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Bert James (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Gibson— Toronto, le 30 mai; Ottawa, le 25 juin 1973.
Impôt sur le revenu—Pertes dues à des activités hippi- ques—S'agit-il d'une source principale de revenu—Loi de l'impôt sur le revenu, articles 13(2), 139(1)p).
Pendant quelques années avant 1967, l'appelant s'occu- pait activement, à titre d'actionnaire principal et de direc- teur, d'une compagnie prospère ayant une concession de vente d'automobiles qui cessa son activité fin 1966. En 1967, il acheta des chevaux de course et se mit à s'occuper sérieusement de courses de chevaux. En 1967 et 1968, il subit des pertes dépassant $200,000 dans son entreprise hippique. En calculant son revenu pour ces deux années, il déduisit ces pertes des fonds que lui versait la compagnie concessionnaire automobile. Au cours des années suivantes, il tira des profits importants de ses activités hippiques.
Arrêt: il avait le droit de déduire les pertes subies en 1967 et 1968 des fonds que lui versait la compagnie concession- naire automobile. Au cours des années 1967 et 1968, sa «principale source de revenu», au sens de l'article 13 de la Loi de l'impôt sur le revenu, était une combinaison du revenu provenant de son entreprise hippique et de celui provenant de la compagnie concessionnaire automobile.
APPEL de l'impôt sur le revenu. AVOCATS:
T. E. J. McDonnell pour l'appelant. W. J. A. Hobson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Osier, Hoskin et Harcourt, Toronto, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE GIBSON—Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté par l'appelant des nouvelles coti- sations à l'impôt pour les années d'imposition 1967 et 1968. L'appelant prétend être en droit de déduire du revenu d'une autre source les pertes provenant de son élevage de chevaux de course. En établissant la nouvelle cotisation de l'appelant pour les années en question, le Minis- tre a fait application de l'article 13 de la Loi de l'impôt sur le revenu car, à son avis, la source principale de revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1967 et 1968 n'était ni
l'agriculture ni une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source de revenu. Il a ainsi limité à $5,000 pour chacune des années d'im- position en question les pertes que l'appelant était admis à déduire au titre de son activité dans le domaine hippique. L'appelant avait en fait, de par ses activités hippiques, des pertes se montant à $110,043.64 pour l'année d'imposi- tion 1967 et à $96,638.04 pour l'année 1968.
Le Ministre a, dans ses conclusions, soulevé un autre point, à savoir que, quoi qu'il en soit, les dépenses de l'appelant au cours des années 1967 et 1968, qui avaient entraîné lesdites pertes, doivent être considérées comme des dépenses à compte de capital, effectuées aux fins d'agrandir de façon durable l'ensemble des entreprises commerciales de l'appelant.
Avant 1967, l'appelant s'occupait à plein temps de son entreprise qui, sous le nom de Bert James Chev-Olds Limited, compagnie à responsabilité limitée dont il contrôlait toutes les actions, vendait des voitures neuves et usa gées et assurait leur entretien. Cette compagnie se trouvait dans la région de Windsor (Ontario). C'était une entreprise prospère qui, entre sa fondation en 1960 et la fin de 1967, avait accu- mulé des réserves d'à peu près $450,000.
Au mois d'octobre 1966, la General Motors of Canada Limited a mis fin à la concession pour la vente de voitures neuves car l'appelant, direc- teur et principal actionnaire de la compagnie, ne pouvait pas s'entendre avec la General Motors of Canada Limited sur la construction de nou- veaux locaux plus élégants. Jusqu'alors, la com- pagnie de l'appelant occupait un local loué et le bail était venu à expiration. Ainsi, quand la General Motors of Canada Limited a mis fin à l'accord de concession automobile, l'appelant a mis sa compagnie en liquidation à la fin du mois de décembre 1966. A ce moment-là, tous les avoirs de la compagnie avaient été liquidés à l'exception de certains comptes à recevoir et de quelques autres éléments; la compagnie n'em- ployait plus alors que deux employés, le commis principal et une secrétaire.
Au cours des années 1967 et 1968, l'appelant a commencé à s'occuper sérieusement de che-
vaux de course standard -bred. C'est en fait dans la seconde partie de 1966 que l'appelant s'est engagé dans cette voie alors que par contrat il avait échangé trois de ces chevaux contre une automobile. Bien que cette opération ait été conclue vers le mois de mars 1967, époque à laquelle l'appelant prit possession des chevaux en son propre nom, dès 1966, il s'était entendu avec sa compagnie, et les chevaux n'ont jamais figuré à l'actif de celle-ci.
Au cours de 1967 et 1968, l'appelant a consa- cré environ $240,000 à l'achat de chevaux de course et c'est principalement à cette dépense que l'on peut attribuer les pertes de $110,043.64 pour l'année d'imposition 1967 et $98,638.04 pour 1968.
C'est auprès de sa compagnie que l'appelant a obtenu les fonds nécessaires à l'achat des che- vaux de course. Il a suffi pour ce faire qu'en 1967 et 1968, il se fasse verser par sa compa- gnie les fonds nécessaires. En 1969, il se fit verser aux mêmes fins le solde des fonds qui restaient à la compagnie après 1968.
Dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour 1967 et 1968, l'appelant a déduit des fonds qu'il avait reçus de la compagnie les pertes provenant de ses activités hippiques en 1967 et 1968.
Au cours des années d'imposition 1969, 1970 et 1971, des activités hippiques de l'appelant prirent de l'extension et, en 1969, il déménagea à Avella (Pennsylvanie) aux États-Unis à côté du champ de courses de Meadows. Au cours de ces années, cette entreprise rapporta à l'appe- lant des bénéfices considérables. En consé- quence, en 1969 et au cours des années suivan- tes, son revenu devint imposable en vertu des dispositions fiscales des États-Unis.
Le Ministre n'a pas décidé, comme l'y auto- rise l'article 13(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, que le revenu de l'appelant pour les années d'imposition 1967 ou 1968 ne provenait ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source.
Contrairement à ses conclusions figurant au paragraphe 16 de l'avis d'appel, l'appelant a admis lors de la présente audience que son entreprise hippique était de «l'agriculture» au sens de l'article 139(1)p) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
A l'audience l'appelant a également aban- donné les arguments qu'il avait soutenus aux paragraphes 13, 14 et 15 de l'avis d'appel selon lesquels les montants reçus de la compagnie Bert James Chev-Olds Limited au cours des années d'imposition 1967 et 1968 ne consti- tuaient pas un-revenu au sens de l'article 3 de la Loi de l'impôt sur le revenu et il a admis au contraire que les sommes ou versements en question constituaient un tel revenu.
En l'espèce, il reste donc à trancher au fond la question du sens de l'article 13 et de son application aux faits de l'affaire, ainsi que la question supplémentaire soulevée par le Minis- tre dans sa défense, c'est-à-dire celle de savoir, pour reprendre ses propres termes, si les dépen- ses et, plus précisément, les dépenses engagées afin d'acquérir les chevaux de course en 1967 et 1968 ont ou non été faites à compte de capital.
On peut donc énoncer de la manière suivante les points en litige en appel:
(1) étant donné que les parties conviennent et que la Cour décide que l'activité de l'appelant dans le domaine hippique pour les années d'imposition 1967 et 1968 constituent de «l'agriculture» au sens de l'article 139(1)p) de la Loi de l'impôt sur le revenu, il s'agit de déterminer si pendant ces années l'agriculture était pour l'appelant une source de revenu au sens de l'article 13 de la Loi de l'impôt sur le revenu;
(2) il s'agit aussi de déterminer si, au sens de l'article 13(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et afin de décider si la déduction par- tielle prévue à l'article 13(1) s'applique, au cours des années d'imposition 1967 et 1968, le «revenu» de l'appelant provenait «principa- lement» de l'agriculture ou d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source ou si, plutôt, son «revenu» provenait «principale- ment» de la Bert James Chev-Olds Limited; et
(3) il faut enfin déterminer si le montant réclamé par l'appelant à titre de pertes (prove- nant principalement des dépenses engagées pour l'achat de chevaux de course) pour les années d'imposition 1967 et 1968 constituait des dépenses de capital et n'est donc pas déductible ou si les sommes dépensées (tou- jours principalement imputables à l'achat des chevaux) étaient plutôt des dépenses d'inventaire.
Les dispositions qui nous intéressent dans la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, sont les articles 12(1)a), 12(1)b), 12(1)h), 13, 139(1a)a), 139(1)p)x) et 139(1)ae). Nous les reproduisons ci-dessous:
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable,
b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplace- ment de capital, d'un paiement à compte de capital ou d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie,
h) de frais personnels ou frais de subsistance du contri- buable, sauf les frais de déplacement (y compris le mon- tant intégral dépensé pour les repas et le logement) faits par le contribuable alors qu'il était absent de chez lui dans l'exercice de ses affaires,
13. (1) Lorsque le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition ne provient principalement ni de l'agri- culture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source, son revenu pour l'année est considéré comme n'étant pas inférieur à son revenu obtenu de toutes sources autres que l'agriculture, moins le plus faible des deux mon- tants suivants:
a) ses pertes provenant de son exploitation agricole, pour l'année, ou
b) $2,500 plus le moindre des chiffres suivants:
(i) la moitié du montant par lequel ses pertes provenant de son exploitation agricole, pour l'année, excèdent $2,500, ou
(ii) $2,500.
(2) Pour l'application du présent article, le Ministre peut décider que le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition ne provient principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source.
(3) Aux fins du présent article, une «perte provenant d'une exploitation agricole» est une perte provenant d'une
exploitation agricole, calculée en appliquant les dispositions de la présente loi relatives au calcul du revenu tiré d'une entreprise, mutatis mutandis.
139. (l a) Aux fins de la présente loi,
a) le revenu d'un contribuable pour une année d'imposi- tion provenant d'une entreprise, d'un emploi, de biens ou d'autre source de revenu ou provenant de sources situées dans un endroit particulier signifie le revenu du contribua- ble calculé conformément à la présente loi, en supposant qu'il n'a eu, durant l'année d'imposition, aucun revenu sauf ce qui est provenu de cette source ou de ces sources, et qu'il ne lui a été alloué aucune déduction dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition à l'exception des déductions qui peuvent raisonnablement être considérées comme entièrement applicables à cette source ou ces sources et à l'exception de la partie de toutes autres déductions, qui peut raisonnablement être considérée comme entièrement applicable à cette source ou ces sour ces et à l'exception de la partie de toutes autres déduc- tions, qui peut raisonnablement être considérée comme applicable à cette source ou ces sources; et
139.(1)...
p) «agriculture» comprend la culture du sol, l'élevage ou l'exposition d'animaux de ferme, l'entretien de chevaux de course, l'élevage de la volaille, l'élevage des animaux à fourrure, la production laitière, la fructiculture et l'apicul- ture, mais ne comprend pas une charge ou un emploi auprès d'une personne se livrant à une entreprise agricole;
x) «perte» signifie une perte calculée en appliquant les dispositions de la présente loi à l'égard du calcul du revenu provenant d'une entreprise mutatis mutandis (mais ne comprenant pas, dans le calcul, un dividende ou une partie de dividende dont le montant serait déductible aux termes de l'article 28 ... dans le calcul du revenu imposa- ble) moins tout montant par lequel une perte a eu pour effet de réduire le revenu du contribuable dérivé d'autres sources aux fins de l'impôt sur le revenu pour l'année dans laquelle elle a été subie;
ae) «frais personnels ou frais de subsistance» comprend
(i) les dépenses inhérentes aux propriétés entretenues par toute personne pour l'usage ou l'avantage du contri- buable ou de toute personne unie à lui par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption et non entretenues relativement à une entreprise exploitée en vue d'un profit ou dans une expectative raisonnable de profit,
(ii) les dépenses, primes ou autres frais d'une police d'assurance, contrat d'annuité ou autre semblable con- trat, si le produit de la police ou du contrat est payable au contribuable ou à une personne unie à lui par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption, ou à l'avan- tage du contribuable ou de cette personne, et
(iii) les dépenses de propriétés entretenues par une corporation personnelle, une succession ou fiducie à l'avantage du contribuable à titre d'un de ses actionnai- res ou bénéficiaires;
L'article 139(1)p) de la loi utilise le mot «comprend» et par-là élargit la signification du
mot «agriculture»; cet article doit être interprété comme comprenant le mot «agriculture» dans son sens ordinaire tout en englobant les élé- ments que l'article énonce nommément.
La Cour a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de se pencher sur le sens de l'article 13 de la Loi de l'impôt sur le revenu tant sous sa forme actuelle que dans ses rédactions précédentes. Citons à titre d'exemples les arrêts suivants:
M.R.N. c. Robertson 54 DTC 1062; Steer c. M.R.N. 65 DTC 5115; Wood c. M.R.N. 67 DTC 5045; M.R.N. c. Grieve Estate 59 DTC 1186; Simpson c. M.R.N. 61 DTC 1117; C.B.A. Engineering Limited c. M.R.N. [1971] C.F. 3; Dorfman c. M.R.N. 72 DTC 6131.
Dans l'arrêt M.R.N. c. Robertson, le juge Potter a retracé l'évolution de cet article jusqu'à la date de l'arrêt; on aura l'occasion de se repor ter à cet historique en liaison avec les faits de la présente affaire. Il étudia ce qu'on entend par «source de revenu» et adopta la définition du mot «source» que le juge Isaacs donne dans l'arrêt Nathan c. The Federal Commissioner of Taxation (1918) 25 C.L.R. (Australie) 183, à la p. 189. La définition du juge Isaacs est la suivante:
[TRADUCTION] La législature n'envisageait pas, en utilisant le mot «source», un concept juridique mais tout simplement ce qu'un homme de bon sens pourrait considérer comme une réelle source de revenu. [Page 1068.]
Le juge Potter constata ensuite les faits suivants:
[TRADUCTION] Dans la présente affaire, le seul revenu de l'intimée provenait de ses placements et sa seule source de ce revenu était les valeurs dans lesquelles elle avait placé cette partie de son capital. [Page 1068.]
Dans l'arrêt Dorfman c. M.R.N. (précité), le juge Collier faisait, à la page 6134, la déclara- tion suivante au sujet de la signification de l'expression «source de revenu»:
[TRADUCTION] Je ne puis accepter l'interprétation que l'avocat du Ministre donne en l'espèce à l'expression «source de revenu» et suivant laquelle, pour qu'il y ait une source de revenu, il faut qu'il y ait un revenu net. A mon avis, cette expression est employée dans le sens d'une entreprise, d'un emploi ou d'un bien desquels on peut rai- sonnablement espérer tirer un bénéfice.
Dans l'arrêt Steer c. M.R.N. (précité), le juge Noël (tel était alors son titre) déclare à la page
5117 que jusqu'en 1952, l'article 13 du chapitre 52 des Statuts de 1948 empêchait que la perte provenant d'une entreprise ne réduise le revenu de l'appelant à un niveau inférieur à celui du revenu provenant de «sa principale source de revenu», mais cette règle a été abrogée par l'article 4 du chapitre 29 des Statuts de 1952, d'où il résulte que:
[TRADUCTION] ... sa promulgation ainsi que son abrogation indique clairement que les pertes provenant d'une source peuvent être déduites dans le calcul du revenu de toutes provenances.
Il déclare que:
[TRADUCTION] ... L'article 3 ... définit le revenu d'une année d'imposition comme le «revenu ... de toutes prove- nances» pour cette année; ce concept entraîne nécessaire- ment la compensation des pertes avec toutes les sources de revenu pour l'année.
Autrement dit, il s'agit d'un seul et même concept. Il ne s'agit pas seulement du total des revenus de toutes les sources ayant produit un revenu au cours d'une année donnée, mais il s'agit des gains de toutes provenances moins les pertes provenant de ces sources ou encore le revenu net provenant de toutes les sources de revenu prises ensemble.
Autrement dit, cet exposé du droit a mis fin à la thèse selon laquelle, pour qu'il y ait une «source de revenu» au sens de la loi, il doit y avoir «un revenu» au sens de bénéfice.
Dans l'arrêt M.R.N. c. Grieve Estate (précité), le juge Thurlow a souligné que:
[TRADUCTION] ... il fut admis au cours des plaidoiries, et ceci à juste titre, que la source principale de revenu du contribuable n'était pas l'agriculture et on a pu réduire le litige à un argument selon lequel la principale source de revenu du contribuable était en réalité une combinaison de l'agriculture et de placements. [Pages 1191-92.]
Il fit ensuite, en obiter, l'observation suivante:
[TRADUCTION] ... il ne semble pas exister le moindre lien ou rapport entre son exploitation agricole en tant que source de revenu au cours d'une année donnée et les biens ou les placements d'où provient le gros de son revenu ... (C'est moi qui souligne).
Eu égard à ces observations et notamment à la question de savoir s'il doit y avoir un «rap- port» entre les sources de revenu avant que l'on puisse arriver à la conclusion que la principale source de revenu du contribuable était effecti- vement une combinaison de l'agriculture et
d'une autre source, le président Thorson a déclaré à la page 1119 de l'arrêt Simpson c. M.R.N. (précité):
[TRADUCTION] Compte tenu de ma conclusion, pour répondre à la prétention de l'avocat de l'intimé selon laquelle l'expression «combinaison de l'agriculture et de quelque autre source» qui figurait à l'article 13(1) signifie nécessairement une combinaison de l'agriculture et de quel- que autre source de revenu qui soit réellement reliée à l'agriculture, il me suffit de dire que je ne vois pas pourquoi on imposerait une limitation de ce genre. La condition posée à l'application de cet article qui dispose que la principale source du revenu du contribuable ne doit être «ni de l'agri- culture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source» n'est qu'une autre manière de dire que la principale source de revenu du contribuable doit être non seulement autre que l'agriculture mais également autre que l'agriculture et une autre source de revenu prises ensemble. L'utilisation du mot combinaison, à mon sens, ne veut rien dire de plus. (C'est moi qui souligne.)
Dans l'arrêt Dorfman c. M.R.N. (précité), le juge Collier déclare à la page 6134 au sujet des observations du président Thorson dans l'affaire Simpson:
[TRADUCTION] ... Bien que le président Thorson ne se soit pas expressément prononcé sur cette question dans l'arrêt Simpson, je fais mien son commentaire à la page 1119: [TRADUCTION] «—je ne vois pas pourquoi on imposerait une limitation de ce genre.»
La seule disposition législative l'on puisse trouver le mot «rapport» n'ést pas l'article 13 de la loi ni dans sa forme actuelle ni dans son ancienne forme, mais, ainsi que nous le verrons plus bas, l'article 3f) de la Loi de l'impôt sur le revenu de 1919 ainsi que dans la modification apportée par le chapitre 49, article 2 des Statuts de 1919 (deuxième session) qui complète l'ali- néa f) du paragraphe (1) de l'article 3 de la loi originale. Ledit alinéa, tel que modifié, fixe les limites de ce qu'il est permis de déduire d'un revenu tiré de l'entreprise principale, du com merce, de la profession ou de 'la vocation du contribuable dans le calcul de son revenu, à savoir:
(alinéa f) avant ladite modification):
f) les déficits ou pertes subies dans des opérations entre- prises dans un but de profit, mais n'ayant aucun rapport avec l'industrie ou affaire principale, le commerce, la profession ou la vocation du contribuable, ne doivent pas être déduites du revenu tiré de l'industrie ou affaire principale, du commerce, de la profession ou de la voca tion du contribuable, en déterminant son revenu imposa- ble.
(C'est moi qui souligne.)
(la modification)
et le Ministre a le pouvoir de déterminer quels déficits ou pertes subies dans les opérations entreprises dans un but de profit se rapportent à l'affaire principale, au commerce, à la profession ou à la vocation du contribuable, et sa décision est finale et péremptoire.
Autrement dit, cet alinéa, tel que modifié, dispo- sait que les pertes subies dans des opérations entreprises dans un but de profit, «mais n'ayant aucun rapport avec l'industrie ou l'affaire prin- cipale, le commerce, la profession ou la voca tion du contribuable» (c'est moi qui souligne), ne pouvaient pas être déduites du revenu tiré de «l'industrie ou affaire principale, du commerce, de la profession ou de la vocation du contribua- ble» dans le calcul de son revenu imposable.
Ce texte ne visait pas précisément les pertes provenant de l'agriculture mais s'appliquait aux pertes provenant de toutes les autres entreprises d'un contribuable. En 1919, un contribuable n'avait pas le droit de déduire les pertes d'une entreprise «n'ayant aucun rapport avec l'indus- trie ou affaire principale, le commerce, la pro fession ou la vocation du contribuable».
Depuis l'origine de la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est la seule fois que l'on y spécifiait la nécessité d'un «rapport» entre les entreprises aux fins de la déduction des pertes; je ne trouve aucun texte législatif à l'appui de l'argument qu'il faut, pour pouvoir décider en vertu de l'article 13 de la loi si la principale source de revenu dans une année d'imposition est une «combinaison» de l'agriculture et de quelque autre source de revenu, qu'il existe un «rap- port» entre l'agriculture et l'entreprise qui cons- titue cette autre source de revenu.
Dans l'arrêt C.B.A. c. M.R.N. (précité), le juge Cattanach avait à trancher la question de savoir:
... si l'exploitation agricole de l'appelante faisait partie de son entreprise ou constituait une de ses entreprises et, par conséquent, si la possibilité de déduire les pertes provenant de son exploitation agricole du revenu obtenu d'autres sour ces se limite à $5,000, conformément aux dispositions de l'art. 13(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Avant de déterminer les faits dans cette affaire, le juge Cattanach a étudié à la page 9 l'ensemble des dispositions de la loi et s'est
ensuite penché sur l'article 13 en particulier. Voici ce qu'il a déclaré:
Dans cet examen, il est opportun de rappeler le plan fondamental de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette Partie se divise en sections: la section A prévoit l'assujettissement à l'impôt, la section B prévoit le calcul du revenu, et la section C prévoit le calcul du revenu imposable qui est défini dans l'article 2(3) comme étant le revenu pour l'année, calculé en vertu de la section B moins les déduc- tions permises par la section C.
Selon l'art. 3, qui se trouve dans la section B, le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition est celui qui provient de toutes ses entreprises. Selon l'art. 4, le revenu provenant, pour une année d'imposition, d'une entreprise est le bénéfice en découlant. Par conséquent, pour établir le revenu d'une entreprise, le bénéfice qui en découle doit être fixé, ce qui implique qu'on enlève du revenu provenant de l'entreprise les dépenses faites pour gagner ce revenu.
Sous la section B, calcul du revenu, le législateur a adopté l'art. 13 qui est une disposition spéciale s'appliquant à la possibilité de déduire les pertes provenant d'une exploitation agricole lorsqu'un contribuable s'occupe d'agriculture et que son revenu ne provient principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source de revenu.
L'article 13 envisage trois possibilités:
(1) les pertes provenant d'une exploitation agricole subies par un cultivateur à plein temps, lorsque l'agriculture est la principale source de revenu, ou lorsqu'il s'agit d'une combi- naison de l'agriculture et de quelque autre source, qui en ce cas sont toutes déductibles,
(2) les pertes provenant d'une exploitation agricole lors- que celle-ci est exploitée avec une expectative de profit ou de profit éventuel, mais lorsque l'agriculture ne constitue pas la source principale de revenu du contribuable ni ne fait partie de celle-ci, dont en ce cas l'art. 13 limite la possibilité de déduction, et
(3) une activité de la nature d'une distraction, d'un passe- temps ou d'un style de vie, dont les pertes ne sont pas déductibles, car elles constituent des frais personnels ou frais de subsistance.
Il est évident, lorsque l'activité agricole d'un contribuable entre dans le cadre de l'art. 13, que l'intention du législateur était qu'on ne pouvait déduire les pertes occasionnées par cette activité que de la façon et dans les limites permises par cet article. Cette intention est manifeste lorsqu'on lit l'art. 13 en le rapprochant des autres articles de la Loi. Il s'agit d'un article particulier destiné à s'appliquer à des circonstan- ces spéciales prévues par la section B, qui traite du calcul du revenu. Puisqu'il s'agit d'un article particulier, il s'ensuit qu'il l'emporte sur un article général.
L'article 3 de la Loi prévoit clairement qu'un contribua- ble, et notamment une compagnie, peut poursuivre l'exploi- tation de plusieurs entreprises. En l'espèce, le Ministre soutient que l'appelante avait deux entreprises, une entre- prise agricole et une entreprise d'ingénieur-conseil, tandis que l'appelante prétend qu'il ne s'agissait que d'une seule
entreprise, celle d'ingénieur-conseil. .
L'article 13(3) exige qu'une perte provenant d'une exploi tation agricole soit calculée en appliquant les dispositions de la Loi relatives au calcul du revenu tiré d'une entreprise. Lorsqu'il existe plus d'une entreprise, chacune constitue une source de revenu. L'article 139(1a) de la Loi édicte que le revenu provenant d'une source doit être calculé conformé- ment à la Loi, c'est-à-dire en suivant les dispositions de la Loi applicables au calcul du revenu provenant de chaque source et en supposant que le contribuable n'a pas eu de revenu autre que celui qui provenait de cette source particu- lière. Dans le calcul du revenu provenant de cette source, le contribuable ne peut bénéficier d'aucunes exceptions, sauf celles qui se rattachent à cette source.
Puis en concluant dans cette affaire, le juge Cattanach a estimé que:
La question cruciale, autour de laquelle tourne l'affaire, est de savoir si ce que l'appelante faisait correspondait à une exploitation agricole au sens l'art. 13 emploie ce terme.
Le juge Cattanach a ensuite décidé d'après les faits propres à cette affaire que l'appelante se livrait à l'agriculture de la manière envisagée par la loi et qu'elle relevait précisément de l'article 13 de cette loi.
Voilà l'état de la jurisprudence.
Je me propose maintenant d'examiner l'ori- gine législative de l'article 13 de la loi et son historique pour appliquer ensuite les disposi tions pertinentes aux faits de la présente affaire.
La Loi de l'impôt de guerre sur le revenu 1917, chapitre 28 des Statuts du Canada de ladite année, donne à l'article 3 la définition du revenu et, aux alinéas a),b),c) et d) du paragra- phe (1), autorise certaines exemptions et les déductions qui en découlent. Les déductions ne nous intéressent pas ici.
Au chapitre 25 des Statuts du Canada, 1918, l'article 2 apporte certaines modifications et additions audit article 3; ces nouveaux éléments ne nous intéressent pas non plus.
L'article 2 du chapitre 55 des Statuts du Canada, 1919, ajoute certains éléments audit article 3, y compris l'alinéa fj, qui est ainsi rédigé:
f) les déficits ou pertes subies dans des opérations entre- prises dans un but de profit, mais n'ayant aucun rapport avec l'industrie ou affaire principale, le commerce, la profession ou la vocation du contribuable, ne doivent pas être déduites du revenu tiré de l'industrie ou affaire principale, du commerce, de la profession ou de la voca-
Lion du contribuable, en déterminant son revenu imposable.
L'article 2 du chapitre 49 des Statuts du Canada de 1919 (deuxième session) a complété l'alinéa f) du paragraphe (1) de l'article 3 de la loi originale de la façon suivante:
et le Ministre a le pouvoir de déterminer quels déficits ou pertes subies dans les opérations entreprises dans un but de profit se rapportent à l'affaire principale, au commerce, à la profession ou à la vocation du contribuable, et sa décision est finale et péremptoire.
Le chapitre 52 des Statuts du Canada de 1923 a abrogé l'alinéa f) du paragraphe (1) de l'article 3, qu'on a remplacé par l'alinéa suivant:
fi Dans tous les cas, le revenu d'un contribuable est réputé non inférieur au revenu provenant de sa position, de son occupation, de son métier, de son commerce ou de sa profession principale, et aux fins de la présente loi, le Ministre a plein pouvoir de déterminer la position, l'occu- pation, le métier, le commerce ou la profession principale du contribuable. Lorsque le contribuable a des revenus provenant de plus d'une source parce qu'il remplit ou exerce plus d'une position, occupation, métier, commerce ou profession, alors le Ministre a plein pouvoir de déter- miner laquelle ou lesquelles, ou quelle combinaison de ces professions doit, pour les fins de la présente loi, constituer la position, occupation, métier, commerce ou profession principale du contribuable, et le revenu qui en provient doit être taxé en conséquence et la détermination, du Ministre exercée en exécution du présent article est finale et décisive.
Lors de la refonte des Statuts en 1927, on a légèrement remanié ces dispositions qu'on retrouve à l'article 10 du chapitre 97 des S.R.C. 1927:
10. Le revenu d'un contribuable est toujours réputé non inférieur au revenu provenant de son principal emploi, métier ou commerce, ou de sa principale occupation ou profession.
2. Lorsque le contribuable a des revenus provenant de plus d'une source, du fait qu'il remplit ou exerce plus d'un emploi, métier ou commerce, ou plus d'une occupation ou profession, le ministre a plein pouvoir de déterminer laquelle ou lesquelles, ou quelle combinaison de ces professions doit, pour les fins de la présente loi, constituer le principal emploi, métier ou commerce, ou la principale occupation ou profession du contribuable, et le revenu qui en provient doit être taxé en conséquence.
3. La détermination du ministre exercée en exécution du présent article est finale et décisive.
Certaines de ces dispositions ne furent pas reprises par la Loi de l'impôt sur le revenu 1948, chapitre 52. Celles qui le furent se retrouvent,
avec certains changements, à l'article 13, qui est
ainsi rédigé:
13. (1) Le revenu d'une personne pour une année d'impo- sition est censé ne pas être inférieur à son revenu pour l'année provenant de sa source principale de revenu.
(2) Le Ministre peut déterminer quelle source de revenu ou quelles sources de revenu réunies constituent la princi- pale source de revenu d'un contribuable pour l'application du présent article.
L'article 4 du chapitre 51 des Statuts du Canada de 1951 ajouta encore d'autres éléments à l'article 13. Ledit article 4 est ainsi rédigé:
4. (1) L'article treize de ladite loi est modifié par l'ad- jonction des paragraphes suivants:
«(3) Lorsque le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition ne provient principalement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source, son revenu pour l'année est considéré comme n'étant pas inférieur à son revenu provenant de toutes les sources autres que l'agriculture (après l'application de la règle énoncée au paragraphe premier) moins le moindre des deux montants suivants:
a) la moitié des pertes provenant de son exploitation agricole pour l'année, ou
b) cinq mille dollars.
(4) Aux fins du paragraphe trois, l'expression «perte pro- venant d'une exploitation agricole» est une perte prove- nant d'une exploitation agricole, calculée en appliquant les dispositions de la présente loi relatives au calcul du revenu tiré d'une entreprise, mutatis mutandis, sauf qu'aucune déduction n'est permise aux termes de l'alinéa a) du paragraphe premier de l'article onze.»
(2) Le présent article s'applique à l'année d'imposition mil neuf cent quarante-neuf et aux années d'imposition subséquentes.
Il ressort de cet exposé des dispositions perti- nentes de la Loi de l'impôt sur le revenu qu'à compter de la modification apportée par le cha- pitre 55 des Statuts du Canada de 1919, on devait s'attacher à l'affaire principale, au com merce, à la profession ou à la vocation du contribuable pour fixer son revenu imposable et qu'on ne pouvait déduire à cette fin les déficits ou pertes subies dans des opérations entreprises dans un but de profit mais n'ayant aucun «rap- port» avec l'activité principale. Puis, à compter de la modification introduite par le chapitre 49 des Statuts du Canada de 1919 (deuxième ses sion) et avant que celle-ci ne soit à son tour modifiée, le Ministre avait le pouvoir de décider quels déficits ou pertes avaient un «rapport» avec l'affaire principale, le commerce, la profes sion ou la vocation du contribuable et sa déci-
sion était finale et péremptoire. Avec la modifi cation apportée par le chapitre 52 des Statuts du Canada de 1923, le revenu d'un contribuable est réputé non inférieur au revenu provenant de sa position, de son occupation, de son métier, de son commerce ou de sa profession principale et lorsque le contribuable a des revenus provenant de plus d'une source parce qu'il remplit ou exerce plus d'une position, occupation, métier, commerce ou profession, le Ministre a plein pouvoir de déterminer laquelle ou lesquelles, ou quelle combinaison de ces professions, doit constituer la position, occupation, métier, com merce ou profession principale du contribuable. La détermination du Ministre est finale et décisive.
Des dispositions analogues furent reprises jusqu'à la refonte de 1927 et elles figurent à l'article 19 du chapitre 97 des Statuts révisés de 1927.
Dans la Loi de l'impôt sur le revenu de 1948, on fit pour la première fois entrer en ligne de compte la principale source de revenu du contri- buable plutôt que son emploi, occupation, pro fession, métier, ou entreprise principale, mais on ne reprit pas la disposition autorisant le Ministre à faire une détermination finale et décisive.
Il ressort de tout ceci qu'en 1919, on pouvait considérer que les pertes provenant d'entrepri- ses commerciales faisaient partie de la princi- pale source de revenu même si elles ne produi- saient aucun revenu. La seule condition posée était qu'elles aient un < span> avec l'industrie ou affaire principale, le commerce, la profession ou la vocation du contribuable» avant de pou- voir être déduites. On ne faisait aucune réfé- rence particulière aux pertes subies par une exploitation agricole. Ces pertes agricoles entraient dans la même catégorie qu'une perte subie dans toute autre entreprise, qu'il s'agisse de manufacture, de vente ou autre activité. Ce que la loi interdisait, c'était la déduction de ce que l'on pourrait appeler des pertes casuelles, c'est-à-dire sans aucun «rapport» avec l'indus- trie ou l'affaire principale etc., du contribuable.
D'après la Loi de l'impôt sur le revenu, 1948, le revenu imposable d'un contribuable se fon-
dait sur ses sources de revenu et non sur son principal emploi, métier ou commerce ou sa principale occupation ou profession. Cela ne changeait rien au principe de la loi depuis 1919 selon lequel il pouvait y avoir, dans une année d'imposition, une source de revenu sans revenu réel au sens de bénéfice, provenant de cette source ou, autrement dit, une source de revenu à laquelle on pouvait imputer des pertes.
Si nous nous penchons sur l'économie de la loi telle qu'elle existait à l'époque de cette affaire, il faut considérer en premier l'article 3 qui dispose que le revenu d'un contribuable comprend son revenu de toutes provenances. Les «entreprises» constituent une de ces prove- nances. L'article 139(la)a) de la loi comporte les mêmes dispositions au sujet du revenu d'une provenance, à savoir:
139. (la) Aux fins de la présente loi,
a) le revenu d'un contribuable pour une année d'imposi- tion provenant d'une entreprise, d'un emploi, de biens ou d'autre source de revenu ou provenant de sources situées dans un endroit particulier signifie le revenu du contribua- ble calculé conformément à la présente loi, en supposant qu'il n'a eu, durant l'année d'imposition, aucun revenu sauf ce qui est provenu de cette source ou de ces sources, et qu'il ne lui a été alloué aucune déduction dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition à l'exception des déductions qui peuvent raisonnablement être considérées comme entièrement applicables à cette source ou ces sources et à l'exception de la partie de toutes autres déductions, qui peut raisonnablement être considérée comme applicable à cette source ou ces sources;
Il s'ensuit que toute entreprise doit être considé- rée comme une «source de revenu».
Dans sa définition d'une «perte provenant d'une exploitation agricole», l'article 13(3) de la loi prescrit qu'on doit la calculer de la même manière que le revenu d'une entreprise, c'est-à- dire, notamment, en gardant à l'esprit qu'une «entreprise» est une «source de revenu».
Par ailleurs, l'article 139(1)x) de la loi donne de la «perte» une définition applicable à toute entreprise. Cet alinéa prévoit qu'une perte sera calculée en appliquant les dispositions de la loi à l'égard du calcul du revenu provenant d'une entreprise.
Puis, l'article 3 de la loi que nous avons déjà examiné dispose que pour calculer son revenu de toutes provenances, le contribuable peut pro-
céder à une compensation globale, c'est-à-dire déduire les pertes de toutes provenances du profit de toutes provenances. Le contribuable étant autorisé à procéder à cette compensation globale, chacune de ses entreprises constitue une «source de revenu» même si, dans une année donnée, une entreprise n'a produit aucun revenu, c'est-à-dire aucun profit.
Comme le fait l'article 3, l'article 13 de la loi prescrit ce qu'il faut entendre par les mots «source de revenu». Autrement dit, il en découle qu'il peut exister, dans une année d'im- position, une source de revenu bien qu'il n'y ait pas de revenu. Cette thèse s'appuie sur l'écono- mie de la Loi de l'impôt sur le revenu à travers toute l'histoire de ce texte y compris jusqu'à la promulgation de l'article 13 et de l'article 13 tel qu'il était rédigé pendant la période en question en l'espèce, c'est-à-dire les années 1967 et 1968.
L'article 13, tel que nous le voyons en 1967 et 1968, fut incorporé à la loi de 1948 par une modification de 1951.
Dans le texte original de la loi de 1948, avant la modification de 1951, on ne trouvait, dans les dispositions traitant de la principale source de revenu du contribuable ou de son revenu prove- nant de toute source, aucune mention de l'agri- culture en tant que source de revenu. Les dispo sitions visaient alors la limitation de la déduction des pertes d'une entreprise qui n'était pas une source de revenu principale. Mais on ne trouvait pas dans la loi de 1948 l'intention d'édicter qu'une entreprise déficitaire ne pou- vait constituer une source de revenu.
La modification de 1951 mentionne précisé- ment l'agriculture. L'article 13, tel que modifié en 1951, avait l'effet suivant: lorsqu'un contri- buable subit une perte provenant de son exploi tation agricole et que sa principale source de revenu n'est ni l'agriculture ni une combinaison de l'agriculture et quelque autre source de revenu, ce contribuable ne pouvait déduire que la perte délimitée au paragraphe (3). En 1951 un contribuable était donc sujet à une restriction générale pour ce qui est des pertes provenant d'une entreprise, mais le paragraphe (3) de l'arti-
de 13 donnait à ce contribuable un régime spé- cial pour des pertes provenant d'une exploita tion agricole.
C'est en 1952 que la loi a pris sa forme actuelle. Elle se rapporte seulement aux exploi- tations agricoles. La restriction générale relative à la déduction des pertes provenant de source autre que la principale source de revenu du contribuable, telle que l'imposait à l'origine la loi de 1948, n'est plus en vigueur.
Dans la loi de 1952, l'article 13 est repris, il ne s'applique qu'à une perte agricole et la restriction posée par l'article 13 ne s'applique que dans les cas l'agriculture n'est pas la principale source de revenu et que la principale source de revenu du contribuable n'est pas une combinaison de l'agriculture et d'une autre source.
La première question de fait à résoudre pour savoir si l'article 13 de la loi s'applique toujours est de déterminer si le contribuable s'occupe d'«agriculture» au sens normal de ce terme donné par les définitions des dictionnaires, y compris toute acception supplémentaire qui pourrait être contenue dans la définition de l'«agriculture» que donne l'article 139(1)p) de la loi. L'expression «dans une expectative raison- nable de profit» utilisée pouf définir les «frais personnels ou frais de subsistance» à l'article 139(1)ae)(i) de la loi, n'est utile que pour répon- dre à la question de savoir si le contribuable s'adonne à l'«agriculture». Si la conclusion de fait est affirmative, l'«agriculture», étant une entreprise, constitue la source du revenu de toutes provenances de ce contribuable au sens de l'article 3 de la loi.
Autrement dit, si l'on établit le fait qu'un contribuable s'adonne à l'«agriculture» dans une année d'imposition donnée, l'agriculture consti- tue une des entreprises de cette personne et, par conséquent, aux fins de l'article 3, une de ses sources de revenu. Il est, par conséquent, tout à fait sans importance qu'un contribuable s'adon- nant à l'agriculture ait ou non une expectative raisonnable de profit du moment qu'il a été décidé que ce contribuable s'adonne à l'agricul- ture. Une fois que ceci est décidé, les dépenses
qu'il contracte relativement à son exploitation agricole ne peuvent absolument pas être clas sées dans la catégorie des «frais personnels ou frais de subsistance».
Afin de décider si un contribuable s'adonne à l'agriculture, il est certes important d'examiner quelle est l'activité réelle du contribuable et si, dans une affaire donnée, l'activité du contribua- ble indique qu'il contracte effectivement des frais personnels ou des frais de subsistance. Cet indice peut en soi être décisif pour déterminer si ce contribuable ne s'adonne pas à l'agriculture. Mais ce qu'il convient de noter, c'est que la présence ou non d'une expectative raisonnable de profit n'est, dans chaque affaire, qu'un indice parmi d'autres.
En résumé, si une conclusion de fait indique que c'est bien à l'«agriculture» telle que définie par la loi et les dictionnaires que s'adonne le contribuable alors qu'il contracte certaines dépenses, cela signifie que l'«agriculture» est une entreprise et qu'elle est, en tant que telle, une source de revenu au sens de l'article 3 de la loi.
Les textes de loi qui se rapportent à la ques tion pour les années d'imposition 1967 et 1968 peuvent donc être résumés comme suit:
1. C'est toujours une question de fait dans chaque cas de déterminer si la «principale source de revenu» d'un contribuable pour une année d'imposition donnée, aux fins de l'arti- cle 13 de la loi, est (1) l'agriculture, (2) une combinaison de l'agriculture et d'une autre source de revenu, ou (3) ni l'agriculture ni une combinaison de l'agriculture et d'une autre source de revenu.
2. Il ne doit pas nécessairement exister de «rapport» entre l'agriculture en tant que source de revenu et d'autres sources de revenu pour pouvoir en conclure qu'en fait, la «principale source de revenu» d'un contribua- ble était une «combinaison» de l'«agriculture» et de «quelque autre source de revenu» aux fins de l'article 13(1) de la loi.
3. Une entreprise est une «source de revenu». Il peut, dans une année d'imposition, exister une source de revenu sans qu'il n'y ait
de «revenu» au sens de «profit» provenant de cette source.
4. L'idée transmise par l'expression «dans une expectative raisonnable de profit» à l'arti- cle 139(1)ae) de la loi lors de la définition de «frais personnels ou frais de subsistance» (qui, en vertu de l'article 12(1)b) de la loi peuvent être déduits dans le calcul du revenu) est l'un des indices permettant de déterminer si un contribuable, dans une année d'imposi- tion donnée, s'adonnait à l'«agriculture». Il n'en est pas de même de la réciproque, car le fait qu'un contribuable dans une année d'im- position donnée, ou dans les années antérieu- res ou postérieures, n'ait ou ne semble avoir aucune expectative raisonnable de profit, ne suffit pas à prouver qu'il ne s'adonnait pas à l'«agriculture» si d'autres indices établissent que ce contribuable s'y adonnait effective- ment.
5. Si le contribuable réussit à établir qu'il s'adonnait effectivement à l'agriculture dans une année d'imposition donnée, l'article 13 de la loi s'applique et lui permet, s'il a subi une perte de ce fait, soit la pleine déduction de cette perte si l'agriculture ou une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source de revenu ne constitue pas sa principale source de revenu, soit la déduction partielle des pertes provenant de son exploitation agricole, selon les faits de l'affaire.
Tel est l'état du droit.
Pour ce qui est des faits, un examen appro- fondi de l'ensemble de la preuve m'amène aux conclusions suivantes:
1. Jusqu'à la fin du mois d'octobre 1966, l'appelant s'occupait à plein temps d'un com merce d'automobiles par l'intermédiaire de sa compagnie.
2. Après le 31 octobre 1966, la compagnie commença à fermer ses portes et, au 31 décembre 1966, elle avait cessé toute activité.
3. A partir du 31 octobre 1966 et pendant 1967 et 1968, l'appelant s'est adonné à plein temps à ses activités hippiques, achetant, pos- sédant, faisant courir et vendant des chevaux.
Pendant cette période, il n'a participé à aucune autre entreprise d'importance.
4. La vente des chevaux faisait précisément partie intégrante de son entreprise hippique pendant toute l'époque en question.
5. C'est avec les fonds qu'il tirait de sa con cession d'automobiles que l'appelant a financé l'achat des chevaux. A la fin de 1968, il avait à ces fins engagé à peu près $190,000 et, à la fin de 1969, il avait déboursé et engagé dans ce but le solde des fonds qu'avait détenus la compagnie.
6. Bien que l'appelant ait, en 1967 et 1968, subi des pertes du fait de ses activités hippi- ques, il a, au cours des années suivantes, touché des bénéfices nets considérables.
Au sujet des deux questions litigieuses soule- vées dans cet appel, l'appelant a notamment présenté les arguments suivants:
A) Quant à la question de savoir si les pertes invoquées (provenant principalement de l'achat de chevaux de course) sont des dépenses de capital ou des dépenses à compte de revenu:
(1) Bien que l'appelant ait prévu des dépen- ses de mise en marche de son entreprise hip- pique, on ne devrait pas les classer comme dépenses de capital étant donné que la loi ne prévoit pas qu'on doit considérer ipso facto les frais de mise en marche comme des dépenses de capital; par contre, le critère de base pour décider si les dépenses sont à compte de capital ou à compte de revenu est de voir si elles ont été effectuées une fois pour toutes afin d'obtenir un actif qui appor- tera un bénéfice durable à l'entreprise.
(2) Toutes les dépenses, y compris les dépen- ses engagées pour l'acquisition des chevaux, étaient des dépenses courantes. Par la nature de l'entreprise et la réalité économique de ce commerce, la vente de chevaux constitue une partie intégrante des activités de l'appelant.
(3) On doit pouvoir déduire les dépenses engagées pour l'achat des chevaux, dans les années elles ont été engagées, à titre de frais de constitution de stocks et, après déduction de ces dépenses, l'appelant a effec-
tivement subi les pertes qu'il a signalées en 1967 et 1968.
B) Quant à (1) savoir si l'entreprise agricole de l'appelant constituait une «source de revenu» au sens de l'article 13 de la loi et (2) si, dans l'affirmative, la «principale source de revenu» de l'appelant était en 1967 et 1968 l'agriculture ou une combinaison de l'agriculture et de quel- que autre source de revenu, ou si, plutôt, sa «principale source de revenu» était la Bert James Chev-Olds Limited:
(1) Par «principale source de revenu», l'arti- cle 13 de la loi entend l'entreprise, l'emploi ou les biens d'où provient vraisemblablement le gros du revenu du contribuable.
(2) Une entreprise peut constituer une source de revenu même si, dans une année d'imposi- tion donnée, cette entreprise ne produit aucun revenu au sens de bénéfice.
(3) L'exploitation agricole de l'appelant était une «source de revenu» au sens de l'article 13 de la loi et la combinaison de cette source et des fonds fournis par la compagnie d'automo- biles constituait la «principale source de revenu» de l'appelant.
L'intimé, entre autres arguments, a soutenu que l'exploitation agricole de l'appelant ne cons- tituait pas une «source de revenu» de l'appelant dans les années d'imposition 1967 et 1968 au sens de l'article 13 de la loi; en outre, a-t-il ajouté, la «principale source de revenu» de l'ap- pelant était son poste à la Bert James Chev-Olds Limited et, en tout cas, les pertes dont il récla- mait la déduction pour les années d'imposition 1967 et 1968, principalement entraînées par l'achat de chevaux de course, étaient des pertes à compte de capital.
Enfin, pour pouvoir conclure dans cette affaire, j'ai étudié les activités de l'appelant au sein de son entreprise hippique pendant la période qui va de 1966 à 1971.
Dans cette période initiale, qui comprend les années d'imposition 1967 et 1968, l'appelant a constitué la base de son entreprise en achetant des chevaux de course sans en vendre beau- coup; il s'est consacré à l'achat et l'entraîne-
ment des chevaux et à leur participation à des courses. Dans la deuxième période cependant, une fois l'entreprise constituée, un bon nombre de chevaux ayant fait leurs preuves sur les hippodromes, l'appelant en a vendu un grand nombre et en a tiré des bénéfices considérables.
A mon sens, en se portant acquéreur de che- vaux de course, l'appelant a, au cours des années d'imposition 1967 et 1968, constitué un fonds pour son entreprise. Pendant ces années son entreprise de chevaux de course constituait une source de revenu au sens de la loi et, pendant les années d'imposition qui nous con- cernent, l'appelant pouvait raisonnablement s'attendre à ce que sa principale source de revenu soit la combinaison de ses activités hip- piques et des fonds qu'il tirait de la Bert James Chev-Olds Limited. Effectivement, au cours des années d'imposition 1967 et 1968, la «principale source de revenu» de l'appelant, au sens de l'article 13 de la loi, était la combinaison de ses activités hippiques, c'est-à-dire une source de revenu provenant d'une activité agricole, et de la Bert James Chev-Olds Limited, autre source de revenu de l'appelant.
Par conséquent, l'appel est accueilli et les nouvelles cotisations sont renvoyées pour que soient établies d'autres cotisations conformes à ces motifs.
L'avocat pourra préparer dans les deux lan- gues officielles un jugement approprié pour donner effet à la décision de la Cour et deman- der que ce jugement soit prononcé en vertu de la Règle 337(2)b).
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