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A-141-74
La Reine (Appelante) (Défenderesse) c.
G.T.E. Sylvania Canada Limited (Intimée) (Demanderesse)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Ryan et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 8 et 10 octobre 1974.
Impôt sur le revenu—Disposition relative à la déprécia- tion—Déduction du coût en capital du montant d'un «octroi, d'une subvention ou d'une autre aide»—Expression excluant une réduction d'impôt sur le revenu provincial—Loi de l'im- pôt sur le revenu, art. 20(6)h) et 11(1)a).
La compagnie contribuable intimée, à la suite d'une réduc- tion de l'impôt sur le revenu provincial effectuée par l'As- semblée du Québec en 1971, devait payer au gouvernement provincial un impôt inférieur à celui dont elle aurait été autrement redevable. On considéra, aux fins du calcul de l'impôt sur le revenu canadien, que le contribuable avait «reçu ... d'un gouvernement . . un octroi, une subvention ou une autre aide» au sens des dispositions relatives à la dépréciation à l'article 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La cotisation fut annulée par la Division de première instance [1974] 1 C.F. 726. La Couronne a interjeté appel.
Arrêt: l'appel est rejeté; le contribuable n'était pas visé par l'expression en cause, car la compagnie n'a littéralement rien reçu de cette réduction fiscale provinciale. Si l'on devait donner aux termes de l'article 20(6)h) un sens assez large pour inclure une telle réduction, il faudrait aussi inclure toute réduction résultant de diverses dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, ce qui ne peut être le cas en l'absence de termes plus explicites.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
N. A. Chalmers, cr., et Wilfrid Lefebvre pour l'appelante.
Richard W. Pound et Robert Couzin pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier et Robb, Montréal, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Le présent appel vise un jugement de la Division de première
instance accueillant avec dépens un appel inter- jeté par l'intimée de sa cotisation établie en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour l'année d'imposition 1971.
L'appel porte sur l'application à certains faits admis par les parties, de l'article 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu, tel qu'il existait au cours de l'année d'imposition 1971.
20. (6). Pour l'exécution du présent article et des règle- ments établis selon l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11, les règles suivantes s'appliquent:
h) lorsqu'un contribuable a reçu ou a droit de recevoir d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'une autre autorité publique, à l'égard ou en vue de l'acquisition de biens, un octroi, une subvention ou une autre aide ... le coût en capital desdits biens est censé être le montant que ces biens ont coûté en capital au contribuable moins le montant de l'octroi, de la subvention ou autre aide;
En résumé, il s'agit de déterminer si la réduc- tion de l'impôt sur le revenu du Québec pour l'année en question que l'Assemblée nationale provinciale avait effectuée par une modification appropriée à la législation fiscale provinciale, et en raison de laquelle l'intimée devait payer au gouvernement provincial un impôt inférieur à celui dont elle était autrement redevable, reve- nait à ce que l'intimée ait
«reçu ... d'un gouvernement ... un octroi, une subvention ou une autre aide»
au sens de l'article 20(6)h). A mon avis, il faut répondre à cette question par la négative. En ce qui a trait à la réduction fiscale, l'intimée n'a littéralement rien reçu. Si l'on devait donner à l'expression «reçu ... une autre aide» un sens assez large pour inclure cette réduction fiscale, le domaine d'application de la règle figurant à l'article 20(6)h) permettrait alors d'y inclure toute réduction effectuée par certaines disposi tions de la Loi de l'impôt sur le revenu elle- même, ce qui ne peut, à mon avis, avoir été visé en l'absence de termes plus explicites. Par exemple, j'ai à l'esprit ce qu'on désigne couram- ment comme «l'allocation du coût en capital»
prévue à l'article 11(1)a) lui-même.'
Pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis que l'appel doit être rejeté avec dépens.
*
LE JUGE RYAN a souscrit à l'avis.
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LE JUGE SUPPLÉANT HYDE a souscrit à l'avis.
' Je tiens à souligner que je ne me prononce pas sur l'exactitude de la partie des motifs de jugement du savant juge de première instance, qui se lit comme il suit [aux pages 736-737]:
Si l'on se reporte à nouveau aux définitions des mots «octroi» et «subvention» dans les dictionnaires, on y remarque un point commun, le fait qu'il s'agisse d'un don ou d'une remise d'argent provenant de fonds publics et alloué par le gouvernement ou les autorités politiques à un particulier ou à une entreprise privée à des fins réputées profitables au public. Quelques subtilités mises à part, il semble donc que, selon les définitions des dictionnaires, les termes «octroi» et «subvention» soient presque synonymes.
A mon avis, on doit appliquer les règles ou principes d'interprétation établis par les tribunaux lorsqu'ils sont pertinents, et, en affirmant cela, je ne méconnais pas le fait que de telles règles, et en particulier le principe ejusdem generis, sont de bons serviteurs, mais de mauvais maîtres.
La doctrine ejusdem generis est aussi ancienne que le baconisme. Selon cette règle, que je répète, des termes génériques faisant suite à une énumération de termes spécifiques n'introduisent pas un sens incompatible avec le genre des premiers.
A mon avis, la règle classique voulant que, lorsqu'ils font suite à des termes spécifiques appartenant tous à un seul genre, les termes génériques sont réputés se limiter au même genre que les termes spécifiques,—s'applique aux mots «octroi, subvention ou autre aide» de l'article 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans cet article, les termes spécifiques «octroi» et «subvention» précèdent immédiatement l'expression «ou autre aide».
Il est manifeste que l'expression générique «ou autre aide» ne peut être que subordonnée aux termes «octroi» et «subvention». A mon avis, il est logique que des termes subordonnés à d'autres ne soient pas interprétés de manière à supprimer toute signification aux termes spéci- fiques qui les précèdent.
Comme je l'ai déjà déclaré, le trait constant et dominant des termes «octroi» et «subvention» est qu'ils évoquent une aide pécuniaire provenant de fonds publics, accordée à une personne par un gouvernement dans l'intérêt du public. Il faut qu'un tel don soit concret et tangible. Pour les raisons que je viens d'exposer, il faut interpréter l'expression «ou autre aide» à la lumière des autres mots.
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