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North Star Marine Salvage Ltd. (Demanderesse)
c.
Nick Muren et le B. C. Adventure (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Kerr— Vancouver (C.-B.), les 23 et 24 octobre 1972; Ottawa, le 2 février 1973.
Droit maritime—Sauvetage—Contrat conclu avec une compagnie de sauvetage concernant le renflouement d'un navire au taux habituel pour les employés et l'équipement— ,S'agit-il d'un contrat de sauvetage?
Le navire, un des défendeurs, a coulé dans le détroit de Georgie. Son propriétaire a conclu un contrat avec la com- pagnie de sauvetage, la demanderesse, pour qu'elle renfloue le navire. La compagnie de sauvetage devait être rémunérée pour ses services au taux habituel pour les employés et l'équipement, plus ses frais d'engagement des plongeurs et de location d'embarcations.
Arrêt: Bien que le contrat ne soit pas basé sur le principe
«pas de réussite, pas de paiement», il s'agit néanmoins d'un contrat de services de sauvetage. La Cour a donc compé- tence en la matière.
DEMANDE en indemnité de sauvetage. AVOCATS:
P. G. Bernard pour la demanderesse. T. P. Cameron pour les défendeurs. PROCUREURS:
MacRae, Montgomery, Hill et Cunningham, Vancouver, pour la demanderesse.
McMaster, Bray, Moir, Cameron et Jasich, Vancouver, pour les défendeurs.
LE JUGE KERR—Le navire B. C. Adventure, l'un des défendeurs, est un seineur à tambour, construit en acier, de 55 pieds de long; il a coulé le 9 mars 1971 dans le détroit de Georgie, non loin du rivage aux abords de Nanoose Bay (C.-B.) avec une pêche de hareng à son bord. La demanderesse, une société de sauvetage mari time, a renfloué le navire, retiré l'eau et les harengs qu'il contenait et l'a remorqué à un chantier naval de Vancouver. La demanderesse réclame le paiement des services qu'elle a ainsi rendus. Le défendeur Nick Muren est le pro- priétaire du navire. Le naufrage est survenu dans les circonstances suivantes: le navire,
ayant lancé un filet à l'arrière, se trouvait chargé d'une assez grande quantité de hareng, aussi bien à bord que dans ce filet. L'arrière s'est enfoncé alors que l'écoutille était ouverte; le navire a été envahi par les eaux et il a coulé.
La demanderesse est propriétaire des navires B. C. Salvor, Gulf Lifter, Standto et Standon et les utilise pour son entreprise. Le B. C. Salvor est pourvu d'un treuil de 60 tonnes, de pompes de sauvetage, de chalumeaux de découpage et d'autre équipement de sauvetage. Le Standon et le Standto sont des remorqueurs. Le Gulf Lifter est équipé d'une grue. Ces quatre navires ont été affectés à ce travail à un moment ou l'autre. Le B. C. Salvor et le Standon y ont été affectés dès le début et les deux autres navires par la suite; les opérations ont duré du 14 au 22 mars 1971. La facture de la demanderesse (pièce P-3) et ses annexes donnent un état détaillé des services rendus. La demanderesse a retenir les services de deux plongeurs d'une autre com- pagnie au prix de $2,059.42, somme qui figure dans la facture de la demanderesse.
Le 13 mars 1971 se sont réunis Benson et Smith, respectivement secrétaire et président de la compagnie demanderesse, ainsi que Muren; ils ont alors discuté du sauvetage du navire. A l'issue de cette réunion, la compagnie demande- resse a commencé à rassembler l'équipement nécessaire et à se préparer pour se rendre sur le lieu de l'accident afin de renflouer le navire. Le 15 mars, le B. C. Salvor, remorqué par le Stan - don, a quitté Vancouver pour Nanaimo, les plongeurs sont montés à bord. Le 16 mars, ces deux navires ont quitté Nanaimo et se sont rendus à l'endroit Muren pensait que se trouvait le navire. Après de longues recherches, ils ont découvert, avec l'aide d'un bateau de pêche, le Melvin E, et de sa sonde acoustique, l'endroit gisait le navire. Il gisait sur le fond par 105 pieds de profondeur. Les plongeurs sont descendus examiner la situation et mettre des balises. Les deux navires de la demande- resse sont ensuite allés mouiller pour la nuit dans un endroit abrité, à Nanoose Bay, à envi- ron trois milles de là. Le lendemain matin, le 17 mars, les deux navires sont revenus sur les lieux, ont attaché des élingues au navire nau-
fragé et l'ont ramené vers le rivage, mais n'ont pu le remettre à flot. On a alors décidé qu'il fallait utiliser le Gulf Lifter et le Standon est parti à Vancouver le chercher. On a aussi demandé le remorqueur Standto. Le 18 mars, le Standon est revenu avec le Gulf Lifter en remorque et ils ont mouillé pour la nuit à Nanoose Bay. Le 19 mars, les quatre navires de la demanderesse étaient sur les lieux et ont déplacé le navire naufragé vers des eaux moins profondes. Le 20 mars, ils l'ont remonté et remorqué jusqu'à Nanoose Bay. Le 21 mars, on a pompé les harengs et le 22 mars, le navire a été remorqué jusqu'à un chantier naval de Vancouver.
Les opérations de sauvetage ont été gênées d'une part par le filet du navire, dans lequel des poissons étaient pris et qui était lui-même pris dans le gréement, dans les mâts et autour du navire et d'autre part par la position du navire qui rendait difficile la mise en place des élin- gues. Les plongeurs devaient faire surface fré- quemment pour des séjours de décompression et leur travail a été interrompu plusieurs fois par les conditions atmosphériques et l'état de la mer. Dans leurs premiers efforts pour soulever le navire, ils ont attaché une estrope de chaque côté, l'une des estropes étant attaché à un taquet à bâbord; mais le taquet a cassé et l'es- trope s'est dégagée. L'estrope à tribord s'est dégagée elle aussi. Lorsque le Gulf Lifter est arrivé, ils ont attaché des élingues à l'avant et à l'arrière du navire, utilisé un tronçon d'une chaîne d'ancre qu'ils avaient sectionnée, et ont remonté le navire. Il était couvert d'huile, de harengs et de parties de filet et de gréement. Les harengs étaient décomposés et difficiles à expulser. Il fallait des pompes spéciales. Le pompage a commencé lorsque le navire est revenu à la surface et s'est terminé après qu'il ait été remorqué à Nanoose Bay. Les rapports quotidiens du travail des plongeurs et de leurs constatations pour les 16, 17, 19 et 20 mars constituent les pièces P-4, P-5, P-6 et P-7. Ils n'ont pas plongé le 18 mars.
Dans sa déclaration, la demanderesse men- tionne les services qu'elle a rendus pour ren- flouer le navire, retirer le hareng et remorquer le navire jusqu'au chantier naval à Vancouver; elle
déclare en outre, à titre subsidiaire, avoir conclu avec le défendeur Muren un contrat de sauve- tage par lequel ils ont convenu que la demande- resse serait rémunérée pour ses services au taux habituel pour les employés et l'équipement uti- lisé pour effectuer le sauvetage, et qu'elle serait également remboursée de ses frais d'engage- ment des plongeurs et de location d'embarca- tions annexes; la demanderesse réclame donc pour ses services une somme de $17,549.16 ou, à titre subsidiaire, l'indemnité de sauvetage que fixera la Cour pour les services de sauvetage rendus par la demanderesse et demande à la Cour de condamner le défendeur Muren et le navire à payer cette indemnité et les dépens.
Dans la réponse des défendeurs, telle qu'elle se lisait au début du procès, les défendeurs ont nié les allégations de fait contenues dans la déclaration, sauf un certain nombre de faits dont ils admettaient l'existence; ils admettaient plus loin la prestation par la demanderesse de certains services de sauvetage, ayant consisté à renflouer le navire. A l'ouverture de l'audience, l'avocat des défendeurs a demandé la permis sion de modifier sa réponse en rayant le mot «sauvetage» déterminatif des services rendus par la demanderesse. J'ai accordé cette autorisa- tion, pensant que les preuves indiqueraient la nature du contrat et des services; à la suite de cette modification, les paragraphes 4 et 5 de la réponse se lisent ainsi:
[TRADUCTION] 4. Les défendeurs affirment en outre en réponse à la déclaration que la demanderesse a effective- ment rendu au bénéfice du «B.C. ADVENTURE» certains servi ces ayant consisté à renflouer le «B.C. ADVENTURE» qui avait coulé, sans toutefois que cela ait fait courir un danger quelconque à la demanderesse, ses agents ou ses préposés.
5. Les défendeurs affirment en outre en réponse à la déclaration avoir offert à la demanderesse une somme suffi- sant largement à l'indemniser pour les services qu'elle a rendus.
A la suite des dépositions données lors du procès, l'avocat des défendeurs a soutenu dans sa plaidoirie que la demanderesse n'avait pas contracté avec le défendeur Muren, mais avec les assureurs du navire; qu'il s'agissait d'un con- trat de louage de services ne se rapportant pas à un sauvetage; que la demanderesse n'était pas partie à un contrat de sauvetage et ne pouvait réclamer d'indemnité de sauvetage; que la Cour n'est pas compétente pour trancher un litige
portant sur ce contrat de louage de services; et que, dans l'hypothèse elle serait compétente, il y a eu erreur sur la personne du défendeur. L'avocat de la demanderesse a soutenu à ce propos que la demanderesse avait bien conclu un contrat de sauvetage avec Muren, que les services rendus étaient bien des services de sauvetage et que la Cour est compétente.
L'accord n'a pas été constaté par écrit. Dans cette situation d'urgence il s'agissait de sauver le navire, il est compréhensible que les arrangements aient été pris verbalement et n'aient pas été constatés par un document écrit. Muren s'est entretenu au téléphone avec Chris- tenson, représentant des assureurs du navire, la Pacific Coast Fishermen's Mutual Marine Insur ance Company, et plus tard Benson a eu une conversation téléphonique avec Christenson. Il y a eu ensuite une rencontre entre Muren, Benson et Smith. Si j'ai bien compris le témoi- gnage de Muren sur ce point, il en est ressorti que Christenson lui a dit de s'occuper de la récupération du navire et lui a dit que lorsque ce travail serait terminé, la compagnie d'assurance verrait à en défrayer le coût; pour sa part, il a informé Benson et Smith lors de cette réunion qu'il était mandaté pour les engager et que la compagnie d'assurance acquitterait les factures. Lors de son interrogatoire préalable, il a men- tionné cette réunion et à la question suivante:
[TRADUCTION] Q. Et vous, à la fin de la réunion, vous avez dit à Smith «Vous avez l'équipement, par conséquent allez-y et remettez le navire à flot»?
il a répondu:
[TRADUCTION] R. C'est exact.
Lors de sa déposition lors du procès, Muren a affirmé avoir dit à Smith et Benson de se mettre au travail. Il était souvent présent pendant les opérations de localisation et de récupération, et y a apporté son concours.
Lors de sa déposition, Benson a affirmé que Muren lui avait dit quelques jours après le nau- frage que les assureurs avaient suggéré qu'il envisage avec Benson la possibilité de renflouer le navire, et aussi que Muren voulait que la compagnie de Benson remette le navire en état. Il avait déjà eu recours aux services de cette compagnie à diverses occasions. Benson a alors
appelé Christenson, qui lui a dit de commencer les opérations de sauvetage. Benson a demandé s'il voulait le payer à forfait ou sur la base «pas de réussite, pas de paiement», et Christenson lui a dit que non, d'entreprendre le sauvetage. Benson avait cru comprendre qu'on adresserait aux assureurs la facture des services rendus. C'est ensuite qu'a eu lieu la réunion entre Muren, Benson et Smith, au cours de laquelle Muren a dit de commencer le travail et de sauver le navire; ils y ont également abordé les problèmes du renflouement et de l'enlèvement des harengs. Le principe «pas de réussite, pas de paiement» ne devait pas s'appliquer à ces services, et le paiement ne dépendait donc pas de la réussite de l'opération. Smith a déclaré s'en être plus ou moins remis à Benson pour les arrangements financiers. D'après lui, les servi ces de sauvetage devaient être réglés sur la base du taux journalier ordinaire et devaient être à la charge de la compagnie d'assurance. La facture de la demanderesse a été envoyée aux proprié- taires et aux assureurs.
Bien que les témoignages ne soient pas très précis sur ce point, je ne pense pas que le contrat passé par la demanderesse quant au sauvetage du navire ait été conclu uniquement avec les assureurs. Le propriétaire, Muren, tenait à ce que les assureurs soient avertis de l'accident et que des mesures soient prises sans retard pour sauver le navire avec l'approbation et l'autorisation des assureurs et la promesse que la compagnie d'assurance financerait ces opérations. Benson voulait s'assurer lui aussi que la compagnie d'assurance fournirait l'argent nécessaire et ayant été rassuré sur ce point par sa conversation téléphonique avec Christenson, il s'est adressé directement au propriétaire du navire au cours de la réunion à laquelle Muren, Smith et lui-même participaient; au cours de cette réunion, Muren l'a autorisé à entreprendre les opérations de sauvetage. Ces arrangements ont été établis sans formalité et ils ne préci- saient pas qui serait responsable de l'acquitte- ment du prix des services rendus, mais je pense que d'après les témoignages, on peut conclure que la demanderesse s'est engagée à tenter le renflouement du navire à la demande de Muren en sa qualité de propriétaire du navire et qu'elle se réservait le droit de s'adresser à lui en cette
qualité pour se faire payer. Muren savait fort bien qu'il traitait avec des spécialistes du sauve- tage. Le but de cette transaction était le sauve- tage du navire. Il m'est difficile de conclure que lorsque Muren a retenu les services de la demanderesse, au cours de la réunion avec Benson et Smith, il croyait, ainsi que le navire, être dégagé de toute responsabilité pour le paie- ment des services qu'il demandait et qu'il rete- nait les services de la demanderesse uniquement en tant que mandataire des assureurs. D'autre part, je pense qu'il est peu probable, bien que ce ne soit pas impossible, que des spécialistes du sauvetage, tels que Benson et Smith, puissent entreprendre des opérations de sauvetage sachant que ni le navire ni son propriétaire ne seraient responsables du paiement, et que le seul recours de la demanderesse serait de pour- suivre les assureurs en se fondant sur une con versation téléphonique avec Christenson. Je pense qu'au cours de la réunion à laquelle ont assisté Muren, Benson et Smith, ils ont conclu un accord pour que certains services soient rendus à la demande et sous la responsabilité du propriétaire, s'étant assurés auparavant que les assureurs autorisaient l'entreprise de sauvetage et qu'ils fourniraient les fonds nécessaires au paiement de ces services sur la base d'un taux journalier. Christenson n'a pas déposé et les assureurs ne sont pas parties à l'action. On notera que, dans leur déclaration, les défendeurs affirment avoir offert à la demanderesse une somme suffisant amplement à l'indemniser des services qu'elle a rendus. Rien n'indique que les assureurs pensaient que ce fût à eux, plutôt qu'au propriétaire du navire, qu'il incombait juridiquement d'indemniser la demanderesse pour ses services.
En ce qui concerne la nature du contrat et la nature des services rendus, l'avocat des défen- deurs a soutenu que la demanderesse ne pouvait réclamer une indemnité de sauvetage et qu'elle ne pouvait se prévaloir d'un contrat de sauve- tage, mais seulement d'un contrat de services en vertu duquel elle devait plus précisément ren- flouer le navire et le remorquer jusqu'au port. Comme je l'ai indiqué plus haut, la défense énonçait à l'origine que la demanderesse avait rendu certains services de sauvetage, mais j'ai autorisé la modification consistant à rayer le
mot «sauvetage», utilisé pour qualifier ses servi ces. Ce n'est qu'à partir de ce moment que l'on a contesté le fait que des services de sauvetage aient été rendus. La facture établie par la demanderesse pour ses services (pièce P-3) indi- que qu'ils étaient considérés comme des servi ces de sauvetage. Je pense que, dans l'esprit des parties au moment ces services ont fait l'ob- jet d'un contrat et ont été rendus, il s'agissait bien de services de sauvetage.
Les services de sauvetage sont définis à la page 731 de 35 Halsbury's Laws of England (3e édition) dans les termes suivants:
[TRADUCTION] On entend ici par service de sauvetage le service qui sauve ou contribue à la sécurité définitive d'un navire, de ses apparaux, de son chargement, de son épave ou de la vie des personnes à son bord, lorsque le navire est en danger, que ce soit en haute mer ou dans les eaux à marée, ou sur le rivage de la mer ou d'eaux à marée et pourvu que ce service ait un caractère volontaire et n'ait pas été rendu en exécution d'une obligation légale ou d'une fonction officielle ou simplement dans un esprit de propre conservation.
A la page 5 de son traité Civil Salvage, Ken- nedy décrit de façon semblable un service de
sauvetage:
[TRADUCTION] ... service qui sauve ou aide à sauver un individu ou un objet susceptible d'être sauvé lorsqu'il est en danger, si ce service est le fait d'un acte volontaire non attribuable à une obligation contractuelle envers le proprié- taire ou à une fonction officielle du sauveteur et s'il n'est pas accompli dans un esprit de propre conservation.
Carver affirme, au paragraphe 792 de son Carriage by Sea, 12e édition, volume 2:
[TRADUCTION] Une personne qui sauve ou qui aide à sauver d'un danger en mer un navire qui lui est étranger a droit à une indemnité pour ses services; et, s'il est en possession du navire, il peut conserver cette possession jusqu'à ce qu'on lui ait versé son indemnité légitime.
Halsbury observe à la page 732 que des servi ces de sauvetage peuvent être rendus de plu- sieurs manières, et notamment par le renfloue- ment d'un navire qui a sombré. L'arrêt The Catherine ((1848), 6 Notes of Cases, Supp. xliii) était cité à l'appui de cette affirmation; son sommaire se lit ainsi:
[TRADUCTION] Un navire naufragé a été vendu comme épave et l'acheteur a utilisé pour le renflouer, en vertu d'un accord verbal avec un certain G.N., un appareil breveté appartenant à une compagnie de sauvetage; la première tentative ayant échoué, il a passé un contrat écrit avec E.A. en vue d'effectuer une autre tentative avec le même appa-
reil; cette tentative a également échoué; il a passé par écrit un autre contrat avec G.N. en vue d'une troisième tentative, qui a réussi; la compagnie de sauvetage, propriétaire de l'appareil, a demandé une indemnité de sauvetage et a désavoué les contrats comme n'ayant pas reçu son approba tion; les propriétaires ont comparu et ont soulevé une excep tion déclinatoire, soutenant que les services n'étaient pas des services de sauvetage, mais avaient été rendus en vertu d'un contrat passé sur la terre ferme. Arrêt: La Cour rejette l'exception et juge que, le service ayant le caractère d'un service de sauvetage, une simple affirmation de l'existence d'un contrat passé sur la terre ferme ne retirait pas à la Cour sa compétence au fond. La Cour doit décider la question de l'existence d'un contrat et, s'il y en a un, elle a compétence sur les sommes consignées à la Cour en vertu d'un accord invoqué devant elle.
Dans son jugement dans cette affaire, le Dr Lushington a déclaré la page xlviii):
[TRADUCTION] . . . On ne peut douter que si un navire sombre près des côtes de ce pays ou dans une des rivières de ce pays et qu'un service a été rendu qui le sauve de sa perte, il s'agit bien d'un service de sauvetage.
L'avocat des défendeurs a cité l'arrêt The Solway Prince [1896] P. 120, dont le sommaire se lit ainsi:
[TRADUCTION] Les demandeurs ont entrepris de ren- flouer, avec l'autorisation des propriétaires, un navire nau- fragé, en vertu d'un contrat passé avec les assureurs qui ont avancé aux demandeurs avant le début des travaux 40% du montant pour lequel le navire était assuré. Les demandeurs ont réussi à renflouer le navire mais cette opération s'est révélée plus coûteuse qu'ils ne s'y attendaient et entre temps, certains assureurs sont devenus insolvables. Une action en indemnité de sauvetage fut intentée par les deman- deurs contre les défendeurs à titre de propriétaires du navire.
Arrêt rendu par le président Sir F. H. Jeune. Le contrat passé avec les assureurs, dont l'exécution ne dépendait pas de la réussite de l'entreprise, interdit aux demandeurs de bénéficier du privilège maritime sur le navire et de réclamer aux propriétaires une indemnité de sauvetage.
et l'arrêt The Goulandris [1927] P. 182, dans lequel le juge Bateson a déclaré, à la page 191:
[TRADUCTION] M e Balloch a avancé pour la défense plu- sieurs arguments qui lui permettent d'après lui d'obtenir l'annulation de cette ordonnance. D'après le premier argu ment, le contrat-type de sauvetage de la Lloyd's («pas de réussite, pas de paiement>) interdit aux demandeurs d'inten- ter une action en indemnité de sauvetage. Il soutient que la décision The Solway Prince ([1896] P. 120) s'applique à la présente affaire; dans cet arrêt, le contrat passé entre le navire sauveteur et les assureurs du navire sauvé interdisait aux demandeurs de poursuivre le navire lui-même à la suite de la faillite et du défaut des assureurs. Je pense que ces deux affaires sont totalement différentes. Dans l'arrêt The Solway Prince, il existait un contrat entre les sauveteurs et les assureurs, en vertu duquel on devait effectuer un certain
travail pour un prix forfaitaire. Les sauveteurs n'étaient donc pas volontaires; il ne s'agissait pas d'un contrat basé sur le principe «pas de réussite, pas de paiement» et dans la mesure ils n'étaient pas volontaires, il ne pouvait pas y avoir de contrat de sauvetage. Dans la présente espèce, le contrat était un contrat de sauvetage fondé sur le principe «pas de réussite, pas de . paiement» avec toutes les consé- quences qui en découlent, c'est-à-dire, si les services de sauvetage sont rendus, la création au bénéfice des sauve- teurs d'un privilège maritime sur les biens sauvés; et ce privilège maritime sur ces biens n'a jamais été levé par une ordonnance d'un tribunal compétent ou en vertu d'un accord dont les stipulations auraient été exécutées par les parties.
Dans la présente affaire, le contrat n'est pas basé sur le principe «pas de réussite, pas de paiement». Mais il ne s'ensuit pas que les servi ces n'ont pas le caractère de services de sauve- tage. Carver, dans la 12 e édition, de son Car riage by Sea, traite de la distinction entre des services de sauvetage rendus en vertu d'un con- trat et ceux rendus en l'absence d'un contrat. Je citerai les passages suivants:
[TRADUCTION] 799. Droit limité par la valeur des biens sauvés. Mais il est important de remarquer que l'indemnité de sauvetage, lorsqu'elle n'est pas fondée sur un contrat, dépend entièrement de la mise en sécurité de certains des biens sur lesquels ont porté ces services. On ne peut rece- voir d'indemnité si aucune partie de ces biens n'a été amenée en lieu sûr; et la valeur des biens sauvés correspond donc au maximum de l'indemnité.
800. La situation est toutefois différente si les sauveteurs ont été engagés pour effectuer ce travail par le propriétaire de ces biens ou par une autre personne en son nom. Il existe alors un contrat en vertu duquel le propriétaire s'engage à payer ces services et il peut être tenu de s'exécuter, que les biens soient sauvés ou non. Un tel contrat de louage de services peut ressortir d'un accord exprès entre les proprié- taires et les sauveteurs ou découler des actes posés par les parties.
Dans l'arrêt The E.U., le DY Lushington cite l'exemple [TRADUCTION] «d'un navire qui serait en détresse et d'un ordre qui serait donné de porter une ancre et un câble à son bord; mais une fois cet ordre exécuté, si la violence des vents emporte le navire, et qu'il est perdu» et il précise que le service [TRADUCTION] «étant donné sa nature, doit être payé, que le navire soit perdu ou non.» Lorsqu'il existe un contrat de louage de services et que
des services sont rendus en vertu de ce contrat, le droit à
l'indemnité ne dépend pas d'une manière générale de la
contribution de ces services à la sécurité du navire.
Si un navire en détresse retient les services de certaines personnes, soit à titre collectif soit à titre individuel, elles doivent être payées selon leur travail, même si ce travail ou ces services ne se révèlent pas avantageux.
802. Distinctions entre les sauveteurs volontaires et les sauveteurs à contrat. La distinction entre les sauveteurs volontaires et les sauveteurs à contrat a d'autres conséquen- ces. En ce qui concerne le montant de l'indemnité, le
recours sur les biens sauvés, ils sont à peu près sur un pied d'égalité, sauf fixation par le contrat du montant de l'indem- nité. Si le service a été rendu pour parer à un danger, il s'agit d'un service de sauvetage, qu'il y ait eu contrat ou non; le calcul de l'indemnité et le privilège qui s'y attache seront au titre du sauvetage.
Mais comme nous l'avons vu, les sauveteurs à contrat bénéficient de certains recours contre leurs employeurs, alors que les volontaires n'en ont pas.
et l'on trouve ce qui suit au paragraphe 812:
[TRADUCTION] 812. Cas du contrat de louage de services. Cependant s'il existe un contrat de louage de services, passé dans des circonstances telles que l'on peut en déduire une promesse de les rémunérer, le droit à l'indemnité ne dépend plus des conséquences bénéfiques ou non de ces services.
Dans l'arrêt Admiralty Commissioners c. Val- verda [1938] A.C. 173, la Chambre des lords a examiné un contrat en vertu duquel des navires de guerre de Sa Majesté devaient rendre des services de sauvetage au navire Valverda qui était la proie d'un incendie en haute mer. On soutenait notamment que ces services n'étaient pas, d'après le droit maritime, des services de sauvetage mais des services rendus en exécu- tion d'un contrat, qui n'était pas un contrat de sauvetage mais un contrat de louage de servi ces; et qu'un contrat qui ne respecte pas le principe «pas de réussite, pas de paiement» ne peut être un contrat de sauvetage. Lord Wright a déclaré à la page 187 à propos de cet argument:
[TRADUCTION] ... Mais il me faut examiner un argument sur lequel l'Amirauté s'appuie particulièrement. Cet argument est basé sur la clause 5 du contrat. Cette clause stipule une rémunération dans le cas d'un échec. On affirme qu'elle est incompatible avec la nature d'un contrat de sauvetage, qui doit nécessairement respecter le principe «pas de réussite, pas de paiement». L'on affirme que sa présence suffit à déterminer le caractère de l'accord et empêche de le consi- dérer comme un contrat de sauvetage. J'estime cet argument non seulement mal fondé en principe, mais encore incompa tible avec une jurisprudence bien établie de la Cour d'Ami- rauté. On a été jusqu'à soutenir que ces décisions étaient erronées, en particulier les arrêts The Kate B. Jones ([1892] P. 366) et The Edenmore ([1893] P. 79). Dans le premier arrêt, le juge Gorell Barnes a estimé que le sauveteur avait droit à une certaine rémunération, même dans le cas d'un échec, puisqu'il était à certains égards mandataire du pro- priétaire du navire sauvé; il a par conséquent, calculé l'in- demnité à partir du principe qu'en l'espèce, le sauveteur n'avait pas couru le risque d'une perte complète, en cas d'échec, des sommes qu'il avait engagées. Mais la Cour n'en a pas pour autant été amenée à considérer ces services autrement que comme des services de sauvetage, bien que ces circonstances aient influé sur le montant de l'indemnité de sauvetage qu'elle a accordée. De même, dans l'arrêt The
Edenmore (précité) le même juge a estimé qu'en vertu du contrat, les sauveteurs avaient droit à une certaine rémuné- ration même si les services rendus n'avaient pas été bénéfi- ques. Mais il a jugé que les services étaient bien des services de sauvetage et a accordé une indemnité de sauvetage, en ajoutant qu'il était très difficile de dire précisément quel effet minoratif cette stipulation devait avoir par rapport à la somme que l'on accorderait dans le cas ces services se révéleraient avantageux. Je pense que les principes qu'a appliqués ce savant magistrat sont valables. La présence d'une stipulation d'un versement dans le cas d'un échec n'est pas obligatoire. Elle ne peut modifier la nature du contrat dans le cas les opérations sont couronnées de succès, sauf qu'elle peut être invoquée pour faire réduire le montant de l'indemnité au motif que le sauveteur n'a pas pris tous les risques que comporte le principe «pas de réussite, pas de paiement». J'estime que les services rendus au Valverda par les navires de l'Amirauté constituent des services de sauvetage et que le contrat est un contrat de sauvetage, de sorte que l'article 557 s'applique et entraîne le rejet de la réclamation des appelants.
Lord Roche a déclaré à la page 202:
[TRADUCTION] Deux autres arguments ont été avancés. Le premier est celui qui a été accepté par Lord Greer et sur lequel on a beaucoup insisté devant la Chambre, savoir que le contrat n'était pas un contrat de sauvetage et que dans la mesure le contrat prévoyait un paiement, ce paiement ne pouvait être une indemnité de sauvetage. Certes, il est exact que le droit à l'indemnité de sauvetage ne dépend pas de l'existence d'un contrat et n'est pas fondé sur lui; mais il est faux d'affirmer que lorsqu'il y a un contrat qui porte sur un sauvetage, il ne s'agit plus de sauvetage. L'avocat des inti- més n'était pas loin de la vérité lorsqu'il a dit qu'à l'ère des contrats de sauvetage de la Lloyd's, la grande majorité des sauvetages sont réglementés par des contrats. Ils n'en demeurent pas moins des sauvetages, qui sont examinés et rémunérés conformément au droit maritime applicable en la matière. Il existe un nombre infini d'arrêts dans lesquels la Cour d'Amirauté a appliqué le droit à partir de cette pré- misse et réfuté par même l'argument que l'on avance aujourd'hui.
Dans un arrêt récent de la Cour fédérale, M.I.L. Tug & Salvage Limited c. Le navire à moteur «Ghislain», prononcé le 27 août 1971, le juge en chef adjoint Noël était saisi d'une action en indemnité de sauvetage, à la suite d'un con- trat intervenu entre la demanderesse et le pro- priétaire du navire. La demanderesse, ayant refusé de conclure un contrat ouvert de type Lloyd's, s'était engagée à envoyer son remor- queur Foundation Valiant pour tenter de remor- quer le Ghislain jusqu'aux Bermudes, à un taux journalier de $2,800. Le défendeur a soutenu lors du procès la thèse suivant laquelle ces services n'étaient que de simples services de remorquage et non de sauvetage. Le juge en chef adjoint a jugé que ces services étaient des
services de sauvetage et que le fait que l'accord en prévoyait le paiement sur une base journa- lière n'empêchait pas le sauveteur de réclamer une indemnité pour ses services de sauvetage. Il a donc accueilli la réclamation de la demande- resse et conclu que celle-ci détenait un privilège maritime sur le navire défendeur pour la somme qu'il lui accordait.
Dans la présente affaire, je conclus qu'il s'a- gissait d'un contrat de sauvetage et que les services rendus étaient des services de sauvetage.
Les défendeurs soutiennent que de toute façon le montant réclamé est excessif et que l'indemnité ne devrait pas dépasser $8,500. Ils affirment que la demanderesse a d'abord amené sur les lieux un équipement dont elle savait qu'il ne permettrait pas de renflouer le navire avec sa charge de hareng; qu'il en est résulté des retards inutiles et des frais pour les navires, les plon- geurs, la main-d'oeuvre et la surveillance, frais qui n'auraient pas été encourus si la demande- resse avait amené dès le départ un équipement suffisant pour renflouer le navire. Ils soutien- nent que les services auraient pu être rendus en 5 jours, savoir du 14 au 18 mars, plutôt qu'en 9 jours du 14 au 22 mars, tel que l'indique la facture établie par la demanderesse. L'avocat des défendeurs a aussi soutenu qu'après le sau- vetage, la valeur du navire, qui avait été abîmé et endommagé par son séjour sous l'eau, ne dépassait pas $22,000. Dans son témoignage, Muren a affirmé que la valeur du navire lors- qu'il a été construit en 1964 était de $74,000, y compris un équipement de radar d'une valeur de $2,000, et qu'il avait cette valeur au moment il a coulé; et aussi qu'il a été réparé, amélioré et doté d'un équipement supplémentaire après sa récupération au coût d'environ $59,757 et qu'il a été vendu en mars 1972 $125,000, prix qui comprenait une embarcation à moteur valant environ $3,500, une seine à saumon valant $12,000 et d'autre équipement et qui tenait compte des améliorations apportées au navire.
Le navire était couvert d'huile et de hareng lorsqu'il a été remis à flot; le gouvernail, l'inté- rieur et l'équipement étaient endommagés; sa valeur lors de son arrivée à Vancouver était inférieure à celle qu'il avait juste avant le nau-
frage. La Benson Bros. Shipbuilding Co. l'a réparé et la facture de cette compagnie, datée du 30 juin 1971 et jointe aux documents de la pièce D-2, s'élève, pour les réparations et les fournitures, à $39,710.07; quelques additions postérieures ont porté cette somme à $41,- 218.27. Bien que l'on n'ait pas établi avec préci- sion la valeur du navire au moment de son arrivée à Vancouver, je pense d'après les témoi- gnages qu'elle se situait entre $30,000 et $33,000.
La facture de $17,549.16 pour le sauvetage est justifiée par des renseignements détaillés contenus dans la facture présentée par la demanderesse et aussi par les dépositions lors du procès. Comme les événements l'ont démon- tré, il s'est révélé nécessaire de faire venir sur les lieux plus d'équipement qu'on n'en avait prévu à l'origine; il est probable que si tout l'équipement qui a été utilisé en fin de compte s'était trouvé sur place dès le début, la récupéra- tion du navire aurait été plus rapide; mais cette constatation n'est possible que grâce au recul dont nous bénéficions. Il ne fait aucun doute qu'au moment l'on a entrepris les opérations de sauvetage, il existait certains impondérables, comme le poids de hareng qui restait dans le navire et le poids total qu'il faudrait lever. La demanderesse avait déjà quelque expérience du renflouement de navires chargés de hareng. Je suis convaincu que lorsque la demanderesse, au début des opérations, a décidé de la nature de l'équipement à faire venir sur les lieux, elle n'a pas manqué de diligence; la décision qu'elle a alors prise quant à l'équipement nécessaire était raisonnable dans ces circonstances. Les servi ces de sauvetage effectivement rendus ne dépassaient pas ce qui était nécessaire. Ils ont réussi à sauver le navire d'une situation présen- tant un danger immédiat et réel et à l'amener en sûreté à Vancouver. Ces opérations faisaient courir un certain risque à l'équipement de la demanderesse et aux plongeurs engagés par elle. Le navire se trouvait dans des eaux non abritées et l'on était en mars. Le filet emmêlé, le hareng en décomposition et la position du navire au fond de l'eau présentaient des problèmes.
La Cour fixe dans chaque espèce le montant de l'indemnité de sauvetage en fonction de la
nature et du résultat des services rendus et du mérite et du sacrifice des personnes qui les ont rendus. Il faut prendre en considération la gra- vité du danger dans lequel se trouvait le navire, la valeur de celui-ci, le résultat des opérations ayant permis de le sauver de ce danger, de même que les risques courus par le sauveteur, son initiative, son endurance, son habileté et la nature et la durée de son travail. Lorsque les parties ont conclu un contrat équitable, elles sont liées par celui-ci, même si la prestation des services que l'on y avait stipulés devient plus difficile ou moins difficile qu'elles s'y atten- daient. Voir dans ce sens le Carriage by Sea de Carver (12 e éd.), vol. 2, paragraphes 830, 834 et 836.
Je pense qu'en l'espèce le contrat était équita- ble, l'étendue et la durée des services de sauve- tage étant indéterminées au début des opéra- tions et les frais devant être calculés au taux journalier habituel, quels que soient les services rendus.
Dans ces conditions, et que la réclamation de la demanderesse soit considérée en fonction du contrat ou en fonction des services de sauvetage rendus, abstraction faite du contrat, je pense que le montant de la réclamation pour les servi ces rendus est juste et équitable et que la demanderesse a droit de se faire payer par les défendeurs. La demanderesse obtient donc la condamnation des défendeurs à payer une somme de $17,549.16.
Lors du procès, les avocats ont demandé et obtenu que les parties aient la possibilité de se consulter sur la question des dépens dans le cas la demanderesse obtiendrait gain de cause. Il est possible que les parties s'accordent sur le montant des dépens à accorder sous la forme d'une somme fixe, conformément à la Règle 344(1), au lieu de frais taxés.
Conformément à la Règle 337(2)b), l'avocat de la demanderesse pourra préparer un projet de jugement permettant de donner effet à la décision de la Cour et demander que ce juge- ment soit prononcé.
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