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Shyama Charan Srivastava (Appelant) c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Intime')
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Thurlow et le juge suppléant Cameron —Ottawa, les 2,5 et 16 février 1973.
Immigration—Appel d'une ordonnance d'expulsion— Preuve recevable en appel—Décision portant que l'appelant n'est pas un animateur—L'appel n'est pas limité à ce moyen—Décision selon laquelle l'appelant n'est pas un immi grant authentique—On peut examiner l'avis de l'enquêteur spécial d'après la preuve—Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 5p), 7(1)g).
En appel devant la Commission d'appel de l'immigration d'une ordonnance d'expulsion rendue par un enquêteur spé- cial, un appelant a le droit de citer des témoins ou de présenter toute autre preuve à l'audience devant la Commis sion et cette dernière doit la recevoir dans la mesure elle est pertinente et admissible.
Quand une personne demande à entrer au Canada à titre de non-immigrant en vertu d'un alinéa précis de l'article 7(1) de la Loi sur l'immigration, par exemple à titre d'animateur en vertu de l'alinéa g), et qu'elle fait l'objet d'une ordon- nance de déportation, elle n'est pas limitée en appel d'une telle ordonnance à invoquer le même alinéa de l'article 7(1) pour demander le statut de non-immigrant.
En appel devant la Commission d'appel de l'immigration d'une ordonnance d'expulsion, la Commission peut exami ner la décision de l'enquêteur spécial selon laquelle l'appe- lant n'est pas un non-immigrant authentique au sens de l'article 5p) de la Loi sur l'immigration et la question doit être tranchée d'après la preuve. Arrêt suivi: Gana c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1970] R.C.S. 699.
APPEL d'une décision de la Commission d'ap- pel de l'immigration.
AVOCATS:
Royce H. Frith pour l'appelant.
D. H. Aylen, c.r. et Paul Betournay pour l'intimé.
PROCUREURS:
Magwood, Frith, Pocock, MacDonald et O'Callaghan, Toronto, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT—Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 23 de la Loi
sur la Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, tel que modifié par la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, (2 e Supp.), c. 10, d'une décision de la Commission d'appel de l'immigration rejetant un appel d'une ordon- nance d'expulsion.'
Par sa décision, la Commission d'appel de l'immigration
a) a rejeté les arguments relatifs à l'invalidité de l'ordonnance d'expulsion, et
b) a refusé d'exercer les pouvoirs discrétion- naires que lui confère l'article 15 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration.
La Cour a rejeté à l'audience la partie de l'appel qui se rapporte au refus par la Commission d'appel de l'immigration d'exercer les pouvoirs que lui confère l'article 15, sans entendre l'in- timé. La Cour doit donc examiner maintenant la partie de l'appel relative à la validité de l'ordon- nance d'expulsion.
Cet appel soulève trois questions. On peut les formuler de la façon suivante.
1. La Commission d'appel de l'immigration a-t-elle commis une erreur de droit en refu- sant d'entendre des preuves relatives à la validité de l'ordonnance d'expulsion à moins qu'il s'agisse de preuves qui ne pouvaient manifestement pas être introduites devant l'enquêteur spécial? Dans l'affirmative, l'ap- pelant a-t-il droit à une nouvelle audience devant la Commission d'appel de l'immigra- tion, eu égard aux événements qui se sont produits au cours de l'audience devant la Commission?
2. Est-il exact que l'appelant, lorsqu'il a réclamé le statut de non-immigrant devant la Commission d'appel de l'immigration, ne pou- vait invoquer, que l'alinéa de l'article 7(1) de la Loi sur l'immigration dont il avait été ques tion au cours de l'enquête devant l'enquêteur spécial?
3. L'appelant avait-il le droit d'exiger que la Commission d'appel de l'immigration révise la décision de l'enquêteur spécial portant que l'appelant n'était pas, à son avis, un non- immigrant authentique (et que, par suite, il était membre de la catégorie interdite visée à l'article 5p) de la Loi sur l'immigration)? Ou,
faut-il dire plutôt qu'une pareille décision peut être attaquée uniquement si l'opinion de l'en- quêteur spécial n'était fondée sur aucune preuve ou si cette opinion était fondée sur un principe erroné?
Je vais d'abord examiner la première ques tion, que je répète pour plus de commodité:
1. La Commission d'appel de l'immigration a-t-elle commis une erreur de droit en refu- sant d'entendre des preuves relatives à la validité de l'ordonnance d'expulsion à moins qu'il s'agisse de preuves qui ne pouvaient manifestement pas être introduites devant l'enquêteur spécial? Dans l'affirmative, l'ap- pelant a-t-il droit à une nouvelle audience devant la Commission d'appel de l'immigra- tion, eu égard aux événements qui se sont produits au cours de l'audience devant la Commission?
La position de la Commission sur ce point ressort du passage suivant de la transcription des notes sténographiques prises lors de l'au- dience devant la Commission:
[TRADUCTION] ME FRITH: Eh bien, il s'agit peut-être d'une autre question—la Commission a peut-être raison. Je crois savoir qu'il s'agit d'un appel de novo—
LE PRÉSIDENT: Non, il s'agit d'un appel pur et simple.
ME FRITH: Eh bien! dans ce cas, on ne peut pas déposer de nouvelles preuves? Faut-il reprendre—
LE PRÉSIDENT: Vous pouvez évidemment déposer de nouvelles preuves pour appuyer votre demande de redres- sement en vertu de l'article 15 de la loi, mais en ce qui concerne le fondement de l'ordonnance d'expulsion, les seules nouvelles preuves qui sont admissibles sont celles qu'il était matériellement impossible de déposer devant l'enquêteur spécial. En d'autres termes, nous appliquons les mêmes règles que toute autre cour d'appel.
ME FRITH: Cela signifie donc, sauf en ce qui concerne l'article 15, que nous devons nous limiter au dossier soumis à l'enquêteur spécial?
LE PRÉSIDENT: C'est exact. ME FRITH: Très bien.
Pour juger du bien-fondé de l'opinion expri- mée par le président au nom de la Commission, il est nécessaire d'examiner certains articles des lois et des règlements applicables.
Tout d'abord, il convient de souligner que la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, con- tient certaines dispositions de fond définissant
les catégories de personnes qui peuvent entrer au Canada et y demeurer; 2 elle énonce en outre des règles de procédure ou prévoit des «méca- nismes» permettant la mise en oeuvre les règles de fond.
Aux fins de la présente affaire', on peut résu- mer les règles de fond de la manière suivante:
a) un citoyen canadien a le droit d'entrer au Canada (article 3(1) de la Loi sur l'immigration);
b) sauf exception, une personne qui a un domicile canadien, selon la définition qu'en donne la Loi sur l'immigration, a le droit d'entrer au Canada (article 3(2) de la Loi sur l'immigration);
c) quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être un «immigrant» (c'est-à-dire une personne qui cherche à entrer au Canada en vue d'une résidence permanente) à moins qu'il ne prouve le contraire (article 6, lu en corrélation avec la définition du terme «immi- grant» à l'article 2);
d) les personnes de certaines catégories peu- vent être autorisées à entrer au Canada et à y demeurer à titre de «non-immigrants», entre autres, les personnes suivantes:
c) les touristes ou visiteurs;»
«cl) les personnes qui traversent le Canada en route vers un autre pays;»
«e) les ministres du culte, les prêtres ou membres d'un ordre religieux entrant au Canada ou qui, étant entrés, sont au Canada, relativement à l'exécution de leurs devoirs religieux;»
«g) les membres de groupes dramatiques, artistiques, athlétiques ou autres qui entrent au Canada ou qui, étant entrés, sont dans ce pays, aux fins de donner des représentations ou démonstrations d'un caractère diver- tissant ou instructif;»
«h) les personnes pratiquant une profession, un com merce ou une occupation légitime qui entrent au Canada ou qui, étant entrées, sont dans ce pays, pour l'exercice temporaire de leur état respectif;» et
«i) les personnes qui entrent au Canada ou qui, étant entrées, sont dans ce pays, aux fins d'un emploi saison- nier ou autre emploi temporaire, sauf instructions con- traires du Ministre;»
e) le gouverneur en conseil peut établir des règlements interdisant ou limitant l'admission de personnes qui, autrement, pourraient être admises (article 57);
f) l'admission de certaines catégories de per- sonnes est interdite; cette interdiction frappe les personnes dont l'entrée est interdite parce qu'elles font partie de catégories de personnes considérées, semble-t-il, comme étant intrin- sèquement indésirables, et, également,
«p) les personnes qui, suivant l'opinion d'un enquêteur spécial, ne sont pas des immigrants ou non-immigrants authentiques;»
t) les personnes qui ne peuvent remplir ni observer, ou qui ne remplissent ni n'observent, quelque condition ou prescription de la présente loi ou des règlements, ou des ordonnances légitimement établies aux termes de la présente loi ou des règlements.»
Ces règles et certaines autres que je n'ai pas mentionnées, s'appliquent tant aux personnes qui veulent entrer au Canada qu'à celles qui veulent y demeurer une fois admises.
Pour ce qui concerne les règles de procédure ou les mécanismes d'application de la loi, nous constatons que la Loi sur l'immigration prévoit des mécanismes tant pour l'application des règles régissant l'admission de personnes au Canada que pour l'expulsion des personnes qui sont au Canada en contravention des règles. En l'espèce, nous sommes principalement intéres- sés par les mécanismes qui régissent l'admission de personnes au Canada.
La procédure d'application des règles de fond aux personnes qui cherchent à entrer au Canada est, en gros, la suivante:
a) comparution devant un fonctionnaire à l'immigration qui permet à la personne en cause d'entrer au Canada (article 19) ou la signale à un fonctionnaire appelé «enquêteur spécial» (article 22);
b) enquête immédiate (article 23(2)) par un enquêteur spécial qui laisse entrer la personne au Canada s'il estime que la personne en cause a le droit d'entrer au Canada et qu'elle n'est pas membre d'une catégorie interdite (article 27(2)) ou, dans le cas contraire, rend une ordonnance d'expulsion contre elle (arti- cle 27(3)); et
c) appel de l'ordonnance d'expulsion devant la Commission d'appel de l'immigration en vertu de l'article 11 de la Loi sur la Commis sion d'appel de l'immigration.
Bien qu'il s'agisse ici de déterminer si celui qui a interjeté appel d'une ordonnance d'expul- sion a le droit de présenter des preuves devant la Commission d'appel de l'immigration, je pense qu'il est important d'examiner en premier lieu la nature de la décision qui a donné lieu à l'ordonnance d'expulsion. A mon avis, les actes que le fonctionnaire à l'immigration et l'enquê- teur spécial accomplissent et qui, comme je l'ai indiqué, conduisent à l'ordonnance d'expulsion sont de nature administrative. Ces personnes sont des fonctionnaires du ministère de la Main- d'oeuvre et de l'Immigration (S.R.C. 1970, c. M-1) qui est chargé, entre autres choses, de l'application des règles fixées par le Parlement relatives aux personnes qui peuvent être admi- ses au Canada. Ces fonctionnaires ont un cer tain pouvoir d'enquête aux fins de rendre les décisions nécessaires à l'exécution de leurs fonctions; ils doivent utiliser ces pouvoirs au mieux pour obtenir les renseignements nécessai- res à l'application des règles fixées par le Parle- ment relativement à l'admission de personnes au Canada. En plus, l'enquêteur spécial qui pro- cède à une «enquête immédiate» aux termes de l'article 23(1) doit se conformer aux prescrip tions de l'article 26 et des Règlements sur les enquêtes de l'immigration; il peut être utile d'en rappeler les dispositions suivantes:
a) l'enquête doit avoir lieu «privément», mais en présence des intéressés «chaque fois que la chose est pratiquement possible» (article 26(1));
b) l'intéressé a le droit d'obtenir les services d'un avocat à ses propres frais et d'être repré- senté «lors de son audition» (article 26(2));
c) on doit mettre un interprète à la disposition de la personne visée par l'enquête lorsque celle-ci en fait la demande (article 4 du règlement);
d) l'enquête peut être ajournée pour toute raison jugée suffisante (article 9 du règle- ment); et
e) les témoignages déposés à l'enquête doi- vent être consignés par écrit dans un rapport complet (article 10 du règlement).
Bien que cette enquête qui doit précéder une ordonnance d'expulsion rendue par un enquê- teur spécial ressemble aux procédures judiciai-
res, à mon avis, il s'agit d'une simple enquête par un fonctionnaire administratif visant à lui faire connaître les faits nécessaires pour appli- quer la loi aussi bien qu'il est possible de le faire par une «enquête immédiate» tenue à huis clos, étant donné que la personne en cause est déte- nue jusqu'à ce qu'une décision soit rendue. L'o- bligation de se conformer à certaines exigences des procédures judiciaires est de nature à faire ressortir les faits véritables, mais une telle enquête n'équivaut pas à des procédures judi- ciaires. A mon avis, l'ordonnance d'expulsion ne constitue pas une décision judiciaire. Comme une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, elle constitue l'acte admi- nistratif d'un fonctionnaire du gouvernement accompli après que des précautions plus que raisonnables ont été prises aux fins d'en assurer la régularité.
C'est dans cette optique qu'on doit envisager la nature de l'appel interjeté d'une ordonnance d'expulsion rendue par un enquêteur spécial.
La Loi sur la Commission d'appel de l'immi- gration 4 prévoit un droit d'appel des ordonnan- ces d'expulsion.
Cette loi établit une Commission formée de sept, huit ou neuf membres occupant leur poste durant bonne conduite, dont trois, y compris le président, doivent être des avocats (article 3). La Commission est une cour d'archives qui a reçu en termes généraux tous les pouvoirs d'une cour supérieure en ce qui concerne la preuve et l'exécution de ses décisions; pour plus de pré- caution, on lui a expressément accordé le pou- voir d'assigner des témoins, de faire prêter ser- ment, d'interroger toutes personnes sous serment ou autrement et,
«c) au cours d'une audition, recevoir les ren- seignements supplémentaires qu'elle peut esti- mer être de bonne source ou dignes de foi et nécessaires pour juger l'affaire dont elle est saisie.» (Article 7.)
Le quorum est de trois membres, dont au moins un avocat (article 6(3)), mais l'article 10 prévoit qu'un membre de la Commission peut entendre seul «la preuve relative à un appel» sur laquelle se fondera la Commission. La loi prévoit aussi
que la Commission peut ordonner la reprise d'une «audition» (selon la définition qu'en donne l'article 2, ce terme signifie l'examen ou l'enquête supplémentaire qu'un enquêteur spé- cial fait en vertu de la Loi sur l'immigration) soit devant l'enquêteur spécial qui a présidé la première audition, soit devant tout autre enquê- teur spécial «pour recueillir quelque déposition ou témoignage supplémentaires»; l'enquêteur spécial doit produire le compte rendu de la reprise, ainsi que l'appréciation de la déposition devant la Commission «pour qu'elle l'examine en statuant sur l'appel» (article 13).
Pour l'intelligence de la question à l'étude, il faut aussi savoir que, la loi donne à la Commis sion le pouvoir de réglementer ses pratique et procédure sous réserve de l'approbation du gou- verneur en conseil.
Avant d'examiner les règles établies par la Commission, il est utile de souligner dès mainte- nant que l'appel des ordonnances d'expulsion est prévu à l'article 11, qui se lit comme suit:
11. Une personne frappée d'une ordonnance d'expulsion, en vertu de la Loi sur l'immigration, peut, en se fondant sur un motif d'appel qui implique une question de droit ou une question de fait ou une question mixte de droit et de fait, interjeter appel à la Commission.
Il convient aussi de souligner un autre aspect, qui prend une certaine importance quant à l'ef- fet des règles: il existe deux autres grandes catégories d'appel, savoir, les appels interjetés par le Ministre d'une décision d'un enquêteur spécial de ne pas rendre une ordonnance d'ex- pulsion (article 12) et les appels interjetés par une personne qui désire parrainer un parent, du refus d'approbation de sa demande (article 17). Pour la même raison, il faut également souligner que, dans ces appels, la Commission peut exer- cer ce qu'on a appelé ses «pouvoirs en vertu de l'article 15». Il s'agit des pouvoirs discrétionnai- res que la Commission peut exercer en tenant compte des tribulations pouvant résulter de l'e- xécution de l'ordonnance d'expulsion ou pour des motifs de pitié ou des considérations d'ordre humanitaire; dans l'exercice de ses pouvoirs la Commission peut, après avoir rejeté un appel d'une ordonnance d'expulsion, ordonner de sur- seoir à son exécution, peut l'annuler ou l'annu-
ler et ordonner l'admission de l'appelant (article 15).
Les parties des règles de la Commission d'ap- pel de l'immigration qui, à mon avis, sont perti- nentes, sont rédigées ainsi:
2. Dans les présentes règles, l'expression
fl «dossier» signifie
(i) à l'égard d'un appel en vertu de l'article 11 ou de l'article 12 de la Loi,
(A) une copie de l'ordonnance d'expulsion,
(B) le procès-verbal de l'enquête ou de l'examen supplémentaire,
(C) le rapport du témoignage signé par l'enquêteur spécial,
(D) toutes les pièces versées à l'enquête, et
(E) tous les documents préparés par l'enquêteur spé- cial ou à sa demande, relatifs à l'enquête qu'il a tenue;
(ii) à l'égard d'un appel en vertu de l'article 11 de la Loi, dans le cas d'une personne contre laquelle une ordonnance d'expulsion a été rendue en conformité du paragraphe (1) de l'article 24 de la Loi sur l'immigration sans enquête supplémentaire,
(A) une copie de l'ordonnance d'expulsion, et
(B) le rapport de l'enquêteur spécial portant la signa ture de ce dernier; et
(iii) à l'égard d'un appel en vertu de l'article 17 de la Loi,
(A) la demande par écrit du répondant (sponsor),
(B) toute correspondance entre le Ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, le répondant et les personnes dont l'admission a été parrainée, et
(C) tous les rapports écrits des fonctionnaires à l'im- migration relatifs au refus d'approuver la demande d'admission parrainée et aux personnes dont l'admis- sion a été parrainée;
3. (2) L'avis d'appel doit b) indiquer si l'appelant
(ii) désire présenter par écrit à la Commission des argu ments ou des preuves, ou
(iii) ne désire faire aucune observation à la Commis sion, et
4. (1) Celui qui veut interjeter appel en vertu de l'article 11 de la Loi doit en donner avis à l'enquêteur spécial qui a présidé à l'enquête, à l'examen supplémentaire, ou à un fonctionnaire à l'immigration.
(4) Lorsqu'un avis d'appel est signifié à un fonctionnaire mentionné au paragraphe (1), celui-ci doit immédiatement
a) déposer auprès du registraire trois copies de l'avis d'appel et trois copies certifiées du dossier;
b) envoyer au Ministre une copie de l'avis d'appel et du dossier, et
c) envoyer à l'appelant une copie certifiée du dossier.
11. (1) Sauf lorsque les présentes Règles le stipulent autrement, dans tout appel, l'appelant ou l'intimé peut pré- senter verbalement ou par écrit à la Commission des argu ments ou des preuves relativement à tout ce qui a trait à l'appel, et sans restreindre la généralité de ce qui précède, peut aussi présenter de tels arguments ou preuves à l'égard de l'exercice par la Commission des pouvoirs discrétionnai- res qu'elle possède en vertu du paragraphe (1) de l'article 15 ou de l'article 17 de la Loi.
(2) Un appelant ou un intimé, qu'il se présente ou non en personne devant la Commission, a le droit, mais à ses propres frais, d'être représenté par un conseiller.
12. (1) Sauf lorsque les présentes Règles le stipulent autrement, tous les arguments et preuves présentés par écrit à la Commission par l'appelant, l'intimé et leurs témoins doivent être signés par leur auteur et doivent être appuyés d'un affidavit.
(2) Tous les arguments et preuves présentés verbalement par l'appelant, l'intimé et leurs témoins doivent être faits sous serment ou par le moyen d'une déclaration solennelle.
13. (1) Les parties à un appel peuvent faire entendre des témoins sous serment ou par le moyen d'une déclaration solennelle.
(2) Les dépenses d'un témoin sont à la charge de la partie qui l'a convoqué.
18. Si, au moment fixé pour l'audition de l'appel, aucune des parties n'est présente, ni aucune personne ne comparaît pour les représenter, la Commission peut étudier l'avis d'ap- pel et le dossier ainsi que les arguments et preuves écrits qui lui ont été faits au sujet de l'appel et rendre une décision.
J'ai résumé les dispositions des lois qui, à mon avis, influent sur la question de savoir si, lorsqu'il interjette appel d'une ordonnance d'ex- pulsion, l'appelant a le droit de présenter des preuves portant sur la validité de l'ordonnance d'expulsion; j'ai également cité les parties des règles de la Commission qui, à mon avis, portent sur cette question.
Ainsi qu'il ressort des remarques du président de la Commission, précitées, il semble que la position de la Commission sur cette question est que, vu qu'elle est une cour d'appel, elle ne reçoit pas de preuve portant sur le fond de l'ordonnance dont il est fait appel, à moins qu'elle n'ait pu être déposée devant l'enquêteur spécial. Cette opinion semble reposer sur l'idée
que le mot «appel» implique nécessairement l'examen d'une décision à partir du dossier constitué, devant le tribunal dont la décision est portée en appel. Cette opinion me semble dépourvue de fondement.
Le droit d'appel n'existe que s'il est prévu par une loi. (Voir Le procureur général c. Sillem, 10 H.L.C. 704.) Quand il y a un droit d'appel, il faut donc en déterminer la nature d'après les termes de la loi qui le crée.
A mon avis, le mot «appel», considéré en lui-même, signifie simplement (Wharton's Law Lexicon, 11 e éd.)
[TRADUCTION] l'examen de la décision d'un tribunal d'ins- tance inférieure par une cour supérieure aux fins d'en con- trôler le bien-fondé.
Dans notre système judiciaire, l'appel donne toujours lieu à une nouvelle audience. Dans chaque cas, il peut se poser la question de savoir si l'appel doit être décidé sur un dossier constitué en tout ou en partie devant la cour d'appel. Certains appels sont ordinairement décidés sur le dossier constitué devant le tribu nal d'instance inférieure.' Certains le sont uni- quement sur la preuve faite devant la cour d'ap- pel: c'est ce qu'on appelle parfois le procès de novo. 6 Dans d'autres cas, l'appel est décidé en partie sur le dossier du tribunal d'instance infé- rieure et en partie sur la preuve faite devant la cour d'appel?
Dans le cas d'une cour d'appel qui procède ordinairement sur le dossier constitué devant le tribunal d'instance inférieure, il arrive souvent qu'elle puisse recevoir d'autres éléments de preuve «pour des motifs particuliers». Dans ces cas, la cour d'appel soumet habituellement l'ad- missibilité de ces preuves à trois conditions préalables, savoir,
a) que les preuves n'aient pas été disponibles au procès, même en faisant diligence raisonnable,
b) que les preuves soient d'une nature telle que, si elles sont admises, elles sont suscepti- bles d'avoir une influence considérable sur l'issue de l'appel, et
c) que les preuves soient d'une nature telle qu'il y ait tout lieu de croire que la cour y
ajoutera foi ou, en d'autres termes, elles doi- vent être dignes de foi à première vue sans être nécessairement irréfutables.'
La Commission d'appel de l'immigration a apparemment considéré qu'en ce qui concerne la validité de l'ordonnance d'expulsion, elle est une cour d'appel qui doit décider l'appel sur le dossier du tribunal d'instance inférieure mais qui a le pouvoir discrétionnaire d'entendre des preuves supplémentaires «pour des motifs parti- culiers». Si cette proposition est exacte, la Com mission n'a pas commis d'erreur en refusant d'entendre des preuves sur la validité de l'or- donnance d'expulsion.
Contrairement à ce qu'on pourrait attendre, aucune disposition dans la loi ou les règles de la Commission n'apporte de réponse claire à la question soulevée en l'espèce. Ni la loi ni les règles ne contiennent de dispositions semblables à celles qu'on trouve dans la Loi sur la Cour suprême ou dans la Loi de l'impôt sur le revenu. La première prévoit que «l'appel a lieu sur le dossier soumis ...» (article 67); la seconde, en rendant les décisions de la Commission d'appel de l'impôt susceptibles d'appel devant la Divi sion de première instance de cette Cour (article 100(3)), prévoit que, sur production des pièces mentionnées, «l'affaire est réputée une action devant la Cour ... prête pour audition». Con- trairement à ces lois, la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration n'énonce aucune dispo sition expresse portant directement sur la ques tion, si ce n'est que la Commission a tous les pouvoirs de recevoir des preuves et que rien ne permet de croire que ces pouvoirs se limitent à l'exercice des pouvoirs discrétionnaires ou à l'admission d'éléments de preuve qui n'étaient pas disponibles à l'enquête devant l'enquêteur spécial. La Commission peut en outre ordonner à l'enquêteur spécial de recueillir des preuves additionnelles à son intention. Ces pouvoirs ne sont pas nécessairement incompatibles avec le point de vue de la Commission sur la question du droit de l'appelant de fournir des preuves, mais cette décision semble un peu difficile à expliquer vu qu'aucune limite n'est fixée à l'e- xercice de ces pouvoirs. Toutefois, à mon avis, plusieurs arguments permettent de conclure que la personne qui interjette appel d'une ordon-
nance d'expulsion devant la Commission d'ap- pel de l'immigration, a le droit de présenter des preuves sur les questions de fait influant sur le point de savoir si elle peut entrer au Canada, ou y demeurer si elle y est déjà.
En premier lieu, une ordonnance d'expulsion est une décision administrative rendue privé- ment par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions. Ce fonctionnaire doit procéder à une enquête et consigner par écrit les preuves qu'il reçoit sous serment. A mon avis, on ne peut pas présumer que le dossier qu'il constitue est com- plet et exact au même titre qu'on peut le faire lorsque le dossier résulte d'un débat contradic- toire devant un magistrat au cours d'une audience publique. A ma connaissance, chaque fois que le législateur prévoit un appel d'une décision administrative devant un tribunal judi- ciaire et que la validité de cette décision tient vraisemblablement à une question de faits, l'ap- pel prend la forme d'une nouvelle audience au cours de laquelle l'appelant a la possibilité de déposer des preuves. Je pense aux appels en matière de douane devant la Commission du tarif (voir l'article 5(2) et (13) de la Loi sur la Commission du tarif), en matière d'impôt sur le revenu devant la Commission de révision de l'impôt (celle-ci a toujours considéré, à ma con- naissance, que les parties avaient le droit de présenter des preuves relativement à la validité de la cotisation en cause) et en matière de marques de commerce (article 59(3) de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10). La situation est toutefois différente lors- que la question soulevée est d'une nature telle qu'elle est peu susceptible de donner lieu à un litige quant aux faits, par exemple, un appel d'une décision du commissaire des brevets en vertu de la Loi sur les brevets. De sérieux pro- blèmes résulteraient si le tribunal judiciaire chargé d'entendre un appel d'une décision admi nistrative d'un fonctionnaire devait trancher les questions de faits à la seule lumière du dossier établi par ce fonctionnaire; en conséquence, je suis d'opinion qu'il y a lieu de présumer, en l'absence d'indications contraires, que le législa- teur a eu l'intention de donner à l'appelant le droit de déposer des preuves devant le tribunal d'appel.
En second lieu, il se dégage, à mon avis, de l'examen des Règles de la Commission d'appel de l'immigration qu'elles confèrent le droit de déposer des preuves relatives à la validité de l'ordonnance d'expulsion. Il est exact que les preuves recueillies par l'enquêteur spécial font partie du «dossier» fourni à la Commission et aux deux parties (Règles 2f) et 4(4)) et que, du moins dans certains cas, elles peuvent servir de base à une décision (Règle 18). En soi, ces dispositions peuvent donner à penser que l'au- dience d'appel doit se limiter au dossier, bien que ce ne soit pas précisé. Toutefois, la Règle 13 permet expressément aux parties à un appel d'assigner des témoins. Cette disposition démontre suffisamment, à mon avis, que l'au- dience d'appel ne doit pas être exclusivement fondée sur les preuves fournies à l'enquêteur spécial. En outre, la Règle 11(1) permet aux parties de présenter «oral or written submis sions on any matter pertaining to the appeal».* A mon avis, ces «submissions» ne sont pas de simples «submissions» au sens les avocats emploient ordinairement ce mot savoir «des arguments soumis avec déférence», car, lorsque ces «submissions» sont déposées par écrit, elles doivent être appuyées d'affidavits (Règle 12(1)) et lorsqu'elles sont présentées verbalement «par l'appelant, l'intimé et leurs témoins», la per- sonne qui témoigne doit prêter serment ou faire la déclaration solennelle. Il se dégage nécessai- rement de ces dispositions que les «submis- sions» visées par les règles sont des moyens de présenter des preuves à la Commission et, comme je l'ai déjà indiqué, elles peuvent porter sur tout ce qui a trait à l'appel.
A mon avis, il existe un troisième motif qui nous permet de conclure que l'appel interjeté devant la Commission d'appel de l'immigration n'est pas un appel fondé sur le «dossier». En effet, même s'il est possible de concevoir que, dans le cas d'un appel d'une ordonnance d'ex- pulsion ordinaire, la première audience devant un tribunal judiciaire doit consister en une nou- velle audience fondée sur le «dossier», au sens des règles (Règle 2/)), qui contient au moins certains éléments de preuves, il n'est pas conce- vable que le législateur ait voulu que l'appel interjeté par une personne expulsée aux États- Unis en vertu de l'article 23(1) ou qu'un appel
interjeté par un «répondant» fasse l'objet d'une nouvelle audience fondée sur le «dossier» au sens des règles (Règle 2f)). Même s'il peut être possible de considérer que le «dossier», lorsqu'il y a eu «enquête» par un enquêteur spécial, justifie une audience d'appel devant un tribunal dûment constitué, la définition du terme dossier pour ces deux dernières catégories nous montre bien que l'appelant aurait très peu de chances d'obtenir le redressement qu'il recherche s'il devait se limiter à ce «dossier».
Il existe enfin un autre argument à l'appui de la conclusion voulant que l'appelant ait un droit absolu de présenter des preuves: la Commission a été constituée comme une -cour d'archives et elle a le pouvoir d'assigner des témoins et d'exi- ger qu'ils déposent sous serment. De plus, outre les pouvoirs que la Commission possède en matière d'appels en vertu de l'article 14, elle a, notamment, «compétence exclusive pour enten- dre et décider toutes questions de fait ou de droit, y compris les questions de compétence, qui peuvent se poser à l'occasion de l'établisse- ment d'une ordonnance d'expulsion» en vertu de l'article 22.
Ces arguments semblent indiquer que la per- sonne interjetant appel d'une ordonnance d'ex- pulsion a le droit de déposer des preuves qui éclaireront différemment les questions de fait auxquelles est subordonnée celle de savoir si elle a le droit d'entrer au Canada. En revanche, il y a une disposition de la Loi sur la Commis sion d'appel de l'immigration qui me cause quel- ques difficultés. Il s'agit de l'article 14 de la loi qui donne à la Commission le pouvoir de statuer sur l'appel prévu à l'article 11 en admettant l'appel, en le rejetant ou «en rendant l'ordon- nance que l'enquêteur spécial ... aurait pro- noncer et rendre». Cette disposition semble s'appliquer à une cour d'appel qui décide d'a- près la preuve faite devant le tribunal de pre- mière instance et semble indiquer qu'il s'agit du genre d'appel considéré. Toutefois, même lorsque l'appel doit être décidé sur le dossier du tribunal dont la décision est portée en appel, le tribunal d'appel a normalement le pouvoir de recevoir des preuves supplémentaires «pour des motifs particuliers». De plus, le texte de l'article 14 correspond à la formule habituellement
employée en pareilles circonstances pour définir les pouvoirs de décision d'un tribunal d'appel. Le texte de l'article 14 crée un doute dans mon esprit, mais je conclus que, chaque fois que la cour d'appel peut recevoir des preuves supplé- mentaires, qu'elle le fasse «pour des motifs par- ticuliers» ou dans le cours normal de la procé- dure, on doit interpréter le pouvoir de rendre la décision que le tribunal d'instance inférieure aurait rendre comme un pouvoir de rendre la décision que le tribunal d'instance inférieure aurait rendre s'il avait disposé de toutes les preuves versées au dossier du tribunal d'appel. Le texte de l'article 14 semble indiquer que l'appel doit être limité au dossier constitué devant le tribunal dont la décision est portée en appel, mais j'estime que cette considération ne l'emporte pas sur celles que j'ai déjà mention- nées comme produisant, à mon avis, l'effet contraire.
Pour ces raisons, je suis d'avis que la per- sonne qui interjette appel d'une ordonnance d'expulsion a le droit d'assigner des témoins et de présenter toutes preuves quelles qu'elles soient à l'audience devant la Commission d'ap- pel de l'immigration et que la Commission doit les recevoir dans la mesure elles sont perti- nentes et admissibles (tout en tenant dûment compte de l'article 7(2)c) de la Loi sur la Com mission d'appel de l'immigration) . 9
J'en viens maintenant à la question de savoir si l'appelant est fondé, en l'espèce, à obtenir un redressement par suite du refus de la Commis sion de recevoir des preuves relatives à la vali- dité de l'ordonnance d'expulsion. Je suis arrivé à la conclusion que la Commission, vu sa posi tion exposée dans le passage de la transcription déjà cité, a refusé d'entendre l'appel conformé- ment à la loi. L'appelant a, en conséquence, droit à une nouvelle audience. (Voir La Reine c. Marsham [1892] 1 Q.B. 371, rendue par le Lord chancelier Halsbury, à la p. 375.) A mon avis, donc, l'appel doit être accueilli. La décision de la Commission d'appel de l'immigration est annulée et le dossier est renvoyé à ladite Com mission pour qu'elle procède à une nouvelle audience, en tenant compte du droit strict des parties de présenter toute preuve pertinente et admissible relativement à la validité de l'ordon- nance d'expulsion.
Je vais maintenant examiner la deuxième question soulevée en l'espèce. Je la répète pour plus de commodité:
2. Est-il exact que l'appelant, lorsqu'il a réclamé le statut de non-immigrant devant la Commission d'appel de l'immigration, ne pou- vait invoquer que l'alinéa précis de l'article 7(1) de la Loi sur l'immigration dont i➢ avait été question au cours de l'enquête devant l'enquêteur spécial?
La partie de la décision de la Commission d'appel de l'immigration qui soulève cette ques tion est rédigée comme suit:
[TRADUCTION] Au cours de sa plaidoirie, Me Frith a cher- ché à amener la Cour à accueillir l'appel, aux motifs que l'appelant était un non-immigrant authentique ou, subsidiai- rement, à rendre la décision et l'ordonnance que l'enquêteur spécial aurait rendre conformément à l'article 14c) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, c'est-à-dire, admettre l'appelant à titre de non-immigrant authentique en vertu de l'un des quatre paragraphes de l'article 7(1) de la loi, savoir, l'article 7(1)e) (un membre d'un ordre religieux entrant au Canada relativement à l'exécution de ses devoirs religieux), article 7(I)g) (artiste, ou, comme le soulignait Me Frith, auteur de représentation d'un «caractère instructif»— la demande d'admission a justement été faite sous ce chef), article 7(1)h) (l'exercice temporaire au Canada d'un com merce ou d'une occupation légitime), ou l'article 7(1)i) (un emploi saisonnier ou temporaire).
Toutefois, dans le présent appel, toutes les preuves dépo- sées à l'enquête visaient à appuyer la demande d'admission que l'intéressé a présentée en qualité d'animateur pour une période de deux à trois ans, invoquant l'existence d'un «contrat”; ce document, ni du point de vue juridique ni même du point de vue du simple bon sens, ne saurait être considéré comme plus qu'une manifestation d'intérêt de la part de Stirling. Lorsqu'une personne cherche à entrer au Canada, un enquêteur spécial n'est pas tenu d'aller à la pêche dans tous les sous-alinéas de l'article 7(1) pour trou- ver une catégorie susceptible de convenir au non-immigrant éventuel. Il incombe à ce dernier de prouver qu'il est inclus dans la catégorie sur laquelle il s'appuie; l'article 26(4) de la Loi sur l'immigration prévoit que:
26. (4) Lors d'une enquête portant sur une personne qui cherche à entrer au Canada, il incombe à cette per- sonne de prouver qu'il ne lui est pas interdit d'entrer au Canada.
Srivastava cherche à entrer à titre d'animateur et, de l'avis de l'enquêteur spécial, il n'a pas réussi à se libérer de la charge qu'il avait de prouver qu'il était un non-immigrant authentique tombant dans cette catégorie.
A mon avis, la réponse à la deuxième ques tion est que l'appelant, lors d'un appel d'une ordonnance d'expulsion devant la Commission
d'appel de l'immigration, n'est pas tenu, lorsqu'il revendique le statut de non-immigrant, de se limiter à invoquer l'alinéa de l'article 7(1) dont il a été question devant l'enquêteur spécial. J'a- jouterai même que la loi et les règles n'empê- chent en rien la Commission d'appel de l'immi- gration de rendre justice conformément à la loi d'après les faits établis au moment l'appelant a demandé d'être admis au Canada. Je prends l'exemple d'un cas extrême: si un citoyen cana- dien résidant en Europe demande d'entrer au Canada en qualité de visiteur et que l'enquêteur spécial, ne sachant pas que le demandeur est un citoyen canadien, rende une ordonnance d'ex- pulsion contre lui au motif qu'il n'était pas un immigrant ou un non-immigrant authentique, je suis convaincu que, devant la Commission d'ap- pel de l'immigration, l'appelant aurait le droit d'établir les faits véritables et qu'en vertu du droit d'entrer au Canada que lui confère l'article 3(1) de la Loi sur l'immigration, il obtiendrait l'annulation de l'ordonnance d'expulsion. Je ne vois aucune différence entre ce cas et celui le demandeur aurait limité sa preuve et ses arguments devant l'enquêteur spécial à un seul des alinéas de l'article 7(1) et où, après avoir demandé conseil et réfléchi sérieusement, il aurait fait porter sa preuve et ses arguments devant la Commission sur un ou plusieurs autres alinéas de cet article. (Il est évidemment fort possible qu'une personne démontre ainsi qu'elle est incluse dans la catégorie interdite prévue à l'article 5(1)t) de la Loi sur l'immigration parce qu'elle n'a pas donné une réponse «véridique» aux questions que le fonctionnaire à l'immigra- tion lui a posées ainsi que l'exige l'article 19(2) de cette loi.) Je ne vois aucun rapport entre cette question et l'article 26(4), qui met le far- deau de la preuve à la charge de la personne qui cherche à entrer au Canada. La charge de la preuve signifie simplement qu'en l'absence de preuve sur une question donnée, celle-ci doit être tranchée d'une manière défavorable à l'inté- ressé. Elle ne limite aucunement l'étendue des questions à l'égard desquelles l'intéressé peut déposer des preuves en appel. En outre, quand des preuves sont déposées à l'appui d'une ques tion qui n'a pas encore été soulevée, la Commis sion a le devoir de s'assurer qu'il y a eu une
audience équitable et doit donc s'assurer que l'intimé a, si ce n'est pas encore fait, une possi- bilité raisonnable de s'y préparer.
Sur cette question, il semble nécessaire de s'étendre un peu sur la déclaration suivante de la Commission qui fait partie de l'extrait des motifs que j'ai déjà cité [TRADUCTION] «un enquêteur spécial n'est pas tenu d'aller à la pêche dans tous les sous-alinéas de l'article 7(1) pour trouver une catégorie susceptible de con- venir au non-immigrant éventuel», vu qu'à mon avis, cette déclaration est fondée sur une con ception erronée de la nature des fonctions de l'enquêteur spécial. Un enquêteur spécial n'est pas un magistrat qui statue sur les questions qui sont soumises avec ou sans formalité spéciale au cours d'une procédure contradictoire. Comme je l'ai déjà indiqué, l'enquêteur spécial est, à mon avis, un fonctionnaire du ministère qui exécute des fonctions purement administra- tives même si celles-ci consistent en partie à prendre des décisions soumises à un processus quasi judiciaire. Sous réserve de certaines exceptions, il faut admettre au Canada tout non- immigrant, c'est-à-dire toute personne visée par l'un quelconque des alinéas de l'article 7(1). Lorsqu'une personne (autre qu'un citoyen reve- nant au Canada ou un résident du Canada ou un immigrant) désirant être admise au Canada, ne relève pas clairement d'un tel alinéa, de l'avis du fonctionnaire à, l'immigration devant lequel elle comparaît en premier lieu, un enquêteur spécial procède à une enquête plus approfondie pour établir s'il relève en fait de l'un de ces alinéas. On n'a cité à la Cour aucune disposition relative à une demande écrite. Rien ne nous permet de croire que la personne qui désire entrer au Canada, est censée connaître la loi ou les règle- ments. Elle doit donner des réponses véridiques. Quand le fonctionnaire a été mis au courant, il décide si la personne relève de l'un quelconque des alinéas de l'article 7(1). Normalement, une fois que le fonctionnaire connaît les faits, il verra clairement si le demandeur relève d'un alinéa donné ou s'il ne tombe sous aucun d'eux. A l'occasion, il peut être appelé à considérer plusieurs de ces alinéas. Il n'en reste pas moins que l'enquêteur spécial connaît la loi, alors que, dans la plupart des cas, la personne qui désire entrer au Canada, l'ignore totalement. A mon
avis, le fonctionnaire a le devoir de chercher à savoir pourquoi la personne qui présente une demande d'admission désire entrer au Canada et, en se fondant sur les déclarations de celle-ci et sur les faits qu'il peut par ailleurs vérifier, de décider s'il s'agit d'un non-immigrant relevant de l'un quelconque des alinéas de l'article 7(1) de la Loi sur l'immigration.
Je suis donc d'avis qu'il y a lieu d'inclure dans la décision de cette Cour renvoyant l'affaire devant la Commission pour nouvelle audience, une directive portant que, lors de la nouvelle audience, l'appelant n'est pas tenu de limiter ses prétentions au fait qu'il est un non-immigrant en vertu de l'article 7(1)g).
La troisième question soulevée par cet appel, comme je l'ai déjà dit, est la suivante:
3. L'appelant avait-il le droit d'exiger que la Commission d'appel de l'immigration révise la décision de l'enquêteur spécial portant que l'appelant n'était pas, à son avis, un non- immigrant authentique (et que, par suite, il était membre de la catégorie interdite visée à l'article 5p) de la Loi sur l'immigration)? Ou, faut-il dire plutôt qu'une pareille décision peut être attaquée uniquement si l'opinion de l'en- quêteur spécial n'était fondée sur aucune preuve ou si cette opinion était fondée sur un principe erroné?
Pour trancher cette question, il est nécessaire d'étudier l'effet de l'article 5p) de la Loi sur l'immigration qui se lit ainsi:
5. Nulle personne, autre qu'une personne mentionnée au paragraphe 7(2), ne doit être admise au Canada si elle est
membre de l'une des catégories suivantes:
p) les personnes qui, suivant l'opinion d'un enquêteur spécial, ne sont pas des immigrants ou non-immigrants
authentiques;
Voici l'extrait des motifs de la Commission qui soulève cette question dans la présente affaire:
[TRADUCTION] Il convient de souligner que l'article 5p) de la loi est l'un des rares articles qui mentionnent expressé- ment l'opinion de l'enquêteur spécial; en d'autres mots, il a un pouvoir discrétionnaire. Il est constant en droit que lorsqu'il y a un appel devant un tribunal judiciaire d'une
décision fondée sur la discrétion ou l'opinion, le tribunal d'appel ne peut substituer sa propre décision à celle du tribunal d'instance inférieure—même si, d'après la même preuve, il aurait rendu une décision différente—à moins que la décision du tribunal d'instance inférieure ait été fondée sur un principe erroné ou que, d'après la preuve, elle ait été manifestement erronée. Dans l'affaire Lonnie Verne Woods, 1970, 1 A.I.A. 1, cette Cour a décidé à la page 12:
A l'article 5p) de la Loi sur l'immigration les mots «suivant l'opinion d'un enquêteur spécial» sanctionnent indubitablement l'attribution d'un pouvoir discrétionnaire à l'enquêteur spécial; et si le dossier contient clairement des éléments permettant d'étayer semblable opinion, la Cour ne saurait substituer son opinion à celle exprimée par l'enquêteur spécial, même si la Cour est en désaccord avec la décision prise par lui.
Peut-on dire en l'espèce que l'enquêteuse spéciale a commis une erreur manifeste d'après la preuve devant lui? Les critères permettant de déterminer l'authenticité d'un immigrant sont établis depuis longtemps. (Vela c. Le minis- tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, 1970, II A.I.A. I11). Bien que Srivastava ait pu établir qu'il répondait à certains de ces critères, on doit dire que, d'après la preuve devant elle, l'enquêteuse spéciale était justifiée de décider que ce dernier ne répond pas aux deux premiers critères énoncés dans l'affaire Vela, savoir:
a) Elle est une personne qui est membre de l'une quelcon- que des catégories visées à l'article 7, paragraphes I et 2 de la Loi sur l'immigration.
b) Elle cherche à entrer au Canada dans un but légitime et temporaire, et elle est à même de l'établir.
En ce qui concerne le premier critère, l'appelant n'a pas réussi à établir qu'il désirait (de bonne foi) entrer à titre d'animateur ou de présentateur de «démonstrations» d'un «caractère instructif». Le simple fait que la demande d'en- trée porte sur une période de deux à trois ans jette certains doutes sur sa bonne foi à cet égard et les termes imprécis des documents qu'il présente comme étant un «contrat» n'inspirent confiance à personne quant à l'authenticité de son futur emploi.
Quant au deuxième critère, la preuve relative à une demande antérieure de résidence permanente au Canada, lue en corrélation avec son témoignage (du procès verbal de l'enquête, page 12):
Q. Qu'avez-vous l'intention de faire à l'expiration de votre contrat?
R. J'aimerais rentrer aux Indes et continuer à travailler dans ce domaine.
Q. Avez-vous l'intention de déposer une demande de résidence permanente au Canada?
R. Pas exactement, pas en ce moment; je ne sais pas ce que l'avenir me réserve.
suffit à confirmer l'opinion de l'enquêteuse spéciale, savoir que Srivastava n'est pas un non-immigrant authentique et qu'il cherchait à entrer au Canada à titre de non-immigrant mais avec la véritable intention d'y rester en tant qu'immigrant.
Il y a donc lieu de conclure que la décision de l'enquê- teuse spéciale est fondée sur des éléments de preuve et
qu'elle n'a pas été rendue sans preuve ou sans qu'il soit tenu compte de la preuve, et qu'elle n'est pas, non plus, fondée sur un principe erroné.
A mon avis, le bien-fondé de la décision de la Commission tourne autour de la question de savoir si l'expression «suivant l'opinion d'un enquêteur spécial» vise, comme la Commission semble l'avoir pensé, à conférer à l'enquêteur un certain pouvoir discrétionnaire ou si elle n'est qu'un simple rappel du fait que c'est ce fonctionnaire qui est le premier à déterminer si la personne qui désire entrer au Canada est réellement (de bonne foi), comme elle le pré- tend, un «immigrant» ou un «non-immigrant». A mon avis, la jurisprudence résout la question. Je ne vois aucune différence entre le droit qu'a l'appelant de faire examiner par la Commission d'appel de l'immigration une décision que l'en- quêteur spécial prend en vertu de l'article 5p) et celui qu'il a de faire examiner de la même façon une décision que le fonctionnaire à l'immigra- tion prend en vertu de la Règle 34(3)f). Aux termes de la Règle 34(3), l'une des conditions d'admission en résidence permanente est que le fonctionnaire à l'immigration doit être d'«avis» que le demandeur aurait été admis au Canada s'il avait subi l'examen hors du Canada. La Commission d'appel de l'immigration a consi- déré que l'opinion du fonctionnaire à l'immigra- tion n'est susceptible d'être examinée ni par l'enquêteur spécial, ni par la Commission d'ap- pel de l'immigration elle-même, à moins qu'elle soit manifestement erronée. Cependant, dans l'affaire Gana c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1970] R.C.S. 699, la Cour suprême du Canada a décidé qu'une telle déci- sion devait être examinée tant par l'enquêteur spécial que par la Commission. J'estime que la ratio de cet arrêt 10 implique également que la Commission d'appel de l'immigration doit exa miner une décision que l'enquêteur spécial prend en vertu de l'article 5p).
Je suis donc d'avis que l'ordonnance ren- voyant la question à la Commission pour nou- velle audience doit contenir une directive por- tant que la Commission doit réexaminer, d'après la preuve, la question de savoir si l'appelant est une personne qui n'est pas un immigrant ou un non-immigrant authentique au sens de l'article 5p).
Vu les conclusions qui précèdent, il y a lieu de statuer comme suit:
«L'appel est accueilli; la décision de la Com mission d'appel de l'immigration rejetant l'ap- pel interjeté par l'appelant d'une ordonnance d'expulsion rendue contre lui le 26 avril 1972 est annulée; l'affaire est renvoyée à la Com mission d'appel de l'immigration qui devra réentendre l'appel en prenant pour acquis que:
a) les parties ont le droit d'introduire des preuves pouvant influencer la validité de l'ordonnance d'expulsion:
b) en demandant le statut de non-immi grant, l'appelant n'est pas limité à invoquer l'alinéa de l'article 7(1) de la Loi sur l'immi- gration dont il a été question devant l'en- quêteur spécial; et
c) la question de savoir si l'appelant est une personne qui n'était pas un immigrant ou non-immigrant authentique au sens de l'arti- cle 5p) de la Loi sur l'immigration doit être tranchée d'après la preuve».
* * *
LE JUGE THURLOW—Je souscris aux motifs du juge en chef.
* *
LE JUGE SUPPLÉANT CAMERON —Je souscris aux motifs du juge en chef.
' On a aussi déposé une demande en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, mais ce recours me semble purement théorique.
Dans cette première partie, les textes auxquels je me réfère, sont, à moins d'indication contraire, tirés de la Loi sur l'immigration. L'interprétation de la Loi sur l'immigra- tion pose certains problèmes, dus en partie au fait qu'elle n'est pas rédigée suivant une technique uniforme. Quelque- fois, les règles de procédure sont rédigées de telle manière qu'elles sont, en fait, de véritables règles de fond. Voir, par exemple, l'article 27(2)b). D'autres fois, comme on pourra le constater, les règles de fond sont indépendantes de la procé- dure, quelle que soit la rédaction de l'article en cause.
Tout fonctionnaire à l'immigration peut faire prêter ser- ment (article 10(4)) et a le droit de poser des questions à toute personne demandant d'être admise au Canada (article 19(2)). Un enquêteur spécial a les pouvoirs d'un commis- saire en vertu de la Partie I de la Loi sur les enquêtes. Il peut convoquer des témoins, faire prêter serment, émettre des
commissions en vue de recueillir des témoignages, retenir les services d'avocats, de commis, de sténographes et de toutes autres personnes et accomplir tous autres actes nécessaires à une enquête complète (article 11(3)).
4 Sauf indication contraire, les numéros d'articles ren- voient à la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration.
Par exemple, voir l'article 67 de la Loi sur la Cour suprême qui prévoit notamment que «l'appel a lieu sur un dossier soumis par les parties ... et le dossier contient le jugement dont il est appel et telles parties des plaidoiries écrites, de la preuve ... et des documents qui sont nécessai- res pour soumettre la question à la décision de la Cour ...».
a Par exemple, les appels sur déclaration sommaire de culpabilité en vertu du Code criminel et les appels en matière d'impôt devant la Division de première instance de cette Cour.
7 Comparez avec l'article 56(5) de la Loi sur les marques de commerce qui prévoit que, lors d'un appel, il peut être apporté une preuve «en plus de celle qui a été fournie devant le registraire».
De nos jours, les tribunaux n'insistent pas toujours sur ces conditions. Voir la dissidence du juge Pigeon dans l'arrêt Podlaszecka c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immi- gration, (1972) 23 D.L.R. (3e éd.) 331, à la p. 334.
* Il est préférable de reprendre ici le texte anglais. Autre- ment, cette discussion devient superflue vu que le texte français est plus explicite et rend «submissions» par «argu- ments ou ... preuves».
9 Je m'abstiens d'exprimer quelque opinion sur l'effet que la Commission d'appel de l'immigration peut faire produire aux preuves présentées à l'enquêteur spécial (ces preuves sont à la disposition de la Commission comme partie du «dossier») lorsque d'autres preuves sont déposées devant elle. Quand aucune preuve supplémentaire n'est déposée, le dossier produit parfois certains effets en vertu de l'article 18. Quand des preuves «supplémentaires» sont présentées à la Commission, ou à l'un de ses membres, ou en vertu de l'article 13, il est possible de soutenir que la Commission doit prendre la meilleure décision possible eu égard à l'en- semble de la preuve. Il est reconnu que ceci a soulevé des problèmes. (Par exemple, quelle décision la Commission doit-elle rendre lorsque les preuves présentées à l'enquêteur spécial et celles qu'on a déposées devant elle sont contradic- toires?) On peut également considérer que, lorsque l'appe- lant présente des preuves à la Commission, cette preuve doit être suffisante pour renverser la présomption de validité de l'ordonnance d'expulsion. Il existe d'autres solutions. Sans aucun doute, il serait certainement souhaitable que les règles résolvent cette question. En attendant, il me semble difficile de croire que cette question soit, en pratique, une source constante de difficultés. Dans le cas contraire, toutefois, cette question devra être tranchée à la lumière des circon- stances particulières à chaque cas.
1 ° Voir le jugement du juge Spence à la p. 710: « .. l'étendue de la compétence de l'enquêteur spécial et de la Commission d'appel de l'immigration me porte à conclure que la totalité de la décision du fonctionnaire à l'immigration est sujette à révision et à réformation nonobstant les mots utilisés au début du par. (3) ou de l'art. 34 du Règlement».
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