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La Reine (Demanderesse) c.
Sun Parlor Advertising Company, Warren Parr et Adelaide Benton (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Urie— Windsor, le 16 octobre; Ottawa, le 22 octobre 1973.
Douanes—Omission de déclarer des effets importés au préposé des douanes—Confiscation automatique—Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40, art. 180, 205.
Entre 1968 et 1970, les défendeurs ont importé des États- Unis à diverses reprises du matériel photographique à Wind- sor (Ontario), en automobile. Ils n'ont jamais remis aux receveurs du bureau des douanes de rapports écrits sur les effets importés. Ils furent autorisés chaque fois à passer sans payer de droits. En fait, les effets étaient passibles de droits.
Arrêt: les effets n'ont pas été «passés en contrebande ou introduits clandestinement au Canada» au sens de l'article 192 de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40, mais leur confiscation s'impose automatiquement en vertu de l'article 180, pour défaut de présentation d'un rapport écrit sur ces effets au préposé des douanes et, en vertu de l'article 205, pour possession d'effets illégalement importés.
Arrêts mentionnés: Le Roi c. Bureau [1949] R.C.S. 367;
Marun et Minogue c. La Reine [1965] 1 R.C.É. 280.
ACTION. AVOCATS:
Paul Evraire pour la demanderesse. J. G. Quinn pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Bondy, Kirwin & Associates, Windsor, pour les défendeurs.
LE JUGE URIE—Il s'agit d'une demande, formée au nom de la demanderesse, pour obte- nir le paiement par les défendeurs de la somme de $2122.03, conformément aux dispositions de la Loi sur les douanes. Cette somme représente la valeur, après acquittement des droits, des effets importés des États-Unis par les défen- deurs entre le l er août 1969 et le 20 novembre 1970. La demanderesse réclame en outre le
paiement de $199.14, représentant les droits payables sur les effets importés des États-Unis par les défendeurs entre le 26 juin 1968 et le 30 juillet 1969.
Un exposé des faits admis par les parties a été déposé au dossier, et son résumé permettra d'énoncer brièvement les points en litige.
Durant toute la période qui nous intéresse, soit du 26 juin 1968 au 20 novembre 1970, les défendeurs, Warren Parr et Adelaide Benton, étaient associés dans la Sun Parlor Advertising Company, entreprise d'imprimerie titulaire d'une licence de fabricant, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, et établie dans la ville de Wind- sor (Ontario). Le 2 octobre 1964, le défendeur Warren Parr, au nom de la Sun Parlor Adver tising Company, demanda par écrit au ministère du Revenu national, douanes et accise, de déter- miner si les plaques d'impression en offset, en métal ou en papier, ainsi que les produits chimi- ques utilisés avec ces plaques et la pellicule en feuilles, pouvaient être importés des États-Unis au Canada francs de tout droit. Le ministère envoya un accusé de réception de cette lettre le 16 octobre 1964 et, le 23 octobre 1964, J. B. Finn, au nom du ministère, écrivit une lettre à la Sun Parlor Advertising Company, à l'intention du défendeur Parr, dont voici un passage:
[TRADUCTION] Afin de vous donner un avis définitif sur la question, le ministère a besoin des documents publiés par le fabricant et décrivant la nature et la fonction des plaques d'impression en offset et de la pellicule en feuilles. En ce qui concerne les produits chimiques, le ministère a besoin des documents établissant leur composition; à défaut de tels documents, vous devez envoyer au ministère des échantil- lons clairement identifiés des produits chimiques que vous vous proposez d'importer.
Le 6 janvier 1965, Parr répondit à la lettre de Finn par la suivante:
[TRADUCTION] Suite à votre lettre du 23 octobre 1964, nous vous envoyons les documents et les renseignements que vous nous avez demandés.
Veuillez trouver ci-joint les documents publiés par le fabri- cant, donnant une description de la nature et de la fonction des plaques d'impression en offset et de la pellicule en feuilles.
Vous trouverez ci-joint des spécimens des différents jour- naux et livres scolaires que nous nous proposons d'imprimer avec les fournitures énumérées ci-dessus.
Veuillez nous faire savoir si vous désirez des renseigne- ments supplémentaires concernant la classification tarifaire de ces plaques, de ces produits chimiques et de ces pellicules.
Le 6 janvier 1965, un accusé réception de la lettre de Parr fut envoyé aux défendeurs. Les parties s'accordent sur le fait que ces lettres ont bien été envoyées et reçues. Cependant, le 19 février 1965, Finn écrivit une lettre à la Sun Parlor Advertising Company, à l'intention de Parr qui nie l'avoir jamais reçue. Cette lettre se lisait comme suit:
[TRADUCTION] La présente fait suite à la réponse provisoire du ministère datée du 12 janvier 1965 à votre lettre du 6 janvier qui se rapportait à la classification tarifaire des plaques d'impression en offset, des produits chimiques et des pellicules que vous vous proposez d'importer et d'utili- ser dans la production de différents articles d'imprimerie.
A partir des renseignements fournis, je dois vous informer que les plaques d'impression en offset sont frappées de droits en fonction du matériau de plus grande valeur entrant dans leur composition ou leur finition. Si ce matériau est l'aluminium, le numéro tarifaire 354 s'applique pour un tarif de 224% ad valorem.
Le film lithographique neuf, importé pour être utilisé dans la production de plaques d'impression, est frappé d'un droit de 20% ad valorem en vertu du numéro tarifaire 187.
Pour être en mesure de vous renseigner sur la classification tarifaire des produits chimiques que vous mentionnez, le ministère a besoin d'échantillons de ces produits, prélevés à l'importation, ainsi que de copies des étiquettes des réci- pients dans lesquels ils ont été importés.
Les taux indiqués ci-dessus sont applicables en vertu de la clause de la nation la plus favorisée.
Vous connaissez bien, sans doute, les modalités d'applica- tion de la taxe de vente.
Parr et Mme Benton ont aussi affirmé qu'au- cun d'eux n'a communiqué par la suite avec le ministère, au nom de la défenderesse, la Sun Parlor Advertising Company, et qu'ils n'ont rien reçu d'autre du ministère.
Le défendeur Parr a admis qu'il avait importé des États-Unis, entre le 26 juin 1968 et le 20 novembre 1970, du matériel photographique d'une valeur de $3656.97, après acquittement des droits. La valeur réelle des marchandises était de $3201.85, la différence de $455.12 représentant les droits de douane. Les parties s'accordent sur le fait qu'au moment de l'impor- tation, le défendeur Parr n'a pas présenté de rapport écrit au receveur ou à un préposé du bureau de douane, décrivant les effets se trou-
vant dans son véhicule, leur quantité et leur valeur et qu'il ne les a pas déclarés conformé- ment aux dispositions de l'article 18 de la Loi sur les douanes. Il n'a pas non plus présenté au receveur ou à un préposé au port d'entrée, de facture ou de déclaration de douane pour ces effets, comme l'exige l'article 20 de la Loi sur les douanes, et il n'a payé aucun droit sur lesdits effets comme l'exige l'article 22 de la loi.
Aucun des effets importés ne fut entreposé; ils furent utilisés en grande partie par la défen- deresse, la Sun Parlor Advertising Company, dans la production de livres devant être réexpé- diés aux États-Unis, et destinés aux agents de police et aux pompiers de la ville de Détroit. Finalement, la Sun Parlor Advertising Company reçut du ministère du Revenu national une lettre demandant paiement de la somme de $3656.97 représentant la valeur, après acquittement des droits, des effets en question; la lettre fut suivie, dans les délais requis, par un avis de saisie. La défenderesse, la Sun Parlor Advertising Com pany, s'opposa à la saisie qui fut confirmée par une décision ministérielle, signifiée à la Sun Parlor Advertising Company, et cette dernière, par l'intermédiaire de ses procureurs, notifia au ministère son refus d'accepter cette décision.
La défenderesse, Mme Benton, a témoigné que, le 5 août 1964, elle rapporta des États-Unis dans son automobile ce qui fut décrit comme [TRADUCTION] «du papier pour l'impression photographique», d'une valeur de $42.82, et qu'elle reçut une note d'estimation établie par un préposé du bureau des douanes de Windsor indiquant que cette marchandise n'était pas pas- sible de droits. Le défendeur Parr affirma dans son témoignage qu'il avait écrit au ministère du Revenu national après cette importation d'effets effectuée par Mme Benton, parce que quelques imprimeurs de Windsor avaient eu des difficul- tés à importer du matériel photographique uti- lisé dans l'imprimerie et que d'autres n'en avaient pas eu. Il ajouta toutefois n'avoir jamais reçu de réponse définitive à sa demande de renseignements de la part du ministère à Ottawa et admit n'avoir jamais fait de nouvelle demande de renseignements, sauf auprès du bureau local de Windsor. Parr reconnut que, pendant la période en cause, à savoir du 26 juin
1968 au 20 novembre 1970, il avait effectué les importations mentionnées dans les pièces join- tes à l'exposé des faits admis par les parties, tout en affirmant que, dans chaque cas, il avait transporté les effets sur le siège arrière de sa voiture Renault, qu'il avait été interrogé par un préposé des douanes en uniforme, au pont de Windsor ou au tunnel venant de Détroit, qu'il avait informé ce préposé que le matériel était [TRADUCTION] «des affaires pour un livre améri- cain» et que, lorsqu'on lui avait demandé si ces effets devaient revenir aux États-Unis, il avait répondu par l'affirmative. Dans chacun des 31 cas, il fut autorisé à passer sans remplir aucun document et sans payer de droits. Le matériel qu'il transportait était volumineux et très visible sur le siège arrière de sa voiture et, dans chaque cas, un bordereau d'emballage attaché aux boîtes en décrivait le contenu. Ce bordereau n'indiquait pas la valeur de chacun des effets contenus dans les boîtes et, selon ses dires, il n'a jamais été examiné par le préposé des doua- nes. Les effets importés furent utilisés à la production de livres destinés à la police et aux pompiers de la ville de Détroit.
Les effets étaient commandés à un fournis- seur de Détroit et la facture était envoyée par ce fournisseur à la défenderesse, la Sun Parlor Advertising Company, à Windsor. Les effets eux-mêmes étaient livrés au Detroit Eagles Lodge, dont Parr était membre; il venait les chercher lorsqu'il se rendait à des réunions, habituellement le mercredi ou le samedi soir. Les importations avaient donc généralement lieu entre 23h et minuit. Il admit n'avoir jamais envoyé d'échantillon des effets importés au ministère du Revenu national à Ottawa, comme l'avait demandé Finn, mais il pense lui avoir envoyé un spécimen du papier pour l'impression photographique.
Cependant, Parr a expliqué qu'en plusieurs occasions, afin de convaincre le préposé des douanes au port d'entrée que les effets transpor tés dans sa voiture n'étaient pas passibles de droit, il montra la note d'estimation (pièce D) obtenue par Mme Benton, le 5 août 1964.
En vertu de la Loi sur les douanes, un impor- tateur est soumis à trois obligations:
a) établir une déclaration des effets, de la manière prescrite à l'article 18 de la loi;
b) déclarer les effets de la manière prescrite aux articles 20, 21 et 51 de la loi; et
c) à moins qu'ils ne soient entreposés, payer les droits sur les effets importés, conformé- ment à l'article 22 de la loi.
Les articles qui nous intéressent se lisent comme suit:
18. Toute personne ayant la charge d'un véhicule, autre qu'une voiture de chemin de fer, arrivant au Canada, comme toute personne arrivant au Canada à pied ou autrement, doit
a) se rendre au bureau de douane le plus rapproché de l'endroit elle est arrivée au Canada, ou au poste du préposé le plus rapproché de cet endroit si ce poste en est plus rapproché qu'un bureau de douane;
b) avant d'en effectuer le déchargement ou d'en disposer de quelque façon, faire connaître par écrit au receveur ou préposé compétent, à ce bureau de douane ou à ce poste, tous les effets dont elle a la charge ou garde ou dans le véhicule, et les garnitures, équipements et accessoires du véhicule, et tous animaux qui le traînent ainsi que leurs harnais et attelages, de même que les quantités et les valeurs des effets, équipements, accessoires, harnais et attelages en question; et
c) sur-le-champ répondre véridiquement à telles questions, relatives aux articles mentionnés dans l'alinéa b), que lui pose le receveur ou préposé compétent et faire à ce sujet une déclaration en bonne forme ainsi que l'exige la loi.
20. La personne qui déclare des effets à l'entrée doit délivrer au receveur ou autre préposé compétent,
a) une facture de ces effets, indiquant l'endroit et la date de leur achat, le nom ou la raison sociale de la personne ou de la maison de commerce de qui ils ont été achetés, et une description complète et détaillée de ces effets, en donnant la quantité et la valeur de chaque espèce d'effets ainsi importés; et
b) une déclaration d'entrée de ces effets, en la forme voulue par l'autorité compétente, écrite lisiblement ou imprimée, ou partie écrite et partie imprimée, et en double, contenant le nom de l'importateur, et, si ils sont importés par eau, le nom du navire et du capitaine, le nom de l'endroit de destination, l'endroit du port les effets doivent être débarqués, la description des effets, les mar- ques et numéros et le contenu des colis, et les lieux d'où les effets sont importés, ainsi que le pays ou le lieu de provenance, de production ou de fabrication de ces effets.
21. La quantité et la valeur de tous effets doivent tou- jours être mentionnées dans la déclaration d'entrée, bien que ces effets ne soient pas passibles de droits; et la facture en doit être présentée au receveur.
22. (1) A moins que les effets ne soient destinés à l'entre- posage de la manière prescrite par la présente loi, l'importa- teur doit, lors de la déclaration d'entrée,
a) payer ou faire payer tous les droits dus sur tous les effets déclarés à l'entrée; ou
b) dans le cas d'effets entrés en conformité des conditions prescrites par règlements établis sous le régime du para- graphe (3), présenter à l'égard des droits visant ces effets un cautionnement, un billet ou autre document comme le prescrivent lesdits règlements;
et le receveur ou autre préposé compétent doit immédiate- ment, dès lors, accorder son autorisation pour le débarque- ment de ces effets et accorder un laissez-passer ou permis de les transporter plus loin au Canada, si l'importateur le demande.
L'avocat de la demanderesse soutient que puisque le défendeur Parr a admis qu'il n'a pas satisfait aux exigences de ces articles de la loi pour aucune des 31 importations en cause, puis- qu'il n'a pas remis au receveur du bureau des douanes de rapports écrits, ni de factures, ni de déclarations pour le chargement, et n'a pas payé de droits, les effets étaient donc importés illéga- lement et automatiquement susceptibles de con fiscation en vertu de l'article 180 ou 192 ou 205 de la loi. Il a fait remarquer qu'en vertu de l'article 248 de la loi, le fardeau de la preuve en ce cas incombe à l'importateur.
Les articles mentionnés ci-dessus se lisent comme suit:
180. (1) Lorsque la personne ayant la charge ou garde de quelque article mentionné à l'alinéa 18 b) a omis de se conformer à l'une des exigences de l'article 18, tous les articles mentionnés à l'alinéa b) susdit et dont ladite per- sonne a la charge ou garde, sont acquis légalement et peuvent être saisis et traités en conséquence.
(2) Si les articles ainsi confisqués ou l'un d'entre eux ne sont pas trouvés, le propriétaire au moment de l'importation, et l'importateur et toute autre personne qui a eu de quelque façon affaire avec l'importation illégale de ces articles sont passibles d'une amende égale à la valeur des articles; et, que ces articles soient trouvés ou non, ... .
192. (1) Si quelqu'un
a) passe en contrebande ou introduit clandestinement au Canada des marchandises, sujettes à des droits, d'une valeur imposable inférieure à deux cents dollars;
b) dresse, ou passe ou tente de passer par la douane, une facture fausse, forgée ou frauduleuse de marchandises de quelque valeur que ce soit; ou
c) tente, de quelque manière de frauder le revenu en évitant de payer les droits ou quelque partie des droits sur des marchandises de quelque valeur que ce soit;
ces marchandises, si elles sont trouvées, sont saisies et confisquées, ou, si elles ne sont pas trouvées, mais que la valeur en ait été constatée, la personne ainsi coupable doit remettre la valeur établie de ces marchandises, cette remise devant être faite sans faculté de recouvrement dans le cas de contraventions prévues à l'alinéa a).
205. (1) Si quelque personne, propriétaire ou non, sans excuse légitime dont la preuve incombe à l'accusé, a en sa possession, recèle, garde, cache, achète, vend ou donne en échange des effets illégalement importés au Canada, que ces effets soient ou non frappés de droits, ou sur lesquels les droits légitimes exigibles n'ont pas été acquittés, ces effets s'ils sont trouvés, sont saisis et confisqués sans faculté de recouvrement, et, si ces effets ne sont pas découverts, la pesonne ainsi coupable doit remettre la valeur de ces mar- chandises sans qu'il lui soit possible de la recouvrer.
248. (1) Dans toutes procédures intentées pour recouvrer une amende, appliquer une punition, opérer une confiscation ou recouvrer un droit sous l'autorité de la présente loi ou de toute autre loi concernant les douanes, ou le commerce et la navigation, s'il se présente une contestation sur ou concer- nant l'identité, la provenance, l'importation, le chargement ou l'exportation de marchandises ou le paiement des droits à acquitter sur les marchandises ou l'observation des prescrip tions de la présente loi concernant l'inscription des marchan- dises ou l'exécution ou l'omission de quelque chose par laquelle cette amende, cette punition, cette confiscation ou cette responsabilité des droits serait encourue ou évitée, le fardeau de la preuve incombe au propriétaire ou au récla- mant des effets ou à celui dont le devoir était de se confor- mer à la présente loi ou en la possession de qui les effets ont été trouvés, et non à Sa Majesté ou à la personne représen- tant Sa Majesté.
L'avocat de la demanderesse soutient aussi que ces effets ont été introduits en contrebande ou clandestinement au Canada et qu'ils étaient automatiquement susceptibles de confiscation en vertu de l'article 192. Le mot «smuggle» est défini dans le Shorter Oxford Dictionary comme
[TRADUCTION] Faire passer (des marchandises) clandestine- ment dans (ou hors de) un pays ou un district, afin d'éviter le paiement des droits imposés par la loi, ou en contraven tion d'un texte législatif; introduire, transporter, etc., de cette manière.
Le secret ou la dissimulation sont impliqués par l'utilisation du terme «clandestinement», à la fois dans la définition et dans l'article de la loi, ce qui m'amène à conclure que l'article 192 ne s'applique pas dans ce cas. Le défendeur a témoigné que dans chacun des cas en question il a transporté les effets au Canada sur le siège arrière de sa petite voiture Renault et qu'ils étaient bien visibles à tout préposé des douanes ou à quiconque se donnant la peine de regarder. Son témoignage n'a pas été contredit sur ce point et aucune preuve n'a été produite suggé- rant que les effets avaient été importés d'une autre manière. Les plaques Fotorama mesu-
raient fréquemment 252" x 36" et les feuilles de «papier pour l'impression photographique», distribuées dans le commerce sous la marque «Ortho», mesuraient parfois 20" x 24". Cel- les-ci avec d'autres produits importés, étaient placées dans des boîtes scellées pour les proté- ger de la lumière. Ces boîtes devaient donc être très visibles pour tout préposé procédant à l'ins- pection et remplissant ses fonctions avec un soin raisonnable. On pourrait imaginer qu'une fois ou deux parmi ces trente et une importa tions, les boîtes n'aient pas été remarquées par le préposé procédant à l'inspection, mais il est difficile de concevoir qu'elles n'aient jamais été vues. J'estime donc que les effets n'ont pas été introduits au Canada en contrebande ou clan- destinement au sens de l'article 192 de la loi et que la confiscation qui sanctionne le transport illégal, le cas échéant, ne s'applique pas en vertu de cet article.
Je remarque cependant que le sous-ministre, dans son avis du 20 juillet 1973 (pièce 40 de l'exposé des faits admis par les parties), affir- mait que les infractions à la législation sur les douanes imputées à la défenderesse, la Sun Parlor Advertising Company, étaient [TRADUC- TION] «le transport en contrebande et l'introduc- tion clandestine au Canada des effets énumérés dans la liste «A»». Si je conclus que les effets n'ont pas été introduits au Canada en contre- bande ou clandestinement, la confiscation est- elle de ce fait frappée de nullité?
Cette question fut examinée, dans des circon- stances différentes, dans l'affaire Le Roi c. Bureau [1949] R.C.S. 367. Le juge en chef Rinfret déclare (page 378):
[TRADUCTION] Et, en toute déférence, je ne suis pas d'ac- cord avec le savant président ([1948] R.C.É. 257) selon lequel, devant la Cour de l'Échiquier du Canada, on devait trancher la question exclusivement d'après les motifs donnés par le Ministre quand il a ordonné la saisie et la confiscation des cigarettes et de l'automobile. En vertu de l'article 177 [maintenant l'art. 163], qui porte que, dès que le Ministre a déféré pareille question à la Cour, cette dernière doit examiner l'affaire d'après les documents et témoignages soumis, et d'après toute autre preuve que le propriétaire ou réclamant de la chose saisie ou détenue, ou la personne censée avoir encouru l'amende, ou la Couronne, produisent sur les ordres de la Cour. Ensuite, elle «décide suivant le droit et la justice». A mon avis, cet article autorise la Cour de l'Échiquier à étudier l'ensemble de la question et les circonstances qu'on lui a exposées. En l'espèce, c'est préci-
sément ce que la preuve soumise à cette Cour présentait et l'intimé ne s'y est pas opposé. Dans les circonstances, la Cour de l'Échiquier avait la compétence voulue pour décla- rer la saisie et la confiscation valables au vu de toutes les contraventions à la Loi qui ont été prouvées en l'espèce.
En me fondant sur ce précédent, j'estime que je ne suis pas lié par les motifs du sous-ministre, exposés dans l'avis de confiscation, et que je suis en droit d'examiner toute la preuve pro- duite au cours du procès, afin de déterminer si la confiscation s'applique à toute importation illégale, en vertu de l'article 180 ou de l'article 205 de la loi.
Il n'y a apparemment aucun doute sur le fait que le défendeur Parr a omis de se conformer à nombre de dispositions des articles 18, 20, 21 et 22 de la loi; mais son avocat soutient qu'en fait, puisque, selon son témoignage qui n'a pas été contredit, il s'est présenté au bureau des doua- nes à chacun de ses 31 passages et a fait une déclaration orale à la suite de laquelle il fut informé que les effets n'étaient pas passibles de droits et qu'il pouvait passer, il s'était conformé à l'esprit, sinon à la lettre, de ces articles. Il s'appuie d'abord sur le fait que la défenderesse, Mme Benton, a reçu en 1964, une note d'estima- tion indiquant que des marchandises de cette nature n'étaient pas passibles de droits et sur le fait que le défendeur Parr affirme avoir produit cette note d'estimation à plusieurs reprises au préposé procédant à l'inspection au port d'en- trée qui a simplement suivi le précédent créé par l'autorisation, donnée en 1964, de transporter ces effets en franchise. Il s'appuie en deuxième lieu sur l'arrêt Marun et Minogue c. La Reine [1965] 1 R.C.É. 280, comme faisant jurispru dence sur la proposition selon laquelle les pré- posés des douanes peuvent adopter la pratique de permettre l'entrée au Canada d'effets qui n'ont pas été déclarés de la manière prévue dans la Loi sur les douanes mais par simple déclara- tion orale, et déclare que, puisque le défendeur Parr a fait dans chaque cas des déclarations orales, les importations n'étaient pas illégales ni susceptibles de confiscation en vertu de l'article 180(1) et (2) ou de l'article 205(1).
A mon avis l'arrêt susmentionné ne fait pas jurisprudence dans ce sens car, comme le juge Cattanach le faisait remarquer, s'il est tout à fait vrai qu'il n'est pas demandé aux voyageurs
revenant au Canada de déclarer par écrit, mais seulement oralement, un grand nombre d'arti- cles comme leurs vêtements ou leurs bijoux, leurs valises et des effets de cet ordre, acquis au Canada, c'est pour la bonne raison que toute personne possède nécessairement ces effets qui ne sont en aucun cas passibles d'impôts ou de droits de douane. Dans l'affaire présente, il ne s'agit pas d'effets acquis au Canada. Le présent litige concerne des effets acquis aux États-Unis et transportés au Canada par des citoyens cana- diens. A mon avis, il n'a pas été établi qu'un préposé des douanes a le pouvoir de dispenser un importateur des obligations imposées par la Loi sur les douanes, ni que, si le préposé l'en dispense abusivement, cet importateur en est dégagé et ne peut subir les conséquences de son manquement à ces obligations. En réalité, le fait qu'il a écrit au ministère en 1964 pour s'infor- mer des règlements applicables implique que le défendeur Parr reconnaissait qu'il pouvait y avoir des droits à payer. En outre, il a affirmé au cours de son interrogatoire préalable que, n'ayant pas reçu de réponse supplémentaire du ministère à Ottawa, il a continué de s'informer auprès des préposés du bureau de Windsor et qu'on lui a dit que les effets n'étaient pas passi- bles de droits, bien qu'il ne se souvienne pas quel préposé lui a donné ce renseignement. Je conclus donc que Parr était jusqu'à un certain point, conscient de ses obligations en vertu de la Loi sur les douanes et qu'il aurait donc s'assurer qu'il les avait entièrement remplies.
Je partage l'opinion du juge Cattanach selon laquelle les dispositions des articles 180 et 205 sont obligatoires et la confiscation d'effets importés illégalement s'impose automatique- ment en vertu de la partie suivante de l'article 2(1) de la Loi sur les douanes:
«saisi et confisqué», «passible de confiscation» ou toute autre expression qui pourrait par elle-même impliquer la nécessité d'un acte quelconque postérieur à l'infraction, en vue d'opérer la confiscation, ne doit pas s'interpréter comme rendant cet acte postérieur nécessaire, mais la confiscation résulte du fait même de l'infraction à l'égard de laquelle la peine de confiscation est imposée, à comp- ter du moment l'infraction est commise;
Il y a eu importation illégale puisque les défendeurs ont omis de se conformer aux dispo-
sitions de l'article 18b) de la loi; donc, en vertu de l'article 180(1), les effets doivent être confis- qués et, en vertu de l'article 2(1), cette confisca tion s'impose dès que l'infraction a été com- mise. Le juge Cattanach déclare, dans l'arrêt Marun (précité), à la page 295:
[TRADUCTION] La confiscation ne résulte pas d'un acte des préposés des douanes ou des fonctionnaires du minis- tère, mais elle est la conséquence légale inévitable de l'im- portation illégale de marchandises par le requérant, Marun. Les effets sont devenus dès lors propriété de la Couronne et aucun de ses préposés n'a le pouvoir d'empêcher la confiscation.
Les dispositions de la loi semblent sévères mais elles sont, à mon avis, claires et sans ambiguïté. Je comprends le point de vue des défendeurs; il est clair cependant qu'en omet- tant de déclarer et de faire passer les marchan- dises conformément aux articles 18, 20, 21 et 22, du moins jusqu'à ce qu'ils obtiennent la réponse favorable escomptée à leur demande, ils ont causé leur propre infortune. Puisque les effets importés ne peuvent être trouvés, ayant été utilisés à la production d'articles imprimés qui, selon le défendeur Parr, ont été réexpédiés aux États-Unis, je dois appliquer les disposi tions de l'article 180(2): les défendeurs devront donc payer à la demanderesse la somme $2122.03. Cette somme est inférieure à la valeur totale, après acquittement des droits, des effets importés pendant la période en cause, à savoir du 26 juin 1968 au 20 novembre 1970, qui s'élevait à $3656.97. Le montant de la con fiscation a été diminué car, en vertu de l'article 265 de la loi, seules les importations illégales faites au cours des trois années précédant la date du début des procédures sont passibles de confiscation; elles représentent la somme non contestée de $2,122.03. Puisqu'il n'y a pas de prescription en ce qui concerne le paiement des droits, la demanderesse a droit au recouvrement des droits payables sur les importations effec- tuées entre le 26 juin 1968 et le 30 juillet 1969, soit $199.14.
A mon avis, les préposés des douanes du bureau de Windsor et du ministère du Revenu national (douanes et accise) à Ottawa se sont montrés négligents dans l'exercice de leurs fonctions, en permettant aux défendeurs de transporter des effets au Canada pendant assez
longtemps sans les déclarer correctement et sans payer de droits, et en omettant de statuer sur leur demande de renseignements en 1964. Pour cette raison, la demanderesse n'aura pas droit aux dépens.
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