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In re le Tribunal antidumping et re le verre à vitre transparent
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup pléants Cameron et Bastin —Ottawa, les 20, 21, 22 et 29 juin 1973.
Examen judiciaire —Certiorari —Tribunal antidumping— Président ancien conseiller des plaideurs—Décision signée par le Président—Pas de partialité réelle—Crainte raisonna- Ible de partialité—Ordonnance non signée produite à la Cour—Est-ce suffisant pour obtenir un certiorari —Loi sur la Cour fédérale, art. 18.
Couronne —Certiorari —Droit du procureur général de demander un bref—Loi sur la Cour fédérale, art. 18.
B fut nommé Président du Tribunal antidumping le ler janvier 1969 et un Vice-Président et un autre membre furent nommés en même temps. Pendant plusieurs années avant sa nomination, B avait été conseiller de deux fabricants cana- diens de verre à vitre pour qui il avait présenté des revendi- cations auprès des responsables gouvernementaux en ce qui concerne le prétendu dumping de verre à vitre importé au Canada. Dès sa nomination au Tribunal, B mit fin à ses relations d'affaires avec ses deux clients et, bien qu'il n'ait plus présenté de revendications en leur nom, il les a conseil- lés relativement à leur plainte de dumping. La plainte est venue à l'audience devant le Tribunal en février 1970. B avisa les deux autres membres du Tribunal de ses relations avec les compagnies canadiennes et, en vertu de l'article 23(1)a) de la Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15, il délégua aux deux autres membres la conduite de l'audition de la plainte. Elle se tint en février 1970, B étant absent. Le 13 mars 1970, les deux autres membres ordonnèrent l'imposition d'un droit antidumping sur le verre à vitre importé. A la demande du Vice-Président, B prit connais- sance du projet définitif de leur décision et y apporta trois changements d'ordre grammatical qui ne touchaient pas au fond. B signa la décision des deux autres membres en pensant que, bien que sa signature ne soit pas nécessaire, il était prudent qu'il l'appose. La décision signée par les trois membres fut envoyée au sous-ministre, douanes et accise, et une copie non signée de l'ordonnance fut déposée aux archives du Tribunal (qui est une cour d'archives). Par suite d'une demande de certiorari présentée par le procureur général, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, visant l'annulation de la décision, la copie non signée fut renvoyée devant cette Cour.
Arrêt: infirmant la décision du juge Cattanach [1972] C.F. 1078, la décision doit être annulée.
Le juge Thurlow et le juge suppléant Cameron: (1) En signant la décision dans ces circonstances, B l'a fait sienne et y a donc pris part. Le fait que les archives ne contenaient aucune copie signée par B est sans importance. Le nom de B apparaissait sur la copie non signée de la décision en tant que Président du Tribunal; ceci emporte sa participation à la décision et ne peut être contredit par un témoignage oral portant sur le degré réel de sa participation ou sur le motif de l'insertion. En outre, si le témoignage oral était recevable pour démontrer ce qui s'est réellement produit, il établirait que la copie signée était la décision du Tribunal.
(2) Pour déclarer une personne inapte à présider lors d'une procédure judiciaire pour des raisons de partialité, le critère applicable est celui de la crainte raisonnable de partialité. Arrêt mentionné: Szilard c. Szasz [1955] R.C.S. 3.
(3) La Cour n'était pas compétente pour refuser une demande de bref de certiorari présentée par le procureur général au nom de la Couronne pour annuler la décision du Tribunal, une fois établi que la décision était invalide.
Le juge suppléant Bastin: D'après la preuve, il faut con- clure que B a participé à la décision. Puisque B n'a pas pris part à l'audience publique, sa participation à la décision la vicie.
(4) La Division de première instance est compétente en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale pour entendre cette demande présentée par le procureur général et, en vertu de l'article 61(2), elle peut exercer cette compé- tence à l'égard d'une affaire qui s'est produite avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la Cour fédérale.
APPEL d'une décision du juge Cattanach [1972] C.F. 1078.
AVOCATS:
C. R. O. Munro, c.r., et R. Vincent pour le requérant.
G. Killeen, c.r., et J. P. C. Gauthier pour le Tribunal antidumping.
G. F. Henderson, c.r., et G. Hynna pour W. W. Buchanan.
R. A. Smith, c.r., pour la Canadian Pitts- burgh Industries.
J. F. Howard, c.r., et D. J. M. Brown pour la Pilkington Bros. (Canada) Ltd.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Soloway, Wright et Houston, Ottawa, pour le Tribunal antidumping.
Gowling et Henderson, Ottawa, pour W. W. Buchanan.
Wahn, Mayer et Smith, Toronto, pour la Canadian Pittsburgh Industries.
Blake, Cassels et Graydon, Toronto, pour la Pilkington Bros. (Canada) Ltd.
Gottlieb et Agard, Montréal, pour la Mineralimportexport.
LE JUGE THURLOW (oralement)—Appel est interjeté du rejet par la Division de première instance [le juge Cattanach, [1972] C.F. 1078] d'une demande du procureur général du Canada en annulation d'une ordonnance ou décision du Tribunal antidumping relativement à du verre à vitre en provenance de certains pays d'Europe de l'Est. Les motifs de la demande, tels qu'ils apparaissent dans l'avis de requête modifié, sont les suivants:
1. le président dudit Tribunal a participé à l'élaboration de la décision, bien qu'il eût des intérêts dans l'objet de celle-ci;
2. le président dudit Tribunal a participé à l'élaboration de ladite décision, bien qu'il ait eu ou ait pu avoir tendance à favoriser les compagnies canadiennes dont la plainte écrite a abouti à l'institution de procédures en vertu de la Loi antidumping, du fait de son association avec elles;
3. le président dudit Tribunal a participé à l'élaboration de la décision, bien qu'il n'ait pas participé à l'audience au cours de laquelle la preuve et les plaidoiries ont été présen- tées au nom des parties en cause.
Le 4 juillet 1972, les avocats du procureur général ont retiré le premier motif. En ce qui concerne les deux autres, le juge Cattanach, qui avait été saisi de la demande, a estimé après avoir soigneusement examiné la preuve, que le Président n'avait pas été partial en faveur des entreprises canadiennes en cause. Il a toutefois jugé qu'il était inapte à participer à l'élaboration de la décision du Tribunal pour une double raison, savoir:
1. que ses relations avec les deux compagnies canadiennes, dont la plainte écrite a abouti à l'institution des procédures que prévoit la Loi antidumping, permettaient de conclure à l'existence probable de partialité en leur faveur, et
2. qu'il n'avait pas participé aux audiences.
Le savant juge a ensuite cherché à déterminer si, dans les circonstances, le Président avait effectivement participé à l'élaboration de la décision du Tribunal. Il a établi qu'il n'avait rien fait de plus que signer un document qu'on lui avait présenté à cette fin, dans les circonstances que nous relaterons plus loin. Il a enfin conclu que, comme on n'avait pas démontré que le dossier du Tribunal contenait une décision signée par le Président, la demande d'annulation de la décision n'était pas recevable.
Voici les faits essentiels. Avant le ler janvier 1969, date à laquelle la Loi antidumping, en vertu de laquelle le Tribunal antidumping a été
constitué, est entrée en vigueur, W. W. Bucha- nan, nommé président du Tribunal, avait été conseiller sur les questions de douane de la Canadian Pittsburgh Industries Limited et de la Pilkington Brothers (Canada) Limited. Par suite de sa nomination, Buchanan a cessé ses rela tions professionnelles avec lesdites compagnies mais pendant un certain temps il a continué à titre gracieux, à leur donner des conseils, à faire des enquêtes auprès des fonctionnaires du gou- vernement et à leur en transmettre les résultats. Ces services se rapportaient à une demande déposée par les deux compagnies auprès du sous-ministre du Revenu national, douanes et accise, en février 1969, par laquelle elles demandaient l'imposition de droits antidumping. Cette demande a entraîné le renvoi de la ques tion au Tribunal, pour qu'il tranche les questions relevant de sa compétence et rende sa décision, objet de ces procédures. Au cours de l'été 1969, alors qu'on prévoyait que la question allait en fin de compte être déférée au Tribunal, Bucha- nan a organisé pour les deux autres membres du Tribunal une visite des usines de fabrication d'au moins une des deux compagnies pour qu'ils se familiarisent avec leurs activités.
La preuve révèle qu'au début de 1969, alors que le sous-ministre avait publié un avis de la demande des compagnies fabricantes de verre dans la Gazette du Canada, Buchanan avisa les autres membres de la Commission qu'il ne sié- gerait pas à cette occasion et, soit avant soit après que le sous-ministre eut déféré la question au Tribunal en décembre 1969, le Président s'est déclaré inapte à siéger. En vertu de l'article 23(1) 1 de la Loi antidumping, il a désigné Gau- thier et Barrow, les deux autres membres du Tribunal pour connaître de la question. En con- séquence, il n'a ni assisté ni siégé aux audiences qui se sont tenues par la suite, en février 1970, d'autant plus qu'il était en vacances hors du Canada lorsqu'elles se sont tenues. Toutefois, il est rentré avant que la décision ne soit rendue.
Quelques jours après son retour, la question s'est posée de savoir si l'article 28 2 exigeait que les deux membres lui fassent un rapport relatif à la preuve qu'ils avaient entendue. Il ressort de la preuve de Gauthier qu'à ce moment-là, le Prési- dent pensait qu'un tel rapport était nécessaire.
C'est au moins une indication que le Président pensait qu'il avait un rôle à jouer dans la déci- sion du Tribunal, bien qu'il se soit déclaré inapte. La question du rapport prévu à l'article 28 a donc été soumise à un avocat du conseil du Trésor qui a déclaré que l'article 28 ne s'appli- quait pas. Sans qu'on le lui demande, il a aussi avancé qu'étant donné l'absence dans la loi de dispositions relatives au quorum, il serait plus sûr que tous les membres du Tribunal signent le jugement définitif constatant la décision. Six jours plus tard, le même avocat a fait savoir qu'en vertu de la Loi d'interprétation, les deux membres qui avaient entendu la preuve pou- vaient rendre une décision au nom du Tribunal. Il ne semble pas qu'on ait porté à sa connais- sance que le Président s'était déclaré inapte ni pourquoi il l'avait fait.
Le savant juge de première instance a en outre établi que Gauthier et Barrow ont rédigé leurs conclusions ou leur ordonnance en commun sans s'en rapporter à Buchanan et sans le consulter. Toutefois, ils lui ont soumis le cinquième projet pour qu'il fasse des observa tions sur la grammaire et la rédaction et il sug- géra trois modifications pour améliorer la rédac- tion, la grammaire ou le style. On ne lui a pas demandé de faire d'observations sur le fonds des conclusions ou de l'ordonnance et il ne l'a pas fait. Il a été admis devant le savant juge de première instance que Buchanan n'a ni influencé ni essayé d'influencer les autres mem- bres du Tribunal. Il n'a même pas suggéré que l'on retire du projet de conclusions un paragra- phe qu'il savait être inapproprié, car il donnait ordre au sous-ministre d'imposer un droit antidumping.
En réponse aux questions de ses propres avo- cats, Buchanan a aussi déclaré qu'il n'avait pas conseillé les compagnies dans la rédaction de leurs exposés et qu'il ne les avait jamais vus, qu'il n'avait fait aucune recherche sur cette affaire ni préparé des projets ou des conclusions pour la décision définitive, qu'il n'avait discuté l'affaire avec ses collègues ni avant ni après l'audience, ni au cours des délibérations, et qu'il n'avait rien eu à voir avec l'issue de l'enquête.
Toutefois, lorsque le cinquième projet révisé est devenu le texte définitif, le 13 mars 1970, on en a présenté deux copies à Buchanan, l'une en anglais et l'autre en français, pour qu'il les signe. Il a alors apposé sa signature à la fin, à l'emplacement prévu pour le Président, son nom étant dactylographié au-dessous. Les autres membres les ont aussi signées et le secrétaire a signé à titre de témoin. On a alors fait parvenir les copies signées au sous-ministre, apparem- ment pour se conformer à l'article 16(5) 3 de la loi. Aucune autre copie n'a été signée. Les copies envoyées aux autres parties en confor- mité de la même disposition législative et celles conservées dans les archives du Tribunal ne portaient aucune signature. Dans le cas de la Canadian Pittsburgh Industries Limited, les copies étaient accompagnées d'une lettre signée par le secrétaire déclarant que le Tribunal avait rendu ses conclusions en vertu de l'article 16(3) de la loi et qu'il en joignait copie, en anglais et en français.
Buchanan explique de la façon suivante pour- quoi il a signé le document alors qu'il s'était déclaré inapte à prendre part à cette affaire:
[TRADUCTION] R. A mes yeux, cette signature était une simple formalité. Vu les deux mémoires de Me Gray, je dois dire que je ne me sentais pas obligé de signer la décision; mais j'ai pensé que c'était peut-être plus prudent de le faire.
Le savant juge de première instance a étudié cet aspect de la question dans le passage la page 1119] de ses motifs que voici:
Quelle que soit la personne qui lui a présenté le document pour signature ou qui a fait en sorte que le document lui parvienne, que ce soit le secrétaire ou M. Gauthier, il n'en reste pas moins que ce document lui a été présenté en raison du fait que l'opinion de M. Gray, exprimée dans sa lettre du 12 février 1970, selon laquelle «il serait plus prudent que tous les membres signent le document officiel qui constatera la décision», a été retenue.
M. Buchanan avait également lu les lettres de M. Gray. B ne fait pas de doute que les trois membres,du Tribunal, ainsi que le secrétaire, pensaient que M. Gray avait conseillé que les trois membres du Tribunal signent le document, même si l'un ou l'autre d'entre eux n'avait participé ni aux audiences ni à la décision.
C'était la première fois que le problème se posait, puisque dans tous les cas antérieurs, les trois membres avaient participé aux audiences et aux décisions.
Il est possible que le conseil de M. Gray ait coïncidé dans le temps avec une opinion que M. Buchanan a exprimée dès le 27 octobre 1969, parce que M. German a indiqué dans sa note de cette date (pièce 11), que M. Buchanan l'avait informé qu' [TRADUCTION] «on ne semble généralement pas se rendre compte qu'on n'évite pas de participer à l'élabora- tion d'une décision en évitant de participer aux audiences».
M. Buchanan a donc signé le document daté du 13 mars 1970, qui lui a été présenté à cette fin.
D'après la preuve, je suis convaincu que la participation de M. Buchanan à la décision du Tribunal se limite à la signature qu'il a apposée sur le document qu'on lui a présenté.
Je ne vois pas de fondement juridique permet- tant d'admettre en preuve la note de German, comme on l'avait précédemment malgré l'objec- tion des avocats, comme démontrant quelle était l'opinion de Buchanan. Mais, à mon avis, on peut déduire que telle était l'opinion de Bucha- nan du témoignage de Gauthier selon lequel Buchanan inclinait à penser que les deux mem- bres devaient, en conformité de l'article 28, lui faire rapport sur la preuve entendue et que c'est à cette occasion qu'on a demandé l'avis de Gray sur l'application de l'article 28.
Les conclusions ou ordonnances ont été dac- tylographiées sur environ quatorze feuilles de papier, les deux premières n'étant pas paginées. La première était dactylographiée sur le papier à en-tête du Tribunal antidumping et portait l'inti- tulé de l'affaire ainsi que le lieu et la date de l'enquête. Sur la deuxième feuille, les mots sui- vants étaient dactylographiés:
Tribunal antidumping
Président: M. W. W. Buchanan
Membre: M. J. P. C. Gauthier
Membre: M. B. G. Barrow
Secrétaire et directeur des enquêtes: M. C. D. Arthur
Toute correspondance doit être adressée au Secrétaire du Tribunal antidumping
Édifice de la Justice
Ottawa (Canada)
La page suivante commence par les mots «déci- sion du Tribunal antidumping sur» etc. et, à partir de ce moment-là, on se reporte au Tribu nal en utilisant tout simplement le terme Tribu nal et on ne mentionne nominalement aucun membre. En outre, les copies dactylographiées non signées et déposées en preuve ne semblent
pas prévoir, comme les copies signées, d'empla- cement pour la signature de qui que ce soit.
La principale question dans cet appel, à mon avis, est de déterminer si, dans ces circonstan- ces, on doit estimer que le Président a participé à la décision du Tribunal, la viciant par là-même puisqu'il était inapte à y participer. En exami- nant la question, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller jusqu'à dire qu'on ne peut en aucune façon expliquer la présence d'une simple signature sur un document tel que la décision en question ici, ou l'implication de participation qui semble en découler. On peut concevoir, par exemple, le cas une erreur sur la nature du document expliquerait la signature y figurant. Toutefois, en l'espèce, il ressort de la preuve que le Président savait ce qu'il signait et qu'il n'était pas nécessaire qu'il le signe. A mon avis, le passage que j'ai cité de son témoignage indi- que que, quelle que soit sa raison pour ce faire et qu'il ait ou non considéré qu'il s'agissait d'une formalité, il a signé parce qu'il considérait approprié d'indiquer, en apposant sa signature, qu'il adoptait la décision comme étant la sienne. En outre, il a signé à l'endroit prévu pour la signature du Président et il me semble que qui- conque ayant connaissance du document par la suite en déduirait logiquement qu'il avait parti- cipé à la décision, tout comme s'il avait été présent aux séances avec les autres membres et s'il avait lu la décision et annoncé qu'elle était la sienne et celle des autres membres. Il ressort du paragraphe 16(5) qu'on ne prévoit pas que les décisions du Tribunal soient prononcées en séance, mais il me semble que cette situation particulière donne plus d'importance au docu ment constatant le jugement découlant de l'ac- tion du Tribunal. A mon sens, il n'importe pas que le Président ne se soit pour ainsi dire pas du tout penché sur cette affaire ou qu'il n'ait pas exercé quelque influence sur l'issue. A mon avis, il a adopté la décision comme étant la sienne en la signant en tant que Président du Tribunal et il y a donc participé. En consé- quence, je partage la conclusion du savant juge de première instance qu'en signant la décision, Buchanan y a en fait participé.
Toutefois, en toute déférence, je ne peux accepter la conclusion qui veut que, comme les archives du Tribunal ne contiennent aucune copie de la décision indiquant qu'elle a été signée par Buchanan, on n'a pas établi qu'il avait participé à la décision. Les exemples ne manquent pas de cours d'archives la pratique ne requiert pas la signature du jugement par les juges qui l'ont rendu et, à ma connaissance, il n'existe aucune règle, statutaire ou autre, exi- geant que les membres ou le secrétaire du Tri bunal antidumping, ou quiconque, signe les con clusions ou ordonnances. Je ne pense donc pas que le fait que la signature de Buchanan, ou celle de qui que ce soit d'autre, n'apparaisse pas sur le document versé aux archives du Tribunal antidumping comme étant les conclusions ou ordonnances du Tribunal, soit décisif ou même soit pertinent en l'espèce. Il me semble toutefois que, sans que ce soit nécessairement décisif, il est important de déterminer s'il existait un dos sier du Tribunal dont on pourrait déduire que le Président a pris part à la décision.
Si l'on admet que le document non signé enregistré au Tribunal constitue ses conclusions, ou les seules archives authentiques à cet égard, et si, comme le savant juge de première instance l'a décidé, on ne peut prendre en considération que les archives du Tribunal dans ces procédu- res, il me semble que l'interprétation correcte de ce document est qu'il s'agit des conclusions prises par les membres du Tribunal dont les noms figurent sur la deuxième feuille du docu ment, l'on trouve la constitution du Tribunal. De même, il me semble que toute déposition relative à la participation réelle de l'un ou l'autre des membres du Tribunal à l'élaboration de la décision n'est pas pertinente, et donc inadmissi ble, et que la preuve que l'un d'eux n'y a pas participé du tout ne serait pas admissible parce qu'en contradiction avec la teneur du document. En outre, les dépositions des témoins portant sur le but de l'insertion d'une telle page dans le document sont tout aussi inadmissibles car elles reviennent à usurper les fonctions de la Cour relativement à l'interprétation du document. A mon avis, il s'ensuit que la copie non signée versée au dossier, considérée en elle-même, implique nécessairement et donc établit la parti cipation du Président à la décision.
Par contre, si l'on peut admettre des déposi- tions visant à démontrer que ce qui s'est réelle- ment passé—et il me semble qu'on peut le faire chaque fois que des dossiers manquent ou sont détruits ou que, normalement ou par suite d'une erreur, ils ne sont plus sous la garde de la Cour—il me semble que la preuve en l'espèce démontre que le cinquième projet du document devait constituer les conclusions du Tribunal, ce qu'il est effectivement devenu une fois signé et authentifié comme étant les conclusions par le Président et les membres du Tribunal, et par le secrétaire à titre de témoin de leurs signatures. Mais, au lieu de le verser ou de l'enregistrer autrement au complet dans les archives du Tri bunal, ce qui est la pratique habituelle des cours d'archives, le secrétaire, par erreur, mauvaise compréhension, ou par ignorance d'une telle pratique, a envoyé l'original au sous-ministre au lieu de lui envoyer une copie, comme il doit normalement le faire dans l'exécution de ses fonctions. Le document ainsi signé constituait les conclusions du Tribunal et je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il n'a pas été démontré que le Président l'a signé.
A mon avis, il est démontré que le Président a participé à la décision.
Au cours des plaidoiries en appel, on a sou- levé trois autres questions.
En premier lieu, les avocats de Buchanan et de la Canadian Pittsburgh Industries Limited ont avancé que, pour déclarer quelqu'un inapte au motif de partialité, le critère véritable n'est pas de savoir s'il y avait [TRADUCTION] «une crainte raisonnable de partialité» mais bien de savoir s'il y avait «une possibilité réelle de par- tialité», et que la crainte raisonnable de partia- lité établie par le savant juge de première ins tance ne suffisait pas à faire déclarer le Président inapte. A cet égard, il me semble qu'une crainte raisonnable de partialité a plus de poids qu'une simple suspicion fantaisiste; elle exige ce qu'on a appelé «une suspicion raison- née» et je doute que cela diffère au fond de ce qu'on a appelé [TRADUCTION] «une possibilité réelle de partialité». Le maître des rôles, Lord Denning, a expliqué cette expression de la manière suivante dans l'arrêt Metropolitan
Properties Co. c. Lannon [1968] 3 All E.R. 304, à la p. 309:
[TRADUCTION] En ce qui concerne la partialité, on a admis que M. Lannon n'avait pas réellement agi avec partialité ou de mauvaise foi. Mais on a avancé qu'il y avait une possibi- lité réelle de partialité, bien qu'il n'en ait pas été conscient. C'est une question sur laquelle le droit n'est pas clair; je vais commencer avec la célèbre déclaration da juge en chef, Lord Hewart, dans l'arrêt R. c. Sussex Justices, Ex p. McCarthy ([1923] All E.R. Rep. 233 à la p. 234):
. il est tout à fait primordial, et non simplement impor tant, que non seulement justice soit rendue mais que, dans l'esprit des gens, il soit manifeste et indubitable que justice est rendue.
Dans l'arrêt R. c. Barnsley County Borough Licensing Jus tices, Ex p. Barnsley & District Licensed Victuallers' Assocn. ([1960] 2 All E.R. 703, aux pp. 714 et 715), le Lord juge Devlin semble avoir limité de façon considérable ce principe, mais je crois qu'on doit l'appliquer. Cela démontre le point suivant: en examinant s'il y a une possibilité réelle de partialité, le tribunal ne considère pas l'état d'esprit du juge lui-même ou celui du président du tribunal ou de quiconque siège à titre judiciaire. Il ne cherche pas à savoir s'il y a une possibilité réelle qu'il puisse ou qu'il ait effecti- vement favorisé une partie aux dépens de l'autre. Le tribu nal examine quelle serait l'impression des tiers. Même s'il était aussi impartial que possible, néanmoins si une personne raisonnable risque de penser que, dans les circonstances, il y avait une possibilité réelle de partialité de sa part, alors il ne doit pas siéger. Et s'il siège malgré tout, sa décision ne peut être maintenue: voir les arrêts R. c. Huggins ([1895-99] All E.R. Rep. 914); R. c. Sunderland Justices ([1901] 2 K.B. 357, à la p. 373) rendus par le Lord juge Vaughan Williams. Néanmoins, il doit y avoir une possibilité réelle de partialité. Il faut plus qu'un doute ou une supposition: voir les arrêts R. c. Camborne Justices, Ex p. Pearce ([1955] 1 Q.B. 41, aux pp. 48 à 51); R. c. Nailsworth Justices, Ex p. Bird ([1953] 2 All E.R. 652). I1 doit exister des circonstances dont un homme raisonnable déduirait qu'il est probable ou vraisem- blable que le juge ou le président, suivant le cas, favoriserait ou a effectivement favorisé injustement une partie aux dépens de l'autre. Le tribunal ne cherchera pas à établir s'il a effectivement favorisé injustement une partie. Il suffit que des personnes raisonnables puissent le penser. La raison en est assez simple: la justice doit s'appuyer sur la confiance et la confiance est détruite quand des gens ayant l'esprit droit peuvent penser: «Le juge était partial.»
Toutefois, qu'il y ait ou non une différence entre «une crainte raisonnable de partialité» et «une possibilité réelle de partialité», c'est le critère de la crainte raisonnable de partialité qu'a appliqué la Cour suprême dans l'arrêt Szi- lard c. Szasz [1955] R.C.S. 3, et, plus récem- ment, dans l'arrêt Blanchette c. C.I.S. Limited (le 3 mai 1973, arrêt non encore publié). C'est donc le critère que l'on doit appliquer. Dans l'arrêt Szilard, le juge Rand présente la question de la façon suivante la page 6):
[TRADUCTION] Cette jurisprudence illustre la nature et le degré des relations d'affaires et des relations personnelles qui peuvent faire douter de l'impartialité à tel point qu'une partie à un arbitrage en vienne à mettre en question la composition du tribunal. C'est la probabilité ou la suspicion raisonnée d'une appréciation et d'un jugement partiaux, aussi involontaires qu'ils soient, qui fausse dès le début le processus d'arbitrage. Toute partie doit pouvoir raisonnable- ment postuler l'indépendance d'esprit de ceux qui vont la juger ou juger ses affaires.
C'est particulièrement vrai en l'espèce, car il a accepté la personne choisie. La Cour d'appel a estimé que «de ce seul fait» (le fait que l'arbitre soit copropriétaire) «on ne peut pas déduire que l'arbitre n'a pas agi de façon entièrement impar- tiale. On ne nous a soumis aucune preuve qu'il n'aurait pas, en fait, agi de façon impartiale.» Mais, ainsi que les faits le révèlent, ce n'est pas simplement une affaire de copropriété. Nous n'avons pas non plus à déduire que l'arbitre «n'a pas agi de façon entièrement impartiale»; il suffit qu'il existe un fondement de crainte raisonnable qu'il en soit ainsi. Il me semble probable, sinon indubitable, qu'une fois les faits portés à la connaissance de Szilard, il aurait refusé, avec raison, d'accepter Sommer.
Compte tenu de la preuve des relations et de l'association du Président avec les compagnies fabricantes de verre et avec leurs représentants au cours de la période qui a suivi sa nomination au poste de Président du Tribunal, rien n'indi- que, à mon avis, qu'il faille modifier les conclu sions du savant juge de première instance selon lesquelles le Président était inapte par suite d'une crainte raisonnable de partialité.
Hormis la question de la partialité, il y a aussi le fait que Buchanan n'a pas entendu les déposi- tions, ce qui, en soit, suffit à le rendre inapte à participer à la décision.
On a ensuite avancé que, nonobstant le fait que le Président était inapte et a participé à la décision, la Cour peut refuser tout redressement et devrait le faire compte tenu des faits de la présente espèce. On a fait valoir qu'après que les faits ont été connus, un délai d'environ deux ans s'est écoulé avant l'introduction des procé- dures; que la participation du Président, le cas échéant, a été minime; que le savant juge de première instance, tout en considérant qu'il y avait une crainte raisonnable de partialité, a établi que le Président n'avait pas en fait été partial; qu'aucun des importateurs dont les droits étaient touchés par la décision ne s'était inquiété de cette dernière ou de l'apparence de participation du Président et, si cela les avait
suffisamment préoccupés pour qu'ils se rensei- gnent, le secrétaire aurait porté à leur connais- sance le fait que le Président n'avait pas pris part à l'élaboration de la décision; qu'il y avait eu inconduite du requérant à de nombreux égards en ce qui concerne les enquêtes tenues avant l'introduction de ces procédures, les allé- gations qu'elles contiennent et les mesures qu'il a prises à cet égard; que rien de bon ne sortirait de l'annulation de la décision alors qu'un préju- dice serait causé aux compagnies fabricantes de verre, que les objections à la décision étaient simplement techniques puisqu'on ne mettait pas en question son exactitude; et que l'article 31' de la Loi antidumping offrait un recours qui aurait permis de rectifier les erreurs sans néces- sairement modifier le résultat.
A mon avis, une fois démontré le bien-fondé de certaines de ces questions, en particulier celles qui se rapportent au délai, au redresse- ment accessoire et à l'absence de contestation de l'exactitude de la décision, nous aurions pu les prendre en considération en cas de demande par un particulier d'une autorisation de déli- vrance d'un bref de certiorari; mais aucune de ces questions, même si l'on avait démontré leur bien-fondé, ne pourrait avoir pour effet d'empê- cher le procureur général, agissant au nom de la Couronne, de demander l'annulation d'une déci- sion du Tribunal par voie de certiorari s'il existe des motifs appropriés de nullité. La question du pouvoir discrétionnaire, vu la façon dont je con- çois les principes appliqués à l'ancienne procé- dure de certiorari en deux étapes, ne se posait qu'au moment de la demande d'autorisation de délivrance du bref de prérogative. Une fois le bref délivré, jamais, du moins à ma connais- sance, la requête en annulation n'a soulevé d'au- tre question que celle de la légalité de la déci- sion contestée.
Dans la procédure moderne, les deux étapes sont groupées en une seule, savoir la discrétion d'accorder le redressement demandé et le fondement des objections juridiques à la décision contestée, et envisagées ensembles, il n'est pas surprenant de trouver que les deman- des sont fréquemment refusées dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal bien
qu'on ait pu établir des objections valables à la décision. Toutefois, on n'a pas rapporté d'affai- res qui ont eu un tel résultat et dans lesquelles le procureur général avait présenté une demande au nom de la Couronne. Comme le bref était antérieurement délivré de plein droit à sa seule demande, il me semble qu'il n'y a pas de fonde- ment légal sur lequel on peut décider que la Cour a maintenant une quelconque discrétion de refuser sa demande une fois établie l'existence d'une objection valide à la décision contestée.
L'étendue du pouvoir discrétionnaire de la Cour est décrite de la manière suivante à 11 Hals. Sème éd., à la page 139:
[TRADUCTION] 263. Certiorari accordé de plein droit. Le bref de certiorari est accordé de plein droit sur demande du procureur général, agissant au nom de la Couronne, dans tous les cas le tribunal est compétent pour connaître de l'objet des procédures se déroulant devant un tribunal d'ins- tance inférieure.
264. Pouvoir discrétionnaire d'accorder le bref. Dans tous les cas autres que ceux que nous avons mentionnés, le bref est accordé à la discrétion du tribunal.
Voir aussi les arrêts Le Roi c. Eaton (1787) 2 T.R. 49, Le Roi c. Bass (1793) 5 T.R. 251, Re Ruggles 35 N.S.R. 57, et Le Roi c. Amendt [1915] 2 K.B. 276.
Je suis donc d'avis que la Cour n'a pas de pouvoir discrétionnaire pour refuser d'annuler la décision prise par le Tribunal antidumping une fois qu'on a établi qu'elle est invalide.
Le dernier point soulevé par les avocats de Buchanan au cours de leur plaidoirie, qu'ils n'avaient pas invoqué dans leur exposé, portait que la Division de première instance n'était pas compétente pour connaître d'une demande pré- sentée par le procureur général en vue d'obtenir un redressement tel que le certiorari pour annu- ler la décision du Tribunal antidumping. D'après cette prétention, à ce que je vois, pour que la Cour soit compétente, il faudrait démontrer en premier lieu que la demande relève de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale et que ledit article a un effet rétroactif, et, en deuxième lieu, que puisque l'article 18 ne confère pas expres- sément au procureur général le droit d'instituer des procédures du genre mentionné aux présen- tes (comme le fait l'article 28(2) dans le cas des procédures en vertu de cet article) et semble
seulement envisager le procureur général comme intimé, la Cour n'avait pas compétence pour connaître de sa demande.
Avant le l er juin 1971, l'article 30 de la Loi antidumping prévoyait la procédure suivante en ce qui concerne les décisions du Tribunal antidumping:
30. (1) Sous réserve de l'article 31, les ordonnances ou conclusions du Tribunal sont définitives et péremptoires.
(2) La Cour de l'Échiquier du Canada a compétence exclusive, en première instance, pour entendre et décider de toute demande relative à un bref de certiorari, de prohibition ou de mandamus ou à une injonction relative à une ordon- nance ou à des conclusions du Tribunal ou à des procédures devant le Tribunal.
(3) Une ordonnance ou des conclusions du Tribunal ne peuvent être modifiées, limitées, annulées ou rejetées par certiorari, prohibition, mandamus ou injonction ni par aucune autre méthode ou procédure devant la Cour de l'Échiquier pour le motif
a) que le Tribunal a rendu une décision erronée sur une question de droit ou de fait; ou
b) que le Tribunal n'avait pas compétence pour accueillir les procédures au cours desquelles l'ordonnance a été rendue ou les conclusions ont été prises ou pour rendre l'ordonnance ou prendre les conclusions.
Il me semble que l'effet de cet article est le suivant: (1) avant le l er juin 1971, aucune cour supérieure provinciale n'était compétente, et ne l'avait jamais été, pour connaître des procédu- res du genre de celles mentionnées à l'article en ce qui concerne toute décision ou ordonnance du Tribunal antidumping; (2) la compétence exclusive de connaître des procédures de ce genre à l'égard d'une ordonnance du Tribunal a été conférée dès le début à la Cour de l'Échi- quier du Canada; et (3) le domaine dans lequel la Cour de l'Échiquier poûvait agir dans de telles procédures a été rigoureusement délimité, sinon entièrement éliminé, par le paragraphe 30(3). Celui-ci empêche en particulier la Cour de l'Échiquier d'annuler une telle ordonnance ou conclusion par voie de certiorari pour le motif que le tribunal n'était pas compétent pour arriver à cette conclusion ou rendre cette ordonnance.
Il me semble que l'abrogation de ces disposi tions par le paragraphe 64(3) 5 de la Loi sur la Cour fédérale, associée au fait que l'article 18 de ladite loi confère à la Division de première instance de la Cour, sous son nouveau nom, la
compétence générale d'émettre des brefs de cer- tiorari et d'entendre toute demande de redresse- ment de la nature du certiorari engagée contre la décision de tout office, commission ou tribunal fédéral, a doté ladite cour de la compétence nécessaire pour annuler une ordonnance ou des conclusions du Tribunal antidumping en invo- quant le défaut de compétence de ce dernier pour statuer. Il me semble en outre que le paragraphe 61(2) 6 de la Loi sur la Cour fédérale entraîne que cette compétence s'applique à l'égard de toutes les questions soulevées avant le l ei juin 1971.
Il est tout à fait exact qu'en créant cette compétence, la loi ne précise pas expressément que le procureur général peut l'invoquer dans une procédure qu'il engage. Elle ne précise pas du tout qui peut intenter une telle procédure. Mais il me semble clair qu'on prévoyait que quelqu'un puisse invoquer cette compétence. Je ne vois pas pourquoi on devrait limiter la com- pétence de la Cour aux procédures intentées par quelqu'un d'autre que le procureur général, agis- sant au nom de la Couronne, quand la procédure d'examen en cause n'est pas d'un genre nouveau ou inconnu jusque-là, à la différence de celle que prévoit l'article 28, mais que c'est une pro- cédure bien connue, utilisée depuis des siècles par le procureur général devant d'autres tribu- naux et dans d'autres situations et en vertu de laquelle il pouvait demander un redressement de plein droit. Je ne vois rien non plus au paragra- phe 18(2) qui prévoit des procédures intentées contre lui à titre de représentant d'un office, commission ou tribunal fédéral, qui soit incom patible avec cette conclusion. En conséquence, cette prétention est rejetée.
Il s'ensuit donc, à mon avis, qu'il faut accueil- lir l'appel. Je ne modifie toutefois pas l'ordon- nance du savant juge de première instance dans la mesure elle accorde à Buchanan ses frais taxables entre parties jusqu'au 4 juillet 1972 inclus, date à laquelle le procureur général a retiré son allégation selon laquelle Buchanan avait un intérêt pécuniaire. Mais à tous les autres égards, je réforme la décision de la Divi sion de première instance et ordonne que la décision du Tribunal antidumping soit annulée. Le procureur général n'a pas demandé de
dépens et, sauf pour ce qu'on a mentionné, il n'y aura pas d'adjudication des dépens aux parties ni en Division de première instance ni en appel.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT CAMERON a souscrit à l'avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN (oralement)—A mon avis, la présente affaire ne soulève qu'une seule question: Buchanan, Président du Tribunal antidumping, a-t-il participé à la décision du Tribunal? Le savant juge de première instance a conclu que Buchanan avait participé s'il a effec- tivement signé la décision, mais il a décidé qu'il ne pouvait arriver à cette conclusion vu le prin- cipe de droit énoncé à l'arrêt Rex c. Nat Bell Liquors, Ld. [1922] 2 A.C. 128, qui exigeait qu'il se limite à un examen du dossier.
Le savant juge de première instance a fondé cette décision sur l'opinion que les archives du Tribunal antidumping, en tant que cour d'archi- ves, doivent comprendre un document consta- tant la décision et portant effectivement la signature des membres qui l'ont prise. Il déclare à la page 1132 du recueil figurent ses motifs ([1972] C.F. 1078):
En premier lieu, le document original constatant l'ordon- nance ou conclusion du Tribunal signée des membres du Tribunal qui l'ont rendue doit constituer l'élément fonda- mental du dossier.
Avant dans ses motifs, à la page 1130, il déclarait:
Il est absolument certain que M. Buchanan a signé un document qu'il croyait être la décision du Tribunal. Il est également certain, pour les raisons que j'ai déjà indiquées, que le dossier du Tribunal ne contient aucune décision signée de M. Buchanan. Le document qu'il a signé et qu'ont signé les autres membres, ainsi que le secrétaire à titre de témoin, a été expédié au sous-ministre. Ce document que le sous-ministre a en sa possession n'est pas une copie du document qui fait partie des archives du Tribunal, parce qu'il porte la signature de tous les membres du Tribunal et celle du secrétaire, alors que le document qui fait partie des archives du Tribunal ne porte aucune de ces signatures.
A la page 1132, il déclare:
Je suis d'avis que M. Buchanan était inapte à participer à la décision. De nombreuses preuves le démontrent. Les preuves relatives à sa partialité sont pertinentes. Sa partici pation aurait consisté à signer la décision. Il a été établi que
le dossier du Tribunal ne contient pas de décision signée de M. Buchanan. Il s'ensuit qu'il n'a pas participé à la décision.
A mon avis, le document non signé qui figure aux archives du Tribunal constitue le dossier des procédures. Il est constitué de 14 pages; sur la deuxième on trouve les noms du Président et des deux autres membres, la 14 ème feuille ne porte pas de signatures à la fin du texte de la décision. Apparemment, le document produit par le Tribunal à la Cour n'était pas la copie exacte de celle versée aux archives l'on avait inséré, en dernière page, des copies des signatu res des trois membres du Tribunal. La Cour a le droit d'inspecter le véritable dossier du Tribu nal; on aurait donc produire la copie de la décision figurant aux archives du Tribunal.
Le dossier des procédures devant une cour d'archives n'est pas constitué par les documents signés par les juges mais par le registre gardé à cette fin. Dans son Dictionary of English Law, le comte Jowitt définit les cours d'archives de la façon suivante:
[TRADUCTION] Cours d'archives: tribunaux dont les actes et procédures judiciaires sont enregistrés pour en garder mémoire et témoignage à perpétuité; ces inscriptions sont appelées les archives du tribunal, et sont d'une force pro- bante si élevée et si éminente qu'on ne peut mettre en doute leur exactitude.
Voici un extrait de la Règle 338 des règles de la Cour fédérale, qui porte en marge la mention «enregistrement»:
Règle 338. (1) Les jugements et ordonnances doivent être enregistrés par l'officier compétent du greffe, par inscription dans un livre tenu à cette fin, immédiatement après qu'ils ont été prononcés ou rendus.
Il s'avère que le Tribunal antidumping n'a pas adopté de règles, mais il n'y a rien d'illégal dans le fait de considérer des copies non signées des décisions du Tribunal comme le dossier de ses procédures et l'on peut donc les considérer comme le dossier officiel.
La copie de la décision du Tribunal dans les archives de cet organisme, qui porte les noms du Président et des deux autres membres, indi- que qu'ils ont participé à la décision; le savant juge de première instance l'avait à sa disposition et elle démontrait que Buchanan avait participé
à la décision. Ayant à bon droit établi que Buchanan était inapte à participer à l'élabora- tion de la décision, le savant juge de première instance aurait conclure que Buchanan y avait participé et que la décision du Tribunal antidumping était donc invalide.
Si l'on avait décidé que la décision signée par les membres du Tribunal constituait le dossier du Tribunal, aucun principe de droit n'empê- chait la Cour de s'assurer de ce qu'elle était devenue et de son contenu. Si l'on en décidait autrement, un tribunal inférieur pourrait empê- cher un examen de ses procédures en ne conser- vant pas de dossier, en le tenant secret ou en le détruisant. Il n'est absolument pas contesté que Buchanan et les deux autres membres du Tribu nal ont signé des copies de la décision en fran- çais et en anglais et qu'elles ont été toutes deux envoyées au sous-ministre. Le savant juge de première instance n'aurait pas ignorer ces faits qui démontraient que Buchanan avait parti- cipé à la décision.
Il est admis que Buchanan n'a pas pris part aux audiences publiques au cours desquelles les dépositions ont eu lieu, si bien que, sur ce seul motif et sans même examiner la question de la crainte ou de la•possibilité de partialité, sa parti cipation à la décision l'a viciée.
La question de savoir si, dans les circonstan- ces, Buchanan a participé à la décision du Tri bunal en la signant est une question de fait. Après avoir examiné les faits en détail, le savant juge de première instance a déclaré la page 1121]:
Je ne vois pas comment on peut dire qu'un membre ne fait pas sienne la conclusion du Tribunal lorsqu'il signe celle-ci. Par conséquent, si une décision est portée à la connaissance d'un intéressé dans le cours ordinaire de la procédure, et que la signature d'un membre y apparaît ou qu'il apparaît claire- ment que celle-ci y a été apposée, cette personne est en droit de croire que le membre en question a participé à l'élabora- tion de la décision.
Je crois que la preuve justifie une conclusion selon laquelle Buchanan a signé la décision et y a participé. Je suis d'avis de trancher l'appel comme le propose le juge Thurlow.
1 23. (1) Le président est le fonctionnaire administratif en chef du Tribunal et assume la surveillance et la direction des travaux du Tribunal, notamment
a) la répartition des travaux entre les membres du Tribu nal et l'affectation des membres aux auditions du Tribunal et à la présidence de ces auditions, et
b) de façon générale, la conduite des travaux du Tribunal, sa régie interne et les fonctions de son personnel.
2 28. (2) Un membre, par lequel des témoignages relatifs à une audition en vertu de la présente loi ont été reçus en conformité du paragraphe (1), doit en faire rapport au Tribu nal et une copie du rapport doit être fournie à chacune des parties à l'audition.
16. (5) Le secrétaire transmet, par courrier recom- mandé, une copie de toute ordonnance ou de toutes conclu sions au sous-ministre, à l'importateur, à l'exportateur et aux autres personnes que peuvent spécifier les règles du Tribunal.
4 31. Le Tribunal peut, en tout temps après la date d'une ordonnance rendue ou d'une conclusion prise par lui, révi- ser, modifier ou annuler l'ordonnance ou les conclusions, ou il peut, avant d'en décider, tenir une nouvelle audition au sujet d'une affaire.
64. (3) Les lois ou parties de lois indiquées à la colonne I de l'annexe B de la présente loi sont abrogées ou modifiées de la manière et dans la mesure indiquées à la colonne II de cette annexe.
6 61. (2) Sous réserve du paragraphe (1), toute compé- tence conférée par la présente loi doit être exercée relative- ment aux questions soulevées soit avant soit après l'entrée en vigueur de la présente loi.
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