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Dymo of Canada Limited (Appelante) c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Division de première instance, le juge Walsh— Toronto, le 6 mars; Ottawa, le 15 mars 1973.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu d'entreprise—Paie- ments pour se libérer d'un accord de vente inadéquat— S'agit-il de dépenses de capital ou de dépenses en vue de gagner un revenu?
Avant 1962, C et W, qui avaient constitué une société de personnes, vendaient au Canada des produits d'une compa- gnie américaine. En 1962, la compagnie appelante a com- mencé à fabriquer le produit au Canada; par suite d'un accord avec l'appelante, C et W ont continué à vendre le produit en recevant une commission de 40%. C et W n'avaient pas de droits de vente exclusifs sur le produit. En décembre 1963, l'appelante a convenu avec C et W de mettre fin audit accord le 31 décembre 1963. Aux termes de l'accord, C et W ont cessé de distribuer les produits de l'appelante, ils lui ont cédé leurs effets à recevoir, vendu leur mobilier de bureau, le matériel publicitaire et les circu- laires et ils ont signé une clause de non-rétablissement portant qu'ils ne feraient pas concurrence à l'appelante pendant trois ans. En contrepartie, l'appelante s'engageait à verser à C et W un pourcentage du revenu des ventes pendant trois ans. Au cours de ladite période, l'appelante versa à ce titre plus de $27,500 à Cet W.
Arrêt: l'appelante pouvait déduire ces versements dans le calcul de son revenu pour lesdites années. Les versements avaient principalement pour but de mettre fin au contrat non-exclusif de C et W, dégageant ainsi l'appelante de l'obligation de leur fournir les marchandises en leur consen- tant une commission de 40% et lui permettant de les vendre avec une plus grande marge de profit.
Distinction entre cet arrêt et l'arrêt Mandrel Industries Inc. c. M.R.N. [1965] C.T.C. 233; arrêts mentionnés: Mitchell c. B. W. Noble Ltd. 11 T.C. 372; Anglo-Per- sian Oil Co. c. Dale 16 T.C. 253.
APPEL de l'impôt sur le revenu. AVOCATS:
A. D. McAlpine, c.r. et H. D. Stewart pour l'appelante.
R. B. Thomas pour l'intimé.
PROCUREURS:
A. D. McAlpine, c.r., Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE WALSH—L'appelante est une corpo ration canadienne engagée dans la fabrication, la vente et la distribution de différents articles à marquer et à étiqueter, et plus précisément de machines à gaufrer, de machines à écrire des adresses sur ruban, d'étiquettes autocollantes et de stencils vendus sous le nom «Dymo» et sous d'autres noms ainsi qu'un système de marquage avec stencil vendu sous le nom commercial de «Sten-C-Labl». Elle achète certains de ces arti cles à sa société mère américaine, la Dymo Industries Inc. qui fabrique de son côté d'autres produits au Canada. Certains produits sont vendus par son propre personnel de vente mais elle fait aussi appel à des distributeurs (elle en a environ 500 au Canada). En l'espèce, le seul article en cause est le Sten-C-Labl: il se com pose d'une petite feuille de papier à stencil, d'une feuille de papier carbone et d'une feuille support, reliées par le haut au moyen d'un ruban adhésif. Une unité d'encrage applique cette éti- quette et permet à l'encre de passer au travers. L'adresse tapée sur cette étiquette est repro- duite sur l'emballage en lettres imprimées, lors- qu'on applique l'étiquette sur cet emballage. Avant 1962, les articles Sten-C-Labl étaient vendus au Canada par deux particuliers, S. Chapman et K. West, constitués en société de personnes faisant le commerce sous la dénomi- nation sociale de Sten-C-Labl Company of Canada, avec la permission de la société améri- caine, la Sten-C-Labl Inc. La marque Sten-C- Labl a été déposée aux États-Unis le 15 avril 1952 et est utilisée au Canada depuis le ler juillet 1946. Cette marque de commerce a été déposée au Canada le 17 juin 1960 mais MM. Chapman et West n'ont jamais été des utilisa- teurs enregistrés en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Vers la fin 1961, la société mère de l'appelante est devenue proprié- taire de la Sten-C-Labl Inc. Jusqu'alors MM. Chapman et West avaient acheté l'article en cause à la Sten-C-Labl Inc., aux États-Unis, mais après être devenus propriétaires de la Sten-C-Labl Inc., la société mère de l'appelante a décidé que cet article serait vendu au Canada exclusivement par sa filiale canadienne, -c'est-à- dire l'appelante.
L'appelante a commencé son activité au prin- temps 1961 par l'importation d'étiqueteuses sur
rubans et de rubans, produits eux aussi par la société mère aux États-Unis. En 1962, elle a déménagé dans des locaux plus vastes elle a commencé monter ces machines. A cette fin, elle a recruté 15 employés additionnels. En juil- let ou en août 1962, M. Harold Staines, qui était à l'époque secrétaire et administrateur de l'ap- pelante, a décidé, après avoir rendu visite à la société mère, que le Sten-C-Labl pouvait être fabriqué au Canada. Il s'est alors mis en contact avec MM. Chapman et West et leur a fait savoir qu'ils ne pourraient plus s'approvisionner auprès de la société des États-Unis. Il a offert d'acheter leur stock d'invendus en leur précisant que l'appelante exécuterait leurs commandes en leur accordant une commission de 40% et expé- dierait les articles directement aux clients. Aucun contrat de représentation exclusive n'a été consenti à MM. Chapman et West. M. Chap- man a transféré l'adresse professionnelle de la société de personnes au siège social de l'appe- lante en septembre 1962 (M. West étant resté en dehors des activités de la Sten-C-Labl depuis un certain temps) et l'appelante lui a permis d'utili- ser ses services de secrétariat et de comptabi- lité. Toutes les commandes étaient expédiées directement par l'appelante; à la fin de chaque mois, les ventes étaient comptabilisées et l'appe- lante facturait à la société de personnes 60% du total. Ce contrat était légèrement différent de ceux que l'appelante passait d'ordinaire avec ses distributeurs; ceux-ci achetaient normalement le produit à prix de gros et le revendaient au prix qu'ils fixaient eux-mêmes. M. Staines considé- rait que M. Chapman était plus un agent com mercial de la compagnie qu'un distributeur, bien qu'à l'époque ce dernier n'ait pas été employé par la compagnie. Au bout d'un certain temps, vers septembre 1963, M. Staines est arrivé à la conclusion que M. Chapman manquait d'agressi- vité et n'était pas un bon administrateur; il a donc décidé de résilier le contrat tout en esti- mant que la société de personnes avait droit à une indemnité de résiliation puisqu'elle vendait le Sten-C-Labl depuis un certain nombre d'an- nées, qu'elle utilisait ce nom commercial dans sa dénomination sociale, et qu'elle était même le seul distributeur de Sten-C-Labl au Canada à l'époque. Il a donc été décidé de leur verser, par paiements échelonnés sur une période de quatre
ans, une somme minimum de $18,000 qui, selon les estimations, représentait approximativement les 40% de commission qu'aurait perçus la société de personnes pendant six mois. On a rédigé un contrat daté du 27 décembre 1963 stipulant que les associés (appelés distributeurs) continueraient à encaisser leurs effets à recevoir jusqu'au 31 décembre 1963, date à laquelle ils les revendraient alors à l'appelante pour leur montant nominal, moins une provision raisonna- ble pour créances douteuses. On prévoyait éga- lement un autre rajustement dans les trois ans pour toutes les sommes versées par l'appelante aux distributeurs et que celle-ci ne pourrait recouvrer. La clause 2 du contrat stipulait:
[TRADUCTION] 2. Les distributeurs doivent remettre à la Dymo toutes les listes de clients, toutes les commandes non exécutées ainsi que les fiches et les dossiers concernant la vente des produits, les échantillons et le matériel publicitaire.
La clause 3 prévoyait que la Dymo verserait aux distributeurs un pourcentage dégressif sur les ventes des articles Sten-C-Labl au Canada pour les années 1964, 1965 et 1966, la somme totale devant être au minimum de $18,000. D'autres clauses stipulaient que le distributeur cesserait d'agir à titre de distributeur de la Dymo au 31 décembre 1963 et qu'il s'engageait à signer une clause de non-rétablissement.
D'après le témoignage de M. Staines, ces_ clauses de non-rétablissement ont été ajoutées sur la proposition des avocats de l'appelante. Elles ont été signées à titre personnel par M. Chapman et M. West le 3 janvier 1964. Il était convenu que ces derniers s'engageaient, pour une période de trois ans, à ne pas entreprendre, que ce soit à titre personnel, en société avec d'autres personnes, par l'intermédiaire d'une entreprise quelconque ou par un autre moyen, la vente d'articles susceptibles d'entrer en concur rence avec les articles alors vendus et distribués par l'appelante et qu'ils ne permettraient pas que leur nom soit utilisé à ces fins.
Dans un second temps, les effets à recevoir de la société de personnes Sten-C-Labl, d'un montant de $11,308.31, ont été cédés à l'appe- lante le 3 janvier 1964. Le 31 décembre 1963, du matériel de bureau, d'une valeur de $330 a été vendu à l'appelante. Le contrat stipulait en outre:
[TRADUCTION] En ce qui concerne les articles Sten-C-Labl, toutes les listes de clients, commandes non exécutées, l'en- semble des fiches et des dossiers concernant la vente de ces articles ainsi que les échantillons et le matériel publicitaire.
Aucune contrepartie n'a cependant été fixée à ce titre. D'autre part, par une lettre du 27 décembre 1963, l'appelante a engagé M. Chap- man moyennant un salaire de $1,000 par mois pour les mois de janvier, février et mars 1964, au motif suivant:
[TRADUCTION] Le présent contrat a pour objet de nous assurer votre entière collaboration: vous devez informer les clients et faciliter la transition de manière à ce que nous bénéficions au maximum de votre connaissance personnelle de la clientèle en tant que distributeur de nos produits.
M. Chapman devait être défrayé de ses déplace- ments et il était stipulé qu'il serait considéré comme un employé aux fins des déductions d'impôt uniquement et à nulle autre fin comme, par exemple, le régime de retraite de la compagnie.
Aux termes de ce contrat, les versements suivants ont été faits à la société de personnes: $7,030.31 en 1964, $11,467.71 en 1965 et $9,- 026.21 en 1966, soit un total de $27,524.23 (non compris bien sûr salaire versé à M. Chapman). Dans ses déclarations d'impôt pour les années en question, l'appelante a déduit ces dépenses mais le Ministre a refusé cette déduc- tion au motif qu'il s'agissait d'une dépense de capital. Postérieurement, le Ministre a permis une déduction de $2,000 pour l'année fiscale 1964 à titre de contrepartie de la cession et de la vente d'échantillons et de matériel publicitaire à l'appelante, ce qui a réduit à $5,030.31 la somme que le Ministre cherche à inclure dans le revenu imposable pour l'année fiscale en ques tion. L'objet du présent appel est la nature de ces versements effectués par l'appelante à la société de personnes: la Cour doit déterminer s'il s'agit d'une dépense d'exploitation normale résultant de la résiliation du contrat avec la société de personnes et, par suite, d'une dépense faite par l'appelante pour gagner un revenu ou si, au contraire, il s'agit d'une dépense en capital visant à assurer des revenus durables à l'entreprise.
L'appelante a commencé son activité en jan- vier 1964: elle a engagé deux vendeurs et nommé un représentant à Vancouver et vers le
mois de mars 1964 elle avait quinze distribu- teurs de l'article Sten-C-Labl. Les ventes de Sten-C-Labl sont montées en flèche, passant de $58,804 en 1963 à $118,501 en 1964, $170,603 en 1965, $242,345 en 1966 et finalement $285,- 129 en 1967, et l'appelante s'est trouvée libérée de l'obligation de verser la commission de 40%. Le 31 décembre 1963, l'appelante a acheté la Elliott Business Machine Company qui vendait une machine utilisant un stencil très répandu. Cette dernière possédait une usine à Lachine et des bureaux commerciaux à Toronto. Aux États-Unis, la Elliott Company était une filiale de la société mère de l'appelante. La Elliott vendait directement aux détaillants et elle pos- sédait de ce fait sa propre équipe de vendeurs; en avril 1964, les ventes de Sten-C-Labl ont été confiées à la Elliott. M. Staines a cependant insisté sur le fait qu'il n'y avait aucun rapport entre sa décision de résilier le contrat avec la société de personnes et l'acquisition de la Elliott Business Machine Company. Il a cherché à bénéficier des connaissances et de l'expérience de M. Chapman dans la vente de l'article Sten-C-Labl puisque l'appelante n'avait à l'épo- que aucune expérience de la vente aux détail- lants et désirait s'assurer les services de M. Chapman au cours de la période transitoire.
Sur ces faits, l'appelante a soutenu que la société de personnes était l'unique distributrice des articles Sten-C-Labl avant l'arrivée de l'ap- pelante elle-même sur le marché après l'acquisi- tion de la Sten-C-Labl Inc. par sa société mère mais que la société de personnes n'avait cepen- dant jamais obtenu un contrat de représentation exclusive et que rien n'empêchait l'appelante de vendre cet article directement ou de nommer d'autres distributeurs ou représentants, selon qu'elle le jugeait à propos. Cependant, d'après l'équité et la jurisprudence en la matière, par exemple, l'affaire Robinson c. Galt Chemical Products Ltd. [1933] O.W.N. 502, il était rai- sonnable de verser une indemnité aux deux associés à la résiliation du contrat commercial passé avec eux et il s'agit-là de la raison princi- pale de l'indemnité versée par l'appelante. Les autres arrangements, tels que la reprise des effets à recevoir de la société de personnes, l'achat du matériel de bureau, du matériel publi- citaire, des brochures et dec listes de clients
ainsi que la clause de non-rétablissement inter- disant aux deux associés toute concurrence pen dant les trois années pour lesquelles l'appelante devait verser une indemnité n'étaient que des mesures accessoires à cet objet principal. Quant aux listes de clients, elles n'ont jamais été remi- ses comme telles à l'appelante et celle-ci ne les a jamais réclamées étant donné que M. Chapman a travaillé à partir d'août 1962 dans les locaux de l'appelante en utilisant les services de secré- tariat et de comptabilité de celle-ci et puisque l'appelante expédiait directement les marchandi- ses aux clients. L'appelante a pratiqué ce sys- tème pendant un an et demi. A ce moment, elle connaissait parfaitement les clients et il lui était inutile de demander ces renseignements aux associés. Aucune somme n'a donc été affectée spécialement au paiement de ces listes. Le fait que M. Staines a inscrit le paiement dans les livres de la compagnie à titre de contrepartie des listes de clients ne modifie en rien la véritable nature de cette somme. Voir l'affaire The Seaham Harbour Dock Company c. Crook (H.M. Inspector of Taxes) 16 T.C. 333: Lord Hanworth a déclaré à la page 347:
[TRADUCTION] . . . le mode de paiement ou le système de comptabilité ne modifient pas la nature des sommes per- çues;.. ..
Et à la page 345:
[TRADUCTION] Nous sommes donc amenés à examiner la véritable nature de l'objet ...
L'appelante soutient d'autre part que l'on ne saurait prétendre qu'elle a acheté l'achalandage de la société de personnes. La valeur d'achalan- dage résultant du commerce de la société de personnes s'attache au nom commercial «Sten-C-Labl» et vu que ce dernier appartient à la société mère de l'appelante et non à la société de personnes, la valeur d'achalandage est nulle pour cette dernière. La valeur d'achalandage attachée à M. Chapman de par ses contacts avec la clientèle a été compensée par l'appelante lors- que celle-ci l'a engagé moyennant un salaire pendant trois mois afin qu'il forme ses ven- deurs, leur ménage des entrevues avec les clients et leur enseigne des méthodes de travail. Ces conclusions se dégagent clairement de la lettre d'engagement. Il est par ailleurs constant que l'achalandage d'une société ne peut être évalué séparément aux fins d'impôt lors de la
vente d'une entreprise active et cela même si le prix total est ventilé de manière à prévoir un poste d'achalandage (voir l'affaire Southam Business Publications Ltd. c. M.R.N. [1966] R.C.É. 1055 ainsi que les affaires y mention- nées: Dominion Dairies Ltd. c. M.R.N. [1966] C.T.C. 1, Schacter c. M.R.N.71962] C - .T.C. 437 et Trego c. Hunt [1896] A.C. 7). Dans ces affaires, la Cour a jugé qu'il s'agissait d'une dépense de capital vu que la vente avait porté sur des entreprises actives, achetées soit pour en continuer l'exploitation, soit pour leur faire cesser leur activité et éliminer par là-même des concurrents. Toutefois, dans la présente affaire, il n'était pas nécessaire à l'appelante d'acquérir la société de personnes pour lui faire cesser son activité puisqu'elle avait au Canada le contrôle absolu des ventes et de la distribution de l'arti- cle Sten-C-Labl, le seul article vendu par la société de personnes. Par conséquent, il est impensable de soutenir que le prix de vente a été payé dans le but d'éliminer un concurrent. D'autre part, la clause de non-rétablissement ne modifie aucunement la véritable nature de la transaction. Un problème semblable s'est posé dans l'affaire Anglo-Persian Oil Company, Lim ited c. Dale (H.M. Inspector of Taxes) 16 T.C. 253, sur laquelle l'appelante s'appuie fortement. Dans cette affaire, une compagnie a nommé un représentant pour un certain nombre d'années mais a finalement mis fin au contrat contre une indemnité forfaitaire lorsqu'elle s'est rendue compte que les commissions perçues par son représentant étaient beaucoup plus fortes que prévu. La Cour a décidé que la somme était régulièrement déductible de l'impôt sur le revenu bien que celle-ci ait été considérable (£300,000). Lord Romer a déclaré dans son jugement (pages 275-76):
[TRADUCTION] Aucun élément ne me permet de penser que la compagnie ait recherché une plus-value de capital durable; on n'a d'ailleurs pas prétendu que cette plus-value serait réalisée dans les faits. Il est vrai que les administrateurs mandatés pour négocier avec la Strick, Scott & Co. ont rapporté le 28 septembre 1922 que la résiliation du contrat ferait faire des économies considérables à la compagnie, et qu'elle lui procurerait en plus d'autres avantages mais ils n'ont pas précisé en quoi ceux-ci pourraient consister. Ils pouvaient simplement consister en une augmentation des revenus: c'est l'hypothèse la plus probable. En ce qui me concerne, je ne vois pas de toute façon quelles autres plus-values la compagnie aurait pu retirer de cette résilia-
tion. Le seul résultat serait simplement que la compagnie serait représentée dans l'Est par une société autre que la Strick, Scott & Co. car il est clair qu'en tant que personne morale elle devait être représentée d'une façon ou d'une autre dans cette partie du pays. Ces représentants allaient être sans aucun doute employés à des conditions plus favo- rables à la compagnie que celles qui étaient prévues par le contrat du 6 mai 1914 et la compagnie allait vraisemblable- ment se réserver sur ces nouveaux représentants un contrôle plus grand que celui qu'elle avait sur la Strick, Scott & Co. Tous ces facteurs aboutiraient à des économies et à des diminutions des charges d'exploitation mentionnées par Lord Inchcape. Nous n'avons aucune preuve de l'existence de quelque autre avantage. A ma connaissance, si l'on excepte la substitution de représentants, l'activité de la compagnie restait exactement la même. Je ne trouve aucune plus-value ou moins-value de capital résultant de la dépense de ces £300,000. Le seul avantage me semble être une augmentation des revenus.
La Cour a tiré une conclusion semblable dans l'affaire B.W. Noble, Ltd. c. Mitchell (H.M. Inspector of Taxes) 11 T.C. 372: dans cette affaire, une somme de £19,500 a été versée à un administrateur nommé à vie à qui on a demandé de démissionner. Celui-ci possédait par ailleurs un nombre important d'actions de la compagnie ainsi que des obligations participantes: dans le cadre du contrat les actions ont été vendues à la valeur nominale aux administrateurs et les obli gations ont été cédées à la société. Dans cette affaire le juge Rowlatt a déclaré (page 414):
[TRADUCTION] S'il n'était question que du paiement d'un salaire d'un mois ou de six mois afin de compenser le renvoi d'un employé qui, selon l'opinion de son employeur, ne peut être gardé plus longtemps parce qu'il détourne la clientèle de l'entreprise, il s'agirait-là d'un cas très simple. En l'espèce, les faits sont tout à fait particuliers et les sommes en cause sont très considérables; il s'agit donc de déterminer si ces faits sont susceptibles de produire un effet spécial.... A mon avis on a versé cette somme considérable (bien que ce soit dans des circonstances très particulières) dans le simple but de se débarrasser de l'administrateur. A cela sont venus s'ajouter d'autres éléments qui ne sont intervenus que pour renforcer les mesures que la société devait prendre. Il est exact que l'accord stipule que l'administrateur a convenu avec la compagnie de transférer ses actions à leur valeur nominale aux autres administrateurs et qu'il s'est engagé d'autre part à céder ses certificats de participation à la compagnie ou à tout dépositaire désigné par elle. J'estime toutefois que cette stipulation n'est que l'expression de l'obligation qui reposait sur lui, du fait qu'il avait été dédom- magé au titre de ces pertes, de se comporter avec la compa- gnie conformément à ce que celle-ci attendait de l'indemnité qu'elle avait versée, savoir la cession de ces valeurs mobiliè- res. Je ne pense pas que l'on puisse décomposer cette somme en deux éléments: une indemnité au titre de la perte de salaire et le prix d'achat des actions et des obligations participantes. Je crois que cette interprétation est fausse.
J'estime au contraire que la somme considérée dans son ensemble était destinée à le pousser à partir. En d'autres termes, on voulait se débarrasser de lui. En conséquence, il m'apparaît que cette somme représente une dépense d'exploitation.
Nous devons donc maintenant examiner la question de savoir s'il s'agissait d'une dépense de capital. Je crois que cette affaire est tout à fait différente des cas une somme globale a été versée pour éliminer une dépense d'exploita- tion périodique. En l'espèce, il n'est ni question d'une dépense d'exploitation périodique ni du débours de capital visant à éliminer celle-ci. Le problème est mal posé. A mon avis, ce moyen n'est d'aucune utilité à l'assujetti aux fins d'établir qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une dépense de capital. Mais existe-t-il un autre moyen de l'établir? Ainsi que l'a souligné Lord Cave, toujours dans l'affaire Atherton c. British Insulated and Helsby Cables, Limited (10 T.C. à la p. 192), il y a dépense de capital lorsque l'entreprise acquiert un actif ou une source de revenus durable. Ce n'est pas le cas en l'espèce et rien de semblable ne s'est produit.
Il ajoute aux pages 415-16:
[TRADUCTION] L'importance des sommes en cause et la nature particulière des circonstances peuvent nous laisser perplexes mais il m'apparaît qu'il s'agit simplement d'une dépense faite dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise au cours de l'année de l'apparition du conflit pour libérer l'entreprise d'un employé indésirable. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une dépense de capital et j'ai déjà conclu qu'il s'agit d'une dépense faite dans le cours de l'exploitation de l'entreprise.
Dans l'affaire Johnston Testers Ltd. c. M.R.N. [1965] C.T.C. 116, le juge Gibson a fait une étude approfondie de la jurisprudence en question ainsi que de certains arrêts britanni- ques importants, savoir Atherton c. British Insulated and Helsby Cables, Limited (précité) et Anglo-Persian Oil Company, Limited c. Dale (précité). Il cite une déclaration de Lord Cave dans l'arrêt Atherton (page 192):
[TRADUCTION] Lorsqu'une dépense est faite, non seulement une fois pour toutes, mais en vue de la création d'un actif ou d'un avantage dans l'intérêt durable d'une entreprise com- merciale, je crois qu'il y a de bonnes raisons défaut de circonstances particulières conduisant à une conclusion opposée) d'assimiler une telle dépense, non pas à une dépense d'exploitation mais à une dépense en capital. [Page 126.]
Le juge Rowlatt a cependant fait remarquer dans l'affaire Anglo-Persian Oil que le terme «durable» pouvait créer des ambiguïtés. Il a déclaré la page 262]:
[TRADUCTION] Il est clair que Lord Cave vise un intérêt qui est durable à la manière des immobilisations; ce qualificatif ne signifie pas que l'entreprise est libérée d'une dépense d'exploitation pendant un grand nombre d'années.
Il a ensuite décidé que le rachat d'un contrat à un prix représentant les gains qu'aurait autre- ment enregistrés le représentant de commerce est une dépense faite dans le cours des affaires de l'entreprise aux fins de l'exploitation de l'en- treprise. Contrairement à l'affaire qui nous occupe, celle dont a été saisi le juge Gibson portait sur le rachat d'un contrat prévoyant le versement de redevances annuelles qui, n'eût été le rachat, auraient continué à être versées pendant encore quelque quatorze années. Le juge a conclu (page 128) que le rachat avait pour objet
[TRADUCTION] ... d'éliminer une dépense annuelle impor- tante relative à une entreprise qu'elle exploitait et qu'elle se proposait de continuer à exploiter et qu'il a été fait dans le cours de l'exploitation de l'entreprise. En conséquence, il n'en a résulté aucune augmentation ou diminution du capital de l'appelante et, au contraire, l'avantage obtenu était un revenu de l'entreprise. Cette dépense ne constitue donc pas un paiement à compte de capital aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Voir également l'arrêt B.P. Australia, Ltd. c. Commissioner of Taxation (Australia) [1965] 3 All E.R. 209, le juge s'appuie sur l'arrêt Mitchell c. B.W. Noble, Ltd. (précité), (page 217) et sur l'arrêt Anglo-Persian Oil Company, Limited c. Dale (précité), (page 223). Lord Pearce a rendu le jugement du Conseil privé et il a déclaré au sujet de cette dernière affaire la p. 223]:
[TRADUCTION] Elle a versé à son agent la somme de £300,- 000 comptant, en contrepartie de la résiliation du contrat de commission. Le juge ROWLATT a décidé qu'il s'agissait d'une dépense d'exploitation puisqu'il n'y avait eu aucun achat de clientèle ou constitution d'entreprise et puisqu'on avait sim- plement cesser d'utiliser une méthode d'exploitation trop coûteuse. L'entreprise reste la même, que la compagnie pétrolière se charge elle-même de la distribution ou qu'elle confie cette tâche à des agents. La Cour d'appel a confirmé cette décision. Le juge Lord LAWRENCE a conclu:
Le contrat de louage de services passé avec un agent chargé d'administrer les affaires du contribuable en Perse ne touche en rien des immobilisations de l'entreprise. Il s'agit simplement d'un contrat relatif à l'exploitation de l'entreprise du contribuable et celle-ci peut, à l'occasion, adopter de nouvelles méthodes de gestion. A mon avis, ni le contrat lui-même, ni la contrepartie de sa résiliation ne peuvent être inclus dans le capital de l'entreprise.
Cette proposition appuie la thèse selon laquelle une dépense résultant d'un changement complet des méthodes de com mercialisation d'une compagnie ne constitue pas nécessaire- ment une dépense de capital. Elle réfute tout argument voulant que lorsque des sommes importantes sont dépen- sées, lorsque le secteur visé est très étendu et lorsque les
changements ont une grande envergure et que leur objet esi très important, il s'agit nécessairement d'une dépense de
capital.
Dans l'arrêt Mandrel Industries, Inc. c M.R.N. [1965] C.T.C. 233, sur lequel l'intimé s'appuie principalement, une filiale de l'appe- lante a concédé pour cinq ans un droit exclusif de distribution de ses produits au Canada. La filiale a été liquidée et son actif a été cédé à l'appelante: celle-ci a alors cherché à résilier le contrat qui ne venait à échéance que trois ans plus tard. Elle a désintéressé l'agent des droits qu'il avait aux termes de ce contrat en lui ver- sant une indemnité de $150,000. Par la même occasion, elle a acquis l'ensemble du service et du personnel de son agent. Le sommaire résume bien les conclusions de la Cour et il se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] (i) L'appelante a versé cette somme pour racheter le droit de vendre ses propres produits et d'orga- niser son propre circuit de commercialisation au Canada. Cette dépense visait à assurer à l'entreprise un avantage durable en dépit de la brièveté de la période qui restait encore à courir sur le contrat de 1956; cette dépense constitue donc une dépense de capital;
Dans son jugement, le juge Cattanach a cité (page 242) l'affaire Vallambrosa Rubber Co. Ltd. c. Fariner (5 T.C. 529) dans laquelle Lord Dunedin a déclaré à la page 536:
[TRADUCTION] Je ne dis pas que ce critère est- absolu et déterminant. D'une manière générale, toutefois, aux fins de déterminer si une dépense constitue une dépense d'exploita- tion, je crois qu'il est utile de dire qu'une dépense de capital est unique et qu'une dépense d'exploitation est engagée chaque année.
Appliquant ce dictum aux circonstances de l'af- faire dont il était saisi, le juge Cattanach a déclaré:
[TRADUCTION] En l'espèce, l'appelante a versé une somme unique pour assurer un avantage durable à son entreprise. Il est certain que cette somme a été versée une fois pour toutes. A mon avis, il est également clair que cette somme a procuré un avantage à l'appelante: elle lui a permis, en effet, de mettre sur pied son propre service de commercialisation au Canada sans pour cela violer les droits de représentation exclusive qu'elle avait précédemment concédés à l'Electro- Technical Labs. Canada, Ltd.
Il précise ensuite que l'appelante a acquis un service de ventes et d'après-vente. Il conclut que l'appelante a acquis le droit de commerciali- ser elle-même son produit au Canada trois ans plus tôt qu'elle n'aurait pu le faire autrement
mais que cela constitue néanmoins un «avantage durable» et «permanent». Le juge a déclaré à la page 243:
[TRADUCTION] Ces expressions sont apparues dans la juris prudence pour montrer que le bien ou l'avantage acquis doit être suffisamment durable pour être considéré comme un bien de capital. Mais ces expressions ne signifient pas que le bien doit avoir une «durée illimitée». Les tribunaux ont souvent décidé qu'un avantage avait un caractère «durable», en dépit du fait qu'il n'avait qu'une existence ou une durée très limitée.
Le juge Cattanach a donné raison au Ministre sur ce point et il n'a pas jugé nécessaire d'exa- miner la question de savoir si la somme était uniquement la contrepartie du rachat ou de la résiliation du contrat d'exclusivité ou si elle avait procuré à l'appelante d'autres avantages. Il a cependant précisé que l'appelante n'aurait pas réussi à s'acquitter de la charge de prouver que cette somme est une dépense d'exploitation si elle en avait tiré d'autres avantages. En l'espèce, comme je l'ai déjà indiqué, je suis arrivé à la conclusion que les avantages subsidiaires sont sans effet sur la nature de la dépense, vu qu'ils sont négligeables. Le principal objet de cette somme était la résiliation du contrat conclu avec la société de personnes.
Dans la présente affaire, la thèse de l'intimé est subordonnée à deux hypothèses: (1) la société de personnes constituait une entreprise distincte et l'appelante a repris son actif, y com- pris les listes de clients et l'achalandage éven- tuel, en vue de lui faire cesser son activité et d'éliminer par même un concurrent; et (2) la société de personnes possédait le droit exclusif de vendre les articles Sten-C-Labl au Canada et par suite, la dissolution du contrat a procuré un avantage durable à l'appelante. Dans les cir- constances de cette affaire, ces hypothèses sont insoutenables. En droit, la société de personnes était une entité distincte de l'appelante, même lorsque M. Chapman travaillait dans les locaux de l'appelante, puisque, même si la marchandise était expédiée par l'appelante, elle était facturée au client par la société de personnes. L'appe- lante facturait ensuite chaque mois à la société de personnes 60% des ventes de Sten-C-Labl, soit le pourcentage qui lui était au titre de la vente du produit Sten-C-Labl par la société de personnes après retranchement de la commis sion de 40% due à cette dernière. Il n'en reste
pas moins qu'après le mois d'août 1962, époque à laquelle l'appelante a entrepris la fabrication des articles Sten-C-Labl au Canada et a informé la société de personnes qu'elle devait à l'avenir s'approvisionner chez elle et non plus chez la compagnie américaine, la société de personnes agissait alors plus ou moins comme simple agent de l'appelante. La loi n'interdit pas à une com- pagnie d'employer une autre compagnie ou une société de personnes comme agents et par suite, le fait que la société de personnes ait eu une existence autonome ne modifie pas la véritable situation des parties. Sur ce point, les faits de la présente affaire sont très semblables à ceux de l'affaire Anglo-Persian Oil (précitée). De plus, il est possible que la société de personnes ait été, au Canada, le seul distributeur des articles Sten-C-Labl avant que l'appelante ne se charge elle-même de la distribution mais rien ne nous permet de croire que la société de personnes ait, à quelque moment, bénéficié d'un contrat exclu- sif. En fait, M. Staines l'a nié et nous ne possé- dons aucune preuve du contraire. La présente affaire se distingue donc nettement de l'affaire Mandrel (précitée): dans cette affaire, le contri- buable ne pouvait entreprendre de vendre lui- même son produit sans résilier le contrat exclu- sif. Dans l'affaire qui nous occupe, l'appelante pouvait, à sa guise, commencer à vendre le produit directement aux clients ou engager d'au- tres distributeurs ou agents et, en fait, au début de 1964, elle a engagé un agent à Vancouver et deux vendeurs et, en mars 1964, elle avait quinze distributeurs. Le fait que l'appelante ne l'a fait qu'après le contrat conclu à la fin 1963 ne signifie pas qu'elle n'aurait pas pu le faire plus tôt.
En conséquence, je conclus en l'espèce que le contrat n'a conféré à l'appelante aucun droit ou avantage de nature durable qu'elle ne possédait déjà, et que l'appelante n'a pas, non plus, béné- ficié de l'élimination d'un concurrent, puis- qu'elle a toujours eu le droit de mettre fin au contrat conclu avec la société de personnes, celui-ci ne portant sur aucune période détermi- née. Les parties sont convenues qu'il était tout à fait légitime de verser une indemnité à la société de personnes et je conclus que ces versements avaient pour objet d'éteindre les droits de la société de personnes aux termes du contrat
simple que celle-ci avait passé avec l'appelante, que ce contrat soit ou non considéré comme un contrat de représentation, de manière à permet- tre à l'appelante d'augmenter son revenu du fait qu'elle n'était plus obligée de fournir les articles en question en consentant une remise de 40%. Cette opération correspondait en outre à une orientation différente de la politique de l'entre- prise: elle se proposait, de vendre directement au commerce de détail, ce qu'elle a toujours eu le droit de faire, en plus de fournir les distribu- teurs. Il s'agit-là d'un simple changement dans la méthode d'exploitation de l'appelante visant à augmenter le revenu de celle-ci, comme dans l'affaire B.P. Australia (précitée). Les sommes versées à ce titre à la société de personnes sont donc régulièrement déductibles à titre de dépense d'exploitation faite dans le but de gagner un revenu. L'appel de la décision de la Commission d'appel de l'impôt est donc accueilli avec dépens.
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