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Fredericton Housing Limited (Appelante)
c.
La Reine (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges suppléants Choquette et St.-Germain—Ottawa,
le 20 juin 1973.
Pratique—Impôt sur le revenu—Déclaration non signée par la personne autorisée— Requête en radiation—Pas de préjudice—Règle 302b).
Dans un appel interjeté par la Couronne d'une décision de la Commission d'appel de l'impôt, la déclaration fut, à la demande d'un conseiller juridique du ministère de la Justice autorisé à la signer, signée en son nom par un autre avocat.
Arrêt (le juge suppléant Choquette étant dissident): la décision de la Division de première instance est confirmée et la demande d'annulation de la déclaration rejetée.
Le juge en chef Jackett et le juge suppléant St.-Germain: L'omission de signer la déclaration de la façon autorisée par la Règle 600(1) était une simple irrégularité qui n'a causé aucun préjudice au contribuable.
Le juge suppléant Choquette, dissident: il y aurait lieu de radier la déclaration en vertu de la Règle 302 car le fait qu'elle n'ait pas été signée dans les règles entraîne, en droit, la nullité de son dépôt.
APPEL.
AVOCATS:
B. A. Crane pour l'appelante.
G. W. Ainslie, c.r., et J. Power pour l'intimée.
PROCUREURS:
Gowling et Henderson, Ottawa, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Il s'agit ici de l'appel d'un jugement de la Division de première instance rejetant, avec dépens à suivre l'issue de la cause, une requête qui à l'origine visait à obtenir l'autorisation de dépo- ser un acte de comparution conditionnelle ainsi qu'une suspension d'instance en application de la Règle 401 mais qui, après accord entre les parties, a été considérée comme une requête en radiation de la déclaration pour un certain nombre de motifs bien précis.
Le 20 juillet 1972, la Commission de révision de l'impôt accueillait un appel que la Frederic- ton Housing Limited avait interjeté de sa cotisa- tion établie en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu pour son année d'imposi- tion 1970. Le jugement a déféré le dossier à l'intimée pour nouvelle cotisation «déduction faite de la plus-value» réalisée sur la vente d'une parcelle de terrain «que l'appelante avait fait figurer comme gain de capital et que le Ministre avait considéré comme un revenu».
La Loi de l'impôt sur le revenu, telle que modifiée par une loi entrée en vigueur le ler janvier 1972 (chapitre 63 des Statuts de 1970- 71-72) contient les dispositions suivantes sur l'appel d'un tel jugement:
172. (1) Le Ministre ou le contribuable peut, dates les 120 jours de la date le régistraire de la Commission de révision de l'impôt transmet par la poste, au Ministre et au contribuable, la décision concernant un appel basé sur l'arti- cle 169, interjeter appel auprès de la Cour fédérale du Canada.
175. (1) En vertu de la présente loi, un appel auprès de la Cour fédérale, sauf un appel auquel s'applique l'article 180, est introduit,
a) dans le cas d'un appel interjeté par un contribuable,
(i) de la manière indiquée à l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale, ou
(ii) par le dépôt par le Ministre d'une copie d'un avis d'opposition au greffe de la Cour fédérale, en vertu de l'alinéa 165(3)b); et
b) dans le cas d'un appel interjeté par le Ministre, de la manière prévue par les règles de la Cour fédérale concer- nant l'introduction d'une action.
Devant la Division de première instance, l'af- faire a été introduite par voie de déclaration. Cette déclaration, amendée peu après avoir été déposée le 27 novembre 1972, se lit comme suit:
[TRADUCTION] Le sous-procureur général de Sa Majesté pour le Canada déclare, au nom de Sa Majesté:
A. EXPOSÉ DES FAITS
1. La Commission de révision de l'impôt, par un jugement en date du 31 juillet 1972, expédié le 1" août 1972, a fait droit à l'appel interjeté par la défenderesse de la cotisation effectuée par le ministre du Revenu national et portant sur l'année d'imposition 1970 de la défenderesse. Avis de ce jugement a été expédié à la défenderesse le 12 mai 1971.
2. En cotisant la défenderesse pour son année d'imposition 1970, le ministre du Revenu national a fait entrer dans le calcul du revenu de cette dernière un bénéfice de $168,- 018.00 provenant de la vente d'une parcelle de 80 acres
faisant partie d'un terrain de 132 acres acheté par la défen- deresse en 1965 à un prix d'environ $500 l'acre. Lesdits 80 acres ont été revendus en 1970 pour la somme totale de $200,000.00.
3. En établissant la cotisation de la défenderesse pour l'an- née d'imposition 1970 et en incluant dans son revenu un gain de $168,018.00, le ministre du Revenu national a considéré que ce gain constituait un revenu provenant d'une entreprise ou d'une activité de caractère commercial.
B. TEXTES LÉGISLATIFS À L'APPUI DE LA THÈSE DE LA DEMAN- DERESSE ET MOYENS QUE CETTE DERNIÈRE ENTEND AVANCER
4. La demanderesse s'appuie sur les articles 3, 4 et 139(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148.
Requête
Au nom de Sa Majesté la Reine, le sous-procureur général du Canada demande que l'appel de la décision de la Com mission de révision de l'impôt soit accueilli avec dépens et que la cotisation soit rétablie.
Ottawa, le 27ième jour de novembre 1972.
Venait ensuite une «signature» qui se présen- tait de la façon suivante:
[TRADUCTION] D. S. Maxwell,
Sous-procureur général du Canada par: «F. J. Dubrule» F. J. Dubrule
Les faits, tout au moins ceux qui se rattachent à la «signature», sont les suivants: M. F. J. Dubrule, membre du Barreau et l'un des princi- paux conseillers juridiques du ministère de la Justice, a préparé un projet de déclaration très semblable à la partie dactylographiée du corps de la déclaration, telle qu'elle a été déposée, y compris la partie dactylographiée de la «signa- ture». Le 24 novembre 1972, alors qu'il était sur le point de partir en voyage, M. Dubrule a demandé à l'une des secrétaires du ministère de faire en sorte que la déclaration soit «signée par l'un des avocats de la division ... et déposée au greffe de la Cour fédérale». Cette secrétaire s'est donc adressée à un des avocats de la division en question afin qu'il signe la déclara- tion et ce dernier, agissant conformément aux instructions, a fait suivre le terme «par» du nom de M. Dubrule dans le document dactylogra- phié. Ce document a alors été déposé, le 27 novembre 1972.
Les objections au jugement dont il est fait appel figurent dans le mémoire de l'appelante en cette Cour, de la manière suivante:
PARTIE II
OBJECTIONS DE L'APPELANTE
1. Il est affirmé que le savant juge de première instance a commis une erreur en refusant de radier la déclaration au motif qu'elle ne contenait pas un exposé précis des faits essentiels, comme l'exige la règle 408, et en refusant de rendre l'ordonnance qui s'imposait.
2. Il est affirmé que le savant juge de première instance a commis une erreur en concluant que M. Storrow était habi- lité à signer la déclaration du nom de M. Dubrule.
3. Il est affirmé que le savant juge de première instance a commis une erreur en concluant que la déclaration n'avait pas à être signée par M. Dubrule en personne ou par une autre personne dûment autorisée.
Le premier moyen d'appel porte que les allé- gations contenues dans le corps de la déclara- tion ne sont pas conformes à la Règle 408(1) qui dispose:
Règle 408. (1) Chaque plaidoirie doit obligatoirement conte- nir un exposé précis des faits essentiels sur lesquels se fonde la partie qui plaide.
La partie du mémoire qui expose le moyen avancé sur ce point précis est la suivante:
[TRADUCTION] Dans la déclaration, il est dit simplement que la défenderesse a vendu «une parcelle de 80 acres ... d'un terrain» et que le bénéfice qu'elle a retiré de cette vente constitue un revenu provenant d'une entreprise ou d'une activité de caractère commercial. On ne précise pas les faits essentiels sur lesquels se fonde cette allégation.
Nous n'avons pas jugé nécessaire d'entendre l'intimée sur ce point. Une telle objection peut au plus donner droit à une requête pour détails. Telle qu'elle est rédigée, je n'y vois aucun motif susceptible de faire radier la déclaration.
Les autres moyens d'appel se fondent sur la Règle 600(1) qui dispose:
Règle 600. (1) Sauf dans le cas quelque autre mode de procédure est requis par une loi, la Règle 400 s'applique à une action intentée par la Couronne, qui doit être engagée par le procureur général du Canada ou le sous-procureur général du Canada pour le compte de la Couronne. (Formule 31). Un statement of claim ou une déclaration dans une action intentée par la Couronne peut être signé par le procureur général du Canada, le sous-procureur général du Canada ou une autre personne dûment autorisée à y apposer la griffe de l'un d'eux.
A mon avis, ceci exige, lors d'une action enga gée par la Couronne (et par conséquent, confor- mément à l'article 175 de la Loi de l'impôt sur le revenu, lors d'un appel interjeté par le Ministre en vertu de cette loi), que la déclaration soit signée
a) par le procureur général du Canada,
b) par le sous-procureur général du Canada, ou
c) par toute personne dûment autorisée à apposer la signature du procureur général ou du sous-procureur général du Canada.
Si je m'en tiens plus précisément à ce troisième point, je ne peux m'empêcher de conclure que la règle autorise
a) le procureur général à écrire, ou à apposer de quelque autre manière, son nom à l'endroit indiqué du document,
b) le sous-procureur général à écrire, ou à apposer de quelque autre manière, son nom à l'endroit indiqué du document, et
c) toute autre personne, dûment autorisée, à apposer à l'endroit indiqué du document la signature du procureur général ou du sous- procureur général et d'authentifier cette signature en ajoutant, à la suite d'une formule appropriée, son nom écrit de sa main ou apposé de quelque autre manière.
Après avoir pris connaissance de la jurispru dence avancée par chaque partie, je suis par venu à la conclusion que l'on y pose simplement que, pour déterminer la portée de dispositions telles que la Règle 600(1), il suffit d'examiner la rédaction de la disposition en question dans son contexte.
Si je comprends bien la signification de la Règle 600(1), la déclaration déposée dans le cadre du présent appel n'a pas été signée de la manière prévue par ladite règle. M. Dubrule n'a signé son nom ni' de sa propre main, ni par le truchement d'une personne autorisée' et l'autre avocat n'a pas apposé son propre nom.
A mon avis, cependant, le fait que la déclara- tion n'ait pas été signée de la manière prescrite par la Règle 600(1) n'en entraîne pas la nullité. En fait, la déclaration a été préparée et déposée par des fonctionnaires supérieurs du ministère de la Justice qui font partie d'un groupe dont la tâche consiste, sous l'autorité du procureur général du Canada, à prendre en charge la con- duite des procès engagée par ou contre la Cou- ronne ou l'un des ministères? Si un document déposé en cette Cour ne porte pas de signature
susceptible d'en authentifier la provenance, il comporte à mon avis une irrégularité mais il n'est pas entaché de nullité dans la mesure il est effectivement déposé par la partie dont il prétend émaner, ou en son nom. Je suis de cet avis même si la Règle 300(4) exige expressé- ment que «tous les documents déposés au greffe ou à la Cour dans une action pour le compte d'une partie doivent être signés par le procureur ou solicitor inscrit au dossier si la partie a un tel procureur ou solicitor>. A mon avis, l'absence de signature de la partie ou de la personne qui la représente n'est pas une omission suffisamment grave pour entraîner la nullité d'un document; elle constitue une irrégularité qui peut être corri- gée à condition que le document soit bien par ailleurs ce qu'il prétend être.
J'estime que, dans cette Cour, de telles irrégu- larités sont couvertes par la Règle 302 qui dispose:
Règle 302. Les dispositions suivantes s'appliquent en ce qui concerne les objections quant à la forme et les défauts d'observation des exigences des présentes Règles:
a) aucune procédure devant la Cour ne sera annulée pour simple objection de forme,
b) l'inobservation de n'importe laquelle des présentes Règles ou de n'importe quelle règle de pratique en vigueur à l'époque considérée n'entraînera automatiquement la nullité d'une procédure que si la Cour le déclare mais une telle procédure peut être annulée en tout ou partie pour irrégularité, ou peut être rectifiée, ou autrement traitée de la manière et aux conditions que la Cour jugera à propos,
c) une demande d'annulation d'une procédure pour irré- gularité ne doit être reçue que si elle est présentée dans un délai raisonnable et que si la partie requérante n'a fait aucune nouvelle démarche depuis qu'elle a eu connais- sance de l'irrégularité,
d) lorsqu'une demande d'annulation d'une procédure pour irrégularité est présentée, les diverses objections sur les- quelles le requérant se propose d'insister doivent être énoncées dans l'avis de requête.
La partie de la Règle 302 qui nous intéresse ici est celle qui prévoit que «... l'inobservation de n'importe laquelle des présentes Règles ... n'entraînera automatiquement la nullité d'une procédure que si la Cour le déclare mais une telle procédure peut être annulée en tout ou partie pour irrégularité, ou peut être rectifiée, ou autrement traitée de la manière et aux condi tions que la Cour jugera à propos».
Sur le point de savoir quelle attitude la Divi sion de première instance aurait adopter au
sujet de cette requête en vertu de la Règle 302, j'estime que nous devons tenir compte de la Règle 2(2) qui dispose:
(2) Les présentes Règles visent à faire apparaître le droit et en assurer la sanction; elles doivent s'interpréter les unes par les autres et autant que possible faciliter la marche normale des procès plutôt que la retarder ou y mettre fin prématurément.
A mon avis, l'irrégularité dont est entachée la signature et qui nous occupe en espèce n'a porté aucun préjudice à l'appelante et ne justifie ni la radiation de la déclaration ni aucun autre redressement.
Je suis d'avis que l'appel doit être rejeté avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT ST.-GERMAIN a souscrit à l'avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT CHOQUETTE (étant dissi- dent)—J'estime, en accord avec le juge en chef, que la déclaration n'a pas été signée en confor- mité de la Règle 600.
Toutefois, à mon avis, le fait qu'une déclara- tion n'ait pas été signée dans les règles entraîne la nullité en droit de son dépôt.
J'estime donc qu'il y aurait lieu, conformé- ment à la Règle 302, de prononcer la nullité de la déclaration et de rendre un jugement empor- tant sa radiation.
Il ressort clairement que M. Dubrule n'a pas demandé que son nom soit apposé par une personne autorisée même si cette possibilité était envisageable + par ailleurs. La secré- taire aurait tout aussi bien pu s'acquitter de cette tâche. M. Dubrule a demandé que l'on s'adresse à un avocat du service probablement parce que ce dernier avait les pouvoirs nécessaires pour signer.
2 Voir l'article 5d) de la Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1970, c. J-2.
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