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B. C. Airlines Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance. Le juge Kerr— Vancouver, le 25 octobre 1971; Ottawa, le 25 janvier 1972.
Procédure—Parties —Plaidoiries —Amendement—•Deman- de d'adjonction de nouveaux défendeurs après prescription légale de l'action—Adjonction refusée—Règles 424 427, 1716.
Le 28 septembre 1970, la demanderesse intentait une action en dommages-intérêts contre la Couronne, par suite de l'écrasement d'un aéronef près de l'aéroport international de Vancouver, le 22 avril 1968. La déclaration invoquait la négligence des fonctionnaires de la Couronne dans l'accom- plissement de leurs devoirs, viz, les deux contrôleurs de la circulation aérienne qui étaient de service au moment de l'accident. Le 18 octobre 1971, la demanderesse a sollicité l'autorisation d'amender la déclaration par l'adjonction des deux contrôleurs de la circulation aérienne comme défen- deurs afin de pouvoir les interroger mais non dans le but de les faire condamner à des dommages-intérêts. La défende- resse s'est opposée à la requête au motif que la Loi sur la prescription, en vigueur, avait éteint l'action contre les contrôleurs une année après l'accident.
Arrêt: la demande d'adjonction des contrôleurs comme codéfendeurs est rejetée. La justice n'exige pas que les contrôleurs soient adjoints comme défendeurs. La Règle 465 de la Cour fédérale prévoit précisément l'examen préa- lable. La preuve des circonstances de la catastrophe et de sa cause peuvent se faire sans l'adjonction des contrôleurs comme défendeurs.
DEMANDE.
R. H. Guile pour la demanderesse.
N. D. Mullins pour la défenderesse.
LE JUGE KERR—La demanderesse sollicite par les présentes l'autorisation d'amender sa déclaration (pétition de droit).
La défenderesse ne s'oppose pas à ce que l'on accepte certaines des modifications propo sées mais s'oppose à ce qu'on lui adjoigne deux personnes comme codéfendeurs. Le problème est donc de savoir si l'on doit autoriser leur adjonction.
L'action a pris naissance lorsqu'un avion Piper Aztec s'est écrasé près de l'aéroport inter national de Vancouver. On prétend, dans la déclaration, que l'accident est à la négligence des fonctionnaires de la Couronne qui, inter alla, ont dirigé la trajectoire dudit aéronef vers
une zone de turbulence créée par un avion à réaction qui le précédait, s'exerçait et s'apprê- tait à atterrir. La déclaration expose les faits en détail. La demanderesse intente contre Sa Majesté une action en recouvrement de dommages.
Les personnes que l'on veut adjoindre à l'ins- tance comme codéfendeurs, MM. Donald Wellis et Robert Levin Orcutt, étaient, à l'époque, contrôleurs de la circulation aérienne à l'aéro- port. Je les appellerai par la suite les contrôleurs.
On ne semble pas contester que l'action soit fondée sur la prétendue négligence des fonc- tionnaires de la Couronne et sur un manque- ment à leurs obligations. Voici ce qu'a déclaré l'avocat de la demanderesse dans son plaidoyer:
[TRADUCTION] ... On prétend, en l'espèce, soit que ces
personnes ne remplissaient pas correctement leurs obliga
tions lorsque l'accident s'est produit, soit qu'elles les rem-
plissaient mal, soit qu'elles ont agi par pure négligence.
et ce qu'a déclaré l'avocat de la défenderesse dans son plaidoyer:
[TRADUCTION] MM. Orcutt et Wellis sont contrôleurs de la circulation aérienne et agissaient, lorsqu'est le litige, le 22 avril 1968, date de la collision, dans le cadre ou en exécution d'un devoir de nature publique ou, subsidiaire- ment, au cas l'on invoquerait toute prétendue négligence ou omission, dans l'accomplissement d'un devoir de nature publique.
Sur la nature publique des devoirs accomplis dans le cadre du contrôle de la circulation aérienne, voir la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1952, c. 2, et plus particulièrement les articles 3, 4 et 20 [maintenant S.R.C. 1970, c. A-3, articles 3, 6 et 20], ainsi que les Règlements de l'air, C.P. 1960-1775, DORS/61-10.
On ne conteste pas non plus la compétence de la Cour en la matière, qu'il y ait ou non adjonction des contrôleurs comme codéfen- deurs. Voir les articles 17(4) et 20 de la Loi sur la Cour fédérale.
L'avocat de la défenderesse soutient que l'au- torisation d'adjoindre les contrôleurs comme codéfendeurs, demandée par l'avis de requête du 18 octobre 1971, devrait être refusée au motif que tout droit d'action ouvert contre eux au sujet de l'accident qui s'est produit le 22 avril 1968 se trouve prescrit par l'article 11(2)
du Statute of Limitations, R.S.B.C. 1960, c. 370 que voici:
[TRADUCTION] 11. (2) Lorsqu'aucun délai n'est spécifi- quement prescrit pour intenter une action selon la Loi ou le droit applicable à un cas particulier, aucune action ne sera intentée contre quiconque pour tout acte effectué dans le cadre ou en exécution, ou prétendue exécution, de toute Loi de la législature, ou de tout devoir ou responsabilité de nature publique ou à l'égard de toute prétendue négligence ou omission commise dans l'exécution d'une telle Loi, devoir ou responsabilité, à moins d'être intentée dans les douze mois suivant l'acte, la négligence ou l'omission invo- quée, ou, en cas de prolongation du préjudice ou des dom- mages, dans les douze mois suivant leur cessation.
Cet article s'applique en vertu de l'article 38 de la Loi sur la Cour fédérale:
38. (1) Sauf disposition contraire de toute autre loi, les règles de droit relatives à la prescription des actions en vigueur entre sujets dans une province s'appliquent à toute procédure devant la Cour relativement à une cause d'action qui prend naissance dans cette province et une procédure devant la Cour relativement à une cause d'action qui prend naissance ailleurs que dans une province doit être engagée au plus tard six ans après que la cause d'action a pris naissance.
(2) Sauf disposition contraire de toute autre loi, les règles de droit relatives à la prescription des actions désignées au paragraphe (1) s'appliquent à toutes procédures engagées par ou contre la Couronne.
A l'appui de son objection, l'avocat a pré- tendu qu'il fallait rejeter la demande d'adjonc- tion des contrôleurs comme codéfendeurs car, si elle était accueillie, ils se verraient inutile- ment exposés à des poursuites qui ne pourraient certainement pas aboutir, l'intention du législa- teur serait déjouée et la protection de la loi leur serait refusée. Il a déclaré que, s'ils sont adjoints comme codéfendeurs à ce procès, il invoquera la Loi en défense.
L'avocat de la demanderesse a prétendu que les Règles de la Cour laissaient à celle-ci beau- coup de latitude pour agir et que sa cliente cherchait simplement à faciliter, en l'espèce, la marche normale du procès par l'adjonction de deux personnes qui, à son avis, devraient être entendues par la Cour. Il a cité les Règles 2(2), 420(1) et 1716(1) et (2) que voici:
2. (2) Les présentes Règles visent à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction; elles doivent s'interpréter les unes par les autres et autant que possible faciliter la marche normale des procès plutôt que la retarder ou y mettre fin prématurément.
420. (1) La Cour pourra, aux conditions qui semblent justes le cas échéant, à tout stade d'une action, permettre à une partie d'amender ses plaidoiries, et tous les amende- ments nécessaires seront faits aux fins de déterminer la ou les véritables questions en litige entre les parties.
1716. (1) La validité d'une action n'est pas affectée à cause d'une fausse constitution de partie ou de l'omission de mettre une partie en cause, et la Cour peut dans toute action disposer des points ou des questions en litige dans la mesure ils touchent aux droits et intérêts des personnes qui sont parties à l'action.
(2) La Cour peut, à tout stade d'une action, aux condi tions qu'elle estime justes, et soit de sa propre initiative, soit sur demande,
a) ordonner qu'une personne constituée partie à tort ou sans nécessité ou qui, pour quelque raison, a cessé d'être une partie compétente ou nécessaire, soit mise hors de cause, ou
b) ordonner que soit constituée partie une personne qui aurait être constituée partie ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer qu'on pourra valable- ment et complètement juger toutes les questions en litige dans l'action et statuer sur elles;
toutefois, nul ne doit être constitué codemandeur sans son consentement notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour peut juger adéquate dans les circonstances.
La Cour dispose également des Règles 424 à 427 sur les modifications des plaidoiries aux- quelles je me référerai plus tard.
L'avocat de la demanderesse a cité les arrêts suivants:
Tildesley c. Harper (1878-79) 10 Ch.D. 393, dans lequel le Lord juge Bramwell déclarait à la page 396:
... En pratique j'ai toujours accordé la permission d'amen- der à moins d'être convaincu que la partie requérante agis- sait de mauvaise foi, ou que, par sa maladresse, elle avait fait à son adversaire un tort qui ne pouvait être compensé par des dépens ni autrement.
Le juge King a récemment repris cette citation dans l'affaire Overholt c. Williams [1958] O.W.N. 422. Dans l'arrêt Hamelin c. Newton [1918] 1 W.W.R. 804, le juge d'appel Perdue déclarait à la page 806:
[TRADUCTION] ... La règle en question permet à la Cour ou au juge d'ajouter le nom d'une partie dont la présence à l'instance peut être nécessaire pour permettre à la Cour de juger et de régler de manière efficace et complète toutes les questions soulevées en l'espèce. Or, on invoque la réclama- tion de M. McLeod en l'espèce. Elle a été soulevée par le défendeur et constitue l'une des questions litigieuses. Si le demandeur obtient gain de cause, on n'aura pas nécessaire- ment jugé de la réclamation de M. McLeod, à moins que celui-ci n'ait été constitué partie, ce qui peut donner lieu à
un autre procès entre ce dernier et le défendeur ou entre le demandeur et M. McLeod.
Dans l'arrêt Beisel et Beisel c. Negus [1948] 2 W.W.R. 492, le juge Macfarlane déclarait à la page 493:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute pour moi que la présence devant le tribunal de la personne que l'on désire adjoindre comme partie défenderesse est nécessaire en l'es- pèce pour permettre à la Cour de juger et de régler de manière efficace et complète toutes les questions soulevées en l'espèce.
Aucun de ces arrêts ne traite de l'adjonction de parties comme codéfendeurs après expira tion du délai légal fixé pour exercer des pour- suites contre eux.
L'avocat de la défenderesse a comparé l'arti- cle 11(2) du Statute of Limitations de la Colom- bie-Britannique avec l'article 11 du Public Authorities Protection Act, S.R.O. 1970, c. 374 que voici:
[TRADUCTION] 11. Aucune action, poursuite ou autre pro- cédure n'est recevable ou ne sera intentée contre quiconque pour tout acte effectué dans le cadre ou en exécution ou prétendue exécution de tout devoir ou responsabilité de nature publique ou statutaire, ou à l'égard de toute préten- due négligence ou omission commise dans l'exécution de ces devoirs ou responsabilités, à moins d'être intentée dans les six mois suivant l'acte, la négligence ou l'omission invoqués, ou, en cas de prolongation du préjudice ou des dommages, dans les six mois suivant leur cessation.
Il a ensuite mentionné les arrêts suivants:
Shynall c. Priestman et Smythson, Colangelo c. Smythson, Smythson c. Priestman (1958) 11 D.L.R. 2 e , 301, dans lesquels l'article de la loi ontarienne a été invoqué à l'appui d'une récla- mation déposée par Smythson contre le policier Priestman; on a jugé que la réclamation était prescrite, car elle n'avait pas été introduite dans les six mois. Le juge d'appel Schroeder a déclaré à la page 317:
[TRADUCTION] J'en suis venu à la conclusion que l'article 11 du Public Authorities Protection Act prescrit le droit d'action du demandeur Smythson contre le défendeur Priestman; pour cette unique raison, l'action du demandeur Smythson a été rejetée à bon droit.
Le juge d'appel Gibson a souscrit à l'opinion du juge d'appel Schroeder, tout comme le juge d'appel Laidlaw, bien que ce dernier ait exprimé sa dissidence à d'autres égards.
Cloudfoam Ltd. c. Les commissaires du port de Toronto (1968) 69 D.L.R. 2e 632, dans lequel le
juge Donnelly a jugé que les commissaires du port de Toronto avaient le droit de bénéficier des dispositions du Public Authorities Protec tion Act, S.R.O. 1960, c. 318.
McGonegal c. Gray [1952] 2 R.C.S. 274, la Cour suprême a étudié l'article 11 du Public Authorities Protection Act, S.R.O. 1937, c. 135 (qui ressemble beaucoup au texte législatif de 1970, précité); les juges n'étaient pas unanimes sur la question de savoir si l'acte faisant l'objet de la plainte en l'espèce tombait sous le coup de l'article, de manière à ce qu'on puisse invoquer sa protection.
L'arrêt Sociedad Transoceanica Canopus S.A. etc. c. Conseil des ports nationaux [1968] 2 R.C.É. 330, le président Jackett déclarait aux pages 346-47:
[TRADUCTION] Le défendeur, en plus de sa défense au fond, invoque l'article 11(2) du Statute of Limitations, R.S.B.C. 1960, c. 370, que voici:
(2) Lorsqu'aucun délai n'est spécifiquement prescrit pour intenter une action selon la Loi ou le droit applicable à un cas particulier, aucune action ne sera intentée contre quiconque pour tout acte effectué dans le cadre ou en exécution, ou prétendue exécution, de toute Loi de la législature, ou de tout devoir ou responsabilité de nature publique ou à l'égard de toute prétendue négligence ou omission commise dans l'exécution d'une telle Loi, devoir ou responsabilité, à moins d'être intentée dans les douze mois suivant l'acte, la négligence ou l'omission invoqués, ou, en cas de prolongation du préjudice ou des domma- ges, dans les douze mois suivant leur cessation.
Ceci peut très bien constituer la défense à une action intentée dans le cadre de la compétence en amirauté de la Cour, contre la personne dont l'acte, la négligence ou l'o- mission était à l'origine de la réclamation. Voir l'affaire Algoma Central et Hudson Bay Ry. Co. c. Manitoba Pool Elevators ([1964] R.C.É. 505). L'article ne semble pas s'ap- pliquer lorsque la réclamation est portée contre la Cou- ronne, pour négligence d'un fonctionnaire, même si l'on intente une action contre un défendeur nommé par un texte législatif tel que l'article 39 de la Loi sur le Conseil des ports nationaux.
Dans l'arrêt Algoma (précité), la Cour a jugé que les commissaires du port de Lakehead pou- vaient se prévaloir de l'article 11 de la loi onta- rienne, Public Authorities Protection Act. Voici ce que déclarait, à la page 512, le juge suppléant d'appel Wells:
[TRADUCTION] Il me' semble, en toute déférence, que le même principe s'applique au Public Authorities Protection Act, sur lequel ces défendeurs, en qualité de préposés de la Couronne, ont choisi de s'appuyer. De par cet article 11, auquel j'ai déjà fait allusion, il me semble que l'action est
prescrite en raison justement des dispositions de cet article et que les commissaires du port de Lakehead peuvent s'en prévaloir en leur qualité de préposés de la Couronne dans l'accomplissement de leurs obligations dans le port en question.
L'avocat a cité également l'arrêt Owens c. Cal- gary Farmer et Calgary Weekly Herald [1927] 3 W.W.R. 62 (Alta. S.C.), dont voici le sommaire:
[TRADUCTION] L'autorisation d'adjoindre un nouveau défendeur à une action en diffamation est refusée lorsque, au moment l'on demande l'autorisation, le délai d'exer- cice d'une action en diffamation, en vertu du Libel and Slander Act, R.S.A., 1922, ch. 101, est expiré, même si l'action contre les défendeurs originaux a été intentée à temps.
à la page 62 le juge Walsh déclarait:
[TRADUCTION] Les tribunaux, dans l'exercice des très larges pouvoirs discrétionnaires de modification qui leur sont conférés, ont règle générale refusé d'autoriser des modifications qui auraient permis au demandeur d'intenter une action pour laquelle son droit à réparation était éteint au moment il demandait l'autorisation d'amender. L'affaire Weldon c. Neal (1887) 19 Q.B.D. 394, 56 L.J.Q.B. 621, en est un très bon exemple. Dans l'affaire Reynolds c. McPha- len (1908) 7 W.L.R. 380, la Full Court of British Columbia a refusé au demandeur l'autorisation de modifier sa déclara- tion, pour y ajouter qu'on avait signifié au défendeur la cession de la cause d'action sur laquelle l'action se fondait, car le Statute of Limitations avait joué au moment de la demande et créé un droit en faveur du défendeur. La jurisprudence à l'appui de ce principe est énoncée dans les jugements des juges Irving et Martin. L'arrêt Hudson c. Fernyhough, 61 L.T. 722 a, à peu près, la même portée.
Ces arrêts, et ceux auxquels ils renvoient, portent sur des actions l'on cherchait, en apportant des amendements, à priver un défendeur à une action intentée contre lui en temps voulu de la protection d'une loi qui lui était favorable dès le début de l'action. S'il n'est pas correct d'étendre les possibilités de recours contre un défendeur à une action correctement intentée contre lui, lorsque ce faisant on écarte une protection légale dont il peut bénéficier dès le début de l'action, j'estime qu'il est encore plus incorrect d'adjoindre à l'action un nouveau défendeur contre qui le demandeur a depuis longtemps perdu tout droit d'action.
Je me reporterai maintenant aux règles de la Cour sur l'amendement des plaidoiries, et plus particulièrement aux Règles 424 à 427, emprun- tées à la règle anglaise actuelle (R.S.C., Ord. 20, r. 5), visant à corriger les injustices que pouvait occasionner la rigidité de l'ancienne règle, appli- quée dans des arrêts tels que Weldon c. Neal (1887) 19 Q.B.D. 394, et selon laquelle un demandeur ne pouvait pas faire d'amendement ayant pour effet de soumettre une nouvelle cause d'action qui, depuis le début de l'action, était prescrite par l'expiration d'un délai statu-
taire de prescription. Pour une comparaison plus facile, je vais maintenant présenter, côte à côte, nos règles et la règle anglaise:
[TRADUCTION]
Règle 424: Lorsque per- Ord. 20, r. 5: (1) Sous
mission de faire un réserve de l'Ordonnance
amendement mentionné 15, Règles 6, 7 et 8, et aux Règles 425, 426 ou des dispositions suivantes 427 est demandée à la de cette règle, la Cour
Cour après l'expiration de peut à tout stade de la
tout délai de prescription procédure permettre au
applicable mais qui cou- demandeur de modifier
rait à la date du début son bref, ou à toute par-
de l'action, la Cour pour- tie d'amender sa plaidoi-
ra néanmoins, accorder rie, selon certaines moda-
cette permission dans les lités relatives aux dépens,
circonstances mentionnées ou autrement de toute dans la règle applicable manière qu'elle estimera
s'il semble juste de le juste et selon les directi-
faire. ves qu'elle peut donner,
le cas échéant.
Règle 425: Un amende- Ord. 20, r. 5: (2) Lors- ment aux fins de corriger qu'on demande à la Cour le nom d'une partie peut l'autorisation de faire l'a- être permis en vertu de la mendement mentionné aux
Règle 424, même s'il est alinéas (3), (4) ou (5) allégué que l'amendement après expiration du délai aura pour effet de sub- pertinent de prescription
stituer une nouvelle par- existant à la date de l'é- tie à l'ancienne, pourvu mission du bref, la Cour que la Cour soit convain- peut néanmoins accorder cue que l'erreur dont la cette autorisation dans les correction est demandée circonstances mentionnées
était véritablement une audit alinéa, si elle esti-
erreur et n'était ni de na- me qu'il est juste de le
turc à tromper ni suscep- faire .... (5) Un amen-
tible d'engendrer un doute dement peut être autorisé
raisonnable sur l'iden- en vertu de l'alinéa (2)
tité de la partie qui avait même s'il a pour effet
l'intention de poursuivre, d'ajouter une nouvelle ou, selon le cas, qu'on cause d'action ou de avait l'intention de pour- remplacer une ancienne
suivre. cause d'action par une
nouvelle, si la nouvelle Règle 426: Un amende- cause d'action naît de ment à l'effet de modifier faits qui sont les mêmes la qualité en laquelle une ou à peu près les mêmes
partie poursuit (que ce que ceux sur lesquels se soit le demandeur ou, en fonde une cause d'action cas de demande recon- qui a déjà fait l'objet, ventionnelle, le défen- dans l'action, d'une de- deur) peut être permise en mande de redressement
vertu de la Règle 424 si, présentée par la partie au cas l'amendement qui demande la permis-
est fait, la qualité en la- Sion de faire l'amende-
quelle la partie poursui- ment.
vra est une qualité en la-
quelle elle aurait pu
poursuivre à la date de
l'introduction de l'action ou à la date de la de- mande reconventionnelle selon le cas.
Règle 427: Un amende- ment peut être permis en vertu de la Règle 424 même si l'amendement aura pour effet d'ajouter une nouvelle cause d'ac- tion ou de remplacer une ancienne cause d'action par une nouvelle, si la nouvelle cause d'action naît de faits qui sont les mêmes ou à peu près les mêmes que ceux sur les- quels se fonde une cause d'action qui a déjà fait
l'objet, dans l'action, d'une demande de re- dressement présentée par la partie qui demande la permission de faire l'a- mendement.
La règle anglaise a été étudiée dans l'arrêt Sterman c. E. W. & W. J. Moore [1970] 1 Q.B. 596. Il s'agissait de savoir si un bref, émis pendant le délai de prescription mais entâché d'un vice, pouvait être amendé afin de suppri- mer ce vice après l'expiration du délai de pres cription. Le maître des rôles Lord Denning déclarait aux pages 603 et 604:
[TRADUCTION] ... J'en viens ainsi à la troisième question. Il s'agit de savoir si le bref peut être amendé afin d'y exposer la cause d'action. On soutient que l'amendement ne devrait pas être admis car le délai de prescription a expiré. L'acci- dent s'est produit il y a maintenant trois ans. Les nouvelles règles, dit-on, ont supprimé le pouvoir d'amender. Vous ne pouvez amender un bref, dit-on de manière à éviter le Statute of Limitations, que si le cas relève expressément de l'Ordonnance 20, règle 5, alinéas (2), (3), (4) et (5); dans tous les autres cas, la Cour a adopté la règle stricte de ne pas accorder d'amendement qui pourrait priver un défen- deur du bénéfice du Statute of Limitations. Un arrêt récent de cette Cour, Braniff c. Holland & Hannen and Cubitts (Southern) Ltd. (1969) 1 W.L.R. 1533, vient confirmer cette interprétation de l'Ordonnance 20, règle 5. Cependant, je dois dire que je n'y souscris pas. S'il fallait donner à l'Ordonnance 20, règle 5, cette interprétation restrictive, ce serait rendre des demandes sérieuses irrecevables pour vices de forme.
Je pense que nous devrions donner plein effet aux termes très larges de l'Ordonnance 20, règle 5(1). Nous ne devrions pas les amputer par référence aux alinéas (2), (3), (4) et (5). C'est l'opinion que j'avais exprimée dans l'arrêt Chats- worth Investments Ltd. c. Cussins (Contractors) Ltd. (1969) 1 W.L.R. 1, à la p. 5:
Depuis la nouvelle règle, j'estime que nous devrions abandonner la stricte règle de pratique énoncée par l'arrêt Weldon c. Neal (1887) 19 Q.B.D. 394. Les tribunaux devraient donner à l'Ordonnance 20, règle 5(1), sa pleine portée. Ils devraient permettre un amendement lorsqu'il leur paraît juste de l'autoriser, même s'il peut priver le défendeur d'un moyen de défense que lui procure le Statute of Limitations.
Je maintiens encore ce point de vue: et j'estime que nous devrions l'appliquer en l'espèce. Il s'agissait d'un deman- deur qui avait émis son bref et l'avait bien signifié aux défendeurs pendant le délai de prescription. Ceux-ci savaient pertinemment que le demandeur réclamait répara- tion du préjudice qu'il avait subi en tombant du chevalet car c'était de leur faute. Ils ont essayé de lui faire obstacle pour des considérations on ne peut plus techniques—simple- ment parce qu'il avait omis les mots «pour négligence et rupture d'une obligation légale». Je ne pense pas que l'on doive laisser prévaloir ces objections techniques. Nous devrions appliquer les sages paroles de Lord Holroyd Pearce dans l'arrêt Pontin c. Wood (1962) 1 Q.B. 594, à la p. 609 il déclarait que la Cour aiderait «à régulariser la procédure d'un cas reconnu comme sérieux et introduite avant l'expiration du délai, mais comportant des vices de forme.» D'après ces termes, nous devrions permettre au demandeur d'amender le bref de manière à exposer claire- ment que son action est une action en dommages-intérêts pour «négligence et rupture d'une obligation légale». Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait ajouter l'autre action en dommages-intérêts pour «rupture de contrat«. Une fois amendée, on n'aura pas de difficulté à admettre la recevabi- lité de la déclaration. Elle obéira pleinement à l'Ordonnance 18, règle 15(2).
Le juge Lord Salmon déclarait à la page 605:
[TRADUCTION] La véritable question, comme le déclarait Milord, est de savoir si le juge Mars-Jones avait le pouvoir d'accorder l'amendement du bref et, dans l'affirmative, s'il aurait exercer ce pouvoir. J'admets tout à fait qu'il en avait entièrement le pouvoir. Dans l'arrêt Pontin (1962) 1 Q.B. 594, on pouvait faire au bref la même critique que celle que l'on peut faire en l'espèce: il n'énonçait pas la cause d'action sur laquelle se fondait le demandeur. Voici son énoncé: «Le demandeur réclame des dommages-intérêts pour préjudice personnel.« En fait, cette mention aurait pu être critiquée encore plus sévèrement que la nôtre car, à l'époque, il existait une règle à laquelle ne se conformait pas cette mention. L'ancienne règle exigeait que le bref soit rédigé selon les termes d'une formule alors placée en annexe. Ce tribunal a cependant jugé que, comme ce bref n'était pas nul, tout vice pouvant l'entâcher pourrait être supprimé par la remise ultérieure d'une déclaration correcte, même après l'expiration du délai de prescription. Quand fut tranchée l'affaire Pantin, l'actuelle Ordonnance 20, règle 5(1) qui régit maintenant les pouvoirs généraux de la Cour, quant à l'autorisation d'amender les brefs, n'avait pas encore remplacé l'ancienne Ordonnance 28, règle 1 qui, aux fins de l'affaire en question, était la même que l'actuelle Ordonnance 20, règle 5(1). Si dans l'arrêt Pontin un vice du bref pouvait être corrigé par la remise d'une déclaration correcte, il me paraît inconcevable que cette Cour puisse avoir jugé être sans pouvoir d'autoriser un amendement du
bref, si une demande en ce sens était faite. On affirme que l'Ordonnance 20, règle 5 supprime les pouvoirs généraux conférés antérieurement à la Cour en vertu de l'ancienne Ordonnance 28, règle 1. Je ne suis pas d'accord. En consé- quence, je pense que le juge Mars-Jones avait entièrement le pouvoir de donner l'autorisation d'amender le bref; et, à mon avis, compte tenu de toutes les circonstances que Milord vient de nous exposer et que je ne répéterai pas, je suis convaincu qu'il a fait erreur en refusant d'exercer ce pouvoir. Je n'oublie pas qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une affaire le bref, sous sa forme originale, aurait pu causer aux défendeurs quelque embarras ou quelque gêne. La preuve qui nous est soumise démontre qu'ils connais- saient parfaitement bien la nature de la réclamation du demandeur; ils avaient en effet correspondu avec lui et avec ses avocats à ce sujet. Comme je l'ai déjà mentionné, bien que je n'exprime aucune opinion définitive sur la décision du juge Bridge, j'estime qu'elle était juste dans le cadre de l'affaire telle qu'elle se présentait lorsqu'on lui a soumise. Je ferai droit à l'appel du refus d'accorder l'autorisation d'a- mender le bref et, par conséquent, la question soulevée dans l'autre appel devient purement théorique.
Le juge Lord Cross déclarait aux pages 605-606:
[TRADUCTION] Je conviens que le juge Mars-Jones aurait autoriser l'amendement du bref. Ce cas, à mon avis, est précisément celui qu'envisageait le Lord juge Holroyd Pearce dans le passage du jugement qu'il a rendu dans l'affaire Pontin c. Wood la page 609) et qu'a mentionné le maître des rôles; je pense que l'amendement aurait été autorisé en vertu des anciennes règles. En fait, il serait extraordinaire que les nouvelles règles aient supprimé le pouvoir de la Cour d'autoriser les amendements après l'ex- piration du délai de prescription, et je ne pense pas que les premiers mots de l'Ordonnance 20 règle 5(1) R.S.C., sur laquelle s'appuie l'avocat, aient cet effet restrictif. De même, je ne pense pas que l'arrêt récent Braniff c. Holland & Hannen and Cubitts (Southern) Ltd. (1969) 1 W.L.R. 1533, que l'on a mentionné, soit en quelque point contraire à ces conclusions. Ce que l'on cherchait, en l'espèce, c'était de modifier le bref par l'adjonction d'un nouveau défendeur après l'expiration du délai de prescription. Il s'agissait d'un acte qui n'aurait pas pu être accompli en vertu des anciennes règles et auxquelles les alinéas (3), (4) et (5) de la nouvelle Ordonnance 20, règle 5 ne s'appliquaient pas. J'admets par conséquent que l'appel doit être accueilli.
Dans l'arrêt Rodriguez c. R. J. Parker (Male) [1967] 1 Q.B. 116, le juge Nield a décidé que les lois sur la prescription sont d'ordre procédu- ral et que l'Ordonnance 20, règle 5 est un règle- ment portant sur la procédure. Aux pages 136- 137 il déclarait:
[TRADUCTION] Après avoir étudié tous ces points, je décide à ce sujet, naturellement à la lumière de la jurispru dence, que les lois sur la prescription sont d'ordre procédu- ral. Je fonde cette opinion principalement sur les termes de l'article 2 de la Loi de 1939 que j'ai citée, savoir: «Les actions suivantes ne pourront être intentées après l'expira- tion d'un délai de six ans.» La Loi ne prévoit pas qu'après
l'expiration de ce délai le recours du demandeur sera éteint ou ne sera plus du tout exécutoire; en fait, le recours subsiste et la décision à laquelle il a donné lieu reste exécutoire, car si le défendeur choisit de ne pas invoquer la loi sur la prescription il pourra demander réparation du préjudice après l'expiration du délai de prescription. J'irai plus loin et dirai que le bénéfice que retire un défendeur de la loi sur la prescription n'est pas, à mon avis, à proprement parler un avantage quant au fond mais n'est, en réalité, que le droit d'invoquer un certain moyen de défense, s'il choisit d'agir ainsi, qui empêche au demandeur de poursuivre l'action.
En plus des affaires précitées, une courte phrase de l'arrêt Battersby c. Anglo-American Oil Company Limited ((1945) K.B. 23; 61 T.L.R. 13; (1944) 2 All E.R. 387, C.A.) vient confirmer ce que je viens de dire. Le juge en chef Lord Goddard déclarait ((1945) K.B. 23, 29): «Comme nous venons de le mentionner, il existe une jurisprudence cons- tante selon laquelle la Cour, dans des causes, ne prorogera pas les délais prescrits, pour ne pas priver le défendeur du bénéfice de la Loi.» Le juge en chef Lord Goddard utilise ici encore un terme neutre: «bénéfice.» Il poursuit:
La première est celle de Doyle c. Kaufman ((1877) 3 Q.B.D. 340 C.A.). A la Divisional Court, le juge en chef Cockburn, à l'avis duquel souscrivait le juge Lush, décla- rait (ibid 341): «Le pouvoir de proroger les délais que donne l'Ordonnance 57, règle 68 S.R.C. (aujourd'hui Ordonnance 64, règle 7, S.R.C.) ne peut s'appliquer au renouvellement d'un bref lorsque, en vertu d'une loi, la cause d'action s'est éteinte.» Il aurait été peut-être plus juste de dire: «Lorsque le recours est prescrit». Mais l'effet est le même.
Il serait injuste, évidemment, d'envisager l'affaire sous un angle purement linguistique. Il faut donner la bonne inter
prétation et, à mon avis, le juge en chef Cockburn se trompait, si je peux m'exprimer ainsi en toute déférence, en disant qu'aux termes de la loi sur la prescription la cause d'action s'était éteinte et j'estime que le juge en chef Lord Goddard avait raison de déclarer que la meilleure façon de le dire était de déclarer que le recours était prescrit.
Pour achever cette partie de mon jugement, qui est déjà très long, et pour régler le dernier point de M. Rougier portant sur cette partie de l'appel, j'ajouterais qu'à mon avis, l'Ordonnance 20, règle 5 relève de l'article 99(1)a) du Supreme Court of Judicature (Consolidation) Act, 1925 en ce qu'elle réglemente et précise la procédure et la pratique à suivre devant la High Court dans une affaire pour laquelle cette dernière est compétente. Ainsi, je concluerai sur le principal moyen que l'Ordonnance 20, règle 5, S.R.C., est intra vires.
Examinons maintenant le second argument présenté au nom du défendeur appelant, savoir, qu'étant donné les cir- constances, le pouvoir discrétionnaire de la Cour ne devrait pas s'exercer en faveur du demandeur pour lui permettre de remplacer par un nouveau défendeur celui qu'il avait cité dans le bref.
et il poursuivait à la page 139:
[TRADUCTION] ... J'estime que l'issue finale de cet appel dépend de l'étude des dispositions de l'Ordonnance 20,
règle 5(3) S.R.C., à la lumière des faits présents. A mon avis, avant d'accorder l'autorisation d'amender, comme on l'a proposé en l'espèce, la Cour doit être convaincue de trois choses: premièrement, que l'erreur que l'on veut corriger a été faite de bonne foi; deuxièmement, qu'elle n'était pas de nature à tromper ou à causer un doute raisonnable quant à l'identité de la personne que l'on veut poursuivre; troisième- ment, qu'il est juste d'effectuer ledit amendement.
Dans l'arrêt Mitchell c. Harris Engineering Co., Ltd. [1967] 2 All E.R., 682, Lord Denning déclarait aux pages 685-686:
[TRADUCTION] Avant la nouvelle règle, toute une jurispru dence déclarait que, une fois qu'une personne avait acquis le bénéfice d'une loi sur la prescription, elle avait le droit d'insister pour conserver ce bénéfice: et, qui plus est, la Cour ne la privait pas de ce bénéfice en autorisant un amendement du bref ou des plaidoiries. Voici un exemple: il s'agissait, en l'espèce, d'une compagnie dénommée Elsby Brothers, qui s'est par la suite transformée et a pris le nom de Elsby Brothers, Ltd. Un ouvrier blessé avait émis, contre .Elsby Brothers», un bref dans le délai de trois ans prévu par la Loi. Au bout de trois ans, il a découvert qu'il avait fait une erreur et a voulu modifier le bref et remplacer le nom du défendeur par .Elsby Brothers, Ltd.». L'autorisa- tion d'amender lui a été refusée (voir l'arrêt Davies c. Elsby Brothers, Ltd. ([1960] 3 All E.R. 672). Dans une autre affaire, il s'agissait d'un homme qui avait été tué; sa veuve réclamait une indemnité en vertu du Fatal Accidents Act. Elle a intenté une action contre l'employeur, dans le délai d'un an autorisé par la Loi, mais elle se décrivait dans le bref »comme administratrice» de la succession de son mari, alors qu'elle n'était pas encore en possession des lettres d'administration. L'erreur découverte, elle a voulu amender le bref en supprimant les mots «comme administratrice»; or, le délai d'un an qui lui était reconnu était depuis lors expiré et on lui a refusé de procéder à l'amendement (voir l'affaire Hilton c. Sutton Steam Laundry ([1945] 2 All E.R. 425; [1946] K.B. 65). Je pourrais citer d'autres exemples tels que Weldon c. Neal (1881) 19 Q.B.D. 394, l'on a refusé un amendement qui aurait substitué une nouvelle cause d'ac- tion, et l'arrêt Mabro c. Eagle Star & British Dominions Insurance Co. ([1932] All E.R. Rep. 411; [1932] 1 K.B. 485) l'on a refusé un amendement visant à remplacer un demandeur.
Dans certains de ces arrêts, les juges ont parlé du «droit» du défendeur au bénéfice du Statute of Limitations, et ont déclaré que ce «droit» ne devrait pas lui être retiré par amendement du bref: je ne pense pas que ceci soit exact. Les lois sur la prescription ne confèrent aucun droit au défendeur; elles imposent seulement un délai au demandeur. Prenez la Loi en question en l'espèce. Il s'agit de l'article 2 du Limitation Act, 1939 tel qu'amendé par l'article 2(1) du Law Reform Act, 1954 (prescription des actions, etc.). Cet article déclare qu'en cas d'action en dommages-intérêts pour préjudice personnel causé par négligence, acte domma- geable ou inexécution d'une obligation «on ne pourra inten- ter l'action» après l'expiration du délai de 3 ans à compter de la date la cause d'action a pris naissance. Pour répondre aux exigences de la Loi, le demandeur doit émet- tre son bref dans les trois ans à compter de la date de l'accident. Toutefois, rien dans la Loi ne précise que le bref
doit, à ce moment-là, être parfait et sans vice. Même s'il n'est pas parfait, la Cour pourra, en pratique, lui permettre de l'amender. Une fois amendé, le bref est alors censé avoir été écrit le jour de l'émission du bref original et non le jour de son amendement. Le vice est supprimé et l'action inten- tée à temps; elle n'est donc pas prescrite par la Loi. Voir_ l'affaire Hill c. Luton Corpn. ([1951] 1 All E.R. 1028; [1951] 2 K.B. 387); et l'affaire Pontin c. Wood ([1962] 1 All E.R. 294; [1962] 1 Q.B. 594).
A mon avis, lorsqu'un bref émis dans le délai autorisé se trouve entaché d'un vice, le défendeur n'a pas le droit de le conserver tel quel. La Cour peut l'autoriser, par amende- ment, à supprimer ce vice: cet acte dépend de la pratique de la Cour. C'est une question de pratique et de procédure, qui peut être modifiée par le comité sur la procédure en vertu de l'article 99(1)a) de la Loi de 1925. C'est ce qu'a fait l'Ordonnance 20, règle 5(2), (3), (4) et (5); S.R.C. La règle 5(3) a supprimé l'injustice causée par la décision rendue dans l'affaire Davies c. Elsby Brothers Ltd. ([1960] 3 All E.R. 672). La règle 5(4) a supprimé l'injustice causée par l'arrêt Hilton c. Sutton Steam Laundry ([1945] 2 All E.R. 425; [1946] K.B. 65). La règle 5(5) a supprimé l'injustice causée par des décisions telles que celles rendues dans Marshall c. London Passenger Transport Board ([1936] 3 All E.R. 83) et Batting c. London Passenger Transport Board ([1941] 1 All E.R. 228).
et, aux pages 687-688, le juge Russell déclarait:
[TRADUCTION] ... Il est tout à fait clair qu'une règle de pratique d'un tribunal ne peut en elle-même modifier le délai prescrit par une Loi pour intenter une action; mais il me semble être tout aussi clair que les circonstances dans lesquelles un plaideur peut amender les procédures existan- tes, par exemple par l'adjonction ou le remplacement de défendeurs, sont essentiellement des questions de pratique ou de procédure. De même, je ne pense pas que l'Ordon- nance ait créé de conflit avec le contenu du Statute of Limitations, en dépit du fait que, si l'amendement avait été refusé, la compagnie irlandaise aurait pu, en vertu de cette Loi, invoquer un autre moyen de défense dans une action différente. La Loi déclare qu'une action délictuelle ne pourra être intentée après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date est née la cause d'action. En l'espèce, les délits invoqués dans le bref portent sur le non-respect de la common law et sur l'inexécution d'une obligation légale, le 27 août 1963, à Longfield Road, Tun- bridge Wells, et l'action a été intentée dans les trois ans suivant le prétendu événement. On a soutenu qu'avant l'amendement, la Loi offrait à la compagnie irlandaise une grande sécurité que lui a enlevée l'amendement; mais elle aurait pu invoquer cette protection que lui offrait la Loi dans une autre action si la première n'avait pas été intentée à temps. En l'espèce, ce n'est pas la Loi qui protégeait la compagnie, mais le fait qu'elle n'était pas encore défende- resse au procès. Cette protection pouvait être écartée par le pouvoir d'autoriser l'amendement de cette procédure. Pour ces motifs, qui me semblent préférables à ceux du droit international privé qui considèrent les lois sur la prescrip tion comme de nature procédurale, je ne pense pas que l'Ordonnance 20, règle 5(2) et (3) S.R.C. soit ultra vires.
Nous avons mentionné un certain nombre d'arrêts les tribunaux ont refusé d'accorder des amendements qui
auraient eu pour effet de priver une partie de la possibilité, dans une action nouvelle, de bénéficier de la loi sur la prescription. On a allégué que ces arrêts étaient fondés sur l'impossibilité, du point de vue du droit, de priver une personne d'un droit que lui reconnaissait la loi sur la pres cription, plutôt que sur une pratique établie. De nombreuses expressions ont été utilisées dans ces arrêts, certaines empruntées à la pratique, d'autres cherchant (mais sans y parvenir à mon sens) à «contourner» la Loi. Voir, par exemple, ce qu'ont écrit les juges Lord Greer et Lord Scrutton dans l'arrêt Mabro c. Eagle Star & British Domin-_ ion Insurance Co. Ltd. ([1932] All E.R. Rep. 411; [1932] 1 K.B. 485). Je considère que ces affaires, bien que tranchées d'après une pratique établie, procédaient surtout de la posi tion des parties, dans ces cas-là, par rapport au droit sur la prescription. A ma connaissance, aucun juge n'a dit qu'il ne serait pas de la compétence de la Cour d'autoriser l'amende- ment en question: et si l'on avait pensé qu'il s'agissait en droit d'une question de fond, ceci aurait sûrement été la réponse brève et immédiate à donner à la demande d'amendement.
L'avocat de la demanderesse a soutenu que le seul fait d'adjoindre les contrôleurs comme codéfendeurs assure à sa cliente la comparution en Cour des parties appropriées et permet de les interroger au préalable. A mon avis, cet argu ment n'est pas très convainquant. L'action est intentée contre Sa Majesté. On n'a pas réclamé de dommages-intérêts contre les fonctionnaires, ou tout au moins cela n'est pas expressément précisé dans la déclaration ou les amendements proposés. Si la demanderesse obtient gain de cause contre Sa Majesté, il ne sera pas néces- saire de se retourner contre les fonctionnaires pour le paiement des dommages-intérêts accor dés. Si l'action intentée contre Sa Majesté échoue, il est peu probable qu'elle réussisse à l'encontre des fonctionnaires. Quant à l'interro- gatoire préalable, la Règle 465 de la Cour y prévoit, un agent de la Couronne pouvant être interrogé et requis de se renseigner.
Il se peut que cet interrogatoire des contrô- leurs eux-mêmes soit plus efficace que l'interro- gatoire d'un agent de la Couronne; mais, dans les circonstances, je ne pense pas qu'il faille joindre les contrôleurs comme codéfendeurs dans le but de pouvoir les interroger. La preuve des circonstances de la catastrophe et de sa cause peut se faire sans l'adjonction des contrô- leurs comme codéfendeurs. L'avion s'est écrasé le 22 avril 1968. L'action n'a été intentée contre Sa Majesté que le 28 septembre 1970. La demande d'adjoindre les contrôleurs à l'action a
été présentée encore plus tard, soit près de deux ans et demi après l'accident.
La loi sur la prescription s'applique à une action intentée contre les contrôleurs. Aucune action n'a été intentée contre eux pendant le délai prescrit pour une telle action. Il ne s'agit pas d'une action intentée à temps contre les contrôleurs mais qui présenterait certaines imperfections dans le domaine des plaidoiries, vices que l'ont pourrait supprimer par amende- ment sans leur faire de tort. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, pour juger convenablement l'action intentée par la demanderesse contre la Couronne, d'y adjoindre les contrôleurs comme codéfendeurs. J'estime que s'ils sont adjoints, ils pourront invoquer avec succès, comme moyen de défense, la loi sur la prescription. Je ne pense pas qu'il faille les adjoindre et les exposer à des poursuites, alors qu'ils bénéfi- cient d'un tel moyen de défense.
Je ne pense pas que la justice exige que les contrôleurs soient adjoints comme codéfen- deurs, ou que les arguments soient suffisam- ment forts à cet égard pour les adjoindre. Par conséquent, a) l'autorisation de les adjoindre comme codéfendeurs est refusée et b) la demanderesse est autorisée à effectuer les autres amendements demandés, mais ces amen- dements ne devront pas décrire ou mentionner lesdits contrôleurs comme codéfendeurs.
Sa Majesté a droit au recouvrement des dépens et autres frais découlant de la demande d'autorisation d'amender.
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