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La Reine (Appelante)
c.
Joseph M. Weintraub (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Thurlow et le juge suppléant Sheppard— Ottawa, le 26 juin 1972.
Impôt sur le revenu—Appel d'une cotisation—La défende- resse doit être la Reine—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 175 (mod. par 1970-71, c. 63)—Loi sur la Cour fédérale, art. 48.
Eu égard aux dispositions de la Loi sur le ministère du Revenu national, S.R.C. 1970, c. N-15, article 4, le Ministre, dans l'exercice des fonctions que lui confère la Loi de l'impôt sur le revenu, agit en qualité de préposé de la Couronne et non à titre de personne désignée. Par consé- quent, l'appel d'une cotisation à l'impôt sur le revenu doit, aux termes de l'article 175 de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, tel que modifié par 1970-71, c. 63, être interjeté de la manière énoncée à l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale, c. -à-d. qu'il doit être dirigé contre Sa Majesté la Reine et non contre le ministre du Revenu national.
APPEL du juge en chef adjoint Noël, ante p.
G. W. Ainslie, c.r. et A. P. Gauthier pour l'appelante.
B. Verchere pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Le présent appel porte sur une décision de la Divi sion de première instance en date du 13 juin 1972, qui a rejeté une requête aux fins d'ordon- nance de rejet du présent appel, interjeté par voie de déclaration en conformité de l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale, au motif que «l'on ne peut rechercher ni obtenir réparation de Sa Majesté ... relativement à l'exercice des fonctions administratives que la Loi de l'impôt sur le revenu confère au ministre du Revenu national, à titre de personne désignée, quant à l'évaluation de l'impôt que doit payer le demandeur».
Je suis d'avis que le présent appel doit être rejeté avec dépens pour les motifs qu'a énoncés le juge en chef adjoint lorsqu'il a rejeté la requête. Toutefois, par considération pour les arguments présentés par l'avocat, je vais m'ef- forcer de résumer brièvement ma conception des motifs pour lesquels l'appel doit être rejeté.
La Loi de l'impôt sur le revenu lève des impôts payables à Sa Majesté. (Voir l'article
118 de l'«ancienne Loi» et l'article 222 de la «Loi modifiée»'.) Le ministre du Revenu natio nal, qui est le chef d'un ministère gouvernemen- tal, (voir la Loi sur le ministère du Revenu national, S.R.C. 1970, c. N-15) est chargé de l'application et de l'exécution de la Loi de l'im- pôt sur le revenu. (Voir l'article 220 de la Loi modifiée.) Il n'a ni droits ni obligations person- nelles quant aux impôts qui sont levés. Son travail consiste à faire au nom de Sa Majesté, par l'intermédiaire de son ministère, toutes les opérations 'nécessaires à la perception des sommes qui doivent être payées en vertu de la Loi et de rembourser, au nom de Sa Majesté et sur les fonds de Sa Majesté, toutes les sommes qui doivent être remboursées en vertu de cette Loi.
Tout ministre chargé de percevoir des deniers dus à la Couronne doit, entre autres, fixer le plus exactement possible les sommes qui doi- vent être payées, afin de pouvoir en réclamer le paiement. Pour obtenir une évaluation définitive des sommes qui doivent être ainsi payées, la Loi de l'impôt sur le revenu a rendu définitive l'évaluation du Ministre, c.-à-d. la cotisation, sous réserve d'appel devant les tribunaux. Tou- tefois, à mon avis, cette évaluation ou cotisation fait simplement partie de l'application générale de la Loi par le ministre. Elle est établie dans l'exercice de ses fonctions à titre de ministre de la Couronne chargé de la perception des revenus.
Lorsqu'il est fait appel de ces cotisations devant les tribunaux, le litige porte sur le mon- tant de l'impôt qui doit être payé à Sa Majesté et, par conséquent, les parties au litige sont le contribuable et Sa Majesté. Par suite, lorsqu'un tel appel est interjeté au moyen d'actes de pro- cédure intervenant entre le contribuable et le ministre, celui-ci est une partie désignée à un litige au nom de Sa Majesté, tout comme le procureur général est partie à un litige au nom de Sa Majesté lorsqu'il intente une action, à titre de procureur général, devant l'un des autres tribunaux du pays à raison d'une dette due à Sa Majesté.
Jusqu'à une époque récente, les litiges con- cernant les droits ou les obligations de la Cou- ronne ont fait habituellement l'objet de procé- dures spéciales, par exemple, les pétitions de
droit et les informations. La tendance actuelle est toutefois d'éliminer ces procédures spécia- les, aux fins d'uniformiser la procédure de toutes les actions judiciaires, que la Couronne y soit partie ou non. Ainsi, l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que des poursuites contre la Couronne peuvent être intentées au moyen d'une déclaration, comme les actions entre deux citoyens devant cette Cour, et la Règle 600 des règles de cette Cour prévoit des actions contre la Couronne qui peuvent être intentées de la même façon. L'article 175 de la Loi de l'impôt sur le revenu (modifiée) constitue un autre pas dans le même sens.
A mon avis, l'article 175 de la Loi de l'impôt sur le revenu (modifiée) est clair et sans ambi- guïté. Il prévoit que des appels peuvent être interjetés «de la manière indiquée à l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale», position qui permet d'intenter des actions contre la Cou- ronne au moyen d'un document établi en la forme exposée à l'annexe A de cette Loi. Ladite annexe prévoit une déclaration dont l'intitulé doit comprendre le nom de la partie qui poursuit (demandeur) et celui de «Sa Majesté la Reine» (défenderesse). J'ai du mal à comprendre com ment on a pu croire que l'article 175 de la Loi de l'impôt sur le revenu (modifiée) pouvait signi- fier autre chose que ceci: un appel peut être interjeté au moyen d'une déclaration dans laquelle le contribuable est appelé le «deman- deur», l'autre partie étant «Sa Majesté la Reine», appelée la «défenderesse».
En ce qui concerne l'argument selon lequel une cotisation ne peut pas être renvoyée au ministre s'il n'est pas désigné comme partie à l'action, il me semble difficile de comprendre la logique du raisonnement. Une Cour d'appel, lorsqu'elle a le pouvoir de le faire, peut ren- voyer une affaire ordinaire à un tribunal de première instance, même si ce tribunal n'est pas désigné comme partie à l'appel. Je ne vois donc pas ce qui peut empêcher l'application d'une disposition qui donne le pouvoir de renvoyer une cotisation au ministre aux fins de nouvelle cotisation, bien qu'il ne figure pas en qualité de partie à la procédure. La même réponse peut être faite à tout argument qui peut être présenté au sujet de toute ordonnance qui peut être rendue lorsqu'on tranche un appel en matière
d'impôt sur le revenu. Ce que le ministre fait en vertu de la Loi, il le fait au nom de Sa Majesté et, si la Cour a le pouvoir de donner des ordres qui l'obligent à exercer les fonctions que la Loi lui a attribuées, comme de lui ordonner, par exemple, d'effectuer un remboursement, il suffit que Sa Majesté, dont les droits et les deniers sont en cause, soit partie.
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LE JUGE THURLOW—Je suis du même avis et je désire simplement ajouter que, même si cer- taines des fonctions que la Loi de l'impôt sur le revenu attribue au Ministre peuvent être consi- dérées comme pouvant être exercées en sa qua- lité de personne désignée plutôt qu'en sa qualité de mandataire de la Couronne, je tirerais la même conclusion quant à l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 175.
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LE JUGE SUPPLÉANT SHEPPARD a souscrit à l'avis du juge en chef Jackett.
J'emploie ces expressions au sens de l'article 8 du c. 63 de 1970-71.
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