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A-277-72
Frank H. Galway (Appelant) (Demandeur) c.
Le ministre du Revenu national (Intimé) (Défendeur)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Thurlow et Pratte—Ottawa, le 22 avril 1974.
Impôt sur le revenu—L'appelant demande un jugement sur consentement—Objections soulevées par la Cour d'appel— Possibilité de présenter des plaidoiries orales accordée— Règles 324 et 1212 de la Cour fédérale—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 54(1) et 100(4).
Après paiement de son impôt sur le revenu pour l'année 1961, une nouvelle cotisation de l'appelant a été établie en 1966 pour son revenu de $200,500 non déclaré précédem- ment, ce qui a entraîné un impôt supplémentaire de $133,- 000, plus $32,000 d'intérêt. L'appel fut rejeté par la Com mission de révision de l'impôt et la Division de première instance.
En appel devant cette cour une demande de jugement sur consentement fut introduite pour déférer la cotisation de l'appelant à l'intimé afin de procéder à une nouvelle cotisa- tion de l'appelant fixant l'impôt et l'intérêt dûs au montant total de $100,000, soit un montant inférieur aux $165,000 dûs par l'appelant au titre de l'impôt supplémentaire et de l'intérêt.
Arrêt: la Cour a examiné les difficultés soulevées par la demande, puisque (1) le jugement sur consentement fixe une somme unique couvrant l'impôt et l'intérêt; (2) un montant fixe d'intérêt avant que l'impôt ait été complètement acquitté est incompatible avec l'art. 54(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu; (3) il ne s'agit pas d'une affaire l'on doit réduire le montant en litige: a) aux fins de rectifier le montant; b) aux termes de la Loi sur l'administration finan- cière, S.R.C. 1970, c. F-10, article 17; c) aux termes de la Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1970, c. J-2. Au contraire, il s'agissait d'une affaire dans laquelle les $200,- 500 en entier étaient imposables ou non. Les parties ont trente jours pour demander les date et lieu de l'audience relative à la requête et, à défaut, la requête en jugement sur consentement sera rejetée.
Arrêt examiné: Slaney c. Kean [1970] 1 All E.R. 434. DEMANDE par écrit en vertu de la Règle 324.
AVOCATS:
Richard R. Walker pour l'appelant. W. J. Hobson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Wilson, Barnes, Walker, Montello, Beach & Perfect, Windsor, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR—Il s'agit d'une demande par écrit en vertu de la Règle 324 visant à obtenir un jugement sur consente- ment dans le cadre d'un appel interjeté d'un jugement de la Division de première instance. Ledit jugement sur consentement entraînerait l'annulation du jugement de la Division de pre- mière instance et la présente cour rendrait un jugement par lequel la cotisation de l'appelant, pour l'année d'imposition 1961, serait déférée à l'intimé en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu afin [TRADUCTION] «de procéder à une nouvelle cotisation de l'appelant fixant l'impôt et l'intérêt au montant total de $100,000 en conformité du procès-verbal de transaction modifié, tel que versé au dossier».
Comme nous ne sommes pas certains que la requête doive être accueillie, il convient de donner aux avocats l'occasion de plaider à l'au- dience. Nous allons passer la question en revue pour que les avocats sachent nous situons les difficultés.
Voici les faits pertinents, tels qu'ils se déga- gent du dossier de la Division de première instance:
1. En 1962, l'appelant produisit sa déclara- tion d'impôt sur le revenu pour l'année d'im- position 1961; l'impôt exigible pour l'année en question s'élevait à $16,178.00 dont $4,950 avaient été payés par retenue à la source et $11,288.08 demeuraient impayés.
2. La cotisation d'impôt de l'appelant fut éta- blie selon sa dclaration pour l'année et le solde fut apparemment réglé.
3. En 1966, une nouvelle cotisation de $149,- 559.66 fut établie pour l'année d'imposition 1961. Ce chiffre fut calculé en ajoutant $133,381.58 à la cotisation établie à l'origine, soit le montant d'un impôt supplémentaire provenant d'une «commission» de $200,500 que l'appelant n'avait pas déclarée comme revenu. La nouvelle cotisation fixa également un montant de $32,344.89 à titre d'«intérêt calculé sur l'augmentation de l'impôt».
4. L'appelant interjeta tout d'abord appel devant la Commission de révision de l'impôt, puis devant la Division de première instance. Il n'y eut aucune controverse quant au mon-
tant devant la Division de première instance; la seule question était de savoir si la somme de $200,500 avait été perçue dans des circon- stances telles qu'on devait l'inclure dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1961 aux fins de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu.
5. La Division de première instance ayant rejeté l'appel, l'appelant a porté l'affaire devant la présente cour.
Le paragraphe essentiel du jugement sur con- sentement proposé se lit comme suit:
[TRADUCTION] LA COUR SUSDITE STATUE que l'appel inter- jeté par l'appelant d'une cotisation à l'égard de son année d'imposition 1961 est accueilli en partie, sans dépens, et que ladite cotisation est déférée à l'intimé afin qu'il procède à une nouvelle cotisation de l'appelant et fixe les intérêts à la somme totale de $100,000.00 en conformité du procès-ver bal de transaction modifié, tel que versé au dossier.
En l'absence d'une disposition spéciale, il n'est pas certain qu'on doive infirmer un juge- ment en appel à moins que la Cour d'appel n'ait étudié la question au fond. Comparer avec l'ar- rêt Slaney c. Kean.'
On trouve le pouvoir d'infirmer ou de modi fier un jugement sur consentement à la Règle 1212, telle que modifiée, qui se lit comme suit:
Règle 1212. Un intimé peut consentir à ce que le jugement porté en appel soit infirmé ou modifié en donnant à l'appe- lant un avis indiquant qu'il consent à ce que le jugement soit infirmé ou modifié de la manière y indiquée, et la Cour doit ensuite, à la demande de l'appelant, rendre jugement en conformité de l'avis à condition que ledit jugement en soit un qui puisse être prononcé du consentement mutuel des parties.
Lorsque le jugement rendu en vertu de cette règle infirme ou modifie le jugement de la Divi sion de première instance, il ne peut s'agir que d'un jugement que la Division de première ins tance aurait pu prononcer du consentement des parties. Cela découle du fait que cette cour, quand elle accueille un appel d'une décision de la Division de première instance, doit rendre le jugement que la Division de première instance aurait rendre (voir l'article 52 b) de la Loi sur la Cour fédérale).
Lors d'un appel interjeté en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle s'appliquait
1 [1970j 1 All E.R. 434.
pour l'année d'imposition 1961, la Division de première instance, pouvait, lorsque cet appel avait pour effet de modifier la cotisation, accueillir l'appel et modifier la cotisation ou la déférer au Ministre pour «plus ample étude et nouvelle cotisation» (voir l'article 100(4)). Il ne semble pas que la Cour puisse, en déférant la cotisation pour en faire établir une nouvelle, demander au Ministre de prendre des mesures autres que celles que la Loi l'oblige à prendre en pareil cas.
Il semble évident qu'en établissant une nou- velle cotisation, le Ministre ne peut rien faire d'autre que l'établir en conformité du pouvoir que lui confère la Loi de l'impôt sur le revenu. Ainsi, le Ministre était tenu de fixer
a) la cotisation d'impôt pour l'année d'imposi- tion et
b) l'intérêt payable et les pénalités, le cas échéant.
Comparer avec l'article 46(1) de la Loi de l'im- pôt sur le revenu susmentionnée.
Le premier problème relatif au jugement sur consentement proposé provient du fait qu'il envisage de fixer une seule somme pour l'impôt et les intérêts alors que, en apparence au moins, le Ministre a un pouvoir de fixer l'impôt pour l'année d'imposition et un pouvoir accessoire de fixer l'intérêt et les pénalités.
Le second problème réside dans la mention de l'«intérêt». L'intérêt en cause est probable- ment payable en vertu de l'article 54(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu susmentionnée, qui se lit comme suit:
54. (1) Lorsque le montant versé, au titre de l'impôt payable par un contribuable en vertu de la présente Partie pour une année d'imposition, avant l'expiration du délai accordé pour la production de la déclaration du revenu du contribuable, est inférieur au montant de l'impôt payable pour l'année en vertu de la présente Partie, la personne tenue d'acquitter l'impôt doit payer l'intérêt sur la différence entre ces deux montants, à compter de l'expiration du délai pour la production de la déclaration du revenu jusqu'au jour du paiement au taux de six pour cent l'an.
A notre avis, cette disposition ne permet pas la cotisation d'un montant fixe pour les intérêts avant que l'impôt ait été complètement acquitté.
On doit payer un intérêt de six pour cent l'an sur l'impôt impayé (montant qui peut être déter- miné) à compter d'une certaine date «jusqu'au jour du paiement» et, selon nous, on doit fixer la cotisation en conséquence. 2 Si le Ministre ne peut fixer les intérêts avant le paiement de l'impôt il ne semble pas que la Cour puisse le lui ordonner.
On se heurte à une difficulté supplémentaire; en effet, en supposant que l'on puisse fixer le montant des intérêts pour la période à courir jusqu'au moment de la cotisation (ce que la cotisation proposée ne fait pas expressément), il résulterait de cette cotisation proposée sous forme de somme forfaitaire que tout retard dans l'exécution du règlement provoquerait la dimi nution du montant de l'impôt exigible et cela, nous semble-t-il, ne peut être fondé.
Enfin, nous devons exprimer un doute sérieux sur le point de savoir s'il s'agit d'une transaction susceptible d'être mise en oeuvre au moyen d'une cotisation. Il existe trois motifs possibles d'une telle transaction, à savoir:
a) les parties reconnaissent que l'impôt exact sur la base des faits établis au procès est d'un certain montant, auquel cas un jugement donnant effet à l'accord par voie de nouvelle cotisation exigerait que l'intimé prenne des mesures qui relèvent de ses pouvoirs de cotisation,
b) le Ministre, dans sa sagesse, a la conviction qu'il existe des considérations humanitaires pour une remise d'impôt, auquel cas le gou- verneur en conseil peut y procéder en vertu
2 La cotisation pourrait par exemple porter que l'intérêt est payable sur le montant de $X (l'impôt impayé) au taux de 6 p. 100 l'an du 30 avril 197- jusqu'au jour du paiement dudit montant de $X. On ne peut fixer l'intérêt pour une période qui n'est pas déterminée.
de l'article 17 de la Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, c. F-10, 3 ou
c) les conseillers juridiques du Ministre sont convaincus qu'il est difficile de percevoir le montant aux termes de la cotisation actuelle et qu'on peut obtenir plus aux termes de la transaction que par une action en jus tice, auquel cas le compromis est probable- ment une transaction qui peut être effectuée à juste titre dans l'exercice des pouvoirs du procureur général du Canada visant à régler et à diriger toute action pour le compte de la Couronne en vertu de la Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1970, c. J-2.
Il ne s'agit manifestement pas d'une affaire l'on convient de réduire le montant de l'impôt en cause. Il s'agit de savoir si les $200,500 en entier étaient imposables ou non. Dans ces cir- constances, nous émettons des doutes sérieux quant à savoir si le Ministre est fondé en droit à établir une nouvelle cotisation pour ne réclamer qu'une partie du montant de l'impôt en cause. S'il n'est pas fondé en droit à le faire, la Cour ne peut exiger qu'il le fasse.
Il conviendrait également de mentionner une question qui s'est présentée à nous, à savoir si le jugement sur consentement satisfait à l'intention
3 17. (1) Sur la recommandation du conseil du Trésor, le gouverneur en conseil peut, chaque fois qu'il le juge d'inté- rêt public, remettre tout impôt, droit ou peine.
(2) Une remise selon le présent article peut être totale ou partielle, conditionnelle ou absolue, et accordée
a) avant, après ou pendant une poursuite ou procédure en recouvrement de l'impôt, du droit ou de la peine à l'égard de laquelle la remise est octroyée;
b) avant ou après qu'un paiement en a été effectué ou poursuivi par voie de droit ou saisie-exécution; et,
c) s'il s'agit d'un impôt ou droit, dans tout cas particulier ou toute catégorie de cas particulière H et avant que la responsabilité à cet égard prenne naissance.
(3) Une remise selon le présent article peut être accordée
a) par l'abstention d'intenter une poursuite ou procédure en recouvrement de l'impôt, du droit ou de la peine à l'égard de laquelle la remise est octroyée;
b) par l'ajournement, la suspension ou la discontinuation de toute poursuite ou procédure déjà intentée;
c) par l'abstention de poursuivre toute exécution ou voie de droit sur jugement, ou par la suspension ou l'abandon d'une exécution ou voie de droit de ce genre;
d) par l'inscription de l'acquittement d'obligation sur juge- ment; ou
e) par le remboursement de toute somme d'argent payée au receveur général ou recouvrée par ce dernier, pour l'impôt le droit ou la peine.
des parties. Nous pensons qu'il est rédigé de façon à fixer l'impôt pour 1961 et l'intérêt à $100,000. Cela signifierait que les $16,178.08 déjà payés devraient en être déduits pour déter- miner le montant exigible. Le procès-verbal de transaction, toutefois, vise le paiement du mon- tant total.
Les parties, ou l'une d'entre elles, ont trente jours à compter de la date du prononcé de ces motifs pour demander les date et lieu de l'au- dience relative à la requête et, à défaut d'une telle demande, la requête en jugement sur con- sentement sera rejetée.
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