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T-194-74
In re la Loi sur les corporations canadiennes et ses règlements d'application
et
In re une requête de la MacMillan Bloedel Indus tries Limited et de la Harmac Pulp Limited demandant un bref de certiorari à l'adresse de l'honorable ministre de la Consonunation et des Corporations
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, le 21 janvier; Ottawa, le 8 avril 1974.
Mandamus—Substitué au mot «certiorari» de l'intitulé initial—Corporations—Demande de lettres patentes confir- mant la convention de fusion—Droits de & ôt calculés sur le capital projeté de la compagnie née de la fusion—Le Ministre exige des droits plus élevés calculés sur la valeur nette de la compagnie—Droits plus élevés déclarés valides et applicables—Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, c. C-32, art. 5.4(1), 137 et 151—Règlement sur l'acti- vité de dirigeant, C.P. 1971-539, DORS/71-125, 105 Gazette du Canada, Partie II, p. 582, articles 22, 23 et annexe II, paragraphe 1.
Les compagnies qui ont demandé des lettres patentes confirmant une convention de fusion cherchaient à obtenir un bref de certiorari (corrigé pour se lire mandamus) adressé au ministre de la Consommation et des Corporations l'enjoignant d'accepter la somme de $150 (droits sur une demande visant le maintien de l'existence d'une compagnie, en vertu de l'alinéa 1 f) de l'annexe II du Règlement sur l'activité de dirigeant) ou, subsidiairement, la somme de $8,975 calculée sur le capital proposé de la compagnie née de la fusion en vertu de l'article 22 du Règlement et de l'alinéa 1 e) de l'annexe II. Suivant la thèse du Ministre, le droit devait être calculé sur la valeur nette globale des compagnies constituantes, soit la somme de $96,225.
Arrêt: la requête est rejetée; la disposition applicable en l'espèce est l'article 23(3) du Règlement en vertu duquel on doit calculer le droit sur le capital projeté de la compagnie née de la fusion ou la valeur nette globale des compagnies constituantes, en prenant le plus élevé des deux montants: Le droit en l'espèce est calculé sur la valeur nette globale des compagnies constituantes, c'est-à-dire le, montant le plus élevé, $96,225. L'écart énorme entre ce montant et la somme de $8,975, applicable en vertu de l'article 22 du Règlement ne rend pas l'article 23 du Règlement ultra vires parce qu'il imposerait une taxe, ce que l'article 151 de la Loi sur les corporations canadiennes n'autorise pas. Bien qu'il soit possible que les rédacteurs de l'article 23 du Règlement n'aient pas prévu que des droits de cette importance seraient jamais exigés, cette cour ne peut accorder de redressement. Le redressement se trouve entre les mains du Parlement ou du gouverneur en conseil.
Arrêts appliqués: La Reine c. Black and Decker Manu facturing Company Limited (1974) 43 D.L.R. 393;
Le Roi c. National Fish Company, Ltd. [1931] R.C.É. 75; Compagnie de Publication La Presse Ltée c. Le procureur général du Canada 63 DTC 1335. Arrêts approuvés: Le procureur général du Canada c. Registrar of Titles of Vancouver Land Registration District [1934] 3 W.W.R. 165.
DEMANDE de mandamus. AVOCATS:
D. W. Shaw pour les requérantes. Norman D. Mullins pour l'intimé.
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour les requérantes.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE COLLIER—Les requérantes deman- dent une ordonnance par voie de mandamus' à l'adresse du ministre de la Consommation et des Corporations.
Le redressement demandé contre le Ministre est exposé à l'avis de requête de la façon suivante:
[TRADUCTION] ... que vous acceptiez de la MacMillan Bloe- del Industries Limited et de la Harmac Pulp Limited la somme de $150 ou, dans l'alternative, la somme de $8,975 à titre de droits pour l'émission de lettres patentes de la compagnie née de la fusion, la MacMillan Bloedel Industries Limited, et que vous émettiez des lettres patentes pour la MacMillan Bloedel Industries Limited ou, dans l'alternative, que vous exerciez votre discrétion relativement à l'émission de lettres patentes pour la MacMillan Bloedel Industries Limited conformément à la loi, .. .
Voici l'origine du problème en cause. La Mac- Millan Bloedel Industries Limited a été consti- tuée en vertu des lois du Canada le 31 décembre 1964. Ses lettres patentes ont par la suite été modifiées. Les actions ordinaires émises et en circulation de la MacMillan Bloedel Limited lui appartiennent réellement. L'autre requérante, la Harmac Pulp Limited, a été constituée par let- tres patentes en vertu des lois du Canada le 9 décembre 1968. Ses lettres patentes ont égale- ment été modifiées par la suite. Les actions ordinaires émises et en circulation du capital social de cette compagnie appartiennent réelle-
1 L'intitulé de l'action fait état d'un bref de certiorari. Ceci a été corrigé à l'audience et se lit maintenant «bref de mandamus.
ment à la co-requérante, la MacMillan Bloedel Industries Limited.
Les deux requérantes ont convenu par écrit de fusionner et de poursuivre leurs activités comme une seule et même compagnie sous le nom de MacMillan Bloedel Industries Limited. Fin décembre 1973, on a présenté au ministère de la Consommation et des Corporations une requête, avec documents à l'appui, demandant l'émission de lettres patentes confirmant la con vention de fusion et fusionnant les deux compa- gnies pour qu'elles poursuivent leurs activités comme une seule et même compagnie sous le nom y énoncé. Cette opération fut réalisée en conformité de l'article 137 de la Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, c. C-32. En gros, cet article prévoit que le Ministre, sous réserve du respect des dispositions législatives par les requérantes, «... peut émettre des let- tres patentes confirmant la convention ...» (paragraphe (11)). Dès l'émission des lettres patentes, la convention de fusion a pleine vigueur et effet et les compagnies constituantes sont fusionnées et poursuivent leur activité comme une seule et même compagnie «... sous le nom, avec le capital autorisé et en vue des objets que fixe la convention de fusion ...» (alinéa 137(13)a)).
Deux lettres, toutes deux en date du 31 décembre 1973, accompagnaient la requête adressée au ministère de la Consommation et des Corporations. L'une d'entre elles renfermait un chèque de $150 en paiement des droits, l'autre, un chèque de $8,975 également en paie- ment des droits. Le Ministère a accepté le chèque au montant de $150 à titre d'acompte en déclarant:
[TRADUCTION] . . . nous acceptons ce chèque à titre d'acompte sur les droits; cependant, nous ne pouvons indi- quer pour l'instant quels seront les droits définitifs puisque, comme vous le savez, les droits dépendent de la structure du capital et de la valeur nette globale indiquée au bilan type de la compagnie qui va naître de la fusion.
En réponse à l'autre lettre contenant un chèque de $8,975, le Ministère a écrit:
[TRADUCTION] Pour ce qui concerne votre deuxième lettre du 31 décembre 1973 contenant un chèque visé de $8,975 et des directives, nous ne pouvons accepter ce chèque à titre
de paiement complet des droits pour les motifs indiqués précédemment , .
Nous sommes tenus de demander les droits exigés dans le tarif des droits indiqués dans la Loi sur les corporations canadiennes et ne pouvons accorder les lettres patentes constatant la fusion avant réception de ces droits.
Il convient, à ce stade, de citer les parties de la Loi sur les corporations canadiennes traitant des droits payables aux termes de la Loi:
151. (1) Le gouverneur en conseil peut établir, modifier et régler le tarif des droits à acquitter pour les demandes de lettres patentes ou de lettres patentes supplémentaires sous le régime de la présente Partie, pour le dépôt de pièces, pour l'émission d'un certificat en vertu de la présente loi, pour la production d'un rapport conformément à la présente loi, et pour des recherches dans les dossiers du ministère relatifs à une compagnie.
(2) Le montant des droits peut varier, au jugement du gouverneur en conseil, suivant la nature de la compagnie, le montant du capital social, ou pour d'autres considérations.
Un tarif des droits a été établi en application de l'article 151. On le retrouve au Règlement sur l'activité de dirigeant, C.P. 1971-539 [DORS/71- 125], le 23 mars 1971. Les parties pertinentes traitant des droits se retrouvent à la Partie V, articles 22 et 23, et à l'annexe II qui constitue le tarif applicable. Je vais ultérieurement citer en détail ces articles et ces parties de l'annexe. A ce stade, il suffit de dire que les requérantes ont offert le chèque de $150 en application de l'ali- néa 1 f) de l'annexe. Le montant de $8,975 a été calculé sur le capital projeté de la compagnie née de la fusion (voir l'article 22 du Règlement et les alinéas 1 a) à e) de l'annexe II), et offert à ce titre.
Le Ministère a soutenu, comme il l'a fait devant moi, que, conformément au paragraphe 23(3) du Règlement, les droits doivent être cal- culés sur le capital projeté de la compagnie née de la fusion ou sur la valeur nette globale des compagnies constituantes, en prenant le plus élevé des deux montants.
Les parties conviennent que la valeur nette globale des deux requérantes est la plus élevée, et les droits requis avant de pouvoir émettre les lettres patentes sont, d'après le Ministère, de $96,225. L'avocat du Ministre a déclaré que le
2 «Les motifs indiqués précédemment» sont ceux exposés dans la première lettre précitée.
seul point en litige entre le Ministère et les requérantes était le montant des droits payables; autrement dit, le Ministre n'a pas d'autre motif de refuser l'émission des lettres patentes demandées.
Avant d'examiner les arguments avancés par les avocats, je citerai les articles 22 et 23(1) et (3) du Règlement:
22. Dans la présente partie et dans l'annexe II, l'expres- sion «capital projeté» désigne l'ensemble des montants cal- culés comme suit:
a) à l'égard des actions ayant une valeur au pair, le mon- tant obtenu en multipliant le nombre des actions par leur valeur au pair ou par 50 cents, si ce dernier montant est le plus élevé;
b) à l'égard des actions sans valeur au pair, lorsque la considération globale en excédent de laquelle toutes les actions ne peuvent être émises est indiquée dans les lettres patentes, le montant de cette considération globale ou le montant obtenu en multipliant le nombre d'actions par 50 cents, si ce dernier montant est le plus élevé;
c) à l'égard d'actions sans valeur au pair, lorsque la considération en excédent de laquelle chaque action ne peut être émise est indiquée dans les lettres patentes, le montant obtenu en multipliant le nombre d'actions par ladite considération ou par 50 cents, si ce dernier montant est le plus élevé, et
d) à l'égard d'actions sans valeur au pair émises à la suite d'un changement d'actions ayant une valeur au pair émises ou d'une subdivision d'actions sans valeur au pair émises, le montant du capital inscrit aux livres de la compagnie comme étant le capital versé représenté par les actions émises sans valeur au pair à la suite du change- ment ou de la subdivision ou le montant obtenu en multi- pliant le nombre d'actions résultant du changement ou de la subdivision par 50 cents, si ce dernier montant est le plus élevé.
23. (1) Le droit payable au ministère de la Consommation et des Corporations à l'égard d'une demande de lettres patentes ou de lettres patentes supplémentaires, du dépôt d'un document, de l'émission d'un certificat, de la produc tion d'un rapport conformément à la Loi, ou de recherches dans un dossier comme le permet la Loi doit être le droit énoncé dans l'annexe II.
(3) Dans le cas d'une fusion, «capital projeté» signifie le capital projeté comme le définit l'article 22 ou la valeur nette globale des compagnies constituantes, certifiée par les vérificateurs de ces compagnies et par les vérificateurs de la compagnie née de la fusion et poursuivant son activité comme une seule et même compagnie, en prenant le plus élevé des deux montants.
Voici les extraits pertinents de l'annexe II:
- ANNEXE 11
Droits applicables aux compagnies visées par la partie I de la Loi
Nature du droit Montant du droit
1. Sur demande de lettres patentes:
a) Lorsque le capital projeté est
de $50,000 ou moins $150.00
b) Lorsque le capital projeté excède $50,000, niais ne dé- passe pas $200,000
(i) pour les premiers $50,000 150.00
(ii) pour chaque $1,000 ou frac tion de cette somme en
excédent de $50,000... 1 .50
c) Lorsque le capital projeté excède $200,000, mais ne dé- passe pas $500,000
(i) pour les premiers $200,000 375.00
(ii) pour chaque $1,000 ou frac tion de cette somme en excé-
dent de $200,000 .75
d) Lorsque le capital projeté excède $500,000
(i) pour les premiers $500,000 600.00
(ii) pour chaque $1,000 ou frac tion de cette somme en
excèdent de $500,000 . .25
e) Lorsque le capital projeté
comporte en totalité ou en
partie des actions sans valeur
nominale ou au pair, comme
il est prévu à l'article 12
[maintenant art. 13] de la Loi . un droit calculé en con- formité de la présente annexe et, en ce qui con- cerne les actions sans valeur nominale ou au pair, sur la base du mon- tant, fixé dans les lettres patentes ou les lettres patentes supplémentaires, auquel ces actions peu- vent être émises.
I) Lorsque les lettres patentes
ont pour objet de maintenir
l'existence d'une compagnie
en vertu de la Loi $150.00
2. (1) Sous réserve du paragraphe
(2), sur demande de lettres pa-
tentes supplémentaires:
a) ratifiant une augmentation de
capitalun droit calculé en con- formité de la présente annexe et, en ce qui con- cerne l'augmentation seu- lement (c'est-à-dire que le droit sera le même que pour la constitution en corporation d'une com- pagnie dont le capital serait égal à l'augmenta- tion).
Me Shaw a présenté pour les requérantes deux allégations principales:
1. Le droit applicable figure à l'alinéa 1D de l'annexe II, soit $150; et
2. Le paragraphe 23(3) du Règlement fixe un montant excessif au point d'être une taxe plutôt qu'un droit. Le texte législatif (l'article 151) n'autorise pas l'imposition d'une taxe; ce para- graphe est donc ultra vires ou invalide.
A l'appui de la première allégation, Me Shaw déclare qu'un examen du tarif de l'annexe II semble montrer qu'une fois le droit initial de constitution payé, l'idée n'était pas de faire repayer, en totalité ou en partie, ce droit en cas de modifications subséquentes de la structure d'une compagnie commandant des lettres paten- tes nouvelles ou supplémentaires. A titre d'exemple de ce qu'on pourrait appeler le sys- tème d'«ajustement» du tarif, il signale l'alinéa 2a) relatif aux lettres patentes supplémentaires ratifiant l'augmentation du capital d'une compa- gnie: le droit est calculé sur l'augmentation du capital seulement; on ne reprend pas le droit initial exigé pour la constitution en corporation. On a avancé que les requérantes, ayant payé les droits exigés pour leur constitution initiale en corporation et pour les lettres patentes modifi- catives, le seul droit applicable, qui ne comporte pas de redoublement des droits ou de transgres sion du principe fondamental de non-répétition des droits, est celui qui figure à l'alinéa 1D. On a fait valoir que les lettres patentes demandées en l'espèce, en plus de confirmer la convention de fusion, aurait pour objet «... de maintenir l'existence d'une compagnie (la MacMillan Bloedel Industries Limited) ... en vertu de la Loi».
Je ne puis accepter cette première allégation pour deux motifs. En premier lieu, appliquer l'alinéa 1D équivaut à ne tenir aucunement compte des dispositions de l'article 23(3) du Règlement, ce que je ne suis pas disposé à faire. En deuxième lieu, à mon avis, l'alinéa 1D ne s'applique pas en l'espèce. Les lettres patentes demandées n'ont pas pour objet de «maintenir l'existence d'une compagnie en vertu de la Loi»,
mais de confirmer la convention de fusion. Le maintien de l'activité des deux requérantes comme une seule et même compagnie, aux termes de la loi, fait suite à l'émission des lettres patentes. A mon sens, l'alinéa 1 f se reporte aux lettres patentes demandées en vertu de l'article 5.4(1) 3 de la Loi sur les corporations canadien- nes. On y prévoit des dispositions permettant à certaines compagnies, déjà constituées en vertu d'une loi fédérale spéciale, de demander «.. . des lettres patentes maintenant l'existence de la compagnie ... (en vertu de la Partie I de la Loi) ...». Il me semble logique que les droits paya- bles dans ces circonstances soient le montant minimum de $150, sans tenir compte de la structure du capital de la compagnie existante. L'emploi du mot «maintenir» à l'alinéa 1D me semble plus compatible avec l'objet des lettres patentes demandées en vertu de l'article 5.4 que de celles demandées en vertu de l'article 137. 4
Passons maintenant à la deuxième allégation de Shaw. En voici un résumé: une somme calculée sur la valeur nette globale de deux compagnies équivaut en droit à une taxe. Il ne s'agit pas d'un droit; une taxe n'entre pas dans la catégorie du «tarif des droits» autorisé par l'article 151 de la Loi.
On s'est appuyé sur deux décisions. Dans
5.4 (1) Une compagnie constituée en corporation par une loi spéciale du Parlement du Canada dont les objets sont ou comprennent
a) la construction ou l'exploitation d'un pipe-line qui s'étend au-delà des limites d'une province pour la trans mission de pétrole ou de gaz ou des deux à la fois tels que les définit la Loi sur l'Office national de l'énergie;
b) la construction ou l'exploitation d'un pipe-line pour denrées, tel que le définit la Loi nationale sur les trans ports, qui s'étend au-delà des limites d'une province; ou
c) les opérations de prêteur d'argent au sens l'entend la Loi sur les petits prêts,
peut demander au Ministre des lettres patentes maintenant l'existence de la compagnie en vertu de la présente Partie si au moment de la demande la compagnie fait des affaires et si la demande est autorisée par résolution approuvée par les trois quarts des voix exprimées lors d'une assemblée géné- rale extraordinaire des actionnaires de la compagnie.
4 On s'est reporté à l'arrêt La Reine c. Black and Decker Manufacturing Company Limited (1974) 43 D.L.R. (3.) 393. l'on a examiné le mot «maintenir* que l'on retrouve à l'article 137. Je ne pense pas qu'on puisse appliquer cette décision pour déterminer le sens de «maintenir* à l'alinéa 1f).
l'affaire Le Roi c. National Fish Company, Ltd.s, la Couronne a intenté une action pour recouvrer des sommes prétendument dues à titre de droits pour un permis de pêche. Le montant était calculé sur la base d'un cent par livre de poisson capturé. Plusieurs moyens de défense ont été soulevés. L'action a été rejetée aux motifs que les règlements qui avaient pour objet de fixer les conditions d'obtention d'un permis et le prix de celui-ci outrepassaient les pouvoirs accordés par les articles de la Loi en cause. Le juge Audette, aux pages 80 et 81, s'est reporté aux principes généraux régissant les pouvoirs délégués et à la règle suivant laquelle les règlements établis en application de ce pouvoir ne doivent pas excéder les pouvoirs que le Parlement a accordés dans la Loi. Le juge a fait certaines observations concernant le droit de permis et la taxe de permis. Ces remar- ques constituent un obiter dictum. Voici un extrait de la page 84:
[rxnnucnoN] ... Cependant, le prix d'un permis peut être soit un droit soit une taxe. Lorsqu'on perçoit ledit prix pour couvrir les frais de réglementation ou pour faire face aux dépenses engagées pour apporter une certaine amélioration, avantageuse pour l'entreprise, on peut réellement dire que le détenteur de la licence obtient un avantage spécial tiré du privilège, avantage spécial qui se mesure au coût. Le prix constitue alors un droit. Cependant, lorsque le prix du permis sert à couvrir le droit d'exploiter une entreprise, ce que tout un et chacun pouvait faire avant l'imposition de la loi restrictive, et qu'il est intentionnellement élevé de façon à rapporter au gouvernement un revenu net distinct en sus des frais de réglementation, nous ne pouvons plus parler à juste titre d'avantages spéciaux pour le détenteur du permis puisque l'avantage spécial est transformé en une charge spéciale; le prix n'est plus alors un droit de permis, mais une taxe.
Il est manifeste que le juge Audette estimait que les montants demandés dans cette affaire cor- respondaient à une taxe et non à un droit. comme l'autorisait la Loi.
L'autre décision invoquée est l'arrêt Compa- gnie de Publication La Presse Ltée c. Le procu- reur général du Canada 6 . Cet arrêt examine une réclamation portant sur la question de savoir si certains droits additionnels exigés d'une station de radiodiffusion en vertu de la Loi sur la radio étaient réellement exigibles. Se fondant sur plu
s [1931] R.C.É. 75. 6 63 DTC 1335.
sieurs motifs, la requérante a allégué qu'un arti cle du règlement augmentant les droits était ultra vires. Un de ces motifs portait que le règlement n'établissait pas un droit de licence, ce qui était autorisé, mais imposait une taxe. Le juge Dumoulin a déclaré à la page 1338:
Sur ce premier point, voici comme la requérante pose la question à la page 2 de ses notes:
1. Le nouvel article 5 du Règlement général sur la radio ne prescrit pas des droits de licences, mais, en fait et en droit, impose une taxe, sans autorité du Parlement.
Et d'abord, que dit la loi chargée de réglementer ce secteur important de l'activité commerciale? Il s'agit de la Loi sur la radio, Statuts Refondus du Canada, 1952, chapitre 233, aux articles 3(1)a) et (4)(1), alinéas c) et d):
3(1) Le Gouverneur en conseil peut:
a) prescrire le tarif des droits à payer pour les licences et pour l'examen relatif aux certificats de capacité détenus et émis en vertu de la présente loi;
4(1) Le Ministre peut établir des règlements
c) définissant les différentes sortes de licences qui peu- vent être émises, leurs formes respectives et les diverses périodes pendant lesquelles elles restent en vigueur;
d) prescrivant les conditions et restrictions auxquelles sont respectivement soumises les diverses licences;
et il poursuivait, à la page 1339:
Le Corpus Juris Sub-verbo, «Taxation», sous-titre «Licen- ses», p. 169, 7 suggère une analyse assez simpliste pour distinguer une licence d'avec une taxe, je cite:
[TRADUCTION] No 7. Montant et utilisation des fonds comme facteurs déterminants:
Le montant exigé pour obtenir le privilège d'exploiter une certaine entreprise constitue souvent un facteur important pour déterminer s'il s'agit d'un droit de licence proprement dit ou d'une taxe productive de revenu. Si le montant exigé est destiné à couvrir, sans le dépasser, le coût réel d'émission de la licence, d'inspection et de contrôle de l'activité ou de l'entreprise, il s'agit d'un droit de licence proprement dit et non d'une taxe, quoique le simple fait que le droit demandé excède ces coûts et, ainsi, produise accessoirement un revenu, ne suffise pas à en faire une taxe lorsque l'imposition n'a pas pour objet de produire un revenu, mais de réglementer ou contrôler l'en- treprise donnée. (Les italiques sont ajoutés.) Cependant, lorsque le montant exigé est considérablement supérieur au montant estimé nécessaire à l'émission des licences, à l'inspection et à la réglementation de l'entreprise, on le considère généralement comme une taxe productive de revenu et non comme une taxe de licence.
Si donc les montants perçus par l'État ne dépassaient pas considérablement (greatly) les déboursés requis à la police et à la surveillance des ondes radiophoniques, la leçon ci-des- sus ne venait pas dans cet excédent de revenus le trait distinctif d'une taxe.
Cependant, la Cour a conclu, d'après les faits, que le prétendu droit n'était pas devenu une taxe.
Le savant juge a déclaré en se fondant sur d'autres motifs que le règlement en question était ultra vires. En appel devant la Cour suprême du Canada', la majorité, tout en accueillant l'appel, a partagé le point de vue du juge de première instance et déclaré que le règlement en question était valide en ce sens qu'il imposait un droit et non une taxe.
J'ai conclu que le paragraphe 23(3) du Règle- ment en cause est valide. A mon avis, il n'a pas pour objet d'imposer une taxe plutôt qu'un droit.
Rien à l'article 151 de la Loi sur les corpora tions canadiennes n'indique que les droits éta- blis par le tarif doivent simplement couvrir les frais d'administration engagés à l'égard des questions mentionnées au paragraphe 151(1). En fait, le paragraphe 151(2) autorise précisé- ment à diversifier les droits. Le fait que, dans les circonstances particulières de cette requête, la somme réclamée par le Ministère semble être extrêmement élevée ne suffit pas à justifier la conclusion que le Règlement fixant la base du calcul impose une taxe. Le Règlement prévoit d'autres méthodes de calcul des droits en cas de fusion de compagnies. Le simple fait qu'une méthode donne une somme de $8,975 et que l'autre une somme de $96,225, quoique la diffé- rence soit énorme, ne justifie pas la conclusion que le premier montant est un droit, que le second est une taxe et que, par conséquent, le Règlement est nul. Le but principal du Règle- ment et du tarif des droits, à mon avis, est de fournir un revenu couvrant les frais de la Divi sion des corporations en ce qui concerne les affaires corporatives et les services accessoires en vertu de la Loi sur les corporations canadien- nes. Le simple fait que le revenu perçu puisse
7 66 DTC 5492.
produire un surplus ne change pas nécessaire- ment un droit en une taxe imposée à une fin publique 8 .
Voici le paragraphe 11 de l'affidavit produit à l'appui de cette requête:
[TRADUCTION] 11. Je crois vraiment que les droits mention- nés précédemment, se chiffrant à $96,225.00 et à $8,975.00 sont excessifs au point de constituer bien plus qu'un paie- ment raisonnable destiné à couvrir le coût d'administration de la Division des corporations et ses autres frais et dépen- ses et qu'après paiement desdits frais et dépenses de la Division des corporations, ils apporteront un revenu net au gouvernement.
Ce point de vue peut fort bien être exact, mais il n'y a aucune preuve quelle qu'elle soit à l'appui de cette opinion. Comme je l'ai déclaré, le simple fait que, sur une certaine période, des droits de l'importance de ceux ici en cause donnent un revenu, ne transforme pas les droits en taxes ni le Règlement en règlement fiscal qui outrepasseraient les pouvoirs conférés au gou- verneur en conseil.
La deuxième allégation présentée au nom des requérantes est donc rejetée.
L'avocat de la Couronne, en plus de son argument sur le fond, a prétendu que les procé- dures de mandamus ne constituent pas le redressement adéquat en l'espèce. Il a laissé entendre que les requérantes auraient payer les droits sous protêt, puis intenter une action déclaratoire. Étant donné la conclusion à laquelle je suis arrivé sur le fond, je ne vais pas me prononcer sur ce point.
Je ne puis terminer sans exprimer l'opinion que les droits demandés en l'espèce par le Ministère sont, sinon renversants, du moins suf- focants. J'imagine que les rédacteurs du Règle- ment en question n'ont pas prévu que des droits de cette importance seraient jamais exigés. J'ai conclu que cette cour ne peut accorder de redressement. Le redressement, à mon sens, se trouve ailleurs, entre les mains du Parlement ou du gouverneur en conseil.
La requête est rejetée avec dépens.
8 Je trouve appropriées les remarques du juge d'appel Macdonald dans l'arrêt Le procureur général du Canada c. Registrar of Titles of Vancouver Land Registration District [1934] 3 W.W.R. 165, aux pp. 176 et 177.
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