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Darryle Reed Sedore (Demlandeur) c.
Le Commissaire des pénitenciers et le surinten- dant du pénitencier de Collin's Bay (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Kerr— Toronto, le 9 mai; Ottawa, le 15 juin 1972.
Emprisonnement—Pénitenciers—Prisonnier condamné au pénitencier pour avoir résisté à une arrestation—Doit-on estimer que la peine indéterminée pour des infractions anté- rieures n'a pas été imposée—Code criminel, art. 659(5) et (6).
Le 22 septembre 1971, S a été déclaré coupable de vol qualifié et condamné à une période déterminée de deux ans moins un jour d'emprisonnement et à une période indéter- minée de deux ans moins un jour. Le 26 octobre 1971, il a été déclaré coupable d'avoir échappé à la garde légale et condamné à purger neuf mois au pénitencier de Kingston, s'ajoutant à la peine déjà imposée. Le même jour, il a été déclaré coupable d'avoir résisté à une arrestation et con- damné à six mois consécutifs. Il a été incarcéré au péniten- cier. Il cherche à obtenir un jugement déclaratoire portant qu'en vertu de l'article 659(6) du Code criminel, on doit considérer que la partie indéterminée de sa peine pour vol qualifié n'a pas été imposée.
Arrêt: sa demande est rejetée. Étant donné que S n'avait pas été transféré au pénitencier en vertu de l'article 137 du Code criminel, l'article 659(5) et (6) ne s'appliquait pas.
Arrêts mentionnés: Re Weston [1972] 1 O.R. 342; Ex Parte Simoneau [1971] 2 O.R. 561.
REQUÊTE visant à obtenir un jugement déclaratoire.
M. J. Bernstein pour le demandeur. T. W. Caskie pour les défendeurs.
LE JUGE KERR—Il s'agit d'une demande pré- sentée pour le compte du demandeur par avis de requête, et visant à obtenir un jugement déclaratoire portant que le demandeur purge une peine d'une durée de trois ans, deux mois et vingt-sept jours à compter du 22 septembre 1971 et qu'on doit considérer que la partie indéterminée de sa peine pour vol qualifié, datée du 22 septembre 1971, n'a pas été impo sée. En bref, le demandeur cherche à obtenir la suppression d'une peine indéterminée de deux ans moins un jour.
L'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale est rédigé ainsi:
18. La Division de première instance a compétence exclusive en première instance
a) pour émettre une injonction, un bref de certiorari, un bref de mandamus, un bref de prohibition ou un bref de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire, contre tout office, toute commission ou tout autre tribu nal fédéral; et
b) pour entendre et juger toute demande de redressement de la nature de celui qu'envisage l'alinéa a), et notamment toute procédure engagée contre le procureur général du Canada aux fins d'obtenir le redressement contre un office, une commission ou un autre tribunal fédéral.
La Règle 603 permet qu'une demande faite en vertu de l'article 18 de la Loi soit introduite par une requête.
L'affidavit déposé pour le demandeur à l'ap- pui de sa demande indique que:
(1) Le 22 septembre 1971, à Toronto, le magistrat H. D. Foster a reconnu le demandeur coupable de vol qualifié et l'a condamné à une période déterminée de deux ans moins un jour d'emprisonnement et à une période indétermi- née de deux ans moins un jour;
(2) Le 26 octobre 1971, il a été déclaré cou- pable d'avoir échappé à la garde légale du Bur- wash Correctional Centre et a été condamné à purger une peine de neuf mois au pénitencier de Kingston, à la suite de la peine déjà imposée. Le même jour, il a été déclaré coupable de voies de fait exercées dans le but de résister à une arrestation légale et a été condamné à purger une autre peine de six mois consécutifs;
(3) Le 8 décembre 1971, il a été déclaré coupable d'introduction par effraction et a été condamné à purger une peine d'un an, avec confusion de peine avec celles présentement purgées;
(4) Par suite desdites condamnations, il est incarcéré au pénitencier de Collin's Bay; et
(5) En réponse à une demande de son avocat, le Service pénitenciaire du Canada a communi- qué par écrit, en date du 14 mars 1972, les renseignements suivants:
[TRADUCTION] Ce détenu purge actuellement une peine simple de 5 ans, 2 mois et 28 jours à compter du 22 septembre 1971 (soit 1,916 jours). Vous trouverez ci-joint les photocopies des quatre mandats de dépôt que vous aviez demandés dans votre lettre.
La partie indéterminée de la peine pour vol qualifié, imposée le 22 septembre 1971, doit être purgée par suite de la condamnation du 26 octobre 1971 neuf mois consécu- tifs pour avoir échappé à une garde légale. Ceci est l'inter-
prétation du droit applicable que nous fournit notre service juridique.
Les articles 137 et 659 du Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, qui s'appliquent en l'es- pèce sont rédigés ainsi:
137. (1) Un individu qui s'évade pendant qu'il purge une sentence d'emprisonnement est, après avoir subi toute peine à laquelle il est condamné pour cette évasion, tenu de purger la partie de sa sentence à laquelle il n'avait pas satisfait lors de son évasion.
(2) Pour l'application du paragraphe (1), la partie de la sentence d'un individu, à laquelle il n'avait pas satisfait lors de son évasion, doit être purgée
a) dans la prison d'où l'évasion s'est produite, s'il n'est pas infligé d'emprisonnement pour l'évasion; ou
b) dans la prison à laquelle il est condamné pour l'évasion si une peine d'emprisonnement est infligée à l'égard de l'évasion.
(3) Lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonne- ment pour une évasion, elle peut, aux fins du présent article, être condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier ou dans la prison d'où l'évasion s'est produite, que l'emprison- nement soit pour moins de deux ans ou pour deux ans ou plus.
659. (1) Sauf lorsqu'il y est autrement pourvu, une per- sonne qui est condamnée à l'emprisonnement
a) à perpétuité,
b) pour une durée de deux ans ou plus, ou
c) pour deux périodes ou plus de moins de deux ans chacune, à purger l'une après l'autre et dont la durée totale est de deux ans ou plus,
doit être condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier.
(2) Lorsqu'une personne condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier est, avant l'expiration de cette sentence, condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, elle doit être condamnée à purger cette dernière sentence dans un pénitencier, mais si la sentence antérieure d'emprisonne- ment dans un pénitencier est annulée elle doit purger l'autre conformément au paragraphe (3).
(3) Lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonne- ment et qu'il n'est pas requis de la condamner comme le prévoit le paragraphe (1) ou (2), elle doit, à moins que la loi ne prescrive une prison spéciale, être condamnée à l'empri- sonnement dans une prison ou autre lieu de détention de la province elle est déclarée coupable, autre qu'un péniten- cier, la sentence d'emprisonnement peut être légalement exécutée.
(4) Lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonne- ment dans un pénitencier pendant qu'elle est légalement emprisonnée dans un autre endroit qu'un pénitencier, elle doit, sauf lorsqu'il y est autrement pourvu, être envoyée immédiatement au pénitencier et y purger la partie inexpirée de la période d'emprisonnement qu'elle purgeait lorsqu'elle a été condamnée au pénitencier, ainsi que la période d'em- prisonnement pour laquelle elle a été condamnée au pénitencier.
(5) Lorsque à un moment quelconque, une personne qui est emprisonnée dans une prison ou un lieu de détention autre qu'un pénitencier est condamnée à purger, l'une après l'autre, deux ou plusieurs périodes d'emprisonnement, cha- cune de moins de deux ans, et que l'ensemble des parties non expirées de ces périodes à ce moment est de deux ans ou plus, elle doit être transférée dans un pénitencier pour purger ces périodes; mais si l'une ou plusieurs de ces périodes sont annulées et si l'ensemble des, parties non expirées de la ou des périodes qui restaient le jour la personne a été transférée en vertu du présent article était de moins de deux ans, elle doit purger cette période ou ces périodes en conformité du paragraphe (3).
(6) Aux fins du présent article, lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonnement pour une période détermi- née suivie d'une période indéterminée, une telle sentence est censée être pour une période de moins de deux ans et seule la période déterminée de cette sentence doit être prise en compte pour déterminer s'il est requis de condamner la personne à être emprisonnée dans un pénitencier ou à être transférée dans un pénitencier en vertu du paragraphe (5); et lorsqu'une telle personne est ainsi condamnée ou transfé- rée, la partie indéterminée de sa sentence est, à toutes fins, censée ne pas avoir été imposée.
C'est un jugement déclaratoire modifiant les dossiers du Service pénitenciaire que le deman- deur cherche à obtenir pour effacer la sentence indéterminée de deux ans moins un jour impo sée le 22 septembre 1971. Son avocat a soutenu qu'en vertu de l'article 659(6) (susmentionné), la partie indéterminée de sa sentence est censée ne pas avoir été imposée. L'avocat des défen- deurs a soutenu que l'article 659(6) ne s'appli- que pas au demandeur car c'est en vertu de l'article 137(3) qu'il a été condamné à l'empri- sonnement dans un pénitencier. Il aurait donc été placé au pénitencier en raison de cette con- damnation et non par suite du jeu de l'article 659. Il a aussi soutenu qu'en vertu de l'article 137(1), le demandeur doit purger le restant des sentences qu'il n'avait pas purgées avant son évasion après avoir subi la peine à laquelle il a été condamné pour cette évasion et que le demandeur, ayant été condamné au pénitencier en vertu de l'article 137(1) et (3), n'avait pas été transféré à un pénitencier au sens de l'article 659(5) et qu'il n'avait pas été «ainsi condamné ou transféré» au sens de l'article 659(6).
Les articles 137 et 659 ont été examinés dans l'affaire Re Weston [1972] 1 O.R. 342. Dans son arrêt, le juge Wilson, après avoir énuméré les peines imposées à l'accusé de la manière suivante la p. 343):
[TRADUCTION] La requérante, qui naquit le 27 août 1949, a été condamnée le 3 décembre 1969 à neuf mois indétermi- nés pour infraction aux règles de la probation. A ce moment-là, elle tombait sous le coup d'une ordonnance de probation d'une durée de deux ans pour vol à main armée. Le 19 février 1970, elle a été condamnée à une sentence indéterminée de 12 mois consécutifs pour trafic d'une drogue contrôlée. Le 24 mars 1970, elle a été condamnée à une période déterminée de deux ans pour avoir échappé à la garde légale d'une institution provinciale. Le 26 mars 1970, elle a été transférée au pénitencier de Kingston et envoyée à la Prison des femmes à Kingston. Le 27 avril 1970, elle a été condamnée à deux ans consécutifs pour introduction par effraction et vol. Il s'agissait d'un délit commis quelque temps auparavant.
déclarait, aux pages 343 et 344:
[TRADUCTION] La requérante soutient qu'en vertu des dispositions du Code criminel, 1953-54, c. 51, art. 634(5) et (6) (abrogé et remplacé par 1968-69, c. 38, art. 74(2) (actuellement S.R.C. 1970, c. C-34, art. 659), elle est en droit de faire radier de son casier judiciaire la partie indéter- minée de sa sentence et qu'elle ne devrait purger que la partie déterminée de la période d'emprisonnement qu'on lui a imposée.
A mon avis, le par. (5) ne s'applique pas à cette jeune femme, en particulier parce qu'elle n'a pas été transférée d'une institution provinciale au Pénitencier de Kingston en vertu du par. (5). Elle y a été envoyée à la suite d'une peine d'emprisonnement de deux ans, qui lui a été imposée pour évasion de l'endroit elle purgeait sa peine dans une institution provinciale. Ceci entraîne nécessairement son emprisonnement dans un pénitencier.
En outre, le par. (6) ne s'applique pas à ce cas car, au moment elle s'est évadée, elle purgeait une peine indéter- minée de neuf mois et elle était condamnée à 12 mois indéterminés pour trafic d'une drogue contrôlée. La combi- naison de la période de neuf mois indéterminée pour laquelle elle a été condamnée le 3 décembre 1969 et des 12 mois par suite de la condamnation du 19 février 1970 ne font pas un total de deux ans ou plus: voir le par. (1).
Toutefois, si elle est en droit de se prévaloir du par. (6), alors elle est soumise aux dispositions de l'art. 129 (mainte- nant l'art. 137) du Code criminel. Le 24 mars 1970, elle a été condamnée pour évasion, en vertu de l'art. 125 (mainte- nant l'art. 133) du Code criminel. A mon avis, l'art. 129(1) s'applique particulièrement en l'espèce. Son but est d'avoir un effet préventif contre l'évasion des personnes sous garde.
Dans l'affaire Ex Parte Simoneau [1971] 2 O.R. 561, la Cour d'appel a traité une affaire dans laquelle l'intimé a été reconnu coupable d'une infraction alors qu'il était sous libération conditionnelle et a été condamné à une autre période déterminée de deux ans moins un jour et une période indéterminée de six mois; sa libération conditionnelle ayant été annulée, il a été renvoyé au pénitencier conformément à la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus, pour y purger les deux périodes. A la fin de la période déterminée, il a intenté une action pour être relâché du pénitencier aux motifs qu'en vertu de l'article 634(6) (l'actuel article 659(6)) du Code criminel, la partie indéterminée de sa sentence était censée ne pas avoir été imposée. La Cour a jugé qu'il n'avait pas été condamné au pénitencier ni transféré dans ce dernier en vertu de l'article 634, mais qu'il purgeait une peine d'emprisonnement conformément à la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et qu'en conséquence, l'article 634(6) ne s'appli- quait pas. Le juge Jessup déclarait, à la page 567:
[TRADUCTION] «Ainsi condamné» à la fin dudit paragraphe doit signifier soit «... condamné à l'emprisonnement pour une période déterminée suivie d'une période indéterminée
.», comme on l'a exposé précédemment dans le paragra- phe, ou condamné conformément à l'art. 634, tel que modi- fié, c'est-à-dire, en vertu du par. (1) de l'art. 634.
«Ainsi transféré» à l'art. 634(6) du Code criminel, tel que modifié, doit signifier transféré conformément au par. (5) de l'art. 634. Mais l'intimé n'a jamais été «... condamné à purger, l'une après l'autre, deux ou plusieurs périodes d'em- prisonnement ...» au sens de ce paragraphe. Il n'a pas reçu de sentence consécutive le 5 juillet 1968 et, comme on l'a mentionné, il est condamné à une seule période d'emprison- nement prévue à l'art. 17(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, telle que modifiée.
J'estime que l'article 137 est une disposition spéciale ayant pour but de décourager les éva- sions des personnes sous garde et qu'elle s'ap- plique en particulier dans la présente affaire. J'estime en outre qu'il faut lire le paragraphe (6) de l'article 659, qui se rapporte expressément à cet article, dans ce contexte et que le deman- deur n'est pas une personne «ainsi condamnée ou transférée» au sens de ces mots à l'article 659(6). En conséquence, on ne peut pas dire que la partie indéterminée de sa sentence est censée ne pas avoir été imposée.
La demande de jugement déclaratoire du demandeur est rejetée.
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