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MacMillan Bloedel (Alberni) Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver (C.-B.), le 13 décembre 1972; Ottawa, le 10 mai 1973.
Impôt sur le revenu—Signification de «revenu d'opérations forestières»—Intérêt sur des fonds empruntés—Loi de l'im- pôt sur le revenu, art. 41A.
Coût initial de nouveaux pneus—S'agit-il de dépenses d'ex- ploitation ou de dépenses de capital—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 12(1)a).
Arrêt: l'intérêt, versé à une compagnie s'occupant d'opé- rations forestières (1) par une compagnie de pâte et de papier sur l'argent emprunté pour l'achat de son usine et (2) par des bûcherons pour l'argent qu'ils ont emprunté, n'est pas un «revenu ... tiré d'opérations forestières» au sens de l'article 41A de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les nouveaux pneus qui équipaient les camions, font partie des unités au titre du coût en capital et l'appelante ne peut les déduire à titre de dépenses d'exploitation.
APPEL. AVOCATS:
P. Thorsteinsson et C. Sturrock pour l'appelante.
W. Hobson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little et O'Keefe, Vancouver, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE COLLIER—Le présent appel a été entendu en même temps qu'un autre appel, à savoir l'affaire MacMillan Bloedel Industries Limited c. Le ministre du Revenu national, T-1634-71. En l'espèce présente, la Cour doit trancher deux questions. Dans l'autre espèce, il ne s'en pose qu'une seule, mais elle est identi- que à l'une de celles du présent appel. On a donc convenu que, dans la mesure de cette identité, le dossier des preuves serait le même pour les deux appels.
Je dois en premier lieu traiter de la question propre au présent appel, soit celle de savoir si l'appelante doit, dans le calcul du crédit ou des
déductions d'impôt sur les opérations forestiè- res en application de l'article 41A de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 et modifications, inclure dans son revenu les inté- rêts qu'elle a reçus en 1966 et 1967.
On s'accorde à reconnaître que les disposi tions législatives applicables sont les suivantes:
41A. (1) Il peut être déduit de l'impôt autrement payable par un contribuable sous le régime de la présente Partie pour une année d'imposition un montant égal au moindre des deux montants suivants:
a) les deux tiers de tout impôt sur les opérations forestiè- res payé par le contribuable au gouvernement d'une pro vince à l'égard du revenu pour l'année tiré des opérations forestières dans la province; ou
b) les six et deux tiers p. 100 du revenu du contribuable pour l'année tiré des opérations forestières dans la pro vince, dont fait mention l'alinéa a).
(2) Au paragraphe (1), l'expression
a) «revenu pour l'année tiré des opérations forestières dans la province» a le sens que les règlements y attribuent;
Règlement 700(1):
700. (1) ... l'expression «revenu pour l'année tiré d'opé- rations forestières dans la province» désigne l'ensemble des montants suivants:
cc Lorsque le contribuable a coupé du bois en état dans la province ou a acquis des billes provenant de bois en état dans la province, s'il exploite une scierie, usine de pâte ou papier ou autre lieu de transformation de billes au Canada, son revenu de toutes provenances pour l'année moins l'ensemble
(i) de son revenu de provenances autres que les opéra- tions forestières et que la transformation et vente par lui de billes, bois et de leurs sous-produits,
Plus précisément, il s'agit de savoir si ces intérêts constituaient un revenu de provenances autres que les opérations forestières et s'il y avait lieu de les déduire du calcul pour obtenir le crédit d'impôt sur les opérations forestières. L'appelante n'a pas déduit ces sommes, mais par contre le Ministre l'a fait dans sa nouvelle cotisation.
Avant le 1e 1 janvier 1966, l'appelante (sous un nom légèrement différent) se livrait à des opéra- tions d'exploitation forestière intégrée sur l'île de Vancouver. Elle avait l'usufruit de certaines terres boisées et exploitait une entreprise fores- tière, une scierie, une usine de contre-plaqué et
de bardeaux et une usine de pâte et de papier, le tout dans la région d'Alberni. Pour des motifs qui sont ici sans intérêt, elle a vendu, alors qu'elle se trouvait en pleine activité, son usine de pâte et de papier à une filiale en propriété exclusive, l'Alberni Pulp and Paper Ltd. Par la suite, cette dernière compagnie a continué l'ex- ploitation de l'entreprise de pâte et de papier. Le prix de vente s'est élevé à $76,077,140.18. L'acquéreur a consenti au vendeur un billet à ordre de ce montant, payable à vue et daté du 30 décembre 1966. Le taux d'intérêt était de 6%.
En 1966, on a versé un intérêt de $4,564,628. En 1967, on a versé $4,552,300. En 1966, l'ap- pelante a également reçu des sommes totalisant $2,625, présentées comme des intérêts prove- nant de prêts à des bûcherons indépendants et de loyers divers. En 1967, ces sommes ont atteint $1,659. L'intimé a, dans sa nouvelle coti- sation, déduit toutes ces sommes pour les années en question.
L'avocat de l'appelante soutient qu'il ne suffit pas de constater à quel titre apparent la somme est reçue et de conclure à partir de qu'il s'agissait d'un revenu du contribuable «de pro- venances autres que les opérations forestières ...» et qu'en conséquence, elle doit être déduite du revenu global. Il prétend que l'on doit exami ner la nature de l'opération et déterminer la provenance véritable des fonds. En l'espèce, les opérations forestières, tant de la filiale ache- teuse que des autres débiteurs d'intérêts ou de loyers, en ont constitué la véritable provenance. Il cite deux arrêts à l'appui de la prétention selon laquelle il est possible de pousser l'exa- men au-delà du simple titre auquel un revenu est perçu pour en qualifier la provenance. (M.R.N. c. Hollinger North Shore Exploration Company, Limited [1963] R.C.S. 131; Bessemer Trust Company et Ogden Phipps en qualité de fidu- ciaire (fiducie de 1957) c. M.R.N. [1972] C.F. 1176 (infirmé en appel [1972] C.F. 1398).) Ces deux affaires sont complètement différentes quant à leurs faits et quant aux articles de la Loi de l'impôt sur le revenu qui y sont examinés. J'estime qu'elles ne sont pas d'un grand secours en ce qui concerne la question en litige en l'espèce.
Il me semble possible de répondre à la préten- tion de l'appelante de diverses façons.
(1) Rien ne prouve que les sommes versées provenaient véritablement d'opérations forestiè- res. Les sommes importantes versées par la filiale pourraient fort bien provenir de prêts bancaires. Toutefois, je crois qu'on peut raison- nablement supposer que ces sommes ont été prélevées sur les bénéfices d'opérations forestières.
(2) Je tiens pour acquis que les sommes ver sées à l'appelante ont toutes été tirées d'opéra- tions forestières exécutées par la corporation acheteuse ou par les emprunteurs ou les locatai- res. Selon mon interprétation de l'article 700(1)d)(i), le revenu qu'il n'est pas nécessaire de déduire est celui qui résulte d'opérations forestières exécutées par le contribuable (c'est-à-dire en l'espèce l'appelante, et non la filiale). Or, c'est la filiale et non l'appelante qui a traité des billes ou du bois et vendu leurs sous-produits; et le revenu visé par l'article était donc un revenu de la filiale et non un revenu de l'appelante.
(3) Je ne peux croire que le législateur ait eu l'intention de déterminer le revenu déductible en vertu de ce texte par le contribuable en fonction du genre d'entreprise exploité par une tierce personne, physique ou morale, débitrice du con- tribuable et qui prélève sur ses bénéfices les sommes qu'elle verse à ce dernier en paiement de sa dette. Il semblerait que le revenu prove- nant de placements, au sens usuel de cette expression, est automatiquement déduit en vertu de ce sous-alinéa. Toutefois, si l'appelante en l'espèce avait placé des fonds dans les actions d'une compagnie d'exploitation fores- tière et reçu d'elle des dividendes, ces dividen- des ne seraient pas exclus, si l'on accepte la thèse de l'appelante. A mon avis, les «provenan- ces» dont fait mention l'article sont des sources de revenu exploitées par le contribuable et non par un tiers.
L'appel sur le premier point est donc rejeté.
J'aborde maintenant le second point en litige, qui, je l'ai déjà signalé, constitue l'unique objet de l'autre appel. Au cours de 1966 et de 1967,
l'appelante a acheté des camions forestiers et d'autres machines d'exploitation forestière. Ces véhicules étaient équipés de pneus par le four- nisseur. L'appelante a tenté de déduire à titre de dépense visée par l'article 12(1)a)'', le coût ini tial des pneus. En 1966, il s'agissait d'une somme de $140,350.16 et en 1967 de $52,756.97 2 . L'intimé, dans ses nouvelles coti- sations, a refusé d'admettre ces sommes en déduction et les a ajoutées aux actifs de l'appe- lante relevant de la catégorie 10, au motif que les nouveaux pneus faisaient partie de l'équipe- ment et que le contribuable pouvait, s'il le sou- haitait, réclamer une allocation à l'égard de leur coût en capital, en vertu de l'alinéa 11(1)a) de la loi et de l'article 1100 des Règlements.
Avant 1966, l'appelante avait d'ailleurs consi- déré les pneus neufs livrés avec l'équipement qu'elle achetait de la façon dont l'intimé sou- tient qu'il faut les considérer pour les années en question. En 1966, l'appelante a jugé que dans la zone d'exploitation ces machines étaient employées sur des routes très mauvaises, la vie utile de ces pneus était en moyenne d'un peu plus de douze mois. On a donné les chiffres de 12.2 ou peut-être 12.7 mois. Le coût initial des pneus montés sur une machine neuve variait approximativement entre 10% et 15% du coût total du camion (qui s'élevait en moyenne à $50,000 ou $60,000 pièce pour les années à l'étude).
Selon l'appelante, étant donné la courte vie utile des pneus montés sur ces machines en particulier, leur coût initial et leur coût de rem- placement constituent une dépense annuelle déductible. Rushton, directeur de la section fis- cale de l'appelante et de ses compagnies asso- ciées, qui est également comptable agréé, a jugé conforme aux usages du commerce et aux normes courantes de comptabilité de considérer le coût initial des pneus comme une dépense engagée au cours de l'année de l'achat de la machine. L'appelante déclare que sa méthode est conforme au principe d'«équilibre», qui veut que l'on équilibre convenablement les recettes et les dépenses au cours des années en question.
A mon avis, la méthode adoptée par l'appe- lante en l'espèce ne constitue pas une véritable application de la règle de l'équilibre. On recon-
naît que ces machines d'exploitation forestières constituent des biens de capital. Elles ne peu- vent fonctionner sans pneus. On reconnaît éga- lement l'existence d'autres pièces d'équipement ou d'outillage qui doivent être remplacées ou réparées au cours de la première année; par exemple, les courroies de ventilateurs et les diverses sortes d'huile de graissage. L'appelante n'a nullement essayé de prétendre que ces arti cles constituaient une dépense initiale, probable- ment parce que leur coût est faible au regard du coût total de la machine. A mon avis, il est tout à fait arbitraire de distinguer les pneus du reste de la machine. Cet équipement a été acheté comme un tout et non comme un certain nombre de pièces isolées, assemblées par la suite pour fabriquer une machine en état de fonctionner.
Dans les états financiers que l'appelante a remis aux actionnaires au cours des années en question, les machines sont toutes présentées comme des dépenses de capital, y compris le coût initial des pneus. Bien sûr, la façon dont un contribuable traite une opération dans ses livres n'est pas concluante quant à la nature de cette opération du point de vue fiscal. Rushton a reconnu que la prétention du Ministre est con- forme à la pratique comptable généralement admise; c'est également ce qui ressort de la façon dont l'appelante elle-même a considéré les pneus dans ses propres états financiers.
Il n'y a pas lieu de rappeler ici la jurispru dence selon laquelle il incombe au contribuable de prouver que la cotisation établie par le Minis- tre est erronée. En l'espèce, la cotisation est fondée sur les usages du commerce et sur les méthodes comptables généralement admises. L'appelante ne s'est pas, à mon avis, acquittée de la responsabilité de démontrer qu'on était mal fondé d'utiliser ces méthodes en l'espèce.
L'appel est donc rejeté sur ce point.
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré des biens ou d'une entre- prise du contribuable,
2 Dans l'autre appel, le coût s'élevait à $109,348.09 pour 1966 et à $159,471.44 pour 1967.
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