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Brunswick of Canada Limited (Demanderesse)
c.
Le navire Varda, ses apparaux et agrès et la Bay Moorings Limited(Défendeurs)
Division de première instance, le juge Gibson— Toronto, du 18 au 20 avril; Ottawa, le 4 mai 1972.
Droit maritime—Vente de navire—Vendeur signant par la suite une quittance générale des obligations de l'acquéreur— Il n'était pas prévu qû'elle se rapporterait au contrat de vente—Effet.
La demanderesse a vendu un yacht à la compagnie défen- deresse par contrat de vente sous conditions. Par la suite, la demanderesse a signé une quittance libérant la défenderesse de toute obligation à son égard. Bien que rédigée en termes généraux, cette quittance n'avait pas pour but, à la connais- sance des deux parties, de libérer la compagnie défende- resse des obligations nées du contrat de vente sous condi tions, mais se rapportait seulement à d'autres questions.
Arrêt: la compagnie défenderesse n'a pas été libérée des obligations nées du contrat de vente sous conditions.
Arrêt suivi: L. & S. W. Rly c. Blackmore (1870) L.R. 4 H.L. 610.
ACTION.
A. J. Stone, c.r. pour la demanderesse.
E. A. Du Vernet, c.r. pour les défendeurs.
LE JUGE GIBSON—La demanderesse réclame la propriété et la possession du navire défen- deur, un navire du type Owens Concorde (modèle 42), coque numéro de série 9196, ainsi que ses apparaux et agrès.
La question en litige est de savoir si la quit- tance générale signée par la demanderesse et remise par elle à la défenderesse, la Bay Moor ings Limited, porte sur un certain contrat de vente sous conditions passé relativement au défendeur, le navire Varda, ou s'y rapporte de quelque manière que ce soit.
Le contrat de vente sous conditions est inti- tulé [TRADUCTION] «Vente à tempérament au détail—Équipement maritime» et daté du 29 juillet 1969. Il a été passé entre la demande- resse (la venderesse) et la défenderesse, la Bay Moorings Limited (l'acquéreur), et il a été enre- gistré au greffe de la Cour de comté du comté de Simcoe, le 30 juillet 1969, sous la cote 013387.
La quittance générale (pièce 19) est datée du 19 mai 1971; elle a été remise aux défendeurs au moment de la signature, le 21 mai 1971, et elle portait sur certaines questions litigieuses. Au même moment, la demanderesse a égale- ment reçu une quittance générale (pièce 20), signée par un certain Albert Melchior et par la Bay Moorings Limited en faveur de la deman- deresse et de la Brunswick Corporation.
Les questions litigieuses en cause se ratta- chaient à des opérations commerciales distinc- tes, n'ayant aucun rapport avec l'opération visée par ledit contrat de vente sous conditions. L'opération principale distincte qui était contes- tée concernait le solde relativement à quatre yachts compris dans un groupe original de douze yachts qu'un certain Albert Melchior avait acheté de la demanderesse en vertu d'un contrat de concession durant les mois de jan- vier, février et mars 1969, lesquels quatre yachts portent les numéros de coque 9190, 9193, 9194 et 9202. Les autres questions liti- gieuses concernaient ce qu'on appelle un compte ouvert, de $788, et un compte d'environ $1,600 relié à l'utilisation de l'immeuble Law- rence Warehousing, un entrepôt réel.
La demanderesse, agissant par ses dirigeants et préposés, y compris ses avocats, est arrivée, après négociations, à une entente portant non seulement sur l'achat des quatre yachts et les frais d'entreposage et autres frais accessoires pouvant s'y rapporter, mais également sur les deux autres questions. Dans l'exécution de cette entente, lesdites quittances générales ont été signées et échangées entre les parties.
A l'époque de ce règlement, c'est-à-dire en mai 1971, la défenderesse, la Bay Moorings Limited, a été ajoutée comme partie à la quit- tance (pièce 19) au cours des négociations, sur proposition de l'avocat de la demanderesse, parce que les quatre yachts avaient été entrepo- sés dans les lieux occupés par la défenderesse, la Bay Moorings Limited, et qu'on ne savait pas s'il y aurait des frais d'entreposage ou autres frais secondaires relativement à ceux-ci. Quoi qu'il en soit, la seule raison d'ajouter la défen- deresse, la Bay Moorings Limited, comme partie à la quittance était d'assurer l'exécution de toutes les obligations découlant de la pré-
sence matérielle des quatre yachts dans les locaux de la Bay Moorings Limited à Penetan- guishene, dans l'immeuble du nom de Lawrence Warehousing, un entrepôt public.
Dans la présente affaire, les circonstances qui ont entouré la signature et la remise de ladite quittance générale (pièce 19) et de la quittance générale réciproque (pièce 20) ont été mises en preuve, savoir, les questions concernant les quatre yachts, le compte ouvert et le compte «Lawrence Warehousing». Il fut également pré- senté des éléments de preuve tendant à établir que lesdites quittances ne se rapportaient en rien au contrat de vente sous conditions (relatif au navire Varda), ou au défendeur lui-même, le navire Varda.
Le dirigeant de la défenderesse, M. Albert Melchior, et son avocat ont admis dans leurs témoignages qu'au cours des négociations qui ont abouti au règlement, à la signature et à l'échange de quittances générales, la question du contrat de vente sous conditions passé entre la demanderesse et la Bay Moorings Limited (relativement au yacht Varda) ou la question du navire Varda lui-même n'avait jamais été discu- tée avec la demanderesse, ses avocats ou représentants.
La preuve établit également que la Bay Moor ings Limited a versé toutes les mensualités dues aux termes dudit contrat de vente sous condi tions, jusqu'à et y compris celle du 15 mai 1971, et qu'en juillet 1971, lorsqu'un dirigeant de la compagnie demanderesse lui a téléphoné de Chicago pour lui demander pourquoi elle (la Bay Moorings Limited) n'avait pas versé la mensualité prévue pour le 15 juin 1971, M. Albert Melchior (principal dirigeant et unique propriétaire de la Bay Moorings Limited) a répondu qu'il avait en sa possession, pour la Bay Moorings Limited, entre autre, une quit- tance générale, et il a alors mentionné, pour le bénéfice de son interlocuteur, les termes de la quittance générale (pièce 19) en insistant parti- culièrement sur les mots [TRADUCTION] «tous contrats». Toutefois, à ce moment-là, M. Mel- chior n'a pas voulu dire au dirigeant de la demanderesse si la Bay Moorings Limited avait l'intention d'opposer ladite quittance générale (pièce 19) comme fin de non-recevoir à l'obliga- tion de payer le sole conformément aux
conditions du contrat de vente portant sur le défendeur, le navire Varda. Par contre, M. Mel- chior lui a déclaré que, «pour le moment», il «jouait à Mickey Mouse» (personne n'a expli- qué ce que cette expression est censée signifier).
La défenderesse, la Bay Moorings Limited, a plaidé que la quittance générale (pièce 19) l'a libérée de l'obligation d'acquitter le solde après le 15 mai 1971 aux termes du contrat de vente sous conditions portant sur le défendeur, le navire Varda, même si pareil résultat n'avait pas été envisagé par la demanderesse et même si la défenderesse, la Bay Moorings Limited, n'en avait pas parlé à la demanderesse au moment ladite quittance (pièce 19) a été négociée, signée et remise par la demanderesse.
Cette défense est insoutenable et il n'aurait même pas y avoir de défense à l'action.
En matière de quittances générales, comme celles qui ont été signées dans la présente affaire, le principe applicable a été énoncé dans le jugement rendu par Lord Westbury dans l'arrêt Directors L. & S. W. Rly. v. Blackmore (1870) L.R. 4 H.L. 610 la page 623), comme suit:
[TRADUCTION] ... Le sens des termes généraux d'une quit- tance est toujours limité par l'intention ou les intentions particulières des parties au moment de la remise de la quittance.
Dans l'affaire Upton c. Upton (1832) 1 Dow- ling 400 à la p. 406, le juge Taunton a énoncé le même principe de la façon suivante:
[TRADUCTION] ... le sens des termes généraux d'une quit- tance peut être limité par les circonstances particulières du cas qui donne lieu à la quittance et par les intentions particulières des parties qui la signent ...
Je conclus qu'au moment de la signature et de l'échange de quittances générales entre les par ties (pièces 19 et 20), l'intention des parties, de leurs avocats et de leurs autres conseillers ne portait que sur les quatre yachts, les frais d'en- treposage et autres frais accessoires s'y rappor- tant, le compte d'entrepôt d'environ $1,600 et le compte «ouvert» d'environ $788; et que, lors- que lesdites quittances ont été signées et échan- gées, la demanderesse et la défenderesse, la Bay Moorings Limited, n'ont aucunement sou-
levé la question du contrat de vente sous condi tions relatif au yacht Owens de 42 pieds (le défendeur Varda), ou au défendeur, le yacht Varda lui-même, puisque les intentions des par ties n'ont porté sur aucune de ces questions, au sens que nous avons déjà mentionné.
Il est donc rendu jugement en faveur de la demanderesse et contre les défendeurs, décla- rant que le contrat de vente sous conditions daté du 29 juillet 1969 et passé entre la deman- deresse (la venderesse) et la défenderesse, la Bay Moorings Limited (l'acquéreur), relative- ment au défendeur, le navire Varda, ses appa- raux et agrès, contrat enregistré au greffe de la Cour de comté du comté de Simcoe le 30 juillet 1969 sous la cote 013387, est un contrat de vente sous conditions valide qui est inexécuté depuis le 15 juin 1971; que la quittance géné- rale signée dans la présente affaire par la demanderesse au profit de la défenderesse, la Bay Moorings Limited et autres, ne porte pas sur ledit contrat de vente sous conditions, ni sur le navire Varda, ses apparaux et agrès. Il est, de même rendu jugement accordant à la demande- resse la propriété et à la possession du navire Varda, ses apparaux et agrès, et ses dépens, sous réserve du fiat rendu ce jour.
Tout litige relatif à la délivrance des apparaux et agrès du défendeur, le navire Varda, pourra être soumis à la Cour pour décision.
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