Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Louis Richstone (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Division de première instance, le juge Collier— Montréal, le 21 mars; Ottawa, le 5 juin 1972.
Impôt sur le revenu—Vente d'intérêts dans une entrepri- se—Sommes d'argent reçues par le vendeur en contrepartie d'une stipulation de ne pas faire—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, article 25b)(iii).
En 1963, les frères Richstone, H et L, ont cédé à G les intérêts qu'ils possédaient dans certaines compagnies pour la somme de $300,000, payable de la façon suivante: un versement initial de $150,000 et des versements périodiques échelonnés sur une période de dix ans. Le contrat de vente prévoyait des stipulations de ne pas faire aux termes des- quelles H et L devaient s'abstenir de concurrencer les compagnies en cause pendant 25 ans. Des cotisations d'im- pôt sur le revenu ont été établies à l'égard de H et L pour 1964 et 1965 relativement aux sommes qu'ils ont reçues dans ces années, au motif qu'elles l'ont été en contrepartie des stipulations de ne pas faire, au sens de l'article 25b)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: les cotisations de H et L ont été établies conformé- ment à la Loi.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. M. Vineberg pour l'appelant.
John R. Power et André Gauthier pour l'intimé.
LE JUGE COLLIER—Le présent appel porte sur une décision de la Commission d'appel de l'impôt [1969] Tax A.B.C. 928. M. Harry Rich- stone, frère de l'appelant au présent appel, a également interjeté appel d'une décision de la Commission. Harry Richstone est décédé dans l'intervalle, mais, à la suite d'une entente, ces deux appels ont été entendus simultanément parce que les faits et les points litigieux sont identiques. Il a également été convenu que la preuve présentée devant cette Cour serait cons- tituée par la transcription des dépositions devant la Commission et les documents versés au dossier à l'audience de celle-ci.
L'intimé a établi de nouvelles cotisations à l'égard des appelants au titre des années 1964 et 1965, dans lesquelles il a ajouté à leurs revenus pour lesdites années certaines sommes d'argent qu'ils avaient reçues de certaines compagnies dans lesquelles ils avaient, selon ce qui est allégué, détenu des intérêts. La question est de
savoir si lesdites sommes d'argent tombent sous le coup de l'article 25 de la Loi de l'impôt sur le revenu S.R.C. 1952, c. 148 tel que modifié. Ledit article se lit comme suit:
25. Un montant qu'une personne a reçu d'une autre personne
a) pendant une période de temps alors que la personne qui a reçu ledit montant était fonctionnaire du payeur ou était à l'emploi de ce dernier, ou
b) en raison ou au lieu de paiement ou en acquittement d'une obligation découlant d'une entente intervenue entre le payeur et la personne qui a reçu ledit montant immédia- tement avant, pendant ou immédiatement après une période la personne qui a reçu l'argent était fonction- naire du payeur ou était à l'emploi de ce dernier,
est réputé, aux fins de l'article 5, une rémunération des services que la personne qui a touché ledit montant a rendus à titre de fonctionnaire ou pendant sa période d'emploi, sauf s'il est établi que, indépendamment de la date a été conclue l'entente, s'il en est, en vertu de laquelle ledit montant a été reçu, ou de la forme ou de l'effet juridique de ladite entente, ce montant ne peut pas raisonnablement être considéré comme ayant été reçu
(i) à titre de cause ou considération totale ou partielle de l'acceptation de la charge ou de la conclusion du contrat d'emploi,
(ii) à titre de rémunération totale ou partielle des servi ces rendus comme fonctionnaire ou en conformité du contrat d'emploi, ou
(iii) à titre de cause ou considération totale ou partielle d'une convention prévoyant ce que le fonctionnaire ou employé doit faire, ou ne doit pas faire, avant ou après la cessation de l'emploi.
Plus précisément, il s'agit de savoir si lesdites sommes sont visées au sous-alinéa (iii).
La Commission d'appel de l'impôt a confirmé les nouvelles cotisations.
Je fais mien l'exposé des faits contenu dans les motifs du jugement de la Commission, de la page 928 la fin du premier paragraphe de la page 940. Il semble que les appelants ont pré- senté, devant cette Cour, des arguments quel- que peu différents de ceux qu'ils avaient pré- sentés devant la Commission, et, pour faciliter la compréhension des présents motifs, je crois qu'il est indispensable de résumer les faits principaux.
Avant 1963, les appelants Harry et Louis et leurs frères George et Saul ont été associés pendant de nombreuses années dans une entre- prise de boulangerie exploitée à Montréal sous
la raison sociale de Richstone Bakeries Incorpo rated. Le nom et les produits Richstone étaient bien connus. La boulangerie avait été fondée par le père des appelants, mais, ce dernier a cédé ses intérêts au moment de la constitution de la compagnie en 1927. Les fils ont ensuite détenu des intérêts égaux.
Vers 1950, des mésententes sérieuses sont survenues entre les frères, George et, dans une certaine mesure, Saul, d'un côté, étant en désac- cord avec Louis et Harry, de l'autre. Par suite de ces disputes, George, en vertu d'une entente lui donnant le contrôle de la compagnie, a démis Louis de ses postes d'administrateur et de diri- geant de la compagnie et l'a congédié de son poste d'employé. Harry a tenté d'intervenir peu de temps après et il a subi le même sort.
Louis et Harry ont ensuite intenté des procé- dures civiles âpres et compliquées, qui ont fina- lement abouti, en octobre 1953, une conven tion qui avait pour objet de replacer Louis et Harry dans leurs situations respectives au sein de Richstone Bakeries Incorporated. La con vention parle également de Richstone Realties Inc., de Richstone Sales Inc. et de Richstone Corporation Ltd. Je mentionne ces autres com- pagnies pour la principale raison qu'elles utili- sent chacune le nom «Richstone»; la preuve établit que chacun des frères détenait 204 actions de Richstone Bakeries Inc. et 88 actions de Richstone Realties Inc., mais que Louis et Harry ne détenaient aucune action des autres compagnies.
Ladite convention stipulait également les fonctions et les salaires de chacun des quatre frères.
L'harmonie a régné jusqu'en 1956, mais à cette époque, Louis et Harry ont adopté la position qu'ils n'avaient pas été replacés dans leurs postes respectifs d'administrateur et de dirigeant, ainsi qu'il leur avait été promis. Les choses se sont envenimées au point qu'en 1958, les deux groupes de frères ont cessé de s'adres- ser la parole. Ils communiquaient entre eux par l'intermédiaire du vérificateur de la compagnie. D'après Louis, lui-même et Harry ont été dépouillés de tous leurs pouvoirs et ni l'un ni l'autre n'a véritablement travaillé dans l'entre- prise par la suite.
Louis et Harry ont consulté des avocats et ils ont intenté des poursuites criminelles contre George en 1958, l'accusant d'avoir commis un complot de common law. Une enquête prélimi- naire a été amorcée mais elle n'a pas été termi- née. Les conseillers des frères ont essayé de les amener à régler leurs différends et, finalement, le 10 mai 1963, Louis et Harry ont adressé à George l'offre suivante:
[TRADUCTION] Nous, soussignés, LOUIS RICHSTONE et HARRY RICHSTONE, ... offrons de vous vendre toutes nos actions ainsi que tous nos droits, titres et intérêts dans la RICHSTONE BAKERIES INC., RICHSTONE REAL- TIES LTD., RICHSTONE CORPORATION LTD. et RICHSTONE SALES INC., pour et en considération du prix total de trois cent mille dollars ($300,000.00), payables comptant lors de la signature des documents appropriés.
Cette offre pourra être acceptée d'ici le 7.zme jour de juin 1963, à 5h de l'après-midi, à défaut de quoi elle cessera d'être en vigueur et deviendra nulle et sans effet par la simple expiration du délai.
Louis ne considérait pas que la somme de $300,000 représentait la véritable valeur de la moitié de l'entreprise que lui-même et Harry possédaient; il estimait que leur participation avait une valeur d'au moins un demi-million de dollars. Il a témoigné que son frère Harry était très malade; sa propre épouse était malade et en raison de son état de santé, ils voulaient quitter Montréal pour aller s'établir dans les Maritimes; ni lui, ni Harry n'avaient l'intention de repren- dre les affaires. Dans l'esprit de Louis, l'objet de l'offre était de régler définitivement la ques tion et de s'en désintéresser.
Le 15 mai 1963, George a fait parvenir à ses deux frères ce qu'il a appelé une [TRADUCTION] «Acceptation de l'offre de vente». Ce docu ment, qui constituait en réalité une contre-offre, contenait des conditions très différentes et Louis et Harry l'ont refusée. Il prévoyait un versement initial comptant de $50,000 et un solde de $100,000, payable à raison de $10,000 par an pendant 10 ans, en paiement du prix des actions et autres droits de toutes sortes que Louis et Harry pouvaient avoir dans les quatre compagnies Richstone. Ce document stipulait de plus que Louis et Harry s'engageaient à ne pas utiliser le nom «Richstone» relativement à toute entreprise de boulangerie, au Québec et en Ontario, pendant une période de 25 ans. La contrepartie de ces dernières conventions devait être un versement comptant additionnel
de $50,000 et un solde de $100,000, payable à raison de $10,000 par an pendant 10 ans.
Comme je l'ai déjà indiqué, cette contre-offre a été refusée.
Le 4 juin 1963, George a proposé une autre «Acceptation de l'offre de vente» à ses deux frères. Comme la Commission l'a indiqué dans ses motifs, ce document constitue le document clef quant à la situation fiscale des parties. Il se lit comme suit:
[TRADUCTION] Je, George G. Richstone et/ou mes représen- tants (ci-après nommé l'acheteur) accepte par les présentes votre offre du 10 mai 1963 offrant de me vendre toutes vos actions ainsi que tous vos titres et intérêts dans Richstone Bakeries Inc. et Richstone Realties Inc., de même que tous vos prétendus droits, titres et intérêts dans Richstone Sales Inc. et Richstone Corporation Ltd. (ci-après nommées les compagnies), le tout conformément à ladite offre et sujet, de plus, aux clauses, dispositions, stipulations et conditions suivantes, à savoir:-
1. Le prix d'achat des actions, droits, titres et intérêts susdits dans toutes les quatre (4) compagnies, y compris tous vos droits, titres et intérêts, le cas échéant, relatifs aux cinq (5) actions ordinaires du capital social de Richstone Bakeries Inc. actuellement détenues par, et enregistrées au nom de, James Richstone, administrateur de boulangerie, résidant au 9532 Cresta Drive, à Los Angeles, Californie, sera la somme de CENT CINQUANTE MILLE DOL LARS ($150,000.00), payable comptant au moment de la signature de l'acte de vente;
2. Votre assentiment à la présente acceptation mettra immédiatement fin à votre emploi chez Richstone Bakeries Inc. et à votre emploi, le cas échéant, dans toutes les autres compagnies, sans autre indemnité et sans autre avis ou écrit quels qu'ils soient, et tous vos salaires, rémunérations et autres avantages de quelque nature que ce soit cesseront immédiatement lors de la signature de l'acte de vente et du paiement de la somme susdite de CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS ($150,000.00);
3. Vous contracterez conjointement et solidairement en faveur de l'acheteur et des compagnies les obligations sui- vantes:—
a) Ne pas posséder, opérer et/ou être engagé dans, direc- tement ou indirectement, une entreprise de fabrication, distribution et/ou vente de pains, petits pains, gâteaux, pâtisseries, confiseries et/ou tout autre produit de boulan- gerie, ou dans une entreprise d'une nature identique ou semblable à celle exploitée par n'importe laquelle desdites compagnies (sauf Richstone Realties Inc.), ou dans toute autre entreprise reliée ou associée à celles-ci, que ce soit à titre personnel ou à titre d'administrateur, actionnaire, gérant, agent ou employé, pendant une période de vingt- cinq (25) ans dans tout le territoire compris dans les provinces de Québec et d'Ontario; et,
b) De plus, vous n'utiliserez pas et ne permettrez pas que l'on utilise, directement ou indirectement, le nom «Rich- stone>', ou tout semblant de ce nom, d'après sa rédaction, sa prononciation ou autrement, ou un mot ou des mots ou reproductions semblables, comme partie d'une marque de commerce ou d'une raison sociale dans le but de possé- der, opérer et/ou être engagé dans toute entreprise quelle qu'elle soit, aux mêmes titres ou fonctions ainsi que durant la même période et dans les mêmes territoires, le tout tel que stipulé précédemment au sous-alinéa a) de la présente clause 3;
4. En considération de l'obligation décrite à la clause 3 ci-dessus, je certifie que lesdites compagnies, conjointement et solidairement, vous paieront la somme additionnelle de CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS ($150,000.00), payables en et par DIX (10) versements égaux annuels de QUINZE MILLE DOLLARS ($15,000.00) chacun, le pre mier étant et payable un (1) an après la signature de l'acte de vente et le solde impayé portant intérêts à toute époque au taux de SIX POUR CENT (6%) par année, payables semi -annuellement; toutefois, les compagnies se réservent le droit de payer par anticipation ladite somme de $150,000 en versant à l'avance tout ou partie du solde impayé, à toute époque et sans indemnité, à condition que chacun de ces versements anticipés ne soit jamais inférieur à CINQ MILLE DOLLARS ($5,000.00);
Le paiement de la somme ci-haut mentionnée de $150,- 000.00, et de tout solde impayé sur celle-ci à toute époque, sera dûment garanti soit par une première hypothèque sur les immeubles, passée devant un notaire choisi et payé par lesdites compagnies, soit par cautionnement consenti par une société de cautionnement reconnue, selon ce que choisi- ront lesdites compagnies;
5. Au cas de manquement de votre part à l'égard de n'importe laquelle des obligations contenues à l'acte de vente qui sera signé en conséquence des présentes, moi- même et lesdites compagnies conjointement et solidaire- ment, aurons droit de réclamer à titre de dommages-intérêts la somme de CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS ($150,000.00), et d'exiger la déchéance du droit au paie- ment des sommes qui n'auront pas encore été payées en vertu dudit acte de vente, le tout sans préjudice aux droits de moi-même et des compagnies conjointement et solidaire- ment, de prendre une injonction ou autre recours, avec ou sans conclusion à des dommages-intérêts, pour donner effet aux clauses qui auront été violées;
6. Toute affaire pendante, civile ou criminelle, sera décla- rée réglée hors de cour lors de la signature de l'acte de vente, chaque partie payant ses frais;
7. De plus, les parties intéressées, à savoir les vendeurs, l'acheteur et lesdites compagnies, se donneront quittance mutuelle et réciproque de toutes réclamations, demandes, droits d'action, frais et dépenses, occasionnés directement ou indirectement par les rapports que vous avez eus avec lesdites quatre (4) compagnies et/ou occasionnés par toutes autres causes ou motifs quels qu'ils soient;
8. Vous signerez tous les documents qui seront requis ou indispensables pour donner pleine force et effet à l'esprit et à la destination de la présente Acceptation de l'offre, que ce soit au moment de la signature de l'acte de vente ou par la suite, lorsqu'on vous le demandera et, advenant refus de votre part, moi-même, ou toute personne que je désignerai, aura tous les pouvoirs explicites requis pour signer ces documents en vos lieu et place et avec le même effet;
9. L'acte de vente et tous autres documents légaux indis pensables à l'exécution de celui-ci seront préparés par Me George I. Harris, c.r., et ils seront signés par toutes les parties aux présentes au plus tard le 9 juillet 1963, chaque partie payant tous ses propres frais légaux;
10. Toutes vos obligations, telles qu'elles sont mention- nées aux présentes ou telles qu'elles se trouveront audit acte de vente ou dans tous documents s'y rapportant, seront conjointes, solidaires et indivisibles; le manquement de l'un quelconque de vous deux à ces obligations sera interprété comme un manquement de vous deux et conséquemment, ce manquement engagera votre responsabilité à tous deux, conjointement, solidairement et de façon indivisible;
11. Les droits et obligations découlant des documents mentionnés ci-devant dans la clause 10 profiteront aux héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires, administra- teurs, successeurs et ayants droit respectifs des parties et obligeront ces derniers;
12. Vous pouvez accepter la présente Acceptation de l'offre de vente d'ici le 7 juin 1963 à 5h de l'après-midi, au plus tard, après quoi elle sera réputée nulle, sans effet et inexistante.
Louis et Harry ont accepté et signé ledit document le 6 juin 1963.
Quant aux autres faits de la présente affaire, je fais miennes les conclusions de la Commission:
M. Louis Richstone a déclaré dans son témoignage qu'il n'avait jamais cru qu'il pût avoir une différence entre la somme de $300,000 mentionnée par les deux vendeurs dans leur «Offre de Vente» initiale du 10 mai 1963 (pièce A-15) et la somme de $300,000 qui constituait la considération totale selon ]'«Acceptation de l'offre de vente» (pièce A-17), qui était non seulement le document final, mais aussi le seul qui avait été agréé et signé par toutes les parties. Le témoin a déclaré:
[TRADUCTION] J'étais pressé d'en sortir; en fait, j'étais disposé à régler pour moins à condition de pouvoir obte- nir de l'argent sonnant et ainsi de me retirer complète- ment de toute l'affaire car nous avions hâte de partir.
Le témoin a déclaré qu'il avait pris connaissance du premier document (pièce A-16) présenté par George Rich- stone en rapport à leur offre initiale de vente (pièce A-15) et que, bien que ladite pièce A-16 eût contenu des stipulations de ne pas faire qui ne figuraient pas dans l'offre initiale (pièce A-15) et que, bien que des sommes distinctes aient été, dans ladite pièce A-16, réparties à l'égard, d'un côté, des droits et actions, et, de l'autre, des stipulations de ne
pas faire, il considérait que cela n'était pas plus qu'une formalité visant à la vente des droits et actions «parce que je n'avais qu'une chose en tête—vendre nos actions et partir».
La différence essentielle entre la proposition énoncée à la pièce A-16, qui n'a jamais été acceptée par les appelants, et les propositions de la pièce A-17 qui, elles, ont été accep- tées par toutes les parties, porte sur les modalités de paie- ment. Dans la proposition qui a été acceptée, la considéra- tion totale pour les actions, etc., devait être payée comptant plutôt que seulement un tiers comptant et le solde par versements échelonnés; et la considération pour les stipula tions de ne pas faire devait être payée en dix versements égaux de $15,000 chacun, portant intérêt au taux de 6% par année, plutôt qu'un tiers comptant et le solde réparti sur une période de dix années en versements annuels égaux de $10,000 chacun, comme cela était proposé dans la proposi tion précédente.
Le 6 juin 1963, la suite de l'approbation qu'ils avaient donnée à l'acceptation qu'avait faite George Richstone de leur offre (pièce A-17), Louis Richstone et son frère Harry conclurent entre eux un contrat (pièce A-20) qui se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] EN CONSÉQUENCE, LES PARTIES CONVIENNENT PAR LES PRÉSENTES DE CE QUI SUIT:
(1) Les parties se diviseront le prix d'achat pour ce qui précède et seront responsables des dettes de tout genre qui découleront de ce qui précède telles celles occasionnées par les frais légaux, les frais de notaire, etc. dans les proportions suivantes:—
Louis Richstone-66 2/3% Harry Richstone-33 1/3%
(2) Ce contrat profitera aux héritiers, légataires, exécu- teurs testamentaires, administrateurs, successeurs et ayants droit respectifs des parties et obligera ces derniers.
Le 28 juin 1963, les trois frères Richstone ont fait aboutir leurs négociations et un acte de vente fut passé chez le notaire Harry Kolber, dans lequel Louis et Harry Richstone étaient désignés comme vendeurs et George G. Richstone comme acheteur individuel, alors que Richstone Bakeries Inc., Richstone Sales Inc. et Richstone Corporation Ltd. y étaient désignées comme étant les compagnies acheteuses et comme étant représentées par leur président, George G. Richstone. Ce document indique que les parties ont con- venu, en partie, de ce qui suit:
[TRADUCTION] PREMIÈREMENT: Les vendeurs con- viennent par les présentes de vendre ... à l'acheteur individuel ... les biens suivants, à savoir:—
a) Toutes les actions ordinaires et privilégiées des ven- deurs dans le capital social de Richstone Bakeries Inc. et Richstone Realties Inc., et tous leurs autres droits, titres et intérêts dans et à l'égard des deux dites compagnies;
b) Tous les droits, titres et intérêts prétendus des ven- deurs dans et à l'égard de Richstone Sales Inc. et Richstone Corporation Ltd.;
c) Tous les droits, titres et intérêts des vendeurs, le cas échéant, relatifs aux CINQ (5) actions ordinaires du capital social de Richstone Bakeries Inc. actuellement détenues par et enregistrées au nom de James Rich- stone .. .
DEUXIÈMEMENT: La considération de la vente des biens énumérés ... est le prix global et la somme de CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS ... payable comptant par l'acheteur individuel aux vendeurs, laquelle somme les vendeurs reconnaissent par les présentes avoir reçue en entier lors de la signature du présent acte de vente ... et laquelle somme sera divisée entre les ven- deurs de la façon qu'ils détermineront eux-mêmes;
TROISIÈMEMENT: En plus de ce qui précède, les vendeurs conviennent de vendre, transférer, transporter, transmettre et céder à l'acheteur individuel et aux compa- gnies acheteuses, conjointement et solidairement, les biens suivants, à savoir:—
a) Tous les droits, titres et intérêts des vendeurs dans la possession, l'opération et/ou, directement ou indirecte- ment, dans une entreprise de fabrication, distribution et/ou vente de pains, petits pains, gâteaux, pâtisseries, confiseries et/ou tout autre produit de boulangerie, ou dans une entreprise d'une nature identique ou sembla- ble à celles qui sont exploitées par n'importe laquelle desdites compagnies (sauf Richstone Realties Inc.), ou dans toute autre entreprise reliée ou associée à cel- les-ci, que ce soit à titre personnel ou à titre d'adminis- trateur, actionnaire, gérant, agent ou employé, pendant une période de VINGT-CINQ (25) ans à compter de la date des présentes se terminant le vingt-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-huit, dans le territoire composé des provinces de Québec et d'Ontario; et,
b) Tous les droits, titres et intérêts des vendeurs dans l'utilisation ou le droit de permettre qu'on utilise, direc- tement ou indirectement, le nom «Richstone, , ou tout semblant de ce nom, d'après sa rédaction, sa prononcia- tion ou autrement, ou un mot ou des mots ou des reproductions y semblables, comme partie d'une marque de commerce ou d'une raison sociale dans le but de posséder, opérer et/ou être engagé dans, toute entreprise quelle qu'elle soit, que ce soit à titre person nel ou à titre d'administrateur, actionnaire, gérant, agent ou employé pendant une période de VINGT- CINQ ANS (25) compter de la date des présentes se terminant le vingt-huit juin mil neuf cent quatre-vingt- huit, dans le territoire composé des provinces de Québec et d'Ontario;
QUATRIÈMEMENT: La considération de la vente des biens énumérés à la clause trois a) et trois b) ci-dessus est le prix global et la somme de CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS ($150,000.00), que l'acheteur indivi- duel et les compagnies acheteuses s'engagent, conjointe- ment et solidairement, à payer aux vendeurs, laquelle somme sera divisée entre les vendeurs de la façon qu'ils détermineront eux-mêmes, en et par DIX (10) versements égaux, annuels et consécutifs de QUINZE MILLE DOL LARS ($15,000.00) chacun, le premier étant et paya ble UN (1) an après la date des présentes, les autres
devant continuer à être payés annuellement par la suite jusqu'au 28 juin 1973.. .
L'acte contient des dispositions élaborées et prévoit, notamment, le remboursement anticipé des versements sus- dits, le transfert immédiat des titres de propriété des biens vendus, de même qu'une garantie à l'appui des titres en question. La clause sept contient l'accord suivant:
[TRADUCTION] A titre de contrepartie additionnelle des prix et somme mentionnés à la clause quatre des présen- tes, les vendeurs conviennent expressément par les pré- sentes et s'engagent à l'égard de l'acheteur individuel et des compagnies acheteuses, conjointement et solidaire- ment:—
a) A ne pas posséder, exploiter et/ou s'engager dans, directement ou indirectement, aucune des entreprises énumérées dans la clause trois a) ci-dessus, aux mêmes titres, pendant la même période de temps et sur le même territoire que ceux décrits plus en détail à ladite clause trois a); et,
b) A ne pas utiliser ou permettre que l'on utilise, direc- tement ou indirectement, le nom , selon qu'il est défini et expliqué plus en détail à la clause trois b) des présentes, aux fins, aux titres, dans la période de temps et sur le territoire, stipulés à ladite clause trois b).
En même temps que fut signé l'acte de vente notarié, i.e., le 28 juin 1963, Louis et Harry Richstone ont chacun signé et envoyé à Richstone Bakeries Inc. et ses administrateurs une lettre de démission dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Par la présente, je donne ma démission comme administrateur et/ou officier de Richstone Baker ies Inc., pour avoir effet dès qu'elle sera acceptée par le conseil.
A l'audience, on a exhibé, et versé au dossier, des copies des transports effectués par Louis et Harry Richstone res- pectivement en faveur de George G. Richstone, portant chacun sur 204 actions ordinaires du capital social de Rich- stone Bakeries Inc. Pour toute date, ces transports ne mentionnent que l'année «1963» mais le témoin Louis Richstone a déclaré que ces transports ont été signés en même temps que l'acte de vente notarié et que leurs lettres de démission respectives, le 28 juin 1963.
Le premier des dix versements annuels consécutifs de $15,000 qui devaient être payés d'après ladite offre de vente (pièce A-18) est devenu échu et a été payé le 28 juin 1964, ainsi que les intérêts sur le solde calculés au taux de 6% par année, et aucun des appelants n'a inclus ces montants dans son revenu.
Harry I. Grossman, vérificateur des comptes et adminis- trateur de Richstone Bakeries Inc., a témoigné que les noms de Louis et Harry Richstone ont figuré sur la liste de paye jusqu'au 29 juin 1963, date à laquelle les derniers chèques de salaire ont été émis en leurs noms et envoyés avec une lettre explicative à leur procureur, Me Murray Lappin, c.r.
George G. Richstone a comparu suivant citation à compa- raître lancée par l'intimé et a affirmé dans son témoignage que quelque temps avant le règlement final conclu en 1963, il y avait eu, entre les deux appelants et lui-même, «une véritable guerre ou vendetta», tant au point de vue affaires qu'au point de vue social. Il ajouta: «en réalité, ils sont partis en 1963 et pourtant, cinq années auparavant, nous n'étions même pas en assez bons termes pour nous parler ... bien qu'ils aient été à cette époque administrateurs et membres du bureau de la compagnie, en plus d'être action- naires et employés.» Les parties communiquaient entre elles par l'entremise du vérificateur des comptes de la boulange- rie, un parent éloigné qui était resté en bons termes avec les deux factions.
Le témoin George Richstone a déclaré dans son témoi- gnage que, dans la période de cinq années ou plus pendant laquelle les procédures criminelles étaient pendantes, plu- sieurs tentatives avaient été faites pour établir un climat propice à un règlement à l'amiable. La considération exigée en premier lieu avait été de $600,000 et elle avait été finalement réduite à $300,000, dont $150,000 étaient paya- bles par le témoin à l'égard des actions des appelants et $150,000 par Richstone Bakeries Inc. et al. en contrepartie de la stipulation de ne pas faire qui avait été stipulée au contrat pour empêcher les appelants de fonder une entre- prise de boulangerie, de fabrication de pâte ou de confise- ries qui serait en concurrence avec Richstone Bakeries Inc. ou pour les empêcher de se servir de la raison sociale «Richstone» en rapport avec toute entreprise semblable à n'importe laquelle de celles qui étaient exploitées par la boulangerie et ses deux filiales. D'après le témoin ils avaient fait des tentatives en ce sens en 1950 et 1951, alors que le premier procès civil était en cours, en coupant les prix et en se servant du nom «Richstone» pour faire concurrence à l'entreprise d'où Louis avait été renvoyé. George Richstone a nié que la stipulation de ne pas faire ait été rédigée après coup, inutilement, sans but sérieux. En fait il a fortement soutenu le contraire et il a affirmé que les paiements à être effectués à cet égard par les compagnies acheteuses avaient été délibérément échelonnés sur une période de dix ans dans le but de les rendre déductibles comme dépenses faites pour protéger le revenu de la boulangerie; ces paiements furent d'ailleurs effectivement réclamés comme tels.
L'intimé se fonde sur les clauses 3 et 4 de la pièce 17 et les clauses 4 et 7 de la pièce 18, ainsi que sur le témoignage de George Rich- stone, selon lequel Louis et Harry, entre 1950 et 1951, lui ont fait concurrence et ont utilisé le nom «Richstone». L'avocat de l'intimé soutient que les sommes en question tombent d'emblée dans le champ d'application de l'article 25 b), c.-à-d. que ces sommes ont été reçues «en raison ... d'une obligation découlant d'une entente intervenue entre le payeur et la per- sonne qui a reçu ledit montant ... pendant ou immédiatement après une période la per- sonne qui a reçu l'argent était fonctionnaire du payeur ou était à l'emploi de ce dernier ...», et
que de plus, ces montants doivent raisonnable- ment être considérés comme «... ayant été reçus ... à titre de cause ou considération totale ou partielle ...'» des stipulations de ne pas faire de concurrence'.
D'autre part, l'appelant soutient qu'il résulte de l'interprétation qu'il convient de donner aux documents en cause, en particulier à l'acte nota- rié, que l'opération en question était essentielle- ment une vente de biens, savoir les actions et autres intérêts de toutes sortes que Louis et Harry possédaient dans les quatre compagnies, leur droit d'exploiter une entreprise de boulan- gerie pendant 25 ans et leur droit d'utiliser le nom «Richstone» dans une entreprise quelcon- que, (voir les clauses un, deux, trois et quatre de l'acte notarié), pendant 25 ans. Il ne fait pas de doute pour moi que les clauses un et deux portent sur une vente de biens. Les clauses trois et quatre décrivent des droits (d'exploiter une entreprise de boulangerie et d'utiliser le nom «Richstone») qui sont cédés à titre de vente de biens, et je suis disposé à accepter cette des cription. Si l'acte notarié se terminait à la clause 4, toutes les sommes reçues en vertu de ladite clause ne pourraient pas, à mon avis, être rai- sonnablement considérées comme ayant été reçues en contrepartie d'une convention de ne pas faire de concurrence.
Il reste la question de savoir quel doit être le sens ou l'effet de la clause sept eu égard à l'art. 25b)(iii) de la Loi. Si j'ai bien compris, les arguments de l'appelant sont les suivants:
(1) La stipulation de ne pas faire de con currence et l'engagement de ne pas utiliser le nom «Richstone» ne sont que des clauses accessoires d'un contrat qui est, en réalité, une vente de biens.
(2) La contrepartie totale de $300,000 ne peut se rapporter qu'à ladite vente de biens, parce que la valeur des actions àelle seule est supérieure de beaucoup à ce montant.
(3) La stipulation de ne pas faire de con currence n'est pas susceptible d'exécution en droit et, par conséquent, il n'y a pas lieu d'en tenir compte.
(4) Louis et Harry n'ont jamais eu l'inten- tion de se remettre dans les affaires, et, en ce
qui les concerne, ils n'ont reçu aucun paie- ment ou contrepartie au titre de la stipulation de ne pas faire de concurrence.
(5) Il y avait cinq «payeurs» aux termes de l'acte notarié, et Louis et Harry n'ont certai- nement jamais été des employés de quatre de ceux-ci; à toutes les époques qui nous intéres- sent, ils n'étaient pas des «employés» de Richstone Bakeries Inc.
Je vais traiter de ces arguments dans l'ordre je les ai exposés.
(1) Il m'est impossible de considérer la sti pulation de ne pas faire de concurrence comme une simple clause accessoire. La preuve non contredite démontre que George Richstone a prévu ladite clause à cause de la concurrence qu'il a subie en fait en 1950 et 1951. Cette stipulation représentait à ses yeux une certaine valeur et, même si Louis et Harry ont pu croire qu'elle était sans valeur pour eux, ils l'ont néanmoins acceptée. A mon avis, le contrat constituait plus qu'une vente de biens. La clause sept de l'acte nota- rié appuie expressément cette thèse.
(2) A mon avis, la preuve de la valeur des intérêts de Louis et Harry dans Richstone Bakeries Inc. et dans les autres compagnies n'est pas satisfaisante et il est impossible d'arriver à une conclusion précise quant à leur valeur globale. Il ne fait pas de doute que Louis considérait que la valeur de ses intérêts et de ceux de son frère était de beaucoup supérieure à $300,000; d'autre part, George croyait que cette somme était trop élevée. Le reste de la preuve quant à cette valeur n'est pas satisfaisant, comme je l'ai déjà indiqué.
(3) J'admets, sans en décider au fond, que la stipulation de ne pas faire de concurrence ne serait probablement pas exécutoire si elle faisait l'objet d'un procès dans la province de Québec. Toutefois, cela ne résout en rien le problème visé par l'article en question de la Loi de l'impôt sur le revenu. La stipulation existe et tant que sa validité n'aura pas été contestée, elle lie les parties.
(4) Je ne pense pas que l'intention de Louis et de Harry de ne plus se remettre à l'avenir dans les affaires ait quelque importance. A
mon avis, il n'est pas possible de revenir sur les intentions exprimées en termes clairs à la clause sept. En d'autres termes, si Louis se rendait coupable d'une violation de cette clause, je ne crois pas qu'il pourrait valable- ment se défendre en disant que celle-ci ne le lie pas parce qu'il n'avait pas l'intention de la violer lorsqu'il a signé l'acte.
(5) Il est établi que Louis et Harry n'ont jamais été des employés des autres payeurs figurant à l'acte notarié, sauf Richstone Bak eries Inc. A mon avis, la preuve démontre irréfutablement que Louis et Harry ont été des employés (aux termes de l'art. 25) de Richstone Bakeries Inc. jusqu'à la fin de juin 1963. Ils ont reçu un salaire de cette compa- gnie jusqu'à ce moment. Il est vrai qu'ils n'avaient pas travaillé pendant plusieurs années mais, néanmoins, ils ont été payés à titre d'employés jusqu'à la date que je viens de mentionner.
A mon avis, la décision de la Commission d'appel de l'impôt est fondée, de même que la nouvelle cotisation qu'a établie l'intimé.
L'appel est par conséquent rejeté avec dépens.
' Je n'ai pas perdu de vue l'argument de l'intimé selon lequel le contribuable a la charge de prouver que les sommes reçues ne peuvent pas raisonnablement être consi- dérées comme ayant été reçues à titre de cause ou de considération totale ou partielle des stipulations de ne pas faire de concurrence. Voir Curran c. M.R.N. [1959] R.C.S. 850, le juge Martland, à la p. 862.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.