fait certai- nes déclarations.
R. Oui, c'est exact.
158. Q. N'est-il pas vrai qu'au cours de son témoignage M. Nanda a déclaré qu'il n'était pas présent quand ceci s'est produit et qu'il a indiqué clairement que, quant à lui, ne pouvait s'agir que d'ouï-dire?
R. Oui, mais j'ai accepté la déclaration de M. Nanda.
159. Q. Vous avez accepté la déclaration de M. Nanda. L'avez-vous considérée comme véridique?
R. Oui. J'ai accepté la déclaration de M. Nanda. J'ai accepté son témoignage.
160. Q. Qu'a dit M. Nanda?
R. Il faut que je me rapporte à mes notes.
161. Q. D'accord.
R. Sur ce point particulier, je n'ai pas les mots exacts de M. Nanda. C'est pendant le témoignage de M. Nanda que la question a été soulevée ou que l'incident s'est produit au sujet de la conversation que M. Freke avait eu avec son personnel. A ce stade de l'audition, ils souhaitaient appeler des témoins pour faire la preuve de la conversation qui avait effectivement eu lieu. A ce moment-là j'ai dit à M. Done que puisque chaque appelant devait témoigner à son tour et comme j'avais accepté la preuve qui avait été produite, et le fait que cette conversation avait eu lieu, et puisque les appe- lants devaient témoigner ils pourraient alors souligner ce point puisqu'ils furent témoins de cette conversation.
Plus tard dans le contre-interrogatoire, la prési- dente déclara qu'elle avait décidé à ce stade que, puisque chaque appelant devait être
entendu à son tour, ils pourraient alors com- menter la déclaration, que tous les témoins que M. Done appellerait auraient le droit de témoi- gner et que M. Done avait toute latitude d'intro- duire toute la preuve en sa possession sur la question de la partialité.
Plus tard le premier jour de l'audition, M. Done fit son argumentation d'après ses «notes»; c'est alors que survint l'incident la prési- dente demanda une copie des notes et en remit une copie à M. Coffin. Dans ces notes, on trouve une forte opposition à la participation de M. Freke au jury d'examen, parce qu'il n'était pas impartial, opposition qui est formulée en ces termes:
[TRADUCTION] Effectivement, nous nous opposons préci- sément au fait que M. Freke lui-même ait fait partie du jury, non pas parce qu'il était incompétent, mais parce qu'il était nettement partial. Dès le 21 janvier, en présence d'au moins trois des appelants, il avait catégoriquement déclaré qu'il n'allait donner de l'avancement qu'à deux ou peut-être trois membres du personnel actuel. Comme il y avait quatre postes à pourvoir par concours, il s'ensuit obligatoirement que, s'il y avait quatre employés jugés qualifiés, ils auraient le droit d'être promus. Mais M. Freke avait déjà décidé qu'il ne trouverait pas quatre employés qualifiés et il avait déjà préparé l'avis de concours public pour combler le vide. Bien plus, je soutiens qu'avant même que le jury ne siège, M. Freke avait déterminé les deux employés qui seraient reçus et qu'il avait une autre personne à l'esprit comme troisième choix. En d'autres termes, et sans du tout mettre en doute son intégrité, nous soutenons qu'au moment le jury siégea, M. Freke ne pouvait plus être impartial. Il avait déjà déterminé à l'avance le résultat général du concours.
Ceci mit fin au premier jour de l'audition.
Le deuxième jour, M. Freke fut appelé et donna sa version. Dans son affidavit, M. Done déclara qu'il avait contre-interrogé M. Freke. II fut moins précis à cet égard quand M. Whitehall le contre-interrogea. Dans son affidavit et dans le contre-interrogatoire, il déclara aussi qu'après le témoignage de M. Freke, il demanda qu'on lui permette d'appeler les trois témoins qu'il avait essayé d'appeler le premier jour à la fin du témoignage de M. Nanda, mais que la prési- dente s'y était à nouveau opposé. Dans son contre-interrogatoire, la présidente déclara que M. Done avait eu la possibilité d'appeler des témoins après la présentation de la preuve de M. Freke, mais qu'il ne s'en était pas servi. J'ai eu quelque difficulté à retracer d'après son con- tre-interrogatoire ce qu'elle avait dit au juste, si elle en a dit quelque chose, lors du second jour
d'audition au sujet des trois témoins que M. Done avait eu l'intention d'appeler. Mais, après avoir étudié son affidavit et ses réponses en contre-interrogatoire à la lumière de l'ensemble des circonstances, je pense qu'il en ressort une indication assez nette qu'elle n'a pas absolu- ment refusé d'entendre ces témoins mais plutôt qu'elle voulait les entendre chacun à leur tour. Elle ne voulait pas être détournée du plan ordonné qu'elle avait exposé au début de l'audition.
M. Freke ne fut pas la seule personne à parler au nom du ministère le deuxième jour. M. Coffin parla d'abord, avant M. Freke, et reprit la parole ensuite après MM. Freke, Devine, Kew et Galoway. C'est après que M. Coffin reprit la parole ce jour-là que les appelants se sont retirés de l'audition. S'ils étaient restés et qu'à leur tour, ils avaient essayé de parler de ce que M. Freke avait dit à la réunion en question, le tableau que nous- en avons serait probable- ment plus clair.
Mon appréciation de la situation, d'après ce que nous en connaissons, est que la prépondé- rance des probabilités est à l'effet que la prési- dente avait l'intention d'entendre tous les témoins présentés par les appelants, mais chacun à son tour conformément aux règles de base de procédure qu'elle avait fixées dès le début. Elle doit s'être rendue compte de l'im- portance que les appelants attachaient à ce que M. Freke avait dit à la réunion antérieure et à leur contestation de son droit d'être membre du jury d'examen à cause de ses conclusions soi- disant partiales ou prédéterminées quant aux qualifications et au choix des candidats pour les postes disponibles. La présidente entendit M. Freke sur cette question. Il m'est difficile de conclure qu'elle refusa aux appelants la possibi- lité d'apporter leur preuve pour contredire celle de M. Freke. Je n'ai pas besoin d'avancer d'hy- pothèse quant à l'effet qu'une telle preuve aurait pu avoir, si elle avait été présentée et admise. La question est de savoir si la prési- dente refusa et de l'entendre et d'accorder aux appelants la possibilité de la présenter.
En essayant de trancher les questions soumi- ses à la Cour, il ne faut pas négliger le fait que les appelants se soient retirés de l'audition après
avoir entendu la preuve du ministère et ses allégations sur les problèmes généraux soulevés par les appelants, en particulier en ce qui con- cerne les qualifications des membres du jury d'examen et la prétendue partialité de M. Freke, et le fait qu'en annonçant leur retrait, ils n'aient pas prétendu qu'on leur refusait la possibilité d'appeler des témoins et de présenter leur preuve relativement aux questions qu'ils avaient soulevées. Si on leur avait refusé cette possibi- lité, capitale pour leur cause, on peut penser qu'ils auraient dit à la présidente que c'était un des motifs de leur retrait. Au lieu de cela, ils invoquèrent comme motif de leur retrait l'in- compétence de la présidente à entendre l'appel.
Les appelants se sont retirés de leur propre gré. Ils demandent maintenant à cette Cour d'annuler la décision du comité d'appel qui a résulté en la nomination des deux candidats qui se sont qualifiés. En fait, ils demandent à cette Cour de leur accorder une nouvelle audition d'appel, ce qui peut se faire à condition d'avoir des motifs valables.
A mon avis, la preuve et les éléments en possession de la Cour ne réussissent pas à démontrer une prépondérance des probabilités à l'effet que la présidente refusa aux appelants le droit à une juste audition de leur appel, ou qu'elle omit d'observer les principes de justice naturelle et le principe audi alteram partem, ou qu'elle n'entendit pas équitablement la cause avancée par le représentant des appelants, ou qu'elle ne conduisit pas une audition juste ou équitable, ou qu'elle conduisit l'audition d'une manière telle que le représentant des appelants se serait trouvé dans l'impossibilité de faire une présentation complète et appropriée de leur cause.
Je suis d'avis qu'il s'agit ici d'une affaire à laquelle on peut adapter les mots de Lord Bir- kenhead, que le juge Ritchie cite dans l'arrêt Posluns c. Toronto Stock Exchange [1968] R.C.S. 330 à la p. 341, et dire que ni la bonne foi de la présidente, ni son mode de procédure, ni la manière dont elle a conduit l'audience n'ont pu être mis en doute sérieusement.
Je rejette donc la demande d'annulation de la décision du comité d'appel.
LE JUGE EN CHEF JACKETT
Appelées à tort «appelants» au lieu de «requérants» dans l'intitulé de la cause.
2 Bien qu'il semble que la demande présente le document comme étant une décision unique, ce qui se conçoit bien, Mme Clapham a signé et daté chaque partie se rapportant à des questions relatives à un appel «particulier» seulement.
Bien que les appels aient été introduits contre la «sélec- tion», la «décision du comité» ou contre le concours ou les résultats du concours, il semble acquis qu'il s'agisse d'ap- pels aux termes de l'article 21. En conséquence, on doit les considérer comme étant des appels contre la «nomination» ou la nomination prévue, selon le cas, de chacune des personnes qui ont été choisies, puisque c'est le seul genre d'appel que prévoit l'article 21.
L'alinéa d) fut rayé à l'audience.
5 On remarque aussi dans cette Loi que la Commission est autorisée, par l'article 12, «en déterminant ... le principe de l'évaluation du mérite ...», à «prescrire des normes de sélection visant l'instruction, les connaissances, l'expé- rience, la langue, l'âge, la résidence ou toute autre question que la Commission juge nécessaire ou souhaitable, compte tenu de la nature des fonctions à accomplir ...» Il me semble que les normes ainsi prescrites peuvent servir à déterminer «le mérite» relativement à «la nature des fonc- tions à accomplir», sans toutefois remplacer la règle fonda- mentale de l'article 10 selon laquelle une nomination doit être faite selon «une sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commission». On n'a cité à la Cour aucune norme prescrite à l'article 12 qui pourrait s'appliquer à la présente affaire.
6 Je ne préjuge aucunement ici de la manière dont on doit accorder ladite possibilité d'être entendu.
7 Je pense que l'utilisation du mot «partial» dans cette optique est trompeur. Le choix de fonctionnaires n'est pas une tâche que l'on peut faire de manière judiciaire ou quasi judiciaire; c'est de l'essence même de l'administration des affaires gouvernementales. Bien sûr, il faut appliquer hon- nêtement les dispositions statutaires adoptées pour établir et protéger le système du mérite. Donc, la question est celle de savoir si les intéressés ont «véritablement» fait ce que la loi ordonnait. Comparez avec l'arrêt Franklin c. Minister of Town and Country Planning [1948] A.C. 87, aux pages 103 et 104 (Lord Thankerton).
8 Ce détail n'est corroboré par aucun de ceux qui sont exposés dans l'avis de demande (susmentionné) introduit en vertu de l'article 28. L'avocat de l'intimé explique que c'est pour cette raison que les affidavits qu'ils présentent ne traitent pas directement de cet aspect de la question.
9 Voir Re O'Byrne et Bazley [1971] 3 O.R. 309, à la page 321 (le juge Pennell):
[TRADUCTION] J'envisage la question en estimant que le Parlement avait l'intention qu'il y ait un minimum de formalités, à condition que les exigences de la justice naturelle soient satisfaites.
Comparez avec Ward c. Bradford Corpn. TIMES N.P.L.R., le 9 juillet 1971, par Lord Denning, M.R.:
[TRADUCTION] Tant qu'ils agissent avec justice et équité, il faut confirmer leurs décisions.
io I] dit simplement ici qu'ils choisiront les candidats qui sont meilleurs que les candidats du ministère jugés qualifiés, si de tels candidats apparaissent par suite du concours et que ce serait dans l'intérêt du ministère s'il y en avait.
" Je n'ai pas méconnu l'argument que la. preuve n'était pas pertinente parce que la conversation avait eu lieu avant la convocation du concours restreint. A mon avis, ce fait ne se reflète que sur la valeur probante de la preuve.
LE JUGE KERR
Tant au fond que dans la forme, cette façon de faire est très semblable à la règle 5 de la procédure du Guide (précitée).
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