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A-87-73
Anglophoto Ltd. (Appelante) c.
Le navire Ikaros, Pleione Maritime Corp. et Empire Stevedoring Company Limited (Intimés)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Pratte, le juge suppléant Sheppard—Vancouver, les 27 et 28 février et le l er mars 1974.
Droit maritime—Compétence—Livraison incomplète de la cargaison—Connaissement pour transport par navire jus- qu'à Vancouver, puis par rail jusqu'à Toronto—S'agit-il d'un «connaissement direct» Réclamation contre les manu- tentionnaires—La Cour peut-elle connaître de la réclama- tion—Loi sur la Cour fédérale, art. 22(2)e),f),h),i).
Appel d'un jugement de la Division de première instance ([1973] C.F. 483) portant qu'en droit, la Cour n'était pas compétente pour juger la défenderesse, l'Empire Stevedor- ing Company Limited, et suspendant l'action intentée contre celle-ci.
L'action fut intentée le 20 avril 1970 en la Division d'amirauté de la Cour de l'Échiquier du Canada; il s'agissait d'une action en dommages-intérêts pour perte d'une partie d'une cargaison d'appareils photographiques chargée au Japon à bord du navire défendeur pour transport jusqu'à Vancouver puis, par rail, jusqu'à Toronto conformément aux termes du connaissement délivré par la défenderesse, la Pleione Maritime Corp., propriétaire du navire défendeur. Les registres du navire indiquent que les marchandises ont été livrées à la défenderesse, l'Empire Stevedoring Co., à Vancouver, alors que les registres de cette dernière n'indi- quent qu'une livraison incomplète.
Arrêt: le jugement rendu par le juge Collier est infirmé et l'appel accueilli. Telles que soumises à la Cour, les questions n'étaient pas des questions de droit: ce sont des questions de fait et les faits reconnus par les parties ne suffisent pas à permettre à la Cour de conclure à son incompétence. Le juge de première instance n'aurait pas répondre aux questions soumises, vu les seuls documents dont il disposait, mais aurait les laisser trancher lors du procès.
Arrêt suivi: La Compagnie Robert Simpson Montréal Limitée c. Hamburg-Amerika Linie Norddeutscher [1973] C.F. 1356.
APPEL. AVOCATS:
D. F. McEwen pour l'appelante.
J. L. Jessiman pour le navire Ikaros et la Pleione Maritime Corp.
Peter James Gordon pour l'Empire Steve- doring Co. Ltd.
PROCUREURS:
Ray, Wolfe, Connell, Reynolds & Cie., Van- couver, pour l'appelante.
Macrae, Montgomery, Hill & Cunningham, Vancouver, pour le navire ',taros et la Pleione Maritime Corp.
P. J. Gordon, Vancouver, pour l'Empire Stevedoring Co. Ltd.
Le jugement de la Cour a été prononcé par
LE JUGE THURLow—Le présent appel est interjeté d'une décision de la Division de pre- mière instance portant qu'en droit, la Cour n'était pas compétente pour juger la défende- resse, Empire Stevedoring Company Limited, et suspendant l'action intentée contre celle-ci.
L'action fut à l'origine intentée le 20 avril 1970 en la Division d'amirauté de la Cour de l'Échiquier du Canada. Il s'agissait d'une action en dommages-intérêts pour perte d'une partie d'une cargaison d'appareils photographiques chargée au Japon à bord du navire défendeur pour transport jusqu'à Vancouver puis, par rail, de Vancouver à Toronto conformément aux termes d'un connaissement délivré par la défen- deresse, Pleione Maritime Corp., propriétaire du navire défendeur. La déclaration ainsi que les défenses présentées par les deux défenderesses furent déposées avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la Cour fédérale et un des motifs de la défense invoqué par la défenderesse, Empire Stevedoring Company Limited, est que la décla- ration n'établit pas de droit d'action relevant de la compétence de la Cour.
On trouve, aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration, les éléments invoqués à l'appui de l'action intentée contre les deux défenderesses. En voici le texte:
[TRADUCTION] 5. Soit en violation des dispositions contrac- tuelles dudit connaissement, soit par négligence ou par man- quement à ses devoirs de transporteur à titre onéreux, soit pour toute c binazson de ces motifs, la défenderesse Ple- ione Maritime Corp. et le navire «IKAROS» n'ont pas livré en bon état lesdits appareils et accessoires photographiques. Ils n'ont en fait livré à la défenderesse, l'Empire Stevedoring Company Limited, qu'une partie de la cargaison.
6. Subsidiairement, soit par négligence ou par manquement à ses obligations de dépositaire à titre onéreux, la défende- resse, l'Empire Stevedoring Company Limited, n'a remis à
la demanderesse ou à ses agents qu'une partie des appareils photos qui lui avaient été livrés à bord du navire.
Au mois de février 1973, la demanderesse a déposé une requête visant à obtenir une ordon- nance tranchant les questions posées au para- graphe (7) d'un exposé des faits, sur lesquels s'étaient accordés les avocats des diverses par ties à l'action. Voici ce que contient ce document:
[TRADUCTION] Exposé conjoint des faits aux fins de la présente demande
1. Considérant que le 10 juillet 1969, ou vers cette date, treize boîtes en carton contenant des appareils et accessoi- res photographiques et huit boîtes de documents publicitai- res appartenant à la demanderesse furent chargées à bord du navire «IxARos» à Osaka (Japon) pour expédition à Vancou- ver conformément aux clauses du connaissement ci-joint.
2. Considérant que le navire «IKARos» est arrivé à Vancouver le 25 juillet 1969, ou vers cette date, que la cargaison a été déchargée et remise aux soins et sous la garde et l'autorité de la défenderesse, l'Empire Stevedoring Company Limited.
3. Considérant que l'Empire Stevedoring Company Limited est une compagnie dûment constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique et qu'entre autres activités, elle s'oc- cupe des opérations de manutention portuaire sur certaines parties du quai Centennal à Vancouver, prenant en charge les cargaisons transportées par voie maritime pour les remettre à divers transporteurs terrestres tels que les che- mins de fer ou les transporteurs routiers.
4. Considérant que, d'après la quittance délivrée à la défen- deresse Pleione Maritime Corp., propriétaire du navire «IKARos», les treize boîtes d'appareils et d'accessoires pho- tographiques et les huit boîtes de documents publicitaires furent remises en bon état à l'exception de la boîte portant le numéro 7022/82.
5. Considérant que, d'après les registres de la défenderesse, l'Empire Stevedoring Company Limited, la défenderesse Pleione Maritime Corp. ne lui aurait remis que dix-huit boîtes.
6. Considérant que la demanderesse a intenté son action en la Cour de l'Échiquier du Canada, District d'amirauté de la Colombie-Britannique, contre la défenderesse, l'Empire Stevedoring Company Limited, et que cette dernière a sou- levé en sa défense l'incompétence de la Cour en l'espèce.
7. Les parties demandent à la Cour de trancher les questions suivantes:—
(a) la Cour de l'Échiquier du Canada, District d'amirauté de la Colombie-Britannique, était-elle compétente pour connaître de l'action intentée contre la défenderesse, l'Empire Stevedoring Company Limited, et dans la néga- tive, quel est l'effet de l'adoption de la Loi sur la Cour fédérale sur cette action?
(b) et la Cour est-elle compétente pour connaître de l'action intentée contre la défenderesse l'Empire Steve- doring Company Limited?
A notre avis, les questions soumises à la Cour n'étaient pas des questions de droit. Ce sont des questions de fait et les faits reconnus par les parties ne suffisent pas à permettre à la Cour de conclure à son incompétence. Les autres élé- ments du dossier qui nous est présenté, sur lesquels les avocats ont attiré notre attention, ne parviennent pas à compléter les faits reconnus par les parties de façon à permettre à la Cour d'arriver à une telle conclusion.
Notamment, les faits ne révèlent pas si, avant l'arrivée des marchandises à Toronto, le pro- priétaire du navire les avait confiées à un consi- gnataire ou un de ses mandataires ou, cela étant, à quel moment il l'a fait, ou si la défenderesse, l'Empire Stevedoring Company Limited, lors- qu'elle a pris réception des marchandises, agis- sait en tant que mandataire du propriétaire du navire ou en tant que mandataire du consigna- taire ou si, pendant toute l'époque elle avait la garde des marchandises, ladite défenderesse en est restée gardienne au même titre.
Il semble évident que, si la défenderesse a pris livraison des marchandises et les a conser vées sous sa garde en tant que mandataire du propriétaire du navire, la compétence actuelle de la Cour est suffisamment large pour lui per- mettre de connaître de la réclamation (voir l'ar- rêt La Compagnie Robert Simpson Montréal Limitée c. Hamburg-Amerika Linie Norddeuts- cher [1973] C.F. 1356), et, cela étant, il n'est pas du tout évident que la Cour n'était pas compétente pour en connaître en vertu de l'arti- cle 18 de la Loi sur l'Amirauté'. Cependant, en l'absence de renseignements quant aux faits, ces problèmes sont purement théoriques et les ques tions posées en ces termes n'auraient pas mener la Cour à se déclarer incompétente. Le savant juge de première instance ne pouvait pas s'inspirer du jugement que la présente cour a rendu dans l'affaire Robert Simpson, étant donné que cette affaire n'avait pas encore été jugée, mais, à notre avis, il n'aurait pas répondre aux questions qui lui étaient soumises vu les seuls documents dont il disposait, mais il aurait les laisser trancher par le juge prési- dant l'audience, dans la mesure c'était nécessaire.
' S.R.C. 1952, c. 1.
L'appel est par conséquent accueilli et le jugement donnant réponse aux questions et sus- pendant l'action intentée contre la défenderesse Empire Stevedoring Company Limited est annulé.
Les parties n'auront droit à aucuns dépens pour cet appel ou pour la requête déposée devant la Division de première instance.
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