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Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (Appelant)
c.
Volkswagen Canada Limited (Intimée)
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup pléants Cameron et Bastin —Ottawa, les 12, 13, 14 et 15 juin 1973.
Droits de douane—Boîtes de contrôle utilisées dans les dispositifs d'injection de carburant pour moteurs d'automo- biles—S'agit-il de «commutateurs» au sens du numéro 43806-1 du Tarif des douanes—Rejet de l'appel de la Com mission du tarif.
APPEL d'une décision de la Commission du tarif.
AVOCATS:
J. E. Smith pour l'appelant.
M. E. Corlett, c.r., pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.
MacLaren, Corlett et Tanner, Ottawa, pour l'intimée.
LE JUGE THURLOW (oralement)—Il s'agit en l'espèce de déterminer si la Commission du tarif a commis une erreur de droit en décidant que des «boîtes de contrôle» importées et utilisées dans les dispositifs d'injection de carburant pour moteurs d'automobiles étaient bien clas sées comme étant des «commutateurs» au sens du numéro 43806-1 du Tarif des douanes.
Le numéro tarifaire en question comporte une longue liste de pièces ou de catégories de pièces d'automobiles ou utilisées dans les automobiles, et plus précisément:
Commutateurs, relais, rupteurs et solénoïdes et leurs combi- naisons et pièces, y compris les contacteurs des démarreurs.
Dans sa décision, la Commission décrit ce dispositif et son fonctionnement dans le sys- tème d'injection de carburant de la façon suivante:
Ladite boîte de contrôle fait partie du dispositif d'injec- tion électronique du carburant, installé sur certains modèles des automobiles fabriquées par l'appelant et sur plusieurs
véhicules moteurs européens. Ce dispositif est une innova tion assez récente qui remplace le carburateur utilisé depuis longtemps. La boîte de contrôle métallique d'environ 11 "x6"x2" contient un certain nombre de petits éléments électroniques comme, par exemple, des diodes, des transis tors, des fils, des bornes et un amplificateur de courant. Par l'intermédiaire d'un générateur d'impulsions placé dans le distributeur, la boîte de contrôle est reliée au système élec- trique de l'automobile et reçoit des impulsions électriques des capteurs connectés au moteur ou à des accessoires nécessaires au fonctionnement du moteur comme le distri- buteur, le collecteur d'admission et un courant du volet de commande des gaz relié à la pédale d'accélérateur, qui est elle-même commandée par le conducteur.
Sur réception d'impulsions électriques des capteurs, la boîte de contrôle amplifie ces impulsions et envoie un courant électrique intermittent de durée variable à un élec- tro-aimant (solénoïde) qui se trouve à l'intérieur des injec- teurs. L'électro-aimant, ainsi activé, ouvre et ferme un poin- teau qui, lui, commande l'arrivée par le collecteur d'admission du mélange gazeux au cylindre du moteur.
La quantité de carburant qui entre dans le cylindre est déterminée par le temps pendant lequel l'électro-aimant situé dans l'injecteur maintient ouvert le pointeau, la pres- sion du tuyau d'alimentation en carburant étant constante. La durée d'ouverture du pointeau, qui se mesure en micro- secondes, est elle-même déterminée par la boîte de contrôle, dont l'action est dirigée par des «données» qu'elle reçoit des capteurs.
Après avoir examiné la preuve déposée par plusieurs témoins et la signification donnée par un certain nombre de dictionnaires et de glossai- res au mot «commutateur» et aux mots de la même famille, la Commission a conclu de la façon suivante:
La Commission est d'avis que le choix des mots utilisés au numéro tarifaire 43806-1 indique une intention de la part du législateur d'inclure dans ce numéro les appareils servant à commander, ouvrir et fermer les circuits électriques ou à créer des champs magnétiques (solénoïdes) utilisés dans les automobiles. L'emploi du mot «commutateurs» par le légis- lateur, sans qualification ni restriction, indique qu'il faut interpréter ce mot de façon large. C'est pourquoi la Commis sion rejette la prétention selon laquelle, du seul fait que la boîte de contrôle en question est un mécanisme complexe, il serait impossible de la considérer comme un commutateur si, en fait, comme la preuve le démontre dans le présent cas, elle joue un (TRADUCTION) «rôle de commutation» et ne remplit aucune autre fonction. Accorder du crédit aux allé- gations de l'intimé selon lesquelles le mélange carburant-air est aussi commandé grâce au jeu de la boîte de contrôle, serait tenir compte d'une séquence d'événements dépassant les limites de la question en litige. La preuve démontre que la boîte de contrôle joue le rôle d'un commutateur relative- ment au courant électrique qui entre dans les électro- aimants situés dans les éjecteurs, articles qui ne font pas l'objet du présent litige; la boîte de contrôle est donc un commutateur au sens du numéro tarifaire 43806-1.
La Commission déclare qu'il y a lieu de classer la boîte de contrôle au numéro tarifaire 43806-1.
Nonobstant la prétention de l'avocat de l'ap- pelant que rien dans la preuve permettait à la Commission de décider que la boîte de contrôle joue le rôle de commutation, il y avait à mon avis suffisamment d'éléments permettant à la Commission de conclure comme elle l'a fait, savoir, qu'à la fois le dispositif joue «un rôle de commutation» et qu'il «joue le rôle d'un com- mutateur relativement au courant électrique qui entre dans les électro-aimants situés dans les éjecteurs». A mon avis, on n'a pas démontré de motifs juridiques de s'opposer à ces conclusions.
Toutefois, une prétention plus redoutable a été avancée, à l'effet que la preuve révèle que le dispositif a d'autres fonctions et qu'on ne peut pas suivre le point de vue de la Commission selon lequel il n'a pas d'autres fonctions. On a déclaré que le dispositif sert à régler le fonction- nement des injecteurs et que, dans ce but, il fait aussi varier le courant en réponse aux signaux ou impulsions des divers capteurs et amplifie le courant de manière suffisante pour faire fonc- tionner les électro-aimants qui actionnent les pointeaux de l'injecteur. -
Il est peut être exact de dire que, d'une cer- taine façon, la boîte de contrôle sert à régler le fonctionnement des pointeaux de l'injecteur, mais il me semble aussi qu'on peut dire la même chose de chaque pièce du système, jusqu'à l'ai- guille même. Il me semble que ce qui importe en l'espèce n'est pas le rôle précis des divers dispo- sitifs en définitive mais quels rôles joue la boîte de contrôle dans le fonctionnement du système. Il me semble aussi que déterminer la relative importance à attribuer aux diverses fonctions exécutées au sein du système ainsi que la mesure dans laquelle la boîte de contrôle joue un rôle à cet égard, et s'il s'agit d'une fonction de la boîte de contrôle ou d'une fonction d'un autre dispositif qui, en entrant en jeu, a un effet sur le circuit de la boîte de contrôle, sont uni- quement des questions de fait que la Commis sion devait trancher. La décision de la Commis sion fait état des fonctions de régulation et d'amplification et, ce faisant, indique que ces aspects ont été pris en considération et exami-
nés. A mon sens, la Commission avait la possi- bilité de décider que, dans ce dispositif compli- qué, tout ce qui se produisait d'autre dans la boîte de contrôle constituait des aspects secon- daires ou accessoires de ce qu'elle devait accomplir pour effectuer de façon appropriée l'ouverture ou la fermeture des électro-aimants dans les injecteurs. A mon avis, la prétention de l'appelant n'est donc pas recevable.
Il reste la question de savoir si du point de vue du droit, on peut considérer le dispositif ainsi décrit comme étant un commutateur au sens du numéro tarifaire. A ce sujet, j'ai quel- que difficulté à comprendre comment un dispo- sitif qui fonctionne automatiquement à si grande vitesse, pour laisser passer ou couper le courant dans les électro-aimants plusieurs fois par seconde pendant que le moteur tourne, peut relever du sens ordinaire du mot «commuta- teur». Toutefois, je ne désapprouve pas ni ne trouve entachée d'une erreur de droit l'interpré- tation du terme «commutateurs» donnée par la Commission dans son contexte du numéro tari- faire, ainsi que le révèle l'extrait de la décision que j'ai cité. D'après la documentation figurant au dossier sur les caractéristiques et le fonction- nement du dispositif et compte tenu du fait que la Commission a eu une meilleure possibilité d'évaluer les dépositions de plusieurs témoins et de comprendre les caractéristiques, ou du moins certaines d'entre elles, du dispositif que les témoins indiquaient lors des dépositions (qui ne sont pas compréhensibles d'après les éléments consignés au dossier), je ne suis pas persuadé que, vu la preuve soumise à la Commission, toute personne tenant compte des principes juri- diques applicables et agissant de façon judi- ciaire n'aurait pas raisonnablement conclu qu'on pouvait classer le dispositif en question dans les commutateurs au sens du numéro tarifaire. Je ne suis pas sûr non plus qu'on doive déduire que la décision de la Commission découlait d'une vue erronée du droit ou se fondait sur une telle vue erronée.
A mon avis, l'appel n'est pas recevable et doit être rejeté.
LE JUGE SUPPLÉANT CAMERON a souscrit à l'avis.
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN (oralement) (dis- sident)—Le présent appel est interjeté d'une décision de la Commission du tarif qui avait déclaré, en appel d'une décision du sous-minis- tre du Revenu national, douanes et accise, qu'on aurait classer les «boîtes de contrôle» impor- tées par la Volkswagen Canada Limited, au numéro tarifaire 43806-1 comme commutateurs, dans la rubrique:
Commutateurs, relais, rupteurs et solénoïdes et leurs combi- naisons et pièces, y compris les contacteurs des démarreurs;
43806-1. Lorsqu'ils sont d'une classe ou d'une espèce non fabriquée au Canada.
Le sous-ministre avait classé les boîtes de contrôle au numéro tarifaire 43829-1 comme pièces n.d. pour àutomobiles.
La définition d'un mot utilisé dans une dispo sition législative, en l'absence de preuve qu'il est utilisé dans un sens technique, est une ques tion de droit. Le contexte dans lequel on utilise le terme «commutateurs» au Tarif des douanes indique qu'il se rapporte aux automobiles, mais rien ne laisse à penser qu'on l'utilise autrement que dans son sens général. La Commission du tarif n'a pas établi qu'il avait un autre sens que celui généralement admis. Le fait que dans le catalogue des pièces du fabricant, dans sa docu mentation, sur ses factures, dans le jargon de l'industrie automobile et pendant les procédu- res, on se soit rapporté au dispositif en question comme étant non pas un commutateur mais une boîte de contrôle, a donc une grande impor tance. Voici la façon dont l'appelant décrit le dispositif:
[TRADUCTION] 4. La boîte de contrôle ou boîte ordinateur, qui fait partie du système d'injection de carburant, est prévue pour régler la quantité de carburant envoyé dans le moteur. La quantité de carburant mesuré aux pointeaux d'injection dépend de la température du moteur, de la pres- sion à l'admission (charge du moteur), de la vitesse du moteur et de l'humidité. La boîte de contrôle reçoit des données des capteurs aux contacts d'impulsion sur le distri- buteur, le système de refroidissement, l'arrivée d'air et de la charge sur le moteur provenant de l'admission dans le collecteur. La boîte de contrôle reçoit aussi des données d'un contact avec le volet de commande des gaz. Tous ces renseignements sont alors transformés en données et
retransmis aux pointeaux d'injection réglant ainsi le mélange air-carburant de la façon appropriée compte tenu des diffé- rentes conditions.
A mon sens, en ne tenant pas compte du but de la boîte de contrôle telle que la décrit l'appe- lant et selon ce qu'indique le nom qu'on lui donne universellement et en la classant en se fondant seulement sur une de ses multiples fonctions, la Commission du tarif a commis une erreur de droit.
Dans la décision de la Commission du tarif, on doit lire la déclaration selon laquelle «elle joue un «rôle de commutation» et ne remplit aucune autre fonction» en corrélation avec la description exposée précédemment dans la déci- sion selon laquelle «Sur réception d'impulsions électriques des capteurs, la boîte de contrôle amplifie ces impulsions et envoie un courant électrique intermittent de durée variable à un électro-aimant (solénoïde) qui se trouve à l'inté- rieur des injecteurs». Pour des motifs assez obscurs, la Commission a décidé de considérer l'amplification de l'impulsion électrique reçue par les capteurs comme n'étant pas une fonction de la boîte de contrôle.
Tant la Commission que la Cour ont été con- frontées avec la même difficulté. Hormis Den- neler, aucun témoin ne semblait comprendre le fonctionnement de la boîte de contrôle et ce dernier ne pouvait ou ne voulait pas l'expliquer dans un langage compréhensible. Toutefois, il semble ressortir d'une partie de son témoignage que la nature intermittente du courant atteignant l'injecteur de carburant est imputable aux impulsions des capteurs adaptés sur un oscilla- teur stable du moteur.
A mon avis, la Commission du tarif n'était pas justifiée de décider que la boîte de contrôle «joue un «rôle de commutation» et ne remplit aucune autre fonction». Il serait plus exact de dire que les capteurs et la boîte de contrôle combinent leurs effets pour établir un réseau d'impulsions électriques extrêmement rapides de durée variable. C'est une des fonctions. La boîte a pour autre fonction d'amplifier ce cou- rant intermittent jusqu'à ce qu'il ait la puissance nécessaire pour activer le solénoïde dans l'injec- teur de carburant et ouvrir le pointeau. Ce dis- positif se différencie d'un commutateur au sens
généralement admis de ce mot du fait qu'il fait ou brise le contact permettant le passage du courant jusqu'au solénoïde à une vitesse vertigi- neuse. A mon avis, cet aspect du dispositif le range dans une catégorie tout à fait différente de celle des commutateurs.
Il me semble impossible de croire qu'une per- sonne ordinaire, qu'elle soit dans l'industrie automobile ou non, classe comme étant un com- mutateur un dispositif si compliqué, décrit par le fabricant comme étant une boîte de contrôle, fonctionnant à une telle vitesse et visant des résultats si remarquables. Étant donné que le législateur a voulu donner au mot «commuta- teur» son sens ordinaire, la Commission du tarif a commis une erreur de droit en l'applicant à la boîte de contrôle en question.
J'accueillerais l'appel.
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