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Edward O'Donnell et Patrick O'Donnell (Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Catta- nach—Ottawa, les 17, 18, 19, 20 et 21 avril; le 26 mai et le 16 août 1972.
Aéronautique—Couronne—Faute—Suspension du certifi- cat de navigabilité d'un avion, la preuve de l'homologation des bandes de revêtement d'aileron n'ayant pas été faite— Enlèvement des bandes de revêtement—Écrasement ultérieur de l'avion—Est-ce que l'inspecteur aéronautique a commis une faute.
En mars 1969, E acheta un avion J3 Piper Cub qui, depuis son entrée au Canada en 1959, avait eu deux autres propriétaires. Le constructeur américain avait équipé l'a- vion de bandes de revêtement d'aileron, ce qui influe sur ses caractéristiques ascensionnelles. Bien longtemps avant que E n'achetât l'avion, un propriétaire antérieur avait remplacé les bandes originales par des bandes adhésives improvisées, mais ce fait ne figure nulle part sur le livre de bord de l'avion. En novembre 1969, un inspecteur du ministère des Transports inspecta l'avion conformément aux Règlements de l'Air. L'inspecteur suspendit le certificat de navigabilité de l'avion en vertu de l'article 22 des Règlements étant donné un certain nombre d'irrégularités, notamment l'ab- sence de la preuve de l'homologation des bandes de revête- ment d'aileron. E s'adressa à une entreprise spécialisée pour remédier aux irrégularités et on enleva les bandes de revête- ment d'aileron. Par la suite, E utilisa plusieurs fois l'avion et, en août 1970, il eut un accident au cours duquel son jeune fils et lui-même furent blessés. E et son fils intentè- rent une action en dommages-intérêts alléguant que l'inspec- teur aéronautique avait commis une faute en exigeant l'enlè- vement des bandes de revêtement d'aileron.
Arrêt: l'action est rejetée. Étant donné les circonstances, c'est à bon droit que l'inspecteur aéronautique a exigé la preuve de l'homologation des bandes de revêtement d'aile- ron et la charge de ladite preuve incombait au propriétaire de l'avion. En outre, même si la charge d'une telle preuve incombait au Ministère, l'accident n'est pas attribuable à l'inexécution de cette obligation, mais plutôt à l'utilisation de l'avion.
ACTION en dommages-intérêts. Keith Eaton pour les demandeurs. Sol Froomkin pour la défenderesse.
LE JUGE CATTANACH—Dans la présente action, le demandeur majeur, Edward O'Don- nell, agissant en son propre nom et représentant ad litem son fils mineur Patrick O'Donnell, âgé de treize ans, cherche à recouvrer des domma- ges de Sa Majesté la Reine pour la perte d'un avion lors de sa chute dans le lac Webster
(Ontario) et pour les blessures subies lors de cet accident par chacun des demandeurs, au motif que les préposés de Sa Majesté ont commis une faute en exigeant du demandeur Edward O'Donnell, pour le renouvellement du certificat de navigabilité de l'avion en question, qu'il enlève les bandes de revêtement couvrant l'in- tervalle entre l'extrados de l'aile et l'aileron sur chaque aile de l'avion. Toute mention du demandeur dans la suite de ces motifs désignera Edward O'Donnell.
Le demandeur âgé de 43 ans, habite au lac Perry (Ontario), il exploite depuis environ 10 ans un pavillon de chasse. Son adresse postale est Matheson (Ontario), il est également employé à titre de professeur. Le demandeur a décrit son pavillon de chasse comme étant une entreprise modeste, mais dans laquelle il a investi toutes ses économies, au point qu'il jure en avoir fait le meilleur pavillon du Canada pour la chasse à l'ours. Ses clients sont pour la plupart des résidents des États-Unis. Les clients logent au pavillon, d'où ils gagnent pour chasser l'ours un camp installé dans un endroit encore plus reculé. Bien que l'entreprise soit axée sur- tout sur la chasse à l'ours, on chasse également l'orignal.
Il fallait au demandeur un avion pour offrir à ses clients les meilleures conditions de chasse à l'orignal. Les régions accessibles aux camions à quatre roues motrices attirent trop de chas- seurs. On a absolument besoin d'un avion pour atteindre les régions plus isolées, les ani- maux sauvages sont plus nombreux et d'où le chasseur est presque certain de revenir avec une belle pièce.
En 1965, le demandeur a suivi un cours de pilotage d'avion auprès de la Georgian Bay Air ways, de South Porcupine (Ontario), et après 30 à 45 heures de vol, il a obtenu sa licence de pilote privé. Je crois me rappeler que le deman- deur, immédiatement après avoir obtenu cette licence, a acheté un appareil «Chipmunk» à bord duquel il a accompli environ 100 heures de vol avant de le vendre. Il a depuis porté 100 autres heures de vol à son crédit.
Le l er mars 1969, le demandeur achetait à Vic Parenteau, de Val-d'Or (Québec), pour $3,990, taxe de vente comprise, un avion Piper Cub
équipé de skis et de flotteurs. C'était un biplace léger, propulsé par un moteur Continental de 65 c.v., et construit en 1938 ou peut-être avant par la Piper Aircraft Corporation, de Lockhaven (Pennsylvanie). Il s'agissait d'un appareil du type J3, immatriculé au Canada CF-KDE et portant le numéro de série du fabricant 2499.
Vic Parenteau tenait cet avion de Ross McDuff, qui le lui avait échangé en octobre 1968 contre un plus gros appareil; la valeur d'échange du Piper Cub avait alors été fixée à $4,000. McDuff avait acheté cet avion de Martin Wolfe en 1965, pour $2,500 environ. Martin Wolfe en avait lui-même fait l'acquisi- tion le 24 septembre 1959 pour $2,500.
On dispose des livres de bord de l'avion depuis 1957. Avant Wolfe, la chaîne de titre est mal connue. On pense que l'appareil a été importé au Canada par un aéro-club de Sault Sainte-Marie, probablement en 1957. Il avait été construit aux États-Unis par la Piper Air craft Corporation en 1938, et y était vraisem- blablement resté en service jusqu'à son impor tation au Canada.
La Piper Aircraft Corporation avait succédé à la Taylor Aircraft, constructeur du Taylor Cub, ancêtre du Piper Cub. Tel que je l'ai dit, le Cub est un avion léger, relativement peu coûteux, et représente pour l'aviation ce qu'a été la Ford modèle T pour l'automobile. Les amateurs s'ac- cordent à reconnaître en lui un appareil sûr et peu coûteux pour les débutants.
L'avion du demandeur avait été construit avec des ailerons sans frise, comme les appa- reils du type précédent J2. Cependant, les appa- reils du type J3 n'avaient pas tous été munis d'ailerons sans frise. On a posé des ailerons sans frise sur les avions portant les numéros de série compris entre 1999 et 2624, sauf un cer tain nombre d'appareils dont les numéros sont connus, et parmi lesquels ne figure pas l'appa- reil numéroté 2499, celui du demandeur.
Il n'y a aucun doute que lorsque cet avion, le Piper Cub J3, immatriculé CF-KDE, est sorti de la chaîne de montage du constructeur il était muni d'ailerons sans frise, et que des bandes de revêtement d'aileron y ont été posées.
La manoeuvre d'un avion comporte trois mou- vements de base: le tangage, le roulis et le lacet, lesquels sont contrôlés par trois gouvernes: le gouvernail de profondeur, les ailerons et le gou- vernail de direction. Le tangage est commandé par le gouvernail de profondeur, le roulis par les ailerons et le lacet par le gouvernail de direction.
Le Piper Cub est équipé d'une commande centrale, que l'on appelle «manche à balai». Lorsqu'on déplace le manche vers l'arrière ou vers l'avant, il agit sur le gouvernail de profon- deur et lorsqu'on le déplace latéralement il agit sur les ailerons. Le palonnier actionne le gou- vernail de direction.
Les ailerons maintiennent (avec l'aide d'une assez forte pression sur le gouvernail de direc tion pour empêcher l'appareil de glisser ou de déraper) à la fois l'inclinaison et la direction de l'appareil.
Karl Weinstein, témoin expert hautement qualifié appelé par le demandeur, a exposé très clairement la différence dans la configuration des ailerons selon qu'ils sont ou non munis de frises.
Dans le cas d'un aileron sans frise (qui, je le signale, est un type d'aileron plus ancien, aujourd'hui remplacé par l'aileron à frise ou à fente), le bord d'attaque est constitué par une surface rectangulaire plate. Le bord de fuite du plan principal sur lequel l'aileron s'articule pré- sente également une surface plate. La charnière se trouve sur l'extrados. Lorsqu'on élève l'aile- ron, l'intervalle entre l'extrados du plan princi pal et l'aileron demeure le même, mais sur l'in- trados il augmente. Cet intervalle fait office d'entonnoir, pointé légèrement vers l'avant. Il s'ensuit un violent appel d'air dans cet inter- valle; cet air, au lieu d'épouser le sens de l'é- coulement d'air sur l'extrados de l'aileron, comme c'est le cas avec un aileron à frise ou à fente, forme un jet vertical qui perturbe l'écou- lement d'air sur l'extrados de l'aile.
De plus, lorsque les ailerons sont orientés l'un vers le haut et l'autre vers le bas, la surface plate du bord d'attaque de l'aileron élevé est soumise à la pression de l'écoulement d'air, qui contraint l'aileron à demeurer en position haute.
Dans un avion bien conçu, et j'entends par en particulier un avion muni d'ailerons à frise, l'écoulement d'air sur l'extrados d'un avion bien profilé tend à ramener les gouvernes en position normale pour un vol rectiligne et horizontal. C'est ce qu'on appelle voler en lâchant les commandes.
Cependant, ainsi que nous l'avons signalé plus haut, sur un avion à ailerons sans frise, l'aileron a tendance à rester orienté vers le haut et on doit exercer une pression très forte sur le manche pour revenir au point mort, c'est-à-dire dans l'axe de l'appareil.
Il est essentiel de rester maître du mouve- ment de l'appareil, au moyen du gouvernail de gauchissement, quel que soit l'angle d'attaque, de façon à maintenir un écoulement d'air lami- naire sur l'extrados et les ailerons et empêcher ainsi le décrochage et la vrille qui s'ensuivrait.
Sur un avion bien conçu, lorsque l'appareil est sur le point de décrocher ou décroche effec- tivement, ce décrochage se produit d'abord à l'emplanture de l'aile. De cette façon, on peut rester maître du bout des ailes. Néanmoins, la portance disparaît et l'avion pique du nez. Si l'on augmente la vitesse, l'écoulement d'air redevient laminaire et l'avion fait sa ressource.
Cependant, si le décrochage a d'abord lieu en bout d'aile, l'aileron se trouve alors dans la partie de l'aile qui décroche, et on en perd la maîtrise. Si l'on n'est pas maître des ailerons, l'avion ne peut revenir à l'horizontale. L'aile qui a décroché continue à descendre et l'avion se met en vrille. La ressource devient alors diffi- cile, et selon l'altitude de l'avion au-dessus du sol, il peut même devenir impossible de l'effec- tuer avant l'écrasement. Si l'on agit à fond sur le palonnier, on peut arrêter la rotation de l'a- vion; en redressant le manche à balai, on permet alors à l'avion de faire sa ressource.
Lorsqu'il s'agit d'un aileron à frise, le bord d'attaque est arrondi, tout comme le bord d'at- taque du plan principal. L'aileron est en quelque sorte une deuxième aile. On utilise l'écoulement d'air à travers la fente pour garder un écoule- ment d'air laminaire sur l'aileron, même si l'é- coulement sur l'extrados à l'avant de l'aileron est décollé. Ainsi, on peut garder fermement la maîtrise de l'aileron en cas de décrochage ou à
l'approche d'un décrochage, et effectuer la res- source. Comme on l'a déjà indiqué, on ne peut le faire lorsqu'il s'agit d'un aileron sans frise.
On a voulu rappeler par ces observations les principes élémentaires de la théorie du vol.
La fonction de la bande de revêtement d'aile- ron sur des ailerons sans frise consiste à empê- cher le passage de l'air de la surpression intra- dorsale à la dépression extradorsale par l'intervalle entre l'aile et l'aileron; on empêche ainsi le jaillissement de l'air par cet intervalle et la perturbation de l'écoulement laminaire sur l'extrados de l'aileron. La bande de revêtement d'aileron remplit une seconde fonction, en plus de bloquer l'écoulement de l'air. Elle permet l'accumulation d'air statique dans l'espace entre le bord de fuite de l'aile et le bord d'attaque plat de l'aileron, et supprime donc sur le bord d'atta- que de l'aileron la pression qui tient l'aileron orienté vers le haut et nécessite en conséquence une plus forte pression sur le manche pour le ramener au point mort.
La bande de revêtement n'est qu'une bande de tissu flexible d'environ quatre pouces de largeur, collée de façon à boucher l'espace entre l'aile et l'aileron sur toute la longueur de l'extra- dos. Ce n'est en définitive qu'un joint. Je ne puis m'empêcher d'observer qu'il est étonnant qu'un dispositif aussi simple qu'une bande de revêtement d'aileron influe à ce point sur la performance en vol d'un avion, mais il en est manifestement ainsi.
Je signale ici que la question de savoir si l'absence de bandes de revêtement d'aileron abaisse le seuil au-delà duquel l'accélération provoque le décrochage n'a pas, à mon avis, beaucoup d'importance relativement à la ques tion qu'il va s'agir de trancher. A mon sens, l'effet le plus important de l'enlèvement des bandes de revêtement d'aileron sur un avion muni d'ailerons sans frise concerne le compor- tement de l'appareil lorsqu'il n'est pas à l'hori- zontale, et la facilité avec laquelle on peut le ramener à l'horizontale.
Je signale également ici qu'à mon avis, le fait d'ouvrir ou de fermer la manette des gaz n'a pas d'effet déterminant sur la maîtrise des ailerons.
L'augmentation du souffle hélicoïdal provoquée par une rotation plus rapide de l'hélice facilite la maîtrise des gouvernails de profondeur et de direction, à cause de l'augmentation de l'écoule- ment d'air sur ces surfaces, tandis que l'aug- mentation du souffle de l'hélice sur les surfaces alaires donne à l'avion plus de portance abais- sant de ce fait le seuil de décrochage, et que la traction supplémentaire s'exerce vers le haut. Mais les ailerons échappent à l'action du souffle hélicoïdal.
Par ailleurs, je suis convaincu que l'enlève- ment des bandes de revêtement d'aileron nuit à la force ascensionnelle de l'avion. Mon impres sion à ce sujet est confirmée par le bulletin 3 de la Piper Aircraft Corporation daté du 15 février 1946 (pièce D-2).
Dans ce bulletin, on explique qu'une pertur bation dans l'écoulement d'air, résultant de l'ab- sence de bandes de revêtement d'ailerons, agit sur l'empennage, et fait ainsi baisser le nez de l'appareil qui tend par conséquent à se mettre en piqué. Si le revêtement recouvre l'intervalle, cette tendance disparaît et l'avion vole normale- ment. Le bulletin insiste sur le fait que l'enlève- ment de la bande recouvrant l'espace entre l'aile et l'aileron nuit considérablement à la force ascensionnelle de l'avion et il donne l'avertisse- ment de toujours tenir cet intervalle couvert. On précise bien que s'il est enlevé pour un motif quelconque, il doit être remplacé.
On admet que les bandes de revêtement d'ai- leron avaient été posées par le constructeur sur l'avion que possédait le demandeur. On admet également que la Federal Aviation Administra tion des États-Unis avait délivré un certificat d'homologation de type concernant le Piper Cub J3. Dès lors, un appareil dont les caractéristi- ques sont conformes à ce type peut faire l'objet d'un certificat de navigabilité au Canada. On s'accorde à reconnaître que lors de son entrée au Canada, avant 1959, l'avion du demandeur, muni de bandes de revêtement d'aileron, a fait l'objet d'un certificat de navigabilité délivré par les autorités canadiennes.
Martin Wolfe, qui avait acheté cet appareil en 1959, a témoigné qu'à l'époque on le lui a vendu, l'avion était muni de bandes de revête- ment d'aileron. Au cours de la période il a
été propriétaire de l'avion, il a inscrit 463 heures et 23 minutes au livret de bord. Il a décrit un vol, en 1961, au cours duquel il a entendu un grand bruit provenant de l'aile, à tribord. Il a immédiatement atterri, et ayant constaté que la bande avait été arrachée sur 8 pouces environ, il a enlevé le reste de la bande à tribord et a décollé. L'appareil a alors subi de fortes vibrations. Ayant atterri de nouveau, il a enlevé la bande de l'aile bâbord afin de rétablir l'équilibre et a décollé pour regagner sa base, à 15 minutes de vol de là. Ce n'est qu'avec beau- coup de difficulté qu'il a effectué ce court trajet. Il a tirer le manche à balai vers lui à deux mains, de toutes ses forces, pour tenir redressé le nez de l'appareil. Il a réussi à se rendre à destination sans incident. Ayant recou- vert l'intervalle avec un simple ruban adhésif, il a constaté que l'avion se comportait alors nor- malement. Il a commandé des bandes de toile chez un fournisseur de Toronto (Ontario) et les a lui-même posées. C'est une opération fort simple: on n'a qu'à les coller. Il n'a pas consigné cet incident au livret de bord.
Le propriétaire suivant, Ross McDuff, a acheté l'avion au nom de sa femme en 1965. En 1966, il a fait complètement refaire l'entoilage à Oshawa (Ontario). Ce travail terminé, l'un des employés de la compagnie d'Oshawa a conduit l'avion à Kapuskasing, McDuff en a pris livraison. Il avait tout particulièrement attiré l'attention de l'ouvrier chargé de cette répara- tion, probablement un mécanicien spécialiste des cellules, sur les bandes posées sur l'extra- dos des ailes, et lui a demandé une fois qu'il aurait refait l'entoilage de la cellule, de recou- vrir également l'intervalle ou de s'informer de la meilleure chose à faire.
Lorsqu'on lui a livré l'avion, les bandes de revêtement d'aileron n'y étaient pas. McDuff a fait un vol d'essai. Il a constaté que tout se passait bien en vol horizontal et rectiligne, mais que sous l'effet d'une bourrasque ou lors des virages exécutés au moyen des ailerons, l'appa- reil avait nettement tendance à échapper au pilote. Il a exécuté ses virages à l'aide du gou- vernail de direction. L'avion pouvait voler assez bien, mais on ne pouvait le faire virer convena- blement. Il en a conclu qu'on n'avait fait aucune modification aux ailerons. Ayant amerri sur un
lac, il a collé des bandes de toile au-dessus de l'intervalle entre les ailes et les ailerons. Il a expliqué qu'il emportait toujours avec lui des bandes à cette fin, à la suite d'un incident qui s'était produit al its qu'il venait d'acheter l'ap- pareil. Il avait fait è aminer l'avion et fait faire toutes les réparations nécessaires par un méca- nicien d'entretien d'aéronef. Ce dernier a enlevé une des bandes de revêtement. Lorsque McDuff a pris livraison de l'avion, il n'a pas remarqué l'absence de cette bande. Le lende- main matin, il devait effectuer une envolée de 70 milles. L'avion s'est mal comporté dès après le décollage. Il était difficile de maîtriser l'aile- ron de l'aile droite. Il a pensé qu'un câble était peut-être coincé et a atterri pour se rendre compte. Le câble était à sa place, mais il a remarqué l'absence de la bande de revêtement sur l'aile droite. Il avait avec lui de la toile pour les réparations, et il a remplacé cette bande. Soit dit en passant, McDuff avait déjà été pro- priétaire d'un Piper Cub J3 muni d'ailerons à frise et donc sans bandes de revêtement.
Donc, McDuff a posé des bandes de revête- ment deux fois sur l'aile tribord et une fois sur l'aile bâbord pendant la période l'appareil lui a appartenu. Lorsqu'il a vendu l'avion a Vic Parenteau, il lui a signalé les bandes de revête- ment et lui a bien précisé qu'on devait les laisser en place.
McDuff n'est pas lui-même un mécanicien d'entretien d'aéronef, et il n'a pas noté qu'il avait posé et, en une occasion, remplacé les bandes de revêtement.
Tous ceux qui ont piloté le Piper Cub J3 CF-KDE 2499 ont remarqué son excellente per formance, sa maniabilité, sa nervosité et sa puissance ascensionnelle. Bien qu'il n'ait été doté que d'un moteur de 65 c.v., il se compor- tait tout comme s'il avait eu le moteur de 85 c.v. que l'on trouve sur les types plus coûteux.
Le 3 novembre 1969, des agents du ministère des Transports ont inspecté l'avion du deman- deur, alors qu'il était amarré au pavillon du demandeur au lac Perry. L'appareil était muni de flotteurs que le demandeur avait installés. Le demandeur était absent lors de cette inspection.
Le 4 novembre 1969, le demandeur a reçu un télégramme (pièce P-1) portant la signature de
H.W. Finkle, surintendant régional pour l'Onta- rio, chargé de l'application du Règlement de l'Air; en voici la teneur:
[TRADUCTION] OCAR 527 Certificat de navigabilité votre Piper CF KILO DELTA ECHO suspendu en vertu article 212 Règlement de l'Air stop lettre suit.
La lettre (pièce P-2), également datée du 4 novembre 1969, que mentionnait le télégramme, est parvenue au demandeur peu après.
Elle était sur papier à en-tête du ministère des Transports, boîte postale no 7, Centre Domi nion, Toronto 111 (Ontario), et adressée au demandeur par courrier recommandé.
En voici le premier alinéa:
[TRADUCTION] Un inspecteur a effectué un examen de votre avion Piper J3C-65, immatriculé CF-KDE, au lac Perry, le 3 novembre 1969. Voici la liste des irrégularités qu'il a constatées:
Suit une liste de 23 irrégularités, dont la 22e a rapport à la présente action. En voici la teneur:
[TRADUCTION] 22. Nous n'avons pu trouver la preuve de l'homologation de bandes de revêtement d'aileron. A défaut d'homologation, ce revêtement doit être enlevé jusqu'à ce que l'installation en soit approuvée.
Voici les deux derniers paragraphes de la lettre:
[TRADUCTION] Cette liste ne couvre pas nécessairement toutes les irrégularités que peut présenter votre avion; notre inspection n'était qu'une vérification sommaire.
Veuillez nous faire parvenir un état détaillé des défectuo- sités relevées et des réparations effectuées sur cet avion, certifié par un mécanicien d'entretien d'aéronef dûment qualifié.
La lettre était signée «B. Aston pour D.T. Berg, Inspecteur régional de la navigabilité».
Il est tout à fait clair d'après ces textes que le certificat de navigabilité relatif à l'avion du demandeur a été suspendu par le Ministère en raison des vingt-trois irrégularités énumérées à la pièce P-2; cette suspension devait rester en vigueur jusqu'à ce qu'on ait corrigé ces défec- tuosités ainsi que celles que pourrait déceler un mécanicien d'entretien d'aéronef dûment qualifié.
Le demandeur jugeait indispensable de dispo- ser de son appareil pour être en mesure d'orga- niser ses expéditions de chasse à l'orignal dans
des régions reculées, bien que cette saison ait été sa première tentative dans cette entreprise.
Il a donc pris des arrangements avec Bill Bennett, mécanicien d'entretien d'aéronef à South Porcupine, localité située à environ 50 milles du lac Perry, pour l'exécution des répara- tions nécessaires au renouvellement du certifi- cat de navigabilité de l'avion. Dans la mesure du possible, Bennett a effectué ces réparations au lac Perry, car il n'a pu obtenir l'autorisation de déplacer l'avion jusqu'à South Porcupine. On a démonté le moteur et on l'a transporté à South Porcupine. Bennett est tombé malade au cours de l'hiver. Le travail a donc progressé plus lentement qu'on ne l'avait cru. Enfin Bennett a quitté son emploi à South Porcupine pour aller travailler ailleurs. Le travail sur l'avion n'était pas terminé, mais il était suffisamment avancé pour qu'on puisse obtenir l'autorisation de déplacer l'appareil.
Le demandeur a ensuite piloté l'avion jusqu'à Amos (Québec), le 12 juillet 1970, et y a pris des arrangements pour faire compléter le travail entrepris par Bennett avec Roland Denomme, président de l'Amos Aviation Limitée; cette compagnie exploite une entreprise de réparation et d'entretien d'avions. Elle a pour activités connexes une école de pilotage et une entre- prise de transport nolisé. Denomme est titulaire d'une licence de mécanicien d'entretien d'aéro- nef et d'une licence de pilote professionnel.
Le demandeur a donné à Denomme un plan de travail (pièce D-1) qu'il avait établi, indi- quant le travail à exécuter. Il l'avait établi d'a- près la lettre du ministère des Transports datée du 4 novembre 1969; ce plan contenait tous les travaux énumérés dans cette lettre que Bennett n'avait pas terminés, ainsi que d'autres répara- tions que le demandeur voulait faire faire.
Le paragraphe 11 de ce plan de travail se lit: «Enlever les bandes de revêtement des ailerons».
Denomme a reconnu avoir lu la lettre du 4 novembre 1969 (pièce P-2), mais n'a pu se rappeler s'il l'a lue lorsque le demandeur lui a livré l'avion, le 12 juillet 1970, ou après l'écra- sement de l'avion. S'il devenait nécessaire d'en décider, j'incline à croire que la lettre (pièce P-2) lui a été remise par le demandeur avec le
plan de travail (pièce D-1). Le demandeur jure qu'il la lui a remise. Il l'avait remise à Bill Bennett lorsque ce dernier travaillait sur l'a- vion. Les souvenirs de Denomme sont vagues. Le demandeur tenait beaucoup à faire corriger chacune des irrégularités figurant à la pièce P-2 à la satisfaction du Ministère, et il est raisonna- ble de penser qu'il a laissé cette lettre au méca- nicien pour s'en assurer, comme il l'avait fait dans le cas de Bennett. J'accepte le témoignage du demandeur à ce sujet.
Denomme a enlevé les bandes de revêtement d'aileron. Il a témoigné que deux motifs l'a- vaient incité à le faire. Premièrement, il a con sulté tous les manuels, directives et bulletins de service publiés par la Piper AircraftCorpora- tion, ainsi que les normes de navigabilité, afin de savoir si on avait apporté quelque modifica tion au J3 en ce qui a trait à ces bandes. Il n'a rien trouvé à ce sujet. Il a vérifié dans les livres de bord. Il savait que c'était un J3 et n'a donc pas consulté la documentation sur le type J2. Il n'avait pas le manuel des pièces (pièce P-8), qui indique clairement que le 2499 était doté d'aile- rons sans frise et qu'il faut donc l'équiper de bandes de revêtement d'aileron. Il ignorait que quelques appareils de type J3 étaient munis d'ailerons sans frise et d'autres d'ailerons à frise.
A mon sens, un mécanicien d'entretien d'aé- ronef expérimenté, lors d'un examen sommaire du KDE 2499, aurait voir tout de suite qu'il était muni d'ailerons sans frise. Denomme le savait puisque lorsque le demandeur s'est plaint à lui de la raideur du gouvernail de gauchisse- ment, il lui a dit qu'on pouvait y remédier en installant un aileron compensé, mais qu'il s'agis- sait d'un travail considérable. J'ai conclu que Denomme disposait sûrement de la pièce P-2, et je suis également certain qu'il a tenu compte du paragraphe 22 de cette lettre. Quoi qu'il en soit, il a certifié que l'avion était en bon état de navigabilité sans les bandes de revêtement d'aileron.
Il a piloté l'avion pendant environ 40 minutes afin de s'assurer de ses réactions et de son comportement en vol. Il a décollé deux fois, a volé à faible vitesse, a coupé les gaz, et les a ensuite remis sans incident. Il a simplement
remarqué que le gouvernail de gauchissement n'obéissait pas bien. II a exercer une forte pression sur le manche pour actionner les aile rons. Assez inquiet de cela, il a fait essayer l'avion par un autre pilote, qui s'est trouvé sensiblement du même avis.
Ce soir-là, le demandeur est venu prendre livraison de son avion. Au cours d'une conver sation téléphonique, Denomme lui avait dit que le gouvernail de gauchissement n'obéissait pas très bien. Il tenait à ce que le demandeur pilote l'avion afin de comparer son comportement en vol lorsqu'il était muni de bandes de revêtement d'aileron, ce à quoi le demandeur était habitué, avec son comportement sans ces bandes de revêtement.
Le demandeur a effectué un court vol, et a certainement convenu que le gouvernail de gau- chissement obéissait mal. Mais il a tout de même accepté de reprendre l'avion. C'est qu'il pensait ne pouvoir obtenir un certificat de navi- gabilité tant que les bandes de revêtement ne seraient pas enlevées; mais son avion ne lui paraissait plus le même. Il a effectivement dit qu'il prendrait livraison de l'avion, estimant qu'il devrait s'habituer à le piloter tel quel. Il a ajouté que s'il ne s'y faisait pas, il remettrait lui-même en place les bandes de revêtement. Il est impossible de savoir s'il avait vraiment l'in- tention de le faire, ou si ces mots ne tradui- saient qu'un mouvement d'humeur.
Denomme n'était pas disposé à poser des bandes de revêtement, ses recherches dans les manuels et autres documents du même genre dont il disposait ne lui ayant permis de décou- vrir aucune mention permissive ou impérative relativement à l'usage de bandes de revêtement d'aileron sur les appareils de type J3. Je ne peux m'empêcher de penser que la lettre du ministère des Transports l'a également induit à prendre cette décision.
Il était disposé à certifier que l'avion, sans bandes de revêtement, était en bon état de navigabilité, et c'est ce qu'il a fait.
Le Ministère, se fondant sur son certificat, a délivré au demandeur un certificat de navigabilité.
Le demandeur a effectué huit vols sur son avion, afin de se familiariser avec les modifica tions du comportement de l'appareil en vol; ces vols ont duré 5h2 en tout.
Vers 9h30 le 17 août 1970, par un temps parfait pour voler, le demandeur, en compagnie de son fils Patrick, a décollé du lac Perry à destination du lac McDiarmid. En route, le demandeur a décidé de se poser sur le lac Webster pour y inspecter un campement.
Le Piper Cub CF-KDE 2499 possède deux habitacles disposés en tandem dans le fuselage. Les instruments se trouvent dans l'habitacle avant, et le demandeur pilotait de ce siège. Patrick était dans l'habitacle arrière. Il y a un manche à balai amovible dans chaque habitacle. Dans l'ensemble, il me paraît établi que l'on n'avait pas enlevé le manche de l'habitacle arrière, Patrick était assis. Cependant, je suis convaincu que le fait que le demandeur n'ait pas enlevé le manche de l'habitacle arrière n'a con- tribué en rien à l'accident qui s'est produit par la suite.
Patrick avait souvent accompagné son père en avion. On l'avait averti maintes fois de ne pas toucher au manche pendant le vol. C'est un garçon intelligent, tout à fait conscient du danger qui en résulterait. Je suis sûr que Patrick n'a pas touché au manche, spécialement dans les moments qui ont précédé l'impact. Je ne pense pas non plus que le manche de l'habitacle arrière se soit engagé.
Un léger vent d'ouest, d'environ 15 milles à l'heure, soufflait au lac Webster, qui est orienté nord-sud. J'entends par qu'il est plus long sur cet axe et plus étroit dans le sens est-ouest. Des montagnes peu élevées, ou plutôt des collines, bordent le lac à l'est et à l'ouest. Au sud se trouve une étendue basse et marécageuse et au nord le terrain est également bas. Pour amerrir sur le lac Webster, le demandeur a effectué son approche par l'est, au-dessus de la chaîne de collines. Son but était d'amerrir près du campe- ment, sur la rive ouest du lac, l'on avait construit un quai de bois.
Voyant qu'il se présentait trop haut, il a fait glisser latéralement l'appareil. L'avion fut secoué de vibrations et de tremblements. Étant revenu à l'horizontale, le demandeur a amerri.
Après l'amerrissage, il a examiné l'avion. N'ayant rien remarqué d'anormal, il a attribué l'incident à l'enlèvement des bandes de revêtement.
Environ quinze minutes plus tard, après avoir inspecté le campement, le demandeur et Patrick sont retournés à l'avion pour continuer leur voyage.
Le demandeur a hydroplané jusqu'à la rive est pour décoller vers l'ouest, dans le sens de la largeur du lac, face au vent. D'après sa déposi- tion, il a hydroplané jusque dans une baie et s'est placé près du rivage pour prendre de la vitesse avant de décoller. Il a relevé le gouver- nail marin et laissé libre le gouvernail de direc tion pour permettre à l'avion de suivre le vent.
Il a ensuite mis tous les gaz. En prenant l'air, il a relevé le nez de l'avion pour atteindre une vitesse de vol de 70 milles à l'heure, puis a commencé à prendre de l'altitude à une vitesse de vol de 55 milles à l'heure.
Au moment de survoler la rive ouest du lac, il se dirigeait droit sur le point le plus élevé de la chaîne de collines parallèle à cette rive, qui culmine à environ 250 pieds au-dessus du niveau de l'eau. C'était une colline au sommet aplati.
Le demandeur a témoigné qu'il était certain de pouvoir éviter la colline, mais que, par mesure de prudence, il a décidé de virer à droite et de survoler un vallon qui se trouvait là.
Il a ramené le nez de l'avion à l'horizontale et incliné l'appareil vers la droite. Sa vitesse de vol était de 55 milles à l'heure. Il a ensuite essayé de ramener les ailes à l'horizontale, mais n'a pu ramener le manche vers la gauche. Il a tenté d'échapper à la mise en vrille. Il avait estimé son angle d'inclinaison latérale à 20 ou 30 degrés. Il a saisi un mât de sa main gauche pour se donner un point d'appui, mais il n'a pas réussi à redresser le manche. L'aile droite décrochait, l'appareil piquait du nez, la manette des gaz était ouverte et l'appareil prenait beau- coup de vitesse. Le demandeur a remarqué que l'indicateur de vitesse avait dépassé 122 milles à l'heure. L'avion se dirigeait vers la droite, au-dessus de l'eau. L'aile droite s'inclinait encore davantage, et l'avion piquait du nez. Le
manche était toujours à droite. Il a relâché la pédale gauche du gouvernail de direction et l'avion a commencé à se rétablir à l'horizontale. Le demandeur a pensé qu'il pourrait gagner le terrain marécageux au sud, mais il ne pouvait maîtriser l'appareil. L'avion a survolé une pointe rocheuse près du campement, puis le lac et enfin s'est abîmé dans l'eau, l'aile droite en premier lieu. Lorsqu'il est tombé, l'appareil avait une inclinaison de 90 degrées. Il est même possible que lorsque l'aile droite a heurté l'eau, cette inclinaison ait dépassé 90 degrés.
L'avion a capoté et a commencé à couler. Il flottait à l'envers, maintenu à la surface par les flotteurs.
Patrick criait. Il était coincé par un obstacle quelconque, mais son père a réussi à le libérer; Patrick a alors grimpé sur le fuselage, et, avec son poing, a essayé d'y ouvrir une brèche pour libérer son père.
Le demandeur s'est trouvé entraîné sous l'eau, mais à force de se débattre il a réussi à remonter à la surface.
Il a pris la mesure de la situation. Patrick n'était heureusement pas blessé, mais il ne croyait cependant pas être capable de nager jusqu'à la rive. Ils ont retiré leurs bottes et Patrick a nagé aussi loin qu'il a pu par ses propres moyens, puis son père l'a aidé à gagner la berge. Ils se sont dirigés vers le campement, il y avait un poêle, et s'y sont installés aussi confortablement que possible pour attendre l'ar- rivée des secours.
Si j'en juge par le comportement de l'avion et la direction qu'il a suivie, tels que les a décrits le demandeur, je crois que l'avion ne s'est pas mis en vrille, mais qu'il a plutôt piqué en spirale.
La sortie de vrille, qu'a tenté d'effectuer le demandeur, consiste à actionner à fond et en sens contraire le palonnier, pour arrêter la rota tion de l'avion, et ensuite à redresser le manche pour effectuer la ressource. Il n'est pas absolu- ment nécessaire d'utiliser les ailerons pour sortir d'une vrille.
C'est le contraire lorsqu'il s'agit d'une spirale. Le virage s'effectue en inclinant les ailes au moyen des ailerons, et c'est ce que le deman-
deur a fait. Au fur et à mesure que l'angle d'inclinaison devient plus prononcé, la compo- sante verticale de la portance décroît et l'avion pique du nez. Pour le ramener en palier, il est essentiel de ramener les ailes à l'horizontale à l'aide des ailerons. Si on ne ramème pas les ailes à l'horizontale, la pression s'accroît, accentuant la rotation et entraînant un piqué en spirale. Cet accroissement est graduel, et c'est bien ce que nous a décrit le demandeur; cette description n'est pas compatible avec l'hypo- thèse d'un décrochage produisant une brusque mise en vrille à la suite du basculement de l'aile la plus élevée et de la mise en piqué de l'avion pendant ce mouvement rotatif. Il s'ensuit que la maîtrise des ailerons est essentielle pour sortir d'une spirale. Le demandeur a déposé qu'il avait été incapable de ramener le manche à balai de droite à gauche.
Le demandeur n'étant pas revenu, on a informé la Sûreté provinciale. On a commencé les recherches le 18 août 1970, au moyen d'un avion du ministère des Terres et Forêts de l'Ontario piloté par Edward J. Weisflock, accompagné d'un membre de la Sûreté provin- ciale de l'Ontario. Weisflock pilote depuis 26 ans et compte à son actif plus de 7000 heures de vol. Il connaît la région et a amerri plus de cinquante fois sur le lac Webster tout récem- ment. Il s'est dirigé vers la destination du demandeur mais a tout de même décidé de jeter un coup d'oeil au lac Webster. Il a remarqué un objet flottant sur le lac et a reconnu un avion à l'envers. En cherchant des survivants, il a aperçu sur la rive deux personnes qui lui fai- saient signe. Ayant amerri, il a pris le deman- deur et Patrick à son bord et les a amenés à South Porcupine, une ambulance attendait pour les conduire à l'hôpital.
Le demandeur, très maître de lui, raconta son aventure. Comme tous les pilotes, il était impa tient d'expliquer à un collègue ce qui s'était produit. Cette conversation eut lieu sur le quai à South Porcupine.
Weisflock a déposé que le demandeur lui a dit avoir hydroplané jusqu'au centre du lac envi- ron, avant de placer l'avion dans le sens du vent et de décoller. D'après son témoignage, le demandeur lui a dit qu'il tentait de prendre de l'altitude afin de passer au-dessus des arbres sur
la rive ouest du lac; le demandeur lui aurait dit très exactement: «Je n'ai pas cru pouvoir le faire». Weisflock a ensuite déclaré que le demandeur lui a dit avoir effectué un «brusque» virage à droite pour revenir au lac et, ce faisant, avoir perdu la maîtrise de l'appareil qui est alors tombé dans le lac.
Weisflock a exprimé l'opinion que, d'après ce qu'il connaissait du lac Webster, il est préféra- ble de ne pas décoller juste en face de l'obstacle le plus élevé, et qu'un pilote prudent, au moment il atteint une altitude de 100 pieds, virerait lentement à droite ou à gauche, en res- tant au-dessus du lac, afin de prendre plus d'al- titude pour quitter le lac en passant au-dessus des obstacles de la rive.
Le demandeur allègue que les préposés de la Couronne ont commis une faute au sens des articles 3(1)a) et 4(2) de la Loi sur la responsa- bilité de la Couronne, qui stipulent que la Cou- ronne est responsable des délits civils commis par ses préposés dans l'exercice de leurs fonc- tions, dans la même mesure qu'un particulier. Cependant, on ne peut exercer un recours en responsabilité délictuelle contre la Couronne que si l'acte ou l'omission du préposé donne ouverture à un tel recours contre le préposé. En conséquence, la responsabilité imposée à la Couronne en est une pour la faute d'autrui.
L'argumentation du demandeur me paraît se ramener à ceci: le préposé de la Couronne a posé comme condition au renouvellement du certificat de navigabilité de l'avion que le demandeur enlève les bandes de revêtement d'aileron, parce qu'il présumait qu'ils s'agissait d'une modification non homologuée, alors qu'en fait ces bandes avaient été posées dès l'origine par le constructeur et faisaient partie du type homologué, ce qu'aurait savoir le préposé de la Couronne. Sur la base de cette faute, le demandeur prétend ensuite que c'est l'enlèvement des bandes de revêtement d'aile- ron qui a causé l'accident, source des domma- ges subis par les deux demandeurs.
D'autre part, la Couronne allègue que son préposé n'a pas commis de faute. Le paragra- phe 22 de la lettre (pièce P-2) ne peut être interprété comme une demande catégorique
d'enlever les bandes de revêtement d'aileron. La lettre affirmait que les préposés de la Cou- ronne n'avaient pu [TRADUCTION] «trouver la preuve de l'homologation de bandes de revête- ment d'aileron». On soutient que le préposé de la Couronne n'a commis aucune faute en signa- lant au demandeur que rien ne prouvait l'homo- logation. La phrase suivante de la lettre rejette sur le demandeur la charge d'établir l'homologa- tion des bandes de revêtement. J'en rappelle la teneur: [TRADUCTION] «A défaut d'homologa- tion, ce revêtement doit être enlevé jusqu'à ce que l'installation en soit approuvée.» Rien ne dit que le demandeur doit piloter l'avion sans bandes de revêtement, ni que la présence ou l'absence de ces bandes conditionne l'obtention d'un certificat de navigabilité; l'auteur entendait plutôt par que si l'on ne pouvait justifier de leur homologation, il fallait retirer ces bandes. Il incombait au demandeur de rapporter au Minis- tère la preuve que l'installation de ces bandes était homologuée.
La Couronne admet que certains Piper Cubs étaient munis de bandes de revêtement et que l'homologation de type couvrait ces appareils, mais on soutient que rien ne prouvait l'installa- tion de telles bandes de revêtement sur l'avion du demandeur.
En conséquence, la Couronne soutient qu'il n'y a eu aucune faute de sa part, et subsidiaire- ment, dans l'hypothèse il y en aurait eu, que l'accident est attribuable à la faute de pilotage du demandeur.
A mon sens, la première question à trancher est de savoir si les préposés de la Couronne étaient tenus de s'assurer que la pose des bandes de revêtement était prévue dès l'origine aux plans du constructeur pour l'avion du demandeur en particulier, ou si c'est au deman- deur qu'il incombait de satisfaire aux exigences du Ministère à ce sujet.
Le préposé ne le savait pas, mais il s'agit de savoir s'il était tenu de le découvrir. Si c'était son devoir, de toute évidence il ne s'y est pas conformé, et dès lors il y a eu faute de la part du préposé de la Couronne. S'il n'y était pas tenu, il n'y a donc pas eu faute.
Bref, à mon avis la question de savoir s'il y a eu faute sous ce rapport consiste à déterminer
si le préposé de la Couronne était chargé de faire enquête et de se renseigner, ou si le demandeur avait la charge de satisfaire aux exigences du Ministère.
Il était très facile de se renseigner. Une visite, un appel téléphonique, un télégramme ou une lettre au constructeur aurait suffi. Le deman- deur, après l'accident, est allé chez le construc- teur, on l'a informé que l'avion était cons- truit avec bandes de revêtement prévues au plan.
Aux termes de la Loi sur l'aéronautique (S.R.C. 1970, c. A-3), il incombe au Ministre de diriger toutes les affaires se rattachant à l'aéro- nautique. L'article 6(1)d) prévoit que le Minis- tre peut édicter des règlements concernant les conditions dans lesquelles les aéronefs peuvent être utilisés ou mis en service, ce qu'il a fait.
L'article 101(15a) du Règlement de l'Air défi- nit l'expression «navigable» de la façon sui- vante: «employée relativement à un aéronef ou à une partie d'aéronef, signifie en bon état de vol, présentant la sécurité nécessaire, et con- forme aux normes de navigabilité établies par le Ministre pour cet aéronef ou cette partie d'aéronef
L'article 211(1) dispose que:
211. (1) Le Ministre pourra établir des normes de navi- gabilité pour les aéronefs, y compris les conditions requises en ce qui concerne la conception, la construction, le poids, les instruments et l'équipement des aéronefs et toute autre question relative à la sécurité des aéronefs.
Aux termes du paragraphe (2), le Ministre, lors- qu'il a l'assurance qu'un aéronef répond aux normes de navigabilité établies pour cet aéro- nef, peut délivrer un certificat de navigabilité.
En vertu du paragraphe (9):
(9) Le Ministre peut faire publier et tenir à jour un Manuel du mécanicien et de l'inspecteur qui définira les méthodes à employer pour déterminer la navigabilité d'un aéronef, y compris la périodicité des visites, les responsabi- lités et les méthodes d'entretien courant, d'entretien, de révision, de réparation et de modification et toute autre question intéressant la navigabilité de l'aéronef, selon les ordres du Ministre.
Aux termes des dispositions de l'article 214, le Ministre peut délivrer une homologation de prototype d'aéronef à l'égard de tout prototype qu'il juge répondre aux standards de navigabi- lité établis.
Aux termes de l'Ordonnance concernant la certification de la navigabilité, le certificat de navigabilité délivré à l'égard d'un avion n'entre en vigueur que si l'aéronef est entretenu, réparé, modifié et révisé en conformité du Manuel du mécanicien et de l'inspecteur, et s'il est certifié apte au vol dans son carnet de route par un mécanicien d'entretien d'aéronef quali- fié. De plus, on ne renouvelle un certificat sus- pendu que lorsque l'avion est certifié en confor- mité des dispositions du Manuel du mécanicien et de l'inspecteur.
Dans le Manuel du mécanicien et de l'inspec- teur, on définit les «réparations mineures» comme étant des réparations élémentaires faites conformément à l'usage technique reconnu, mais qui ne changent pas les éléments de base de la navigabilité, tels que la résistance de la structure, la performance ou la manoeuvre, et dont l'exécution n'est pas assujettie à des plans approuvés. Un mécanicien d'entretien d'aéronef titulaire d'une licence de catégorie «A» peut signer le certificat concernant ces réparations mineures.
On cite comme exemple de réparations mineures les réparations à l'entoilage, c'est-à- dire la réparation des dommages subis par la toile, l'enduit ou le fini.
Toutes les autres réparations sont des répara- tions majeures et seuls les mécaniciens d'entre- tien d'aéronef titulaires d'une licence valide de catégorie «B» ou «D» sont autorisés à signer les certificats concernant ces travaux.
Un mécanicien d'entretien d'aéronef ne peut délivrer un certificat concernant ces réparations que si elles ont été exécutées de la façon pres- crite par le constructeur dans son manuel d'en- tretien ou dans ses bulletins de service, ou en conformité de manuels qui font autorité en la matière.
I1 est évident, d'après ce qui précède, que seul un mécanicien d'entretien d'aéronef peut effectuer des réparations ou modifications. Sans aucun doute, les réparations effectuées par Wolfe et McDuff, les propriétaires anté- rieurs de l'avion, lorsqu'ils remplacèrent les bandes de revêtement d'aileron, dans les cir- constances qu'on nous a relatées, constituaient des réparations conformes à la définition des
réparations mineures; par ailleurs, ni l'un ni l'autre des propriétaires antérieurs n'étaient titulaires d'une licence de mécanicien d'entre- tien d'aéronef. De plus, les livres de bord de l'avion ne font absolument pas état du rempla- cement de bandes de revêtement d'aileron. L'inspecteur de la navigabilité, auteur de la lettre du 4 novembre 1969, a eu en main les livres de bord et les a examinés.
Il est également évident, d'après ce qui pré- cède, que le Ministre estime qu'un avion est en état de navigabilité lorsqu'un mécanicien d'en- tretien d'aéronef licencié le certifie. On se fonde sur le certificat du mécanicien pour déli- vrer un certificat de navigabilité à la suite de réparations, modifications ou vérifications. La licence lui est accordée parce qu'il est qualifié pour effectuer ce travail et le Ministère pré- sume qu'il a bien rempli sa tâche.
La responsabilité du mécanicien d'entretien d'aéronef est double: il doit convaincre d'une part son client et d'autre part le Ministère qu'il a fait son travail conformément aux normes éta- blies et que tout changement dans la concep tion, toute installation ou modification a été effectuée selon des plans et devis homologués. Telle est sa responsabilité vis-à-vis du Minis- tère, et lorsqu'on présente son attestation au Ministère, celui-ci, prenant pour acquis que le travail a été correctement fait, accepte son assurance que l'avion est en bon état de naviga- bilité et délivre en conséquence le certificat.
Le mécanicien d'entretien d'aéronef reçoit sa licence du Ministère mais il est employé par le propriétaire de l'avion.
Ce n'est pas un mécanicien d'entretien d'aé- ronef qui a remplacé les bandes de revêtement d'aileron de l'avion du demandeur. Aucun mécanicien n'a inscrit ces réparations au carnet de route. Ces bandes de revêtement furent posées sur l'avion par le propriétaire antérieur, Ross McDuff, et il me paraît probable que ce sont celles-là que l'inspecteur a vues le 3 novembre 1969. Il s'agissait sans aucun doute d'une installation de fortune, et elles en avaient l'aspect. Il était évident qu'on n'avait obtenu aucune approbation à l'égard de ce remplace- ment, et l'inspecteur de la navigabilité était jus- tifié d'en venir à cette conclusion et d'insister
pour que le demandeur produise la preuve de l'approbation, normalement inscrite au carnet de route, qui n'en faisait aucune mention.
L'inspecteur était justifié, étant donné l'as- pect improvisé de ces bandes de revêtement, de conclure que les bandes qu'il avait sous les yeux n'avaient pas été posées à l'usine.
Il est admis que le prototype du Piper Cub J3 avait été homologué, et que quelques appareils de ce type étaient munis d'ailerons à frise, alors que d'autres, également classés J3, étaient équi- pés d'ailerons sans frise. Il reste que l'homolo- gation d'un prototype d'avion ne signifie pas que le Ministère connaisse les détails les plus infimes des plans de l'appareil. Au besoin, le Ministère peut facilement obtenir ces renseigne- ments.
Cela me ramène à la question de savoir si oui ou non le Ministère avait le devoir, en l'espèce, d'obtenir ces détails du plan de cet avion en particulier.
La première phrase du paragraphe 22 de la lettre du 4 novembre 1969 (pièce P-2) se lit comme suit:
[TRADUCTION] 22. Nous n'avons pu trouver la preuve de l'homologation de bandes de revêtement d'aileron... .
Cette lettre avait précisément trait à l'avion du demandeur. Le terme «nous» désigne le ministère des Transports. La phrase signifie manifestement que le Ministère n'avait à sa disposition, dans ses dossiers, aucune preuve indiquant l'homologation de bandes de revête- ment d'aileron.
On doit donc en déduire que, malgré l'homo- logation du prototype, le Ministère n'avait pas de précisions concernant la pose de bandes de revêtement d'aileron sur ce type d'appareil. L'emploi des termes «de bandes de revêtement d'aileron» confirme cette interprétation. Le terme «bandes» n'est pas précédé dans cette phrase de l'article défini «des». On devait donc y voir une allusion à l'emploi de bandes de revêtement d'aileron habituellement utilisées sur les appareils du type J3. On s'est servi du mot «homologation» qui soulève la question: homologation par qui? Il ne peut s'agir que de
l'homologation du prototype par la Federal Aviation Administration des États-Unis. Cette homologation est censée correspondre à une homologation de prototype par le ministère des Transports. Le prototype ayant été homologué par l'administration ayant une compétence ana logue aux États-Unis, il s'ensuit qu'il est de ce fait homologué par le ministère des Transports. Un avion conforme au prototype homologué a droit au certificat de navigabilité des autorités canadiennes. Cela ne signifie pas toutefois qu'un avion en particulier, conforme au proto type homologué, est automatiquement admissi ble pour les fins du certificat de navigabilité. On doit tout d'abord établir que l'avion est con- forme aux plans du prototype homologué et ensuite qu'il est en bon état de navigabilité.
L'économie générale de la Loi sur l'aéronau- tique, ainsi que du Règlement de l'Air et de l'Ordonnance sur la navigation aérienne établis en vertu de cette loi, veut que le Ministre ait l'assurance qu'un avion est navigable avant de délivrer un certificat de navigabilité. Le proprié- taire de l'avion doit demander ce certificat et c'est à lui qu'il incombe de donner au Ministre les assurances nécessaires.
C'est ce que le paragraphe 22 de la lettre du 4 novembre 1969 invitait le demandeur à faire. L'inspecteur avait des doutes sur le principe de l'utilisation de bandes de revêtement sur les ailerons de cet avion, et en particulier sur le bien-fondé de l'utilisation de bandes de revête- ment improvisées. Il a donc invité le demandeur à dissiper ces doutes, bref à lui donner l'assu- rance que l'appareil était navigable, une fois muni de ces bandes de revêtement, et a sus- pendu le certificat de navigabilité jusqu'à ce que le demandeur s'exécute.
Pour ces motifs, j'ai conclu que les préposés de la Couronne n'avaient pas l'obligation de vérifier si la pose de bandes de revêtement sur l'avion du demandeur était prévue aux plans originaux du constructeur, mais que c'est au contraire au demandeur qu'il incombait de le faire.
Si toutefois cette conclusion était erronée, et que les préposés de la Couronne avaient cette obligation, il resterait que l'accident n'est pas attribuable à l'inexécution de cette obligation.
On n'a pas exigé du demandeur qu'il pilote l'avion sans bandes de revêtement; on lui a simplement demandé de prouver au Ministre que ces bandes de revêtement devaient être posées sur l'avion, ce que le demandeur n'a pas fait. Il a accepté que Denomme lui remette l'avion sans bandes de revêtement, après que ce dernier lui eût donné l'assurance de la navigabi- lité de l'avion, et de même, le Ministère lui a délivré un certificat de navigabilité en se fon dant sur l'attestation de Denomme à ce sujet.
L'enlèvement des bandes de revêtement n'a pas compromis la navigabilité de l'avion, mais a complètement modifié le comportement de l'ap- pareil en vol.
Dans ces conditions, je conclus que les demandeurs n'ont pas droit au redressement réclamé de Sa Majesté et que Sa Majesté a droit de recevoir ses frais d'action taxés.
Étant donné la conclusion à laquelle je suis parvenu, il ne m'est pas nécessaire de considé- rer le moyen invoqué subsidiairement en défense, à savoir que l'accident est attribuable à la faute du demandeur, non plus que le quantum des dommages.
Cependant, si j'étais contraint de le faire, dans l'hypothèse les préposés de la Cou- ronne auraient commis une faute en ne s'assu- rant pas que la pose des bandes de revêtement sur l'avion du demandeur était conforme aux plans du constructeur et en refusant de délivrer le certificat jusqu'à ce que les bandes de revête- ment soient enlevées, je répartirais la responsa- bilité de l'accident entre le demandeur et la défenderesse dans une proportion de 30 et 70% respectivement. J'effectuerais cette répartition parce qu'à mon avis, l'erreur de pilotage du demandeur a contribué à l'accident dans une proportion de 30%. Il était conscient de la transformation apportée au comportement en vol de l'appareil, en raison du fait qu'il n'obéis- sait plus très bien au gouvernail de gauchisse- ment; il aurait donc être plus prudent. A mon sens, compte tenu du manque de souplesse du gouvernail de gauchissement, il a effectué un virage trop brusque, et incliné les ailes de façon trop prononcée, lorsqu'il a voulu changer de direction; mais par ailleurs, l'enlèvement des
bandes de revêtement ne lui a pas facilité la correction de cette fausse manoeuvre.
Je suis heureux que Patrick n'ait subi aucune blessure permanente à la suite de l'accident. Cependant, étant encore tout jeune, et à une époque de sa vie déterminante pour l'évolution de son caractère, il a subi le choc d'événements traumatisants. Il s'est trouvé face à la mort, d'abord lorsqu'il est devenu évident que l'écra- sement était inévitable, et ensuite lorsqu'il a failli périr noyé, coincé à l'intérieur de l'avion et, une fois libéré, lorsqu'il dut nager une longue distance pour atteindre la berge. En outre, il a vu son père lutter frénétiquement pour survivre. Il a donc été ébranlé physiquement et il a vécu un choc et une frayeur intense. J'évaluerais les dommages subis par Patrick à $400.
Le demandeur adulte a subi, outre le choc et la frayeur, des blessures physiques. Les os de son nez et de sa joue ont été brisés. Il a été lacéré. Bien qu'il ne souffre pas d'infirmités permanentes, sa joue gauche est défigurée. Il a passer une journée à attendre du secours, sans pouvoir soulager ses souffrances, et a
être hospitalisé pour cinq jours. J'évaluerais _ donc ses dommages généraux à $4,000.
Pour ce qui est de la réclamation en domma- ges spéciaux, j'accorderais $414 pour les déboursés d'argent causés par l'accident. J'ac- corderais le coût de l'avion, déduction faite d'une somme correspondant aux éléments récu- pérables, plus-value en sus. L'avion a coûté $3,990; la valeur des éléments récupérables, y compris les skis, est de $700; ce qui fait $3,290. On a établi qu'en dépit de l'âge de l'avion, il avait augmenté en valeur. J'ajouterais donc $500, soit une valeur marchande de $3,790 pour cet appareil. A cause de la perte de l'avion, le demandeur a perdu des clients. Deux groupes de chasseurs ont annulé les arrangements qu'ils avaient pris. Bien que l'on n'ait pas justifié cette réclamation de façon aussi concluante qu'on pourrait le souhaiter, j'accorderais, après mûre considération, un montant de $196 pour la perte de clients, soit un total de $4,400 en dommages spéciaux.
Étant donné le partage des responsabilités que j'ai cru devoir effectuer, il y aurait lieu de ramener le quantum des dommages à $280 pour
le demandeur mineur Patrick, et à $5,880 pour le demandeur adulte; toutefois, ayant conclu, pour les motifs indiqués ci-dessus, que les demandeurs n'ont droit à aucun des moyens de redressement sollicités par leur demande, je renvoie donc l'action, et en accorde les dépens à Sa Majesté.
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