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T-618-74
La Reine (Demanderesse)
c.
Oneil Lambert (Défendeur)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 27 mai; Ottawa, le 4 juin 1974.
Impôt sur le revenu—Réclamation résultant d'une nouvelle cotisation—Certificat et ordonnances constituant un privi- lège sur les biens du contribuable—Ordonnance enjoignant le contribuable de comparaître pour interrogatoire—Seconde nouvelle cotisation—Validité des procédures attaquées dans les trois requêtes Requêtes rejetées—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 152, 158, 163, 165, 223, 224, 239—Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, c. E-10, art. 2 et 5—Loi sur la Cour fédérale, art. 50, Règles 1909, 2100, 2200, 2400 et 2401.
En 1973, par avis de nouvelles cotisations, le défendeur fut avisé que, pour ses années d'imposition 1968-1971, il devait des impôts supplémentaires se chiffrant à $211,000, intérêts compris. La Couronne obtint, en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, un certificat pour le montantréclamé, soit $209,000, dont $205,000 restaient impayés. En conformité de ce certificat, la Couronne obtint des ordonnances constituant des privilèges sur valeurs mobi- lières (Règle 2401) et sur biens-fonds (Règle 2400) et enjoi- gnant le défendeur de comparaître pour être interrogé sur ses biens (Règle 2200). En 1974, des secondes «nouvelles cotisations» vinrent ajouter, pour les mêmes années d'impo- sition, la somme de $296,000, incluant une pénalité de 25% en vertu de l'art. 163(2) et (3). Par trois requêtes distinctes, le défendeur conteste la validité des procédures.
Arrêt: les trois requêtes sont rejetées:
Requête 1 demandant la suspension des procédures d'exécution et de l'interrogatoire: les procédures engagées par le Ministre, en vertu de l'article 223(2) (enregistrement du certificat) et de l'article 224 (avis de saisies-arrêts) ne sont pas irrégulières. La prétention du défendeur, selon lequel les saisies déjà faites suffisent à garantir le recouvre- ment de la somme due, n'est pas pertinente à ce stade des procédures puisque la valeur des biens saisis ne doit être déterminée qu'après la vente.
Requête 2 demandant le renvoi devant la Cour de l'interrogatoire du défendeur, pour examen des questions auxquelles il s'est opposé: les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada, art. 5, protègent le défendeur de l'usage que l'on pourrait faire au criminel des réponses qu'il donne lors de l'interrogatoire concernant ses biens et qui pour- raient tendre à l'incriminer. On ne peut empêcher le simple interrogatoire du défendeur au sujet de ses biens pour la seule raison que ses réponses pourraient être utilisées contre lui et justifier l'imposition de la pénalité de 25% demandée par le Ministre en vertu de l'article 163(2) et (3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le défendeur doit comparaître à nouveau pour être interrogé, et il pourra témoigner sous la protection de la Cour, en vertu de la Loi sur la preuve au Canada.
Requête 3 demandant un jugement déclaratoire portant que le certificat obtenu en vertu des nouvelles cotisations de 1973 est nul et non avenu par suite de l'existence de «nouvelles cotisations» datées de 1974: bien que la formule utilisée la seconde fois puisse induire en erreur, on peut se rendre compte qu'il ne s'agissait pas de «nouvelles cotisa- tions» annulant celles de 1973. Les nouvelles cotisations de 1974 étaient des «cotisations supplémentaires» s'ajoutant aux sommes dues par le défendeur et encore impayées. Ces cotisations supplémentaires ont été établies en vertu de l'article 152(4) et (8) de la Loi. En vertu de l'article 165(7), le défendeur peut interjeter appel devant la Commission de révision de l'impôt ou la Cour fédérale de ses nouvelles cotisations de 1973 et des cotisations supplémentaires de 1974.
Arrêts suivis: Abrahams (NO2) c. M.R.N. [1967] 1 R.C.É. 333; Walkem c. M.R.N. 71 DTC 5288; Morch c. M.R.N. 49 DTC 649. Arrêt examiné: Batary c. Le procureur général de la Saskatchewan (1965) R.C.S. 465.
REQUÊTES. AVOCATS:
Jean Potvin et Jacques Ouellet pour la
demanderesse.
Claude Desaulniers pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Stikeman, Elliott & Cie. Montréal, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE WALSH: Dans cette affaire, les trois requêtes suivantes ont été présentées à la Cour:
1. Une requête présentée par le défendeur en vertu de l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale' et de la Règle 1909 demandant la suspension de l'exécution des procédures relatives à un certificat obtenu par la deman- deresse le 13 février 1974, pour une somme de $209,020.36, à titre d'impôt sur le revenu, dont $205,981.51 restaient impayés, et demandant en outre l'annulation d'une ordon- nance rendue par la Cour le 14 mars 1974 enjoignant le défendeur de comparaître au greffe de la Cour le 1 e1 avril 1974 pour y être interrogé sur ses biens par L. Joseph Daoust,
1 S.R.C. 1970, c. 10 (2. Supp.).
fonctionnaire de la Cour; il demande aussi, à titre subsidiaire, la suspension de cette ordon- nance, selon les conditions fixées par la Cour;
2. Une requête présentée par le défendeur en vertu de la Règle 2200(3) demandant que son interrogatoire soit renvoyé devant la Cour vu son refus de répondre aux questions posées par le greffier, L. Joseph Daoust, qui a alors rejeté toutes ses objections auxdites ques tions et a refusé de renvoyer l'interrogatoire devant la Cour;
3. Une requête présentée par le défendeur en vue d'obtenir un jugement déclaratoire por- tant que le certificat obtenu à son encontre en vertu de nouvelles cotisations datées du 30 octobre 1973 est nul et non avenu par suite de l'existence de nouvelles cotisations datées du 7 mai 1974, et qu'en conséquence, l'ordon- nance prévoyant l'interrogatoire au sujet de ses biens, rendue en vertu de ce certificat, est maintenant inopérante et que toutes les sai- sies, Avis en bonne et due forme aux tierces parties et inscriptions de privilèges faits en vertu de ce certificat sont également nuls; la requête vise en outre à en obtenir la mainle- vée ou l'annulation.
Étant donné que les requêtes sont liées et résultent des mêmes circonstances, elles ont été plaidées ensemble. Il est utile de rappeler briè- vement l'historique de cette affaire.
Par des avis de nouvelles cotisations datés du 30 octobre 1973, le défendeur fut avisé que, pour ses années d'imposition 1968, 1969, 1970 et 1971, il devait des impôts supplémentaires se chiffrant à $211,979.85 2 , intérêts compris. Le défendeur a dament signifié des avis d'opposi- tion à ces cotisations le 22 novembre 1973. Le Ministre n'a pas répondu à ces avis et, le 14 mars 1974, la Cour rendit des ordonnances pro- visoires basées sur le certificat, constituant un
2 Le montant de ces cotisations ne correspond pas au chiffre sur lequel est fondé le certificat qui indique des arriérés d'impôt s'élevant à $141,653.21, une pénalité de $32,761.80 et des intérêts se chiffrant à $34,605.35, soit au total $209,02036 dont $205,981.51 restaient impayés. Les calculs et chiffres obtenus ne sont pas en litige à ce stade des procédures.
privilège sur valeurs mobilières et ordonnant au défendeur d'exposer ses raisons conformément à la Règle 2401; elle rendit aussi une ordon- nance constituant un privilège sur différents biens-fonds et enjoignant le défendeur d'expo- ser ses raisons, conformément à la Règle 2400, ainsi qu'une ordonnance l'enjoignant à compa- raître pour être interrogé sur ses biens, confor- mément à la Règle 2200, le 1 °r avril 1974. Les ordonnances enjoignant le défendeur d'exposer ses raisons ont été rendues définitives par juge- ments datés du 1 °r avril 1974.
Le défendeur a comparu devant Daoust pour être interrogé au sujet de ses biens conformé- ment à l'ordonnance rendue par la Cour et, à ce stade des procédures, le défendeur refusa de répondre aux questions quelles qu'elles fussent, exigeant que l'affaire soit renvoyée à la Cour afin que cette dernière se prononce sur la vali- dité de son refus. Puisque Daoust devait procé- der à l'interrogatoire en vertu d'une ordonnance de la Cour, il rejeta cette objection et refusa de renvoyer tout l'interrogatoire devant la Cour. Il prétend s'être appuyé sur les dispositions de la Règle 2200(3), qui se lit comme suit:
Règle 2200. (3) Toute difficulté suscitée au cours d'un interrogatoire tenu en vertu de la présente règle devant le protonotaire ou autre officier de la Cour, y compris toute contestation au sujet de l'obligation que peut avoir la per- sonne interrogée de répondre à une question posée, peut être renvoyée devant la Cour, et celle-ci peut statuer à ce sujet ou donner les instructions qu'elle estime à propos pour permettre de statuer.
Il soutient en effet que cette règle ne fait qu'au- toriser le renvoi «d'une question» devant la Cour, et que le renvoi de tout l'interrogatoire devant la Cour serait contraire à l'ordonnance en vertu de laquelle il devait procéder lui-même à cet interrogatoire. C'est cette décision qui fait l'objet de la requête 2 mentionnée plus haut. L'avocat du défendeur soutient que, bien qu'on ait admis que cet argument n'a pas été soulevé devant Daoust, le refus du défendeur de répon- dre aux questions relatives à ses biens était fondé sur la crainte de s'incriminer lui-même puisqu'il s'attendait à ce que des procédures pénales soient engagées contre lui, ce qui n'était pas encore le cas. J'examinerai cette objection plus tard, après avoir terminé l'historique des faits. Par la suite, comme l'ont admis les parties, on déposa une plainte à l'encontre du défendeur
en vertu de l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le revenu, même si l'on n'en trouve pas trace au dossier. Plus tard, le 7 mai 1974, le défendeur reçut d'autres avis de «nouvelles cotisations» à l'impôt sur le revenu pour lesdites années 1968 à 1971 incluses, ajoutant une nouvelle réclama- tion pour la somme de $296,172.36 comprenant la pénalité de 25% prévue à l'article 163(2) de la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu (article 56(2) de l'ancienne loi, S.R.C. 1952, c. 148, telle que modifiée). Le défendeur soutient en sub stance que ces «nouvelles cotisations» avaient pour effet de remplacer les nouvelles cotisations précédentes ce qui entraînait la nullité de toutes les procédures engagées en vertu de ces derniè- res, et qu'en vertu de l'article 158(1) de la Loi, il dispose donc de 30 jours à compter de la date de l'expédition par la poste des avis de nouvel- les cotisations pour payer les sommes récla- mées, puisque le Ministre n'a pas ordonné, comme il aurait pu le faire en vertu de l'article 158(2) de la Loi, que les impôts, pénalités et intérêts soient payés immédiatement après lesdi- tes nouvelles cotisations établies le 7 mai 1974, de sorte qu'en vertu de l'article 223 de la Loi, les sommes dues ne pouvaient être certifiées par le Ministre avant l'expiration de la période de 30 jours après le manquement. Ces articles se lisent comme suit:
158. (1') Le contribuable doit, dans les 30 jours qui sui- vent la date de l'expédition par la poste de l'avis de cotisa- tion, payer au receveur général du Canada toute fraction de l'impôt, des intérêts et des pénalités demeurant alors impayée, qu'une opposition ou un appel relatif à la cotisa- tion soit ou non en instance.
(2) Lorsque, de l'avis du Ministre, un contribuable tente d'éluder le paiement des impôts, le Ministre peut ordonner que tous les impôts, pénalités et intérêts soient payés immé- diatement après la cotisation.
223. (1) Un montant payable en vertu de la présente loi qui est impayé, ou le solde d'un montant payable en vertu de la présente loi, peut être certifié par le Ministre,
a) lorsqu'un ordre a été donné par le Ministre en vertu du paragraphe 158(2) immédiatement après cet ordre, et
b) dans les autres cas, à l'expiration d'une période de 30 jours après le manquement.
A l'appui de cette théorie, l'avocat du défendeur mentionna les affaires Abrahams (N° 2) c.
M.R.N. 3 et Walkem c. M.R.N. 4 . Dans ces deux arrêts, il a été décidé qu'on ne pouvait procéder à l'audition d'un appel interjeté de la nouvelle cotisation initiale lorsque celle-ci avait été rem- placée par une seconde nouvelle cotisation valide, qui entraînait la nullité de la première. En rendant sa décision dans l'arrêt Abrahams, le président Jackett (tel était alors son titre) déclara à la page 335:
[TttnnucrioN] La différence entre la première et la seconde nouvelle cotisation réside dans le fait que, dans la seconde nouvelle cotisation, le revenu imposable de l'appe- lant est calculé sur la base du montant sur lequel portait la première nouvelle cotisation plus une autre somme.
et plus loin, à la page 336:
[TxnnucrnoN] . Si la seconde nouvelle cotisation est valide, elle remplace à mon avis la première et entraîne donc sa nullité. Le contribuable ne peut être assujetti à l'impôt en fonction de la cotisation initiale ainsi que de la nouvelle cotisation. Ce serait différent si une cotisation pour une année donnée était suivie d'une cotisation «supplémentaire» pour cette même année. Cependant lorsque la «nouvelle cotisation» a pour objet de fixer l'impôt global annuel du contribuable et pas seulement un montant d'impôt s'ajoutant à la première imposition, la cotisation précédente doit auto- matiquement être annulée. [Les italiques sont de moi.]
L'affaire Walkem a suivi cet arrêt et plusieurs autres jugements traitant du même problème y ont été considérés. Après avoir cité le paragra- phe susmentionné (page 336) de l'arrêt Abra- hams, l'arrêt Walkem déclare à la page 5291:
Dans le cas présent, je ne considère pas que la nouvelle cotisation finale N. 242468 constitue une cotisation supplé- mentaire indépendante des deux nouvelles cotisations N. 168531 et 168538, conte lesquelles on a d'abord interjeté appel, simplement parce qu'elles ajoutaient un intérêt de $117.44 la cotisation pour un impôt de $33,108.89 qui, comme on l'a déjà souligné, représente l'ensemble de deux précédentes cotisations nouvelles. Au contraire, elles sem- blent avoir pour objet de fixer le total des impôts du contribuable pour l'année en cause et non pas seulement un montant d'impôt supplémentaire à celui qui avait déjà été fixé et elle annule donc les précédentes cotisations nouvel- les, conformément au jugement Abrahams.
3 [1967] 1 R.C.É. 333. 71 DTC 5288.
Puis, à la page 5292, l'arrêt Walkem déclare:
Au contraire, la véritable distinction réside à mon avis, comme l'affaire Abrahams (précitée) le laisse entendre, dans le fait de décider si la nouvelle cotisation remplace complè- tement toutes les cotisations ou nouvelles cotisations précé- dentes, de telle sorte qu'il n'y a plus aucune question liti- gieuse soumise à la Commission ou à la Cour sur ces cotisations ou nouvelles cotisations précédentes, auquel cas la Commission ou la Cour n'a plus aucune compétence pour connaître de l'appel primitif, ou si, au contraire, elle consti- tue simplement une cotisation supplémentaire pour un mon- tant supplémentaire qui pouvait peut-être se fonder sur un point différent, auquel cas la cotisation ou nouvelle cotisa- tion primitive n'a pas été remplacée et le point en litige qu'elle soulève peut toujours être plaidé, laissant la possibi- lité de l'audition d'un appel interjeté contre la seconde cotisation nouvelle à une date ultérieure, à moins que l'on ne convienne de les joindre pour audition.
Au vu de ces commentaires, il est nécessaire d'examiner plus attentivement les «nouvelles cotisations» du 7 mai 1974. Elles ont toutes été établies sur des formules appelées T7WC, inti- tulées «Avis de nouvelle cotisation» et annexées à chaque formule intitulée «Ajustement du revenu déclaré» dont le but est d'expliquer les changements; c'est cette dernière formule qui fait état des pénalités imposées en vertu de l'article 56(2) de l'ancienne loi (article 163(2) de l'actuelle Loi de l'impôt sur le revenu). II n'est pas nécessaire d'examiner les chiffres figurant sur toutes ces formules et il sera plus commode de ne considérer que la dernière, pour . l'année 1971. Elle commence avec une colonne indi- quant le solde net pour année antérieure se chiffrant à $157,383.94, soit le solde cumulatif dans les nouvelles cotisations du 7 mai 1974 pour les trois années 1968, 1969 et 1970. Dans une des colonnes du milieu sous l'intitulé «Année en cours» apparaît une cotisation se chiffrant à $169,423.01 dont on a déduit la «Cotisation précédente» de $46,750.95 donnant donc, sous l'intitulé «Augmentation pour l'année en cours» un chiffre de $122,672.06 qui est reporté à la dernière colonne et ajouté au chiffre de $157,383.94 représentant le report de l'année précédente. Les intérêts sur cette augmentation se chiffrent à $16,116.36 et le total de ces chiffres, soit $296,172.36, est désigné comme «Solde pour les années visées par la nouvelle
cotisation». Il est évident qu'on a obtenu ce solde après avoir porté au crédit la somme de $46,750.95, indiquée comme étant la cotisation précédente, ce qui correspondait au montant de la cotisation pour l'année 1971 tel qu'il apparaît dans la cotisation établie le 30 octobre 1973. De même, la nouvelle cotisation établie le 7 mai 1974 porte au crédit la cotisation précédente de $22,223.24 pour l'année 1968, le montant de $52,924.07 pour l'année 1969 et le montant de $91,668.38 pour l'année 1970, ces chiffres cor- respondant aux montants inscrits dans les nou- velles cotisations établies le 30 octobre 1973 pour chacune des années en cause. Il est donc manifeste que le chiffre de $296,172.36 repré- sentant le total cumulatif des cotisations établies le 7 mai 1974 ne représente pas le montant total prétendument par le défendeur, car il est aussi débiteur des montants inscrits dans les nouvelles cotisations établies le 30 octobre 1973, se chiffrant au total à $211,979.85. Au bas de la nouvelle cotisation du 7 mai 1974 pour l'année d'imposition 1971, indiquant un total cumulatif de $296,172.36, on trouve la réfé- rence suivante: «Cet avis reflète le solde impayé résultant des cotisations établies jusqu'à ce jour. Si des montants déjà cotisés sont dus, un état de compte consolidé sera établi par le Centre des données fiscales à Ottawa». Il est intéressant de souligner, bien que ce point ne soit pas en litige, que les nouvelles cotisations datées du 30 octo- bre 1973 ont été établies exactement de la même manière. Elles indiquent une cotisation pour chacune des années 1968 à 1971 incluses et, dans chaque cas, portent au crédit du contri- buable le montant de la cotisation précédente, tout en reportant les soldes se chiffrant à un total final de $211,979.85, intérêts inclus; l'avis de nouvelles cotisations pour 1971 porte la même référence que celle que j'ai déjà mention- née pour la cotisation établie le 7 mai 1974. Donc, en fait, les nouvelles cotisations du 30 octobre 1973 elles-mêmes n'étaient pas complè- tes de sorte que le contribuable était débiteur, en sus du total cumulatif indiqué dans ces coti- sations, des montants qui n'y avaient pas été inclus pour les années en question, tels qu'ils figuraient dans les cotisations précédentes.
La demanderesse s'appuie sur l'article 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui se lit comme suit:
152. (4) Le Ministre peut, à une date quelconque, fixer des impôts, intérêts ou pénalités en vertu de la présente Partie, ou donner avis par écrit, à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposi- tion, qu'aucun impôt n'est payable pour l'année d'imposi- tion, et peut,
a) à une date quelconque, si le contribuable ou la per- sonne produisant la déclaration
(i) a fait une présentation erronée des faits, par négli- gence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou fournis- sant quelque renseignement sous le régime de la pré- sente loi, ou
(ii) a adressé au Ministre une renonciation, en la forme prescrite, dans un délai de 4 ans à compter du jour de l'expédition par la poste d'un avis de première cotisa- tion ou d'une notification portant qu'aucun impôt n'est payable pour une année d'imposition, et
b) dans un délai de 4 ans à compter du jour mentionné au sous-alinéa aXii) en tout autre cas,
procéder à de nouvelles cotisations ou en établir de supplé- mentaires, ou fixer des impôts, intérêts ou pénalités en vertu de la présente Partie, selon que les circonstances l'exigent.
et souligne que cet article autorise le Ministre à «procéder à de nouvelles cotisations ou en éta- blir de supplémentaires». Les avocats de la demanderesse soutiennent que les «nouvelles cotisations» établies le 7 mai 1974, bien que faites sur une formule intitulée «Avis de nouvel- les cotisations», étaient en fait des avis de coti- sations supplémentaires, car la même formule est utilisée dans les deux cas. (C'est aussi vala- ble pour les avis de nouvelles cotisations établis le 30 octobre 1973.) Compte tenu de cette inter- prétation que j'accepte, étant donné qu'une ana lyse des formules indique clairement que c'était le cas, ces «nouvelles cotisations» n'étaient pas vraiment des nouvelles cotisations annulant et remplaçant les nouvelles cotisations précéden- tes établies le 30 octobre 1973, au sens des arrêts Abrahams et Walkem (précités); en fait, elles relèvent plutôt de la distinction établie dans ces deux arrêts et, puisqu'il s'agit de «coti- sations supplémentaires», il est possible que le contribuable reste assujetti à l'impôt aux termes des cotisations initiales ayant fait l'objet d'avis d'opposition, ainsi qu'aux termes de ces nouvel- les cotisations supplémentaires. Les avocats de la demanderesse s'appuient aussi sur l'article
152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui se lit comme suit:
152. (8) Sous réserve de modifications qui peuvent y être apportées ou d'annulation qui peut être prononcée lors d'une opposition ou d'un appel fait en vertu de la présente Partie et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi.
affirmant que les «nouvelles cotisations» du 7 mai 1974, étant de simples cotisations supplé- mentaires, n'annulent pas les nouvelles cotisa- tions du 30 octobre 1973 ni ne dégagent le défendeur de ses obligations en découlant.
Le fait qu'on utilise les mêmes formules pour les «cotisations supplémentaires» et pour «les nouvelles cotisations» risque, pour le moins, d'induire en erreur de même que le fait que le chiffre cumulatif final indiquant ,le montant du «Solde impayé pour les années faisant l'objet de nouvelles cotisations» se rapporte seulement aux soldes supplémentaires dus par suite de nouvelles cotisations particulières. Le fait que la première phrase de la référence au bas de la page indique que cet avis réflète le montant du solde impayé des cotisations établies «jusqu'à ce jour» est encore plus trompeur. La deuxième phrase portant que, si des montants déjà cotisés sont dus, un compte consolidé sera établi par le Centre des données fiscales à Ottawa, semble à peine suffisante pour avertir un contribuable inattentif du fait qu'il peut en réalité devoir un montant beaucoup plus élevé que le solde impayé indiqué dans la nouvelle cotisation qu'il vient de recevoir. Il doit de fait garder à l'esprit que cette nouvelle cotisation n'inclut pas les montants indiqués comme dus par suite de coti- sations ou de nouvelles cotisations précédentes. Cependant, comme le déclarait le président Thorson dans l'arrêt Morch c. M.R.N. 5 , à la page 653:
[TRADUCTION] D est bon de garder à l'esprit que l'avis de cotisation n'est pas la même chose que la cotisation. Le premier n'est qu'une feuille de papier alors que le second est un acte administratif important relevant de la compétence exclusive du Ministre, ... .
Bien que la formule puisse quelque peu induire en erreur, il semble qu'en l'espèce, il soit certain que les «nouvelles cotisations» du 7 mai 1974
5 49 DTC 649.
ajoutaient la somme de $296,172.36 la somme de $211,979.85 due par suite des nouvelles coti- sations établies le 30 octobre 1973.
Les «nouvelles cotisations» du 7 mai 1974 sont maintenant couvertes par l'opposition du défendeur aux nouvelles cotisations du 30 octo- bre 1973, par suite des dispositions de l'article 165(7) de la nouvelle loi qui se lit comme suit:
165. (7) Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'oppo- sition à une cotisation, conformément au présent article, et que par la suite le Ministre procède à une nouvelle cotisation du contribuable pour l'année d'imposition relativement à laquelle l'avis d'opposition a été signifié ou qu'il établit une cotisation supplémentaire relativement à cette année et qu'il envoie au contribuable un avis de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire, selon le cas, le contribuable peut, sans signifier un avis d'opposition à la nouvelle cotisation, ou à la cotisation supplémentaire,
a) interjeter appel auprès de la Commission de révision de l'impôt ou auprès de la Cour fédérale, conformément à l'article 169 ou au paragraphe 172(2); ou
b) si un appel a déjà été interjeté auprès de la Commis sion de révision de l'impôt ou auprès de la Cour fédérale, relativement à cette cotisation, modifier l'avis d'appel en y joignant un appel relativement à la nouvelle cotisation ou à la cotisation supplémentaire, dans la forme et selon les modalités qui peuvent être prescrites par la Commission ou par la Cour.
Le défendeur peut donc maintenant interjeter appel directement à la Commission de révision de l'impôt ou à la Cour fédérale de ces deux nouvelles cotisations. Il est intéressant de souli- gner qu'aucun article de ce genre n'était en vigueur au moment les arrêts Abrahams et Walkem (précités) ont été rendus; en consé- quence, la seconde «nouvelle cotisation», qu'il s'agisse d'une nouvelle cotisation proprement dite ou d'une «cotisation supplémentaire», peut être traitée simultanément à la première. Ce résultat est raisonnable et logique. Il serait tout à fait absurde de conclure que, parce que le contribuable est censé devoir une somme d'ar- gent beaucoup plus élevée que le montant de la nouvelle cotisation initiale, toutes les saisies et procédures d'exécution engagées en vertu de la nouvelle cotisation initiale doivent être annulées et remplacées par de nouvelles procédures enga gées en vertu de la seconde nouvelle cotisation ou de la cotisation supplémentaire après un nou- veau délai de 30 jours moins que le Ministre ne se prévale de l'article 158(2)), alors que, pendant ce délai, le contribuable est tout à fait
libre d'aliéner les biens saisis en vertu des nou- velles cotisations initiales.
La question soulevée par l'argument le plus sérieux du défendeur est donc réglée; quant aux autres arguments soulevés relativement aux dif- férentes requêtes, nous pouvons les trancher rapidement.
Le défendeur prétend que l'on ne s'est pas conformé entièrement aux dispositions de l'arti- cle 223(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce paragraphe se lit comme suit:
223. (2) Sur production à la Cour fédérale du Canada, un certificat fait sous le régime du présent article doit être enregistré à cette cour et, lorsqu'il est enregistré, il a la même force et le même effet, et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur de ce certificat comme s'il était un jugement obtenu de cette cour pour une dette du montant spécifié dans le certificat, plus l'intérêt couru jus- qu'à la date du paiement ainsi qu'il est prescrit dans la présente loi.
II prétend que cet article exige la tenue d'un registre spécial par la Cour dans lequel les certi- ficats seraient enregistrés, ce qui n'est pas le cas. En réalité, la procédure suivie est celle prévue aux Règles 2400 et 2401 relatives à la constitution de privilèges sur biens-fonds et sur valeurs mobilières respectivement, les deman- des d'ordonnances ayant été présentées par affi davit auquel fut joint le certificat exécutoire. Des ordonnances provisoires ont été dûment émises et rendues définitives le ler avril 1974, date fixée pour présenter une défense à leur sujet, étant donné qu'il n'y avait eu aucune opposition. Le certificat produit relativement à la demande d'ordonnances porte le sceau de la Cour et, en l'absence de règles spéciales relati ves à leur enregistrement, j'estime que le sceau constitue une preuve suffisante de l'enregistre- ment à la Cour. En pratique ces certificats ne sont enregistrés que s'ils doivent être utilisés d'une manière quelconque lors des procédures d'exécution ou dans le cas d'une ordonnance enjoignant le débiteur saisi de se présenter pour interrogatoire, ce qui est le cas en l'espèce. La procédure adoptée dans l'affaire présente est la procédure couramment suivie et, à mon avis, les saisies ou l'ordonnance en vue d'un interroga- toire ne sont en aucune façon irrégulières.
Le défendeur s'est aussi opposé à l'utilisation que la demanderesse a fait de l'article 224 en
envoyant des avis de saisie-arrêt à un certain nombre de personnes qui étaient prétendument débitrices du défendeur, ou sur le point de le devenir, ces avis étant datés du 10 janvier 1974, du 15 janvier 1974, du 21 janvier 1974, du 28 janvier 1974, du 30 janvier 1974, du 6 février 1974 et du 27 février 1974, antérieurement à tout «enregistrement» du certificat visant le défendeur. L'article 224(1) se lit comme suit:
224. (1) Lorsque le Ministre sait ou soupçonne qu'une personne est endettée envers une personne tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi, ou est sur le point de le devenir, ou est astreinte à faire un paiement à la personne en question, il peut, par lettre recommandée ou par lettre signifiée à personne, exiger de cette personne que les deniers autrement payables à l'autre personne soient en totalité ou en partie versés au receveur général du Canada à l'égard de l'obligation existant en vertu de la présente loi. C'est cette procédure qui fut adoptée et rien dans la Loi n'indique que l'utilisation de la pro- cédure prévue à l'article 224 dépende de la production ou de l'enregistrement d'un certificat ayant la même force et le même effet qu'un jugement, conformément à l'article 223. Il con- vient donc de rejeter cet argument.
Le défendeur prétend aussi, comme l'énonce la requête 1 précitée, que les saisies déjà faites suffisent à garantir le recouvrement de la somme prétendument due et, pour démontrer ce point, il a recouru aux services d'un comptable indépendant dont le rapport n'était pas terminé au commencement de son interrogatoire. A mon avis, la valeur des biens saisis n'est pas perti- nente et ne peut faire l'objet d'un examen au stade actuel des procédures. Après enregistre- ment, le certificat a la même force et le même effet qu'un jugement, et, à moins que le Minis- tre ne décide de réduire la somme réclamée ou d'y renoncer à la suite d'une opposition faite par le contribuable, ou lors d'un appel à la Commis sion de révision de l'impôt ou à la Cour fédé- rale, et jusqu'à cette date, il y a présomption que cette somme est due et le Ministre est autorisé à se prévaloir des Règles 2400 et 2401 pour constituer des privilèges sur biens-fonds ou sur valeurs mobilières, de la Règle 2300, pour procéder à des saisies-arrêts, des Règles 2000 et suivantes traitant des procédures d'exé- cution ainsi que de la procédure de saisie-arrêt prévue à l'article 224 de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la procédure de saisie des biens
meubles, prévue à l'article 225 de la Loi. Ces moyens de droit sont cumulatifs et n'exigent aucunement des choix; ils peuvent être employés sans limitation jusqu'à paiement de la somme totale due. Toutes hypothèses quant à la valeur des biens saisis ne sont pas pertinentes; c'est le montant tiré de la vente des biens saisis qui est imputé à la dette. Cet argument doit donc être rejeté.
Je vais examiner maintenant les objections du défendeur à l'interrogatoire mené par Daoust, en vertu de la Règle 2200. Il convient de souli- gner que la Règle 2200(3), précitée, se réfère à «toute difficulté suscitée au cours d'un interro- gatoire» pour y inclure ensuite «toute contesta- tion au sujet de l'obligation que peut avoir la personne interrogée de répondre à une question posée» et ajouter que cette question «peut» être renvoyée devant la Cour. A mon avis, il ressort de la règle prise dans son ensemble que, bien que l'on «puisse» demander à la Cour de se prononcer sur une contestation soulevée par une question donnée ou, à l'occasion de quelque autre difficulté soulevée au cours de l'interroga- toire, elle n'a pas pour effet de permettre à la personne interrogée de refuser de répondre à tout interrogatoire, quel qu'il soit, mené par le fonctionnaire de la Cour devant lequel elle a été enjointe de comparaître et, de toute façon, cette règle ne précise pas que toute difficulté de ce genre, ou refus de répondre aux questions, doit être renvoyée à la Cour, mais simplement qu'elle peut l'être. J'estime que la décision de Daoust à ce moment était tout à fait appropriée, d'autant plus que, comme l'admettent les par ties, le défendeur ne lui a pas exposé pourquoi il refusait en fait de répondre aux questions, savoir la crainte de s'incriminer lui-même. Une telle objection est sérieuse et j'estime qu'elle devrait faire l'objet d'un renvoi devant la Cour. On trouve cependant la réponse à cette question à l'article 5 de la Loi sur la preuve au Canada 6 . Cette loi est évidemment applicable aux présen- tes procédures puisque l'article 2 prévoit que:
2. La présente Partie s'applique à toutes les procédures criminelles et à toutes les procédures civiles, ainsi qu'à toutes les autres matières de la compétence du Parlement du Canada.
L'article 5 de ladite Loi se lit comme suit:
6 S.R.C. 1970, c. E-10.
5. (1) Nul témoin n'est exempté de répondre à une ques tion pour le motif que la réponse à cette question pourrait tendre à l'incriminer, ou pourrait tendre à établir sa respon- sabilité dans une procédure civile à l'instance de la Cou- ronne ou de qui que ce soit.
(2) Lorsque, relativement à quelque question, un témoin s'oppose à répondre pour le motif que sa réponse pourrait tendre à l'incriminer ou tendre à établir sa responsabilité dans une procédure civile à l'instance de la Couronne ou de qui que ce soit, et si, sans la présente loi, ou sans la loi de quelque législature provinciale, ce témoin eût été dispensé de répondre à cette question, alors bien que ce témoin soit en vertu de la présente loi ou d'une loi provinciale, forcé de répondre, sa réponse ne peut pas être invoquée et n'est pas admissible à titre de preuve contre lui dans une instruction ou procédure criminelle exercée contre lui par la suite, hors le cas de poursuite pour parjure en rendant ce témoignage.
Cet article protège le défendeur de l'usage que l'on pourrait faire au criminel des réponses qu'il donne lors de l'interrogatoire concernant ses biens; il peut donc demander à la Cour la pro tection de cette loi. Le défendeur déclare cepen- dant que puisqu'il encourt une pénalité de 25% en vertu de l'article 163(2) de la Loi, ses répon- ses pourraient fournir des renseignements per- mettant à la demanderesse de justifier l'imposi- tion de cette pénalité, alors qu'en vertu de l'article 163(3), la charge de la preuve incombe au Ministre qui ne peut obtenir cette preuve en obligeant le défendeur à s'incriminer lui-même. Ces paragraphes se lisent comme suit:
163. (2) Toute personne qui, dans l'exécution d'une fonc- tion ou d'une obligation imposée par la présente loi ou en vertu de celle-ci, a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un énoncé ou une omission dans une déclaration, un certificat, un relevé ou une réponse faits par ou en vertu de la présente loi ou d'un règlement, ou a participé, consenti, acquiescé à cet énoncé ou à cette omission, d'oh il résulte que l'impôt qui aurait été payable par elle pour une année d'imposition, si l'impôt avait été établi d'après les renseignements fournis dans la déclaration, le certificat, le relevé ou la réponse, est inférieur à l'impôt qu'elle doit payer pour l'année, encourt une pénalité de 25% du montant, si montant il y a, obtenu en soustrayant l'impôt qui aurait été ainsi payable de l'impôt qu'elle doit payer pour l'année.
(3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le Ministre en vertu du présent article, la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité incombe au Ministre.
Les avocats de la demanderesse ont souligné que c'est seulement en appel que le Ministre a la charge de la preuve. J'estime pour ma part qu'on ne peut empêcher un simple interrogatoire du défendeur au sujet de ses biens pour la seule
raison que ses réponses pourraient être utilisés contre lui et justifier l'imposition de la pénalité. L'avocat du défendeur a mentionné l'arrêt de la Cour suprême Batary c. Le procureur général de la Saskatchewan', mais cet arrêt traite d'une question différente. Cet arrêt admit que l'in- culpé ne pouvait être obligé à témoigner lors de procédures criminelles intentées contre lui et décida qu'on ne pouvait donc pas l'obliger à comparaître comme témoin lors de l'enquête du coroner, car cette enquête pourrait éventuelle- ment entraîner son inculpation. A mon avis, il existe une distinction nette entre les faits de cette affaire et la situation en l'espèce. On ne peut assimiler une pénalité imposée lors d'une procédure civile dans le but de recouvrer des impôts sur le revenu à une inculpation pour une infraction criminelle et le fait qu'on réclame une telle pénalité ne justifie pas que le défendeur empêche le Ministre d'obtenir des renseigne- ments au sujet de ses biens pour faciliter le recouvrement de l'impôt prétendument exigible. Je conclus donc que le défendeur doit comparaî- tre à nouveau devant Daoust, le 10 juin 1974, pour être interrogé sur ses biens. Lors de cet interrogatoire, il pourra témoigner sous la pro tection de la Cotir, en vertu de la Loi sur la preuve au Canada, en ce qui concerne l'usage qui pourrait être fait de ses réponses lors de procédures criminelles intentées contre lui, hors le cas de poursuite pour parjure en rendant ce témoignage. Toute opposition à une question donnée pourra être renvoyée à la Cour.
JUGEMENT
1. La requête du défendeur demandant la suspension des procédures d'exécution déjà engagées et visant à l'annulation ou suspen sion de l'ordonnance enjoignant le défendeur de comparaître pour être interrogé sur ses biens par L. Joseph Daoust, fonctionnaire de la Cour, est rejetée avec dépens.
2. La requête du défendeur visant à renvoyer devant la Cour son interrogatoire devant ledit registraire est rejetée avec dépens; la Cour ordonne une nouvelle comparution devant Daoust au bureau de la Cour à Montréal, le 10 juin 1974 à 14h ou à tout autre moment adéquat pour cet interrogatoire, étant entendu
7 [1965] R.C.S. 465.
que, dans la mesure ses réponses pour- raient tendre à l'incriminer lors de procédures criminelles intentées contre lui, il témoignera sous la protection de la Cour et que ses réponses ne pourront être utilisées contre lui dans des procédures criminelles, hors le cas de poursuite pour parjure dont il pourrait faire l'objet à la suite desdites réponses.
3. La requête du défendeur demandant un jugement déclaratoire portant que le certificat obtenu à son encontre en vertu des nouvelles cotisations datées du 30 octobre 1973 ainsi que toutes les procédures postérieures inten- tées en conséquence sont nuls et non avenus, y compris l'ordonnance de comparution pour interrogatoire sur ses biens, toutes saisies, avis en bonne et due forme aux tierces parties et inscriptions de privilège faits en vertu dudit certificat résultant de ces nouvelles cotisa- tions, est rejetée avec dépens.
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