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John William Robertson (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance. Le juge Cat- tanach—Ottawa, les 17 et 22 février 1972.
Fonction publique—Fin d'emploi—Pouvoir du sous-minis- tre de mettre fin à l'emploi d'un fonctionnaire à l'âge de 60 ans—Ultra vires—Loi sur la pension de la Fonction publi- que, S.R.C. 1970, c. P-36, art. 32(1)y)—Règlement sur la pension du service public, C.P. 1962-137, modifié par C.P. 1968-1156, art. 20(12).
L'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public qui autorise un sous-ministre à mettre fin à l'emploi d'un fonctionnaire à l'âge de 60 ans est ultra vires du pouvoir conféré par l'article 32(1)y) de la Loi sur la pension de la Fonction publique au gouverneur en conseil de fixer un âge normal de retraite.
Une fois que le gouverneur en conseil a fixé l'âge normal de la retraite à 65 ans dans l'article 20(2) du Règlement, le pouvoir que lui confère l'article 32(1)y) de la Loi est épuisé. On ne peut interpréter le texte de l'article 32(1)y) comme autorisant une délégation ultérieure.
ACTION.
M. W. Wright, c.r. et J. L. Shields pour le demandeur.
C. R. O. Munro, c.r. et I. Whitehall pour la défenderesse.
LE JUGE CATTANACH—Le demandeur est fonctionnaire, classé «PM1», au service du ministère du Revenu national à Belleville (Onta- rio), depuis le 15 juillet 1968, comme agent des recouvrements de district.
Le 6 mai 1970, le demandeur a atteint l'âge de 60 ans.
Par lettre datée du 20 janvier 1971, le sous- ministre du ministère du Revenu national a informé le demandeur qu'en raison des rapports envoyés au Ministre sur la façon dont il rem- plissait ses fonctions, il était convaincu que vu son âge, il ne lui était pas possible de remplir de manière satisfaisante, à l'avenir, les fonctions qui lui avaient été assignées. En vertu du pou- voir que lui confère l'article 20(12) du Règle- ment sur la pension du service public, le sous- ministre a donc notifié au demandeur qu'il met- tait à fin son emploi, «pour seule raison d'âge». Il précisait que l'avis prenait effet le ler février
1971 et la fin de l'emploi du demandeur le 31 juillet 1971.
Le demandeur cherche à faire déclarer que l'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public C.P. 1962-137, amendé par C.P. 1968-1156, est ultra vires et que par consé- quent, le sous-ministre n'avait pas le pouvoir de mettre fin à son emploi en vertu de ce règlement.
Dès le début du procès, les avocats des par ties ont convenu qu'il n'y avait pas de contesta- tion sur les faits, que l'emploi du demandeur prenait fin en raison de son âge, et que la seule question à trancher était celle de la validité de l'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public.
Dans sa requête, le demandeur sollicitait une injonction interdisant à Sa Majesté de mettre fin à son emploi, et des dommages-intérêts s'il était jugé que le fait de mettre fin à l'emploi du demandeur était illégal.
L'avocat du demandeur a renoncé à deman- der une injonction et les avocats se sont mis d'accord sur le quantum des dommages-intérêts à accorder au demandeur au cas il serait jugé que le règlement attaqué est ultra vires.
Les plaidoiries ont fait ressortir clairement que la question était bien délimitée.
L'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public est une législation déléguée. Pour qu'une telle législation déléguée soit vala- ble, elle doit constituer l'exercice d'un pouvoir autorisé par une loi.
L'avocat de la défenderesse prétend que l'ar- ticle 32(1)y) de la Loi sur la pension de la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-36, con- fère au gouverneur en conseil le pouvoir d'édic- ter le règlement énoncé à l'article 20(12), tandis que l'avocat du demandeur soutient le contraire.
Voici l'article 32(1)y) de la Loi sur la pension de la Fonction publique:
y) par dérogation à toute autre loi du Parlement du Canada, mais sous réserve du paragraphe (11), stipulant que, lors- qu'il atteint l'âge fixé par les règlements, un contributeur doit cesser d'être employé dans la Fonction publique, à moins que la continuation de son emploi ne soit autorisée en conformité de ces règlements, et prescrivant les circonstan- ces il peut continuer d'être employé dans la Fonction publique après avoir atteint cet âge ....
L'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public (précité) est placé sous le titre «Fin d'emploi» et se lit comme suit:
(12) Nonobstant toute disposition du présent article, un sous-ministre peut, d'accord avec la Commission du service civil, mettre fin n'importe quand, pour seule raison d'âge, à l'emploi d'un contributeur qui a atteint l'âge de soixante ans mais n'a pas atteint l'âge de soixante-quatre ans et six mois, si le sous-ministre donne au contributeur au moins six mois de préavis de cessation d'emploi.
Le décret C.P. 1968-1156 édicte à nouveau l'article 20(12) en supprimant les termes «d'ac- cord avec la Commission du service civil». Cet amendement a pour effet de laisser à l'entière discrétion du sous-ministre la décision de mettre fin à l'emploi d'un contributeur qui a atteint l'âge de 60 ans.
Les plus hautes autorités affirment le droit d'examiner les antécédents législatifs d'une loi dans le but d'écarter tout doute quant à son sens, et reconnaissent que ce droit constitue généralement une méthode appropriée permet- tant de préciser la volonté véritable du législateur.
Les avocats de chacune des parties m'ont amené à passer en revue de manière détaillée la législation antérieure à l'appui de leurs préten- tions contraires.
L'avocat du demandeur s'est reporté à la promulgation par le Parlement, en 1967, de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (S.R.C. 1970, c. P-32). Comme l'indique son titre complet «Loi concernant l'emploi dans la Fonction publique du Canada», cette loi régit fondamentalement la sélection et la nomination de personnes qui sont déjà membres de la Fonc- tion publique ou n'en font pas encore partie, la durée des fonctions, la durée du stage, la mise en disponibilité et le renvoi des employés pour incompétence et incapacité.
L'article 24 prévoit qu'un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa Majesté, sous réserve des autres dispositions de la Loi et de toute autre loi ainsi que des règlements établis sous son régime.
En vertu de l'article 31, le renvoi d'un employé pour incompétence et incapacité ou la rétrogradation à un poste inférieur relève de l'initiative du sous-ministre, qui fait une recom- mandation à la Commission de la Fonction publique. L'employé touché par cette mesure a un droit d'appel. Ceci est différent de l'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public, qui confère au sous-ministre l'entière discrétion de mettre fin à l'emploi d'un contri- buteur pour seule raison d'âge.
En 1967, l'article 5(1)e) de la Loi sur l'admi- nistration financière (S.R.C. 1970, c. F-10) a été de nouveau modifié pour préciser que le conseil du Trésor peut agir relativement à toute ques tion concernant la fixation des conditions d'em- ploi des personnes dans la fonction publique. En vertu de l'article 7 de cette Loi et des règlements adoptés sous son régime, le conseil du Trésor est compétent pour traiter des ques tions de discipline ou d'inconduite et peut pres- crire des sanctions pécuniaires et autres, y corn- pris la suspension et le congédiement. L'article 106, C.P. 1967-1968 du Règlement sur les con ditions d'emploi dans la Fonction publique, pro- mulgué en vertu de l'article 7 de la Loi sur l'administration financière, prévoit que ' sous réserve de tout édit du conseil du Trésor, les questions de discipline sont déléguées au sous- ministre, sous la réserve expresse que le congé- diement d'un employé pour des raisons discipli- naires doit recevoir l'approbation du conseil du Trésor.
Par ailleurs, la Loi sur la pension de la Fonc- tion publique a pour but général, comme l'impli- que son titre, de verser une pension ou d'autres prestations à tout fonctionnaire qui contribue au plan. Elle contient des dispositions détaillées quant aux droits et obligations des contributeurs et de leurs personnes à charge et aux droits et obligations de l'employeur. L'avocat de la défenderesse a donné à entendre que l'âge de la retraite est nécessairement accessoire au but général du versement d'une pension. A titre
d'exemple, il a retracé l'évolution de la législa- tion antérieure.
Le premier Parlement du Canada a passé un «Acte pour mieux assurer l'efficacité du service civil du Canada, en pourvoyant à la retraite, en certains cas particuliers, des personnes qui y sont employées.» (S.C. 1870-71, c. 4.)
Donner un préambule à une loi est chose rare à l'époque moderne mais, lorsqu'il en existe un, il peut être utile de le considérer comme un guide destiné à préciser l'objet, la portée et le but de la loi sous réserve que, lorsque le texte est clair et sans ambiguïté, on ne peut recourir au préambule pour l'orienter, le tronquer ou le restreindre et, lorsque le texte est ambigu, on peut recourir au préambule pour l'expliquer.
La première Loi sur le fonds de retraite du service civil comportait un préambule et pour les raisons déjà données, il est utile de citer ce préambule.
CONSIDÉRANT que dans le but de mieux assurer l'effica- cité et l'économie dans le service civil du Canada, il est expédient de pourvoir à la retraite, à des conditions équita- bles, des personnes y employées qui, par la suite de leur âge ou de leurs infirmités, ne peuvent pas convenablement remplir les devoirs qui leur sont assignés.
En vertu de l'article 1 de cette Loi, le gouver- neur en conseil pouvait accorder une allocation de fonds de retraite à un employé qui avait atteint l'âge de 60 ans. En vertu de l'article 5, la retraite était obligatoire à la suite de l'offre d'une allocation de fonds de retraite. Il semble donc que la retraite à l'âge de 60 ans était obligatoire si l'allocation de fonds de retraite était offerte, mais que le gouverneur en conseil pouvait prolonger l'emploi d'une personne après l'âge de 60 ans en usant du simple subterfuge qui consistait à ne pas lui offrir une allocation de fonds de retraite. L'allocation de fonds de retraite pouvait également être offerte à une personne ayant moins de 60 ans, mais cette personne, si elle était en bonne santé physique et mentale, pouvait être rappelée au service. Il semble que le but général de la Loi ait été que l'âge normal de la retraite fût de 60 ans et qu'avant ou après 60 ans, la retraite fût discré- tionnaire, et dépendît entièrement de l'offre d'une allocation de fonds de retraite, à la discré- tion du gouverneur en conseil.
Aucun changement n'a été apporté à l'âge normal de la retraite jusqu'en 1924.
La Loi de la pension du service civil de 1924 (S.C. 1924, c. 69) précisait à l'article 10(2) que personne n'est retenu dans le service civil lors- qu'il est âgé de plus de 70 ans et à l'article 5 a)(i) que la pension peut être accordée à une personne qui a atteint l'âge de 65 ans.
L'âge normal de la retraite était fixé à 65 ans et l'âge obligatoire de la retraite à 70 ans.
Telle était la situation jusqu'en 1947. En vertu du chapitre 54 des Statuts du Canada de 1947, des modifications ont été apportées à la Loi de la pension du service civil, fixant l'âge normal de la retraite à 60 ans et obligeant les personnes à prendre leur retraite à l'âge de 65 ans, sous réserve de la continuation de leur emploi, après cet âge, sous certaines conditions qui étaient précisées. Telle a été la situation jusqu'à l'adoption de la Loi sur la pension du service public en 1952-53 (S.C. 1952-53, c. 47). Cette Loi et ses modifications se trouvent dans la refonte de 1970 sous le titre Loi sur la pension de la Fonction publique (S.R.C. 1970, c. P-3 6).
Cette Loi ne fixe pas l'âge normal de la retraite des contributeurs, comme le faisaient les lois précédentes, mais le Parlement a choisi de laisser aux règlements le soin de trancher la question.
Il ressort de l'étude précédente de la législa- tion antérieure que la question de la durée des fonctions d'un employé relève de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Le renvoi d'un employé pour incompétence ou incapacité est également régi par cette Loi et assorti du droit d'appel qu'elle prévoit. En vertu de la Loi sur l'administration financière et des règlements adoptés sous son régime, le pouvoir de congé- dier un employé pour des raisons disciplinaires est conféré au conseil du Trésor, qui a délégué cette autorité au sous-ministre, mais toute déci- sion que prend ce dernier à cet égard est sou- mise à l'approbation du conseil du Trésor. Il est possible de s'opposer à une action disciplinaire par la procédure du grief prévue dans la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publi- que (S.R.C. 1970, c. P-35).
A la différence du renvoi d'un employé pour incompétence et incapacité et du congédiement pour des raisons disciplinaires, le contributeur qui se plaint que le sous-ministre a mis fin à son emploi, pour seule raison d'âge, en vertu de l'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public, n'a pas de recours.
Il est clair que la durée des fonctions d'un employé, son renvoi pour incompétence et inca- pacité ou son congédiement pour des raisons disciplinaires ne sont pas l'objet de la Loi sur la pension de la Fonction publique. L'objet de la Loi sur la pension de la Fonction publique est de pourvoir à la retraite des fonctionnaires au moyen d'une pension lorsqu'ils atteignent un certain âge. Le droit à une pension et la cessa tion d'emploi qui ouvre le droit à cette pension sont intimement liés et sous cet angle, la cessa tion d'emploi, lorsqu'on a atteint un certain âge, est l'objet de cette législation.
L'évolution de la législation indique que le but que le Parlement a poursuivi jusqu'à la promulgation de l'actuelle Loi sur la pension de la Fonction publique était de fixer un âge normal de retraite ainsi qu'un âge plus tardif la retraite devient obligatoire, sous réserve de la continuation d'emploi après cet âge lorsqu'il existe des conditions particulières.
On peut résumer le but appliqué dans le Règlement sur la pension du service public.
A l'article 20(2) de celui-ci, il est prévu que, sous réserve de cet article, un contributeur cesse d'être employé lorsqu'il atteint l'âge de 65 ans. Cet âge est, à mon sens, l'âge normal de la retraite pour tous les fonctionnaires.
En vertu de l'article 20(4), (5) et (6), un contributeur peut continuer d'être employé jus- qu'à ce qu'il atteigne l'âge de 70 ans, sur appro bation du sous-ministre avec l'autorisation par- ticulière ou générale du ministre compétent si le traitement du contributeur est inférieur à $13,500. Si le traitement du contributeur est égal ou supérieur à $13,500, celui-ci, peut alors continuer d'être employé jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 70 ans si, le sous-ministre l'a recommandé et si cette recommandation est approuvée par le conseil du Trésor. La conti-
nuation de l'emploi après l'âge de 65 jusqu'à l'âge de 70 ans est autorisée d'année en année.
L'article 20(8) prévoit la continuation d'em- ploi après l'âge de 70 ans.
Ceci est conforme à l'objectif que le Parle- ment a adopté dans la législation antérieure sur la pension et qui est inscrit dans les lois mêmes.
Jusqu'ici, les règlements prévoient que l'âge normal de la retraite est 65 ans et contiennent des dispositions portant sur la continuation de l'emploi du contributeur après 65 ans.
Toutefois, en vertu de l'article 20(12) (en vertu duquel le sous-ministre a agi pour mettre fin à l'emploi du demandeur en l'espèce), le sous-ministre a mis fin de sa propre initiative à l'emploi d'un contributeur parce que celui-ci avait atteint l'âge de 60 ans, et il peut mettre fin à tout moment à l'emploi d'un contributeur qui a atteint l'âge de 60 ans mais n'a pas atteint l'âge de 64 ans et 6 mois sans l'accord ni l'approbation de toute autre autorité; dans ce dernier cas, il n'y a aucun recours contre la décision du sous-ministre.
L'article 11 de la Loi sur la pension de la Fonction publique donne au contributeur le choix de recevoir une pension ou d'exercer des options lorsqu'il a moins de 5 ans de service ouvrant droit à pension.
Voir l'article 11(1)a):
a) s'il cesse d'être employé dans la Fonction publique après avoir atteint l'âge de soixante ans, pour toute raison autre que l'inconduite, ou s'il cesse d'être employé dans la Fonction publique parce qu'il est devenu invalide ... .
Le droit du contributeur de recevoir une pen sion ou le remboursement des contributions sont ensuite précisés.
De même, l'article 12 de la Loi sur la pension de la Fonction publique énonce les droits d'un contributeur ayant au moins 5 ans de service ouvrant droit à pension.
Voir l'article 12(1)a):
a) s'il cesse d'être employé dans la Fonction publique après avoir atteint l'âge de soixante ans, pour toute raison autre que l'inconduite, il a droit de recevoir une pension à jouissance immédiate.....
Aucune preuve n'a été apportée, sur le nombre d'années de service ouvrant droit à pension du demandeur, qui permette de déter- miner s'il relevait de l'article 11 ou de l'article 12, mais ceci est sans rapport avec la question qui m'est posée.
Les articles 11 et 12 qui viennent d'être cités signifient qu'un contributeur, s'il cesse d'être employé dans la Fonction publique, a le droit de recevoir une pension à l'âge de 60 ans.
S'il est mis fin à l'emploi du contributeur pour raison d'inconduite, ce qui est fait en vertu des dispositions de la Loi sur l'administration finan- cière et des règlements pris sous son régime, cette éventualité est expressément prévue aux articles 11 et 12 de la Loi sur la pension de la Fonction publique.
L'emploi du contributeur pourrait également cesser pour raison d'incompétence ou d'incapa- cité. Ceci peut être fait en vertu des dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Il est également possible qu'on puisse mettre fin à l'emploi du contributeur en exerçant le bon plaisir de Sa Majesté, également en vertu de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Le seul autre cas il pourrait être mis fin à l'emploi d'un contributeur lorsqu'il atteint l'âge de 60 ans l'exclusion de l'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public) serait celui le contributeur ayant atteint cet âge, démissionne volontairement; c'est-à-dire de son plein gré. Toutefois, je ne peux interpréter les articles 11 et 12 comme indiquant qu'il est automatiquement mis fin à l'emploi d'un contri- buteur parce qu'il a atteint l'âge de 60 ans. A mon sens, le but de ces articles est de donner au contributeur le droit à une pension à cet âge s'il désire la prendre en mettant fin de sa propre initiative à son emploi, en démissionnant. Il me semble que le choix du contributeur de démis- sionner et de bénéficier de sa pension à l'âge de 60 ans est laissé à sa discrétion. Le contributeur pourrait choisir de ne pas démissionner lorsqu'il atteint l'âge de 60 ans. Il pourrait très bien reporter sa décision jusqu'à une date située ses 60 et ses 65 ans. J'en suis d'autant plus con- vaincu que l'article 20(2) du Règlement sur la pension du service public prévoit qu'un contri-
buteur cesse d'être employé lorsqu'il atteint l'âge de 65 ans. Il s'agit de l'âge normal de la retraite prévu pour tous les contributeurs lors- que l'emploi cesse automatiquement, mais peut se poursuivre à des conditions qui sont préci- sées. Je n'ai trouvé aucune autre disposition semblable dans quelque loi ni règlement, et on n'a porté à mon attention aucun texte selon lequel la continuation d'emploi après l'âge de 60 ans est soumise à des conditions, comme cela est le cas lorsque l'on atteint l'âge de 65 ans.
La seule autre éventualité est celle un contributeur pourrait cesser d'être employé à l'âge de 60 ans ou entre 60 ans et 64 ans et 6 mois, lorsque le sous-ministre a mis fin à son emploi pour raison d'âge en vertu de l'article 20(12) du Règlement sur la pension du service public qui est, naturellement, le règlement même que cette action cherche à attaquer.
La question de savoir si l'article 20(12) du règlement relève de l'autorité déléguée au gou- verneur en conseil doit être tranchée tout d'a- bord en se reportant à l'article de la Loi sur la pension de la Fonction publique qui s'y rattache.
Il est bien établi que c'est l'article 32(1)y) de la Loi sur la pension de la Fonction publique qui délègue au gouverneur en conseil le pouvoir de fixer l'âge de la retraite d'un contributeur.
Le règlement prévoit en effet à l'article 20(2) qu'un contributeur cesse d'être employé lors- qu'il atteint l'âge de 65 ans. Les paragraphes suivants prévoient des exceptions permettant de continuer cet emploi jusqu'à l'âge de 70 ans et même plus tard.
Mais l'article 20(12) prévoit que nonobstant l'âge normal de la retraite qui est fixé, à l'article 20(2), à 65 ans, le sous-ministre peut mettre fin à l'emploi d'un contributeur, sur avis donné à l'employé, à tout âge se situant entre 60 ans et 64 ans et 6 mois.
L'article 20 et ses paragraphes sont placés sous l'intitulé «Fin d'emploi». A l'article 20(2), les termes importants sont qu'un contributeur «cesse d'être employé» lorsqu'il atteint l'âge de
65 ans. A l'article 32(1)y) de la Loi sur la pension de la Fonction publique, il est prévu que «lorsqu'il atteint l'âge fixé par les règle- ments, un contributeur doit cesser d'être employé», sauf continuation de son emploi. L'emploi des termes «cesse d'être employé» dans les contextes ils se trouvent, implique le fait que l'emploi cesse automatiquement lors- qu'un certain âge est atteint. Aucun acte positif n'est requis de personne. Le résultat découle de l'expiration du terme. D'autre part, les termes de l'article 20(12) font que le sous-ministre «peut mettre fin à l'emploi» d'un contributeur qui a atteint l'âge de 60 ans, pour cette seule raison. Il est certain que s'il est «mis fin» à l'emploi d'un contributeur, cet emploi «cesse» également, mais le terme «mettre fin», employé dans ce contexte, implique un acte positif et pas simplement l'expiration du terme, comme l'indi- quent implicitement les termes «cesse d'être employé» dans le contexte correspondant, c'est-à-dire que la cessation d'emploi suit inexo- rablement et automatiquement l'expiration du terme.
Le pouvoir prévu à l'article 32(1)y) est, à mon sens, que le gouverneur en conseil doit fixer un âge normal de retraite pour tous les contribu- teurs avec des exceptions prévoyant la conti nuation de l'emploi après cet âge. Cet article de la Loi précise «lorsqu'il atteint l'âge fixé par les règlements», âge qui a été fixé à 65 ans par l'article 20(2) du règlement, et déclare ensuite que l'emploi peut être continué après cet âge. Cette continuation d'emploi est prévue dans le règlement.
Mais l'article 20(12) du règlement prévoit que, nonobstant le fait que l'âge normal de la retraite est fixé par l'article 20(2) à 65 ans, le sous-ministre peut néanmoins mettre fin à l'em- ploi du contributeur à l'âge de 60 ans. Cette mesure outrepasse, à mon sens, le pouvoir que prévoit l'article 32(1)y) de la Loi.
Il me semble que lorsque le gouverneur en conseil a fixé l'âge normal de la retraite à 65 ans à l'article 20(2) du règlement, il a épuisé le pouvoir que lui conférait l'article 32(1)y) de la Loi.
Je conclus donc que l'article 20(12) du règle-
ment est ultra vires. -
Mon opinion s'appuie en outre sur le fait que l'article 32(1)y) prévoit, à mon sens, que le gouverneur en conseil exerce le pouvoir ainsi conféré, et la délégation au sous-ministre de ce pouvoir pour mettre fin à l'emploi du contribu- teur à un âge antérieur à celui fixé par le gou- verneur en conseil contrevient à la règle conte- nue dans la maxime «Delegatus non potest delegare». Rien, à mon avis, ne permet d'inter- préter l'article 32(1)y) comme autorisant une sous-délégation de pouvoir. Si telle était l'inten- tion du Parlement, elle devrait être exprimée en termes exprès et non équivoques. Je ne peux pas non plus interpréter l'article 20(12) du règlement comme une simple directive du gou- verneur en conseil au sous-ministre sur la façon de s'acquitter de cette charge car je n'ai trouvé aucun texte conférant cette responsabilité au sous-ministre, et aucun des avocats ne m'a soumis de législation à cet effet.
En conséquence, il sera déclaré a) que l'arti- cle 20(12) du Règlement sur la pension du ser vice public, C.P. 1962-137 modifié par le décret en conseil, C.P. 1968-1156 est ultra vires; et b) que le sous-ministre du Revenu national n'avait pas le pouvoir de mettre fin à l'emploi du demandeur en vertu du pouvoir qu'il prétend tirer de l'article 20(12) du règlement.
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