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T-1275-72
La Commission de port du Fraser et Johnston Terminals Limited (Demanderesses)
c.
Le navire Hiro Maru et Nippon Yusen Kaisha et Hatchiuma Kisen K.K. (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Urie-- Vancouver, les 13, 14, 15 et 16 novembre 1973; Ottawa, le 31 janvier 1974.
Droit maritime—Rupture des amarres du navire défendeur alors qu'il se trouve à un poste d'amarrage—Dommages causés au navire défendeur et au poste d'amarrage de la Commission demanderesse—Répartition des responsabilités en vertu de la Contributory Negligence Act provinciale— Dommages causés au poste de chargement de la compagnie demanderesse—Aucuns dommages-intérêts.
Il s'agit d'une jonction d'actions en dommages-intérêts, l'une intentée par la Commission demanderesse pour les dommages causés à son poste d'amarrage et l'autre par la compagnie demanderesse pour les dommages causés à son poste de chargement, lorsque le navire défendeur, le Hiro Maru, a rompu ses amarres. Le navire défendeur appartient aux deux autres défendeurs qui, par demande reconven- tionnnelle, réclament des dommages-intérêts.
Arrêt: les dommages sont imputables à la manoeuvre négli- gente des responsables du navire et à la négligence de la Commission demanderesse dans l'entretien du bassin par ses préposés. L'article 648 de la Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, ne peut s'appliquer puisqu'il ne s'agit pas d'un abordage entre navires, mais entre un navire et une construction ayant ses fondations sur la rive. La Commission demanderesse, en tant qu'agent de la Cou- ronne du chef du Canada, en vertu de la Loi sur les Commissions du port, S.R.C. 1970, c. H-1, peut invoquer les dispositions de la Contributory Negligence Act, S.R.C.-B. 1960, c. 74, art. 2. En vertu de cette loi, il peut y avoir répartition des dommages-intérêts et la responsabilité des défendeurs est fixée à 80% des dommages subis par la Commission demanderesse et celle de la Commission demanderesse à 20% des dommages subis par les défen- deurs. Mais la réclamation de la compagnie demanderesse n'est pas recevable, car la négligence des préposés de la Commission demanderesse était imputable à la compagnie demanderesse; cette dernière n'a pas réussi à prouver que la cause immédiate des dommages subis par elle était la négli- gence des défendeurs; en outre, elle ne pouvait invoquer les dispositions de la Contributory Negligence Act provinciale.
Arrêt suivi: The Algoma Central and Hudson Bay Rail way Company c. Manitoba Pool Elevators Limited et les Commissaires du port de Lakehead [1964] R.C.E. 505. Arrêts examinés: S.S. «Peterborough» c. La Cie Bell Téléphone [1952] 4 D.L.R. 699; Le «Fir» (1943) 76 Ll. L.R. 77; H.M.S. «Princess Astrid» (1944) 78 Ll. L.R. 99; Williams & Sons Ltd. c. Port of London Authority (1933) 47 Ll. L.R. 81; La cité de Halifax c. Les Com- missaires du Port de Halifax [1935] R.C.S. 215; Gart-
land Steamship Co. c. La Reine [1960] R.C.S. 315; Le Chinkiang [1908] A.C. 251; Le Hero [1912] A.C. 300; La Reine c. Nord-Deutsche [1971] R.C.S. 849; Spar rows Point c. Greater Vancouver Water District [1951] R.C.S. 396; Le Devonshire [1912] A.C. 634.
ACTION. AVOCATS:
A. Barry Oland et R. K. MacKinnon pour les demanderesses.
Boon S. Lee et J. W. Pearson pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Owen, Bird, Vancouver, pour les demande- resses.
Campney & Murphy, Vancouver, pour les défendeurs.
LE JUGE URIE—II s'agit ici de la jonction de deux actions intentées par chacune des deman- deresses à l'encontre des défendeurs; cette jonction d'actions fait suite à l'ordonnance du juge suppléant Sheppard, rendue le 22 août 1973. Ces actions résultent des dommages subis par les installations d'un poste d'amarrage appartenant à la Commission demanderesse et d'un poste de chargement de ce poste d'amar- rage, appartenant à la compagnie demanderesse qui l'exploite; le navire défendeur, en rompant ses amarres alors qu'il se trouvait ce poste, a causé ces dommages. Le navire défendeur appartient aux deux autres défendeurs qui, par demande reconventionnelle à l'encontre des demanderesses, réclament des dommages-inté- rêts pour les dommages subis par le navire lors de cet incident.
Le poste d'amarrage en cause, connu sous le nom de Fraser Surrey Dock, poste d'amarrage 4, fut préparé, construit et modifié selon les plans et instructions de la Fraser River Pile Driving Company Limited, une compagnie qui, selon la preuve, avait une vaste expérience en la matière. Les installations de chargement de ce poste d'amarrage ont été construites, aménagées et exploitées par la compagnie demanderesse, la Johnston Terminals Limited, ou en son nom.
Le poste d'amarrage est presque entièrement construit en bois et se situe sur la rive sud du
fleuve Fraser en face de l'île Annacis (C.-B.); il forme un angle d'environ 10 degrés avec la rive, l'extrémité aval étant plus loin de la rive que l'extrémité amont. Il fut construit afin de fournir un dock pour le chargement en vrac de copeaux et de sciure de bois dans des cargos à destina tion du Japon. A l'époque de l'accident, ce poste d'amarrage comprenait:
a) Une passerelle, avec main-courante, sui- vant une direction nord-est sud-ouest, située de 60 pieds à 200 pieds au large.
b) Six ducs d'Albe situés le long de cette passerelle, du côté de la rivière, numérotés de 1 à 6 respectivement, le premier étant situé en amont et les autres vers l'aval. Chacun d'eux comprend 16 pilotis verticaux munis de 20 pilots entrecroisés formant un angle de 45° avec le rivage; ces poteaux boulonnés ensem ble forment une seule unité. A l'origine, ils avaient été enfoncés de 20 pieds dans le fond de la rivière.
c) Une plate-forme ou ponton sur chacun des ducs d'Albe. Deux des pilotis verticaux pas- sent au travers de la plate-forme. Au sommet de chacun de ces pilotis est fixé un montant en acier de 4 pieds, comportant deux parties latérales saillantes servant à maintenir en place les amarres d'un navire. C'est ce qu'on appelle un bollard. Ces bollards sont fixés sur les pilotis par quatre tire-fond de 9 pouces. En partant du numéro 1, les ducs d'Albe sont espacés respectivement de 155, 155, 66, 124 et 150 pieds.
d) Une bouée signalant la présence d'une ancre dans le prolongement des ducs d'Albe situés le long de la passerelle, à une distance de 445 pieds vers l'aval; la bouée est attachée par une chaîne étançonnée de deux pouces de grande résistance, à une ancre en béton armé pesant approximativement 17.4 tonnes, enter- rée à 10 pieds de profondeur dans le lit du fleuve à une distance de 550 pieds du duc d'Albe numéro 6, soit à peu près vis-à-vis de la limite de la propriété de la Commission, sur la rive.
e) Une tour de chargement en acier placée sur un bloc de béton, utilisée pour le chargement de la sciure et des copeaux de bois, sous
pression, est située à peu près au centre de la rangée des ducs d'Albe.
f) Douze pieux de défense, situés du côté de la rivière, sont reliés à la structure principale par des traverses en bois horizontales et des chaînes maintenant des boudins de caout- chouc entre chaque groupe de traverses. Ces défenses servent à répartir la force d'un navire qui aborde ou d'un navire amarré entre chacun des ducs d'Albe principaux, c'est-à- dire à absorber l'énergie et à la transmettre à l'ensemble du duc d'Albe.
g) Un secteur réservé aux gabarres servant à décharger la sciure et les copeaux de bois soit directement dans le compartiment cargo du navire amarré soit dans un entrepôt à terre, est situé entre la rive et la passerelle à peu près en face du duc d'Albe numéro 4. Les gabarres entrent dans ce secteur par le côté aval du poste d'amarrage.
h) Deux installations d'amarres de travers sur le rivage, dont la première est une poutre enfoncée verticalement à peu près en face du duc d'Albe numéro 2 à environ 125 pieds de celui-ci et la seconde, une poutre longue de 10 pieds et d'un diamètre de 3 pieds, enterrée horizontalement à une profondeur de 10 pieds et connue sous le nom de «corps mort», située en aval en face du duc d'Albe numéro 6 à une distance d'environ 210 pieds de ce dernier. Ces deux installations sur le rivage comportent des câbles d'amarrage en acier d'un pouce de diamètre allant jusqu'à la pas- serelle au niveau du duc d'Albe le plus proche et servant à attacher les amarres du navire. L'utilisation de l'amarre de travers située vers l'aval était sujette à interruption, car il fallait la larguer afin de laisser passer les gabarres qui entraient ou sortaient du bassin; en effet ces dernières, chargées ou vides, étaient plus hautes que l'amarre de travers, même lorsque celle-ci était tendue. Lorsqu'on la larguait ou lorsqu'on lui donnait du mou, l'amarre de travers coulait simplement au fond de la rivière elle restait jusqu'à ce que l'équi- page du navire la retende.
L'agencement du poste d'amarrage tel que décrit ci-dessus figure aux pièces P-21 et P-21A et, selon la description donnée, il avait une
longueur totale d'environ 665 pieds. Sa disposi tion au jour de l'accident, telle que décrite ci-dessus, ne correspond pas exactement aux plans initiaux. Des représentants des propriétai- res du navire défendeur firent des recommanda- tions à la suite desquelles on modifia quelque peu lesdits plans; l'agencement final de ce poste d'amarrage correspondant à la description ci-dessus est le résultat de ces modifications. En premier lieu, la bouée d'amarrage fut déplacée de 70 pieds, puis de 95 pieds vers l'aval, par rapport à l'endroit l'on avait initialement prévu de la placer. Ce changement était néces- saire pour permettre, le cas échéant, l'amarrage de navires plus longs, compte tenu de l'obliga- tion de placer les amarres d'arrière de ces navi- res dans le prolongement du dock ou selon un angle aussi petit que possible avec celui-ci. Lorsqu'on déplaça l'ancre de 95 pieds vers l'aval, on l'enfonça à 10 pieds dans le lit du fleuve au lieu de 5 pieds, comme c'était le cas auparavant.
En deuxième lieu, on ajouta les deux amarres de travers, sur le rivage, ainsi que les câbles d'acier les reliant à la passerelle, afin de fournir apparemment de meilleures amarres pour main- tenir les navires très près de la jetée. En troi- sième lieu, le plan initial prévoyait seulement cinq ducs d'Albe. On ajouta un duc d'Albe, qui devint le duc d'Albe numéro 4. En quatrième lieu, la bouée d'amarrage qui était initialement construite en bois fut remplacée par une bouée cylindrique en acier, plus durable. En cinquième lieu, on plaça des madriers en bois entre les pilotis verticaux, juste en-dessous du ponton de chacun des ducs d'Albe pour réduire l'effet de levier sur les pilotis s'élevant au-dessus du niveau du ponton et sur lesquels on avait fixé les bollards, afin d'éviter qu'ils ne se cassent sous la tension exercée par les amarres des navires qui y étaient attachées.
Le navire défendeur, le Hiro Maru, arriva au poste numéro 4 à 8h, le 11 décembre 1971; on attacha alors trois amarres de l'avant à des bollards du poste numéro 3. Une amarre partant de l'avant du navire fut attachée au duc d'Albe numéro 2; on décrivit cette dernière comme une amarre de travers. Une amarre de poste avant fut attachée vers l'arrière au duc d'Albe numéro
4. Une amarre de poste arrière fut attachée vers l'avant au duc d'Albe numéro 4. Une amarre, que l'officier en second décrivit comme une amarre de travers, se trouvant à l'arrière du bateau, fut attachée vers l'avant au duc d'Albe numéro 5. On attacha trois amarres d'arrière à la bouée d'amarrage flottante se trouvant en aval. Aucune amarre ne fut attachée au duc d'Albe numéro 6, car, renversé par un navire peu de temps auparavant, il n'avait pas été remis en place.
Pour mieux saisir le problème soulevé dans cette affaire, il faut comprendre à quoi servent les différentes amarres, selon la preuve présen- tée par plusieurs témoins:
1. Amarres d'avant. Ces amarres vont de la proue à un point d'amarrage suivant un angle faible et sont utilisées en corrélation avec les amarres d'arrière et les amarres de poste pour empêcher le navire de dériver vers l'avant ou l'arrière ainsi que pour le déplacer vers l'avant ou vers l'arrière, le long du bassin.
2. Amarres d'arrière. Elles jouent le même rôle que les amarres d'avant et sont attachées de la même manière, mais elles partent de l'arrière du navire.
3. Amarres de poste. Ces amarres vont d'un point situé à l'avant du navire à un bollard situé à l'arrière ou d'un point situé à l'arrière du navire à un bollard situé à l'avant. Dans chaque cas, elles forment un angle très aigu avec le flanc du navire. Elles servent d'abord à empêcher le navire de suivre en avant ou en arrière la dérive du courant, la marée ou les vents et, en second lieu, en corrélation avec les amarres d'avant et d'arrière, à permettre de déplacer le navire le long du bassin, vers l'avant ou vers l'arrière.
4. Amarres de travers. Elles vont de points situés vers la proue et vers la poupe du navire à des points d'amarrage, suivant une ligne aussi perpendiculaire que possible avec le navire; elles servent à empêcher un mouve- ment latéral du navire, causé par les marées, les courants ou les vents, qui écarterait ce dernier du bassin. En d'autres termes, elles servent à maintenir fermement le navire le long du bassin.
Toutes ces amarres sont complémentaires les unes des autres et leur rôle respectif peut chan- ger quelque peu lorsqu'on déplace le navire le long du poste au cours du chargement. Il faut rappeler que, dans cette affaire, le Hiro Maru avait cinq chargements. La première cale à rem- plir devait être la cale numéro 2; il fallut ensuite déplacer le navire vers l'arrière pour remplir la cale numéro 5. Les autres cales furent remplies par la suite suivant un certain ordre de façon à équilibrer l'avant et l'arrière du navire. Au moment du chargement dans la cale numéro 1, l'arrière du navire se trouvait à son point le plus éloigné vers l'aval puisque la tour de charge- ment restait stationnaire et que la cale numéro 1 est la plus proche de l'avant du navire.
Le capitaine Grozier, qui était à ce moment le capitaine de port et travaillait pour la Commis sion demanderesse, a témoigné que le duc d'Albe numéro 6 avait été renversé le 5 septem- bre 1971 au moment le navire Diashan Maru quittait le poste numéro 4, l'équipage n'ayant pas largué à temps l'amarre attachée à ce duc d'Albe. Il ne fut pas réparé avant le début janvier 1972, car le poste numéro 4 était pres- que constamment utilisé et, lorsqu'il ne l'était pas, l'entrepreneur n'avait pas l'équipement nécessaire pour procéder aux réparations. Il témoigna en outre qu'un de ses contremaîtres lui avait fait savoir le 8 octobre 1971 que le navire Zencoran Maru avait déplacé l'ancre d'amarrage. Immédiatement après, on la recula de 95 pieds vers l'aval et on l'enterra à 10 pieds de profondeur dans le lit du fleuve, comme nous l'avons expliqué plus haut.
Le capitaine Grozier témoigna aussi qu'à ce moment, ou peu après, il demanda au surinten- dant adjoint, Kenneth Cavanaugh, de s'assurer que les navires au poste d'amarrage numéro 4 utilisent en tout temps des amarres de travers allant du navire au rivage, et que ces amarres de travers ne soient relâchées qu'à marée descen- dante ou lorsque la mer était calme et lorsque les vents de mer étaient prédominants. On ne devait, en aucune circonstance, déplacer les navires se trouvant au poste ou donner du mou aux amarres de travers à marée montante ou lorsque les vents de terre étaient prédominants
même si des gabarres attendaient pour entrer ou sortir du bassin numéro 4.
A environ 4h20 du matin, le 14 décembre 1971, juste après un changement de quart, le chargement de la cale numéro 1 du navire défendeur s'effectuait normalement. Dans son témoignage, l'officier en second du navire déclara avoir remarqué à ce moment que l'ar- rière du navire se trouvait à trois ou quatre pieds de la jetée. En conséquence, il demanda aux membres de l'équipage d'enrouler sur le treuil deux des amarres d'arrière fixées à la bouée dans le but de rapprocher au maximum le navire de la jetée. Il ajouta avoir aussi remarqué à ce moment qu'au lieu de replacer le navire dans sa position initiale, cette manoeuvre avait déplacé la bouée dans la même direction que les amarres, ce qui indiquait que l'ancre avait été déplacée par rapport à sa position initiale au fond du fleuve. Il fit alors appel à l'ensemble de l'équipage et avec un des membres alla inspec- ter l'amarre de poste avant et remarqua à ce moment que le bollard du duc d'Albe numéro 4 s'était détaché ainsi que les amarres de poste qui y avaient été fixées. A ce moment, l'arrière du navire se déplaçait rapidement vers le milieu du fleuve. Il relâcha alors l'amarre de travers d'avant et, afin de ralentir le mouvement vers l'extérieur, il jeta l'ancre de bâbord. Il tendit alors ce qu'il décrit comme l'amarre de travers d'arrière et cette manoeuvre arracha le duc d'Albe numéro 5 et le fit tomber à l'eau. A ce moment, ou peu après, certaines parties de la passerelle, situées de chaque côté du duc d'Albe numéro 4 s'effondrèrent et l'une d'elles tomba à l'eau.
Les demanderesses soutiennent que le dom- mage causé à leurs installations d'amarrage et de chargement est imputable à la négligence des personnes chargées de s'occuper du navire défendeur, savoir les employés ou les agents des propriétaires défendeurs, parce qu'ils avaient omis d'amarrer correctement le navire à la jetée et, notamment, d'utiliser et de maintenir en place une amarre de travers à l'arrière du navire, tout en sachant que c'était contraire à l'usage à cet égard et contraire aux instructions du capitaine de port.
Par contre, les défendeurs soutiennent que la Commission demanderesse en autorisant ou en incitant des navires à utiliser le poste numéro 4 garantissait implicitement que les installations d'amarrage étaient en bon état. Ils allèguent en outre que les installations n'étaient pas en bon état car la bouée d'amarrage se trouvant en aval était défectueuse et insuffisante pour l'utilisa- tion qu'on en faisait et qu'elle avait été déplacée ou partiellement arrachée de son emplacement avant l'arrivée du Hiro Maru. Cette prétention est appuyée selon eux par le fait que le duc d'Albe numéro 6 n'était pas utilisable. Ils allè- guent aussi certains autres actes ou omissions dont il sera fait mention par la suite.
Les demanderesses ont notamment soumis le témoignage du surintendant adjoint de la Com mission de port, Cavanaugh (témoignage qui fut corroboré par un de ses contremaîtres, McCul- lough), il avait remarqué, le matin du 11 décem- bre 1971, qu'aucune des amarres de travers allant jusqu'au rivage n'était attachée au Hiro Maru; elles pendaient encore des crochets se trouvant sur la passerelle. Le capitaine Grozier lui ayant demandé de les faire attacher, il monta à bord avec McCullough pour demander pour- quoi elles ne l'étaient pas. Il témoigna avoir parlé à l'officier en second et lui avoir dit que, selon les instructions du capitaine de port, toutes les amarres de travers devaient être fixées. Il sembla à Cavanaugh que l'officier en second, dont la langue maternelle est le japo- nais, avait compris ses instructions. Pour s'assu- rer cependant que c'était le cas, il répéta les mêmes instructions au mandataire de l'affréteur qui, accompagné du capitaine, était arrivé au moment il parlait avec l'officier en second. Le mandataire s'adressa en japonais à l'officier en second et dit à Cananaugh que «tout irait bien»; ce dernier en conclut que le message avait été compris. Le 13 décembre, il parla au capitaine Grozier et l'informa que le Hiro Maru n'utilisait toujours pas l'amarre de travers d'arrière.
L'officier en second témoigna qu'il ne se sou- venait aucunement avoir reçu de telles instruc tions de Cavanaugh. Il admit que les amarres de travers allant du navire à la rive n'étaient pas attachées, car il pensait que l'amarre d'arrière
empêcherait les gabarres de passer. En outre, lors des déplacements du navire le long du poste pour changer de cale lors du chargement, l'amarre de travers risquait d'endommager les montants des lampes qui étaient plus élevées que la passerelle, la main-courante et peut-être certains des pilotis des ducs d'Albe. Il admit lors du contre-interrogatoire que l'on pouvait relâ- cher l'amarre de travers d'arrière et la laisser couler au fond de la rivière afin de permettre l'entrée et la sortie des gabarres et qu'elle pas- sait largement au-dessus du support des lampes ou des mains-courantes lorsqu'elle était tendue, car le pont du navire se trouvait à quelque 30 pieds de la ligne de flottaison. Il admit aussi que l'amarre allant du secteur tribord arrière au duc d'Albe numéro 5, qu'il avait définie comme une amarre de travers, était en fait une amarre de poste d'arrière. Il admit qu'il aurait été prudent d'attacher l'amarre de travers d'arrière au rivage lorsque le navire s'était écarté du poste afin de l'en rapprocher, mais qu'il ne le fit pas parce qu'il ne l'avait pas utilisée lors des quatre amar- rages précédents du navire à cet endroit. La preuve soumise par les demanderesses en la forme de rapport pour chacun des trois postes du personnel à terre s'occupant du chargement du navire du 11 décembre au 14 décembre inclus, indique qu'entre 10h30 le 12 décembre et environ 10h le 14 décembre, soit après l'acci- dent, il n'y avait aucune gabarre dans le bassin qui leur était réservé.
Le chef d'équipe qui était de service au moment de l'incident, Steve Hryniuk, confirma qu'aucune des amarres de travers reliant le navire au rivage n'était attachée. Il témoigna en outre que, juste avant la pause réservée au repas, à 4h30, il remarqua que le Hiro Maru s'était écarté d'environ 30 pieds de la jetée au niveau du duc d'Albe numéro 6. Après avoir fait déplacer les appareils de chargement pour éviter que le navire en s'écartant de la jetée ne leur cause quelque dommage, il fit appel au pilote d'un remorqueur pour qu'il aide à ramener le navire le long de la jetée. Il remarqua que le bollard du duc d'Albe numéro 4 avait été arraché.
Le capitaine John Y. Kennedy, expert mari time et détenteur depuis 1950 d'un diplôme de
capitaine de navire long-courrier, cité comme expert par les demanderesses, témoigna que le 14 décembre 1971, selon l'Annuaire canadien des marées, la marée était haute à 6h de sorte que l'accident eut lieu à marée montante. Il déclara que lors du chargement de la cale numéro 1 du Hiro Maru, l'arrière du navire dépassait l'extrémité aval de la passerelle d'en- viron 200 pieds. A son avis, dans ces circon- stances, l'usage veut qu'un capitaine compétent surveille attentivement l'amarre de travers d'ar- rière et s'assure qu'elle est en place. En outre, il est d'avis qu'utiliser l'amarre reliant le secteur tribord arrière au duc d'Albe numéro 5 ne reve- nait pas au même qu'utiliser une amarre de travers dans le but de garder le navire contre la jetée; ce n'était en fait qu'une autre amarre de poste arrière. A son avis, la rupture d'amarre est probablement imputable au fait qu'on a négligé d'utiliser l'amarre de travers d'arrière qui, si elle avait été en place, aurait empêché ladite rup ture. Lorsqu'une aussi grande partie du navire se trouve dans le courant, une amarre allant directement de l'arrière au corps mort se trou- vant sur le rivage, n'offre pas une résistance suffisante; à son avis, il fallait donc utiliser l'amarre de travers allant du treuil d'arrière le long du côté tribord jusqu'à un point on l'aurait fait passer à travers un chaumard de manière à fournir une traction presque perpen- diculaire nécessaire à un bon amarrage.
Il a été démontré par une preuve abondante, notamment les témoignages de l'officier en second et celui de l'expert des défendeurs, Thomas W. Morgan, qu'il était impossible de le faire en raison des obstacles constitués par cer- taines conduites verticales se trouvant près des logements de l'équipage, du côté tribord, qui auraient empêché de placer l'amarre comme le suggérait le capitaine Kennedy. En outre, il témoigna qu'il n'y avait pas assez de treuils à l'arrière du navire pour placer trois amarres d'arrière allant jusqu'à la bouée d'amarrage ainsi qu'une amarre de travers d'arrière. Je conclus pourtant qu'aucune de ces objections n'est vala- ble et que les conduites verticales laissaient suffisamment de place pour faire passer l'amarre de l'un des treuils se trouvant à l'ar- rière au chaumard, après l'avoir fait passer à travers le chaumard tribord arrière. Il me
semble que l'officier en second a tout simple- ment jugé l'amarre de travers d'arrière inutile et gênante, car il aurait fallu la relâcher de temps en temps pour laisser entrer ou sortir les gabar- res du bassin qui leur était réservé. Morgan admit qu'on aurait pu trouver un moyen permet- tant d'utiliser un treuil pour l'amarre de travers d'arrière en enlevant une des amarres de poste et en utilisant un bollard fixe se trouvant sur le navire, un membre de l'équipage aurait pu embraquer l'amarre de poste manuellement.
J'accepte en outre le témoignage du capitaine Grozier relatif à ses instructions concernant l'utilisation des amarres de travers et admets comme fait que Cavanaugh et McCullough les ont transmises à l'officier en second et au capi- taine du Hiro Maru qui, pour des raisons qu'eux seuls connaissent, choisirent de les ignorer. Il est probable que les inconvénients découlant de l'utilisation d'une amarre de travers d'arrière ont motivé cette décision; toutefois, aucune gabarre n'étant entrée ou sortie du secteur de charge- ment entre le 12 décembre et le moment de l'accident, aucun inconvénient n'aurait découlé du mouvement des gabarres, du moins pendant cette période. J'accepte aussi le témoignage du capitaine Kennedy et admets comme fait qu'il incombait aux officiers du navire de suivre les instructions du capitaine de port même s'ils les désapprouvaient. En cas de désaccord, il aurait fallu, comme l'a indiqué le capitaine Kennedy, se conformer aux ordres sous réserve expresse, ce qui aurait eu pour effet de rendre le capitaine de port responsable de tout dommage subi en raison de ces ordres.
Ayant admis cette preuve et en étant arrivé à ces conclusions, je conclus en outre que, si les amarres de travers avaient été fixées correcte- ment comme il était possible de le faire dans les limites formulées par le capitaine Grozier, en utilisant une des méthodes suggérées par le capitaine Kennedy, le navire Hiro Maru n'aurait probablement pas rompu ses amarres. Les représentants des propriétaires défendeurs avaient prévu la nécessité d'utiliser de telles amarres de travers puisqu'au moment de la construction initiale, ils avaient recommandé l'installation de points d'amarrage sur la rive
pour ces amarres de travers; la Commission demanderesse avait suivi la recommandation. Je conclus que les officiers ont commis une autre négligence en déplaçant le navire à marée mon- tante sans attacher les amarres de travers ou, par ailleurs, sans avoir eu recours à des remor- queurs, car, ce faisant, ils créaient une situation dangereuse due à la pression exercée par le courant rapide contre une grande partie de la poupe du navire qui se trouvait dans la rivière elle-même. Tous ces actes fautifs ou omissions résultent du fait qu'on a négligé d'attacher les amarres de travers reliant le navire au rivage et cette négligence est, à mon avis, la cause fonda- mentale des dommages.
Cette conclusion ne règle cependant pas l'af- faire et je dois déterminer maintenant si l'on peut imputer aux demanderesses, comme le sou- tiennent les défendeurs, une rupture de contrat ou une rupture de garantie en ce qui concerne la sécurité de l'amarrage ou si, comme ils le sou- tiennent aussi, les demanderesses ont commis une négligence qui a contribué à l'accident et donc aux dommages.
Les défendeurs allèguent que la Commission demanderesse est tenue, aux termes des textes législatifs, d'assurer la sécurité du mouillage à Fraser Surrey Dock et qu'il y a donc eu viola tion de ce devoir de sorte que la Commission est responsable envers les défendeurs des domma- ges subis par le navire ou, si je conclus comme je l'ai fait, que les défendeurs ont eux-mêmes commis une négligence, que la Commission demanderesse ne s'est pas conformée à ce devoir et est donc en partie responsable de l'accident. Subsidiairement, ils allèguent que les deux demanderesses avaient, envers les défen- deurs, l'obligation contractuelle, en tant que gar- diens de quai, de prendre les précautions néces- saires pour s'assurer que le quai était en bon état ou, à défaut, de les avertir qu'ils ne l'avaient pas fait. Les défendeurs soutiennent en outre que la Commission demanderesse a, dans la construction et l'entretien du bassin, agi de façon négligente et que cette négligence est la seule cause immédiate du dommage causé au bassin et au navire défendeur. Les allégations de négligence telles que je les comprends sont les suivantes:
a) les demanderesses savaient ou auraient savoir que l'ancre d'amarrage était d'un poids insuffisant pour résister à la tension exercée par des navires du gabarit de ceux qui doivent être amarrés au Fraser Surrey Dock. En outre, la Commission savait ou aurait savoir qu'une telle ancre, afin d'offrir la plus grande résistance possible, doit être placée de manière à ce que l'amarre allant de l'arrière d'un navire amarré jusqu'à l'ancre d'amarrage forme un angle aussi étroit que possible avec le dessus de l'ancre enterrée. C'est pour cette raison, ont-ils fait remarquer, qu'à la demande des propriétaires défendeurs, le plan initial avait été modifié avant la construction de manière à déplacer l'ancre vers l'aval, à une distance supérieure à celle prévue dans les plans originaux. Malgré cette modification, l'ancre avait été entraînée, le 8 octobre 1971, par le Zencoran Maru, un des plus grands navires qui aient utilisé ce bassin; en consé- quence, on augmenta de 95 pieds la distance de la bouée d'amarrage au duc d'Albe numéro 6 et l'ancre fut enfouie à une profondeur de 10 pieds au lieu de 5 pieds, sans qu'on n'en ait augmenté le poids. Les défendeurs soutien- nent que la Commission savait ou aurait savoir que, malgré cette modification, l'ancre ne fournissait toujours pas une résistance suf- fisante aux navires ayant gabarit équivalent ou supérieur à celui du Hiro Maru. Selon eux, l'insuffisance de ces modifications ressort du fait qu'on avait recouvert l'ancre de gravier après cette seconde installation, probablement pour lui donner une plus grande résistance et qu'après l'accident du Hiro Maru, les dimen sions et le poids de l'ancre avaient été doublés;
b) la Commission n'a pas tenu compte de certains indices, connus d'elle, montrant que la rivière était soumise à un phénomène d'af- fouillement qui avait pour effet d'éroder la terre autour des pilotis, réduisant ainsi leur résistance. A l'appui de cette allégation, ils invoquent la preuve soumise par les témoins des demanderesses ainsi que par leurs propres témoins indiquant qu'après que le Hiro Maru eut arraché les pilotis de la rivière en rompant ses amarres, on a pu constater qu'une partie importante du sol autour de certains pilotis, et
en particulier autour des étançons avait été érodé, et ce sur une profondeur de 8 à 12 pieds;
c) puisque les étançons avaient été enfoncés dans la rive, leur but était de résister à la pression exercée par un navire mouillé le long du quai. Selon Morgan, il n'y avait aucun ancrage pour assujettir les ducs d'Albe au rivage de sorte que lesdits ducs d'Albe étaient inadéquats, car il n'existait aucune armature pour neutraliser la force de traction ou de tension des navires tendant à arracher les ducs d'Albe du rivage;
d) les bollards fixés aux ducs d'Albe n'étaient pas assez solides en raison d'un défaut de construction, les tire-fond servant à fixer les bollards sur les pilotis en bois n'étant pas assez résistants aux fins de l'utilisation prévue;
e) le duc d'Albe numéro 6 avait été renversé par le Diashan Maru, le 5 septembre, mais n'avait pas été réparé bien que le bassin n'ait pas été utilisé plus de 11 jours pendant le mois de novembre. Puisque toutes les amarres allant du navire au quai ont un rôle bien particulier et complémentaire, l'impossibilité d'utiliser le duc d'Albe numéro 6 parce que la Commission demanderesse avait négligé de le faire réparer, a contribué à l'accident;
f) la conception et la construction du bassin étaient défectueuses, car on l'avait construit en tenant compte de la force de compression exercée par des navires appuyés contre lui et non de la tension résultant de certains effets de la marée montante à certaines saisons oh. parfois le courant de la rivière remonte en fait et peut entraîner le navire et l'écarter du bassin.
Le témoignage de Leslie A. Corbett, président de la Fraser River Pile Driving Company, est essentiel pour décider de la validité de ces allé- gations de négligence. Ce témoin m'a fait fort bonne impression en raison de ses connaissan- ces techniques et de sa franchise, et j'ajoute foi à son témoignage.
Il témoigna que chaque duc d'Albe et bollard avait été prévu pour résister à une force de traction de 50 tonnes et chaque duc d'Albe pour
résister à la pression exercée par un navire de 30,000 tonnes lourdes approchant à la vitesse de 033 pieds par seconde. L'ancre pesant plus de 17 tonnes et enfouie à une profondeur de 5 pieds dans le lit du fleuve avait été construite de manière à résister à une force de traction de 100 tonnes, ce qui signifie qu'en y ajoutant un fac- teur de sécurité de 50 tonnes, elle pouvait résis- ter à une force de traction de 150 tonnes. Le fait de l'avoir enfouie à une profondeur de 10 pieds n'a pas augmenté de manière appréciable sa résistance, mais permettait de compenser tout affouillement ou érosion possible du sol la recouvrant. La capacité de résistance à la force de traction totale était à son maximum lorsque la traction s'exerçait dans l'axe formé par l'amarre allant de la passerelle au dessus de la bouée enfouie. Toute déviation importante de cet axe réduisait la capacité maximum de résis- tance de sorte que, lorsque l'arrière d'un navire s'écartait du poste d'amarrage, comme le fit le Hiro Maru, la force de résistance diminuait.
Corbett admit savoir qu'il y avait un certain risque d'érosion partout dans le fleuve Fraser et avoir en fait discuté ce problème avec le capi- taine Grozier à diverses occasions avant l'inci- dent du Hiro Maru, bien qu'apparemment, il n'y ait eu aucune trace d'érosion avant cet incident. Même à ce moment, affirma-t-il, il n'y avait aucun indice d'érosion autour des pilotis verti- caux des ducs d'Albe numéro 5 ou numéro 6 alors qu'il y en avait autour des étançons, sur une profondeur allant de 8 à 12 pieds. Il y aurait donc eu une certaine diminution de la capacité de résistance de ces montants.
Morgan, l'expert des défendeurs, fit quelques calculs qui confirmèrent qu'une ancre de 100 tonnes, même dans un courant d'une vitesse de deux noeuds, offrait une résistance suffisante à la force de traction d'un navire du gabarit du Hiro Maru. Cependant, il estimait aussi qu'elle n'offrait pas une résistance suffisante pour s'op- poser à la force de traction d'un navire plus important tel que le Zencoran Maru et il conclut donc qu'un tel navire entraînerait très probable- ment l'ancre. L'avocat des défendeurs a sou- tenu, en se fondant sur ce point, que puisqu'en fait le Zencoran Maru avait entraîné l'ancre le 8
octobre, à la suite de quoi on l'avait déplacée en aval, il était probable que le navire l'ait entraî- née à nouveau lors de son amarrage suivant à ce poste le 15 novembre, bien qu'on ait enfoui l'ancre plus profondément.
J'estime que cette dernière prétention se réduit en fait à une simple spéculation et l'on ne m'a présenté aucune preuve démontrant qu'il s'agissait d'autre chose. Je dois donc conclure que l'ancre d'amarrage était en place le 14 décembre et pouvait résister à la force de trac tion exercée par le Hiro Maru dans les condi tions pour lesquelles elle avait prévue bien que, comme le montre la suite des événements, elle ait été incapable de résister à une force venant d'une direction pour laquelle elle n'avait pas été prévue sans l'aide d'une amarre complémen- taire, savoir l'amarre de travers d'arrière du Hiro Maru. A mon avis, il ne s'agit pas d'une négligence dans la conception ou la construction de l'ancre d'amarrage. Je ne me prononcerai pas sur l'admissibilité de la preuve montrant qu'on avait doublé les dimensions de l'ancre après l'incident en cause. Mais en supposant qu'elle est admissible, le fait qu'on ait apporté ces modifications et le but dans lequel on le fit ne changent aucunement ce point de vue, mais indiquent simplement qu'on savait que la manoeuvre fautive d'un navire pouvait créer à nouveau un danger et qu'on avait donc pris des précautions afin d'empêcher que l'ancre ne soit à nouveau entraînée dans un tel cas.
Corbett admit cependant avoir discuté avec le capitaine Grozier de l'érosion qui éventuelle- ment pouvait réduire l'efficacité des ducs d'Albe avant l'incident du Hiro Mari, mais que rien n'avait été fait pour déterminer si une telle érosion se produisait en faisant faire des sonda- ges ou une inspection des ducs d'Albe par un homme-grenouille. Dans la mesure où. l'érosion a contribué au fait que le Hiro Mari, a entraîné le duc d'Albe numéro 5, le fait d'avoir négligé de procéder à une telle inspection constitue à mon avis une négligence. En outre, le fait que le duc d'Albe numéro 6 n'avait pas été réparé et était inutilisable depuis plus de trois mois, alors que la Commission savait ou aurait savoir qu'il était indispensable au bon amarrage des navires au poste d'amarrage numéro 4, constitue
une négligence qui a contribué à l'accident puis- qu'on avait eu amplement le temps de le faire réparer, ce qui n'a pas été fait.
Je ne pense pas que la preuve soit de nature à démontrer que le plan des ducs d'Albe, pris individuellement, ou celui de l'ensemble du poste d'amarrage était défectueux comme l'allè- guent les défendeurs. Bien au contraire, je suis d'avis que la preuve selon laquelle le poste d'amarrage fut utilisé à plein temps sans inci dent majeur autre que les dommages causés par le Zencoran Maru et le Diashan Maru, de février 1970, date la construction fut termi- née, au 14 décembre 1971, indique que ce poste avait été correctement construit et ne s'est effondré que parce qu'il a été utilisé de manière négligente et a été soumis à des forces bien supérieures à celles que tout ingénieur raisonna- ble aurait pu prévoir.
Bien que la décision en l'espèce dépende essentiellement de mes conclusions sur les faits, les avocats des parties, ont cité un certain nombre de précédents, dont la plupart n'étaient pas nécessaires à ma décision. Les arrêts sui- vants sont ceux que j'ai néanmoins examinés. Les principes que l'on peut en tirer sont bien connus; nous en avons tenu compte dans ces motifs et dans la détermination des responsabili- tés respectives des parties: S.S. «Peterborough» c. La Cie Bell Téléphone [1952] 4 D.L.R. 699; Le «Fit.» (1943) 76 Ll. L.R. 77; H.M.S. «Prin- cess Astrid» (1944) 78 Ll. L.R. 99; et Williams & Sons Ltd. c. Port of London Authority (1933) 47 LI. L.R. 81.
A mon avis, pour tous ces motifs, on arrive, en l'espèce, au partage des responsabilités, mais je dois décider d'abord si les demanderesses peuvent dans ces circonstances recouvrer un montant quelconque. En réponse à une question adressée lors des débats à l'avocat des défen- deurs, je fus informé qu'on pouvait certaine- ment conclure en droit à la négligence contribu- tive et donc probablement décider du partage de la responsabilité pour les dommages subis. Si je me souviens bien, l'avocat des demanderesses ne contesta pas cette prétention, mais aucun des avocats ne m'a présenté de plaidoirie à cet égard. Il est évident que l'article 648 de la Loi sur la marine marchande du Canada ne s'appli-
que pas en l'espèce, car il ne s'agit pas d'un abordage entre deux ou plusieurs navires, mais entre un navire et une construction ayant ses fondations sur la rive. C'est pourquoi, les défen- deurs ayant établi leur défense fondée sur la négligence contributive, abstraction faite de tout redressement statutaire dont on pourrait se pré- valoir en vertu de la Contributory Negligence Act de la Colombie-Britannique, S.R.C.-B. 1960, c. 74, l'action des demanderesses doit être rejetée puisqu'elles n'ont pas prouvé que le navire défendeur était la seule cause directe des dommages en cause.
Il y a bien sûr deux demanderesses dans cette action. La Commission de port du Fraser fut établie par une proclamation datée du 20 avril 1965, en conformité de la Loi sur les Commis sions de port, Statuts du Canada, 1964-1965, c. 32. D'après les plaidoiries, l'autre demande- resse, la Johnston Terminals Limited, est une personne morale constituée en vertu des lois de la province de la Colombie-Britannique. La question de savoir si les dispositions législatives adoptées par les législatures provinciales s'ap- pliquent dans de telles circonstances a été exhaustivement examinée par le juge de district d'amirauté Wells (tel était alors son titre) dans l'affaire The Algoma Central and Hudson Bay Railway Company et Parrish & Heimbecker Limited c. Manitoba Pool Elevators Limited et les Commissaires du port de Lakehead [1964] R.C.É. 505.
Dans cette affaire, la compagnie de chemins de fer demanderesse était propriétaire d'un navire transportant du blé pour la co-demande- resse, la Parrish & Heimbecker Limited et avait intenté une action en dommages-intérêts contre les défendeurs pour les dommages résul- tant de l'échouage du navire au bassin de la défenderesse, la Manitoba Pool Elevators Limi ted dans la cité de Port Arthur. Les Commissai- res du port de Lakehead, défendeurs, étaient une personne morale constituée par une loi du Parlement du Canada, chapitre 34, 7 Elizabeth II. Dans leurs plaidoiries, les Commissaires du port de Lakehead invoquèrent entre autres le fait qu'ils constituaient un pouvoir public au sens de la Public Authorities Protection Act telle qu'adoptée par la Législature de l'Ontario,
S.R.O. 1960, c. 318, dont l'article 11 interdit d'engager une action à moins qu'elle ne soit introduite dans les six mois suivant l'acte de négligence dont on se plaint. Les Commissaires soutenaient qu'ils étaient des préposés de la Couronne et qu'en vertu des prérogatives de la Couronne, ils avaient le droit de bénéficier des dispositions d'une loi provinciale.
Le juge de district d'amirauté Wells a soi- gneusement examiné la loi constitutive et con- clut que les Commissaires du port de Lakehead agissaient en tant que préposés de la Couronne du chef du Canada. Il conclut donc que les défendeurs en l'espèce, en tant que préposés de la Couronne, pouvaient se prévaloir des disposi tions de la Public Authorities Protection Act; il rejeta donc l'action à l'encontre des Conunissai- res du port parce qu'elle n'avait pas été intentée dans les délais prévus par la Loi.
L'examen de la Loi sur les Commissions de ports, qui créa la Commission de port du Fraser, révèle que le gouverneur en conseil peut, au moyen d'une proclamation, établir une commis sion relative à tout port au Canada dont le nom n'apparaît pas dans la Loi sur le Conseil des ports nationaux ou à tout port pour lequel le Parlement n'a pas, par ailleurs, établi une com mission. Chaque commission ainsi établie est réputée être un corps constitué. La proclama tion établissant une commission doit en énoncer la raison sociale, délimiter le port pour lequel la commission est établie et fixer le nombre des membres. La majorité des membres sont nommés par le gouverneur en conseil et tous les membres occupent leur poste à titre amovible pendant -une période d'au plus trois ans. Leur rémunération est déterminée par le gouverneur en conseil et versée sur les revenus de la Com mission. La loi autorise chaque commission à réglementer et à contrôler l'utilisation et l'amé- nagement de tout terrain, bâtiment et autres biens dans les limites du port, et de tous les docks, quais et autres dispositifs construits ou utilisés à cet égard. Une commission peut, avec l'approbation du ministre des Transports, ache- ter des terrains et acheter ou construire, entrete- nir et exploiter des docks, quais et autres struc tures et ne peut louer des terrains qu'elle administre pour le compte de Sa Majesté du
chef du Canada sans l'approbation du ministre des Transports ou celle du gouverneur en con- seil selon la longueur du bail. Elle est autorisée, avec l'approbation du gouverneur en conseil, à établir des statuts administratifs concernant sa régie intérieure et les attributions de ses fonc- tionnaires et employés. Elle peut emprunter des fonds en vue de défrayer la construction et l'amélioration des quais, structures et autres ouvrages dans les limites du port selon les modalités qu'il est loisible au gouverneur en conseil d'approuver. La Commission doit verser au receveur général du Canada les revenus qui lui restent en main, après paiement de toutes les dépenses, à l'expiration de chaque année finan- cière. La Commission peut aussi exproprier des terrains avec l'approbation du gouverneur en conseil.
Ce passage, extrait du jugement rendu par le juge Wells, aux pages 510 et 511 de l'arrêt The Algoma Central and Hudson Bay Railway Com pany and Parrish & Heimbecker Limited (pré- cité), semble approprié pour caractériser la législation en vertu de laquelle la Commission demanderesse fonctionne:
[TRADUCTION] II semble que ce contrôle général soit le fil directeur de la législation. A mon avis, la loi examinée par le juge en chef Duff dans l'affaire La Cité de Halifax c. Les Commissaires du Port de Halifax ([1935] R.C.S. 215) et la loi constitutive des Commissaires du port de Lakehead présentent des similarités frappantes. Après avoir analysé la loi relative aux Commissaires du Port de Halifax, le savant juge a résumé de la manière suivante les pouvoirs et devoirs des Commissaires du Port de Halifax à la p. 226:
Leur activité consiste à gérer et administrer le port public de Halifax et tous les biens de ce port qui appartiennent à la Couronne; leurs pouvoirs leur ont été conférés par une loi du Parlement du Canada; mais ils sont soumis à tout moment, dans l'exercice de ces pouvoirs, au contrôle du gouverneur représentant Sa Majesté et agissant sur avis du Conseil privé de Sa Majesté au Canada.
et après un examen plus détaillé des pouvoirs desdits Com- missaires, à la page 227, il fait le résumé suivant:
Je ne peux mettre en doute le fait que les services prévus par cette législation sont non seulement des services publics au sens large, mais aussi des services gouverne- mentaux, au sens strict, ni le fait que l'occupation de la propriété du gouvernement, objet de l'affaire présente, est, vu la signification donnée à ces mots par Lord Cairns dans le passage cité (et vu leur interprétation par Lord Blackburn et Lord Watson) une occupation par des per- sonnes «utilisant» ces biens «pour le compte et au service de la Couronne».
Il n'est pas inutile de souligner que, depuis la Confédéra- tion, excepté dans certains cas spéciaux oh l'on a trouvé plus commode de pourvoir à l'administration des ports en nommant des commissaires de port, le contrôle, la gestion et la réglementation des affaires confiées aux intimés ont été considérés dans ce pays comme relevant des services de la Couronne.
En toute déférence, ces mots semblent tout aussi bien s'appliquer aux commissaires défendeurs dans l'affaire pré- sente. A mon avis, il est manifeste, à la lecture attentive de la législation, que les défendeurs agissent en tant que prépo- sés de la Couronne du chef du Canada.
Un examen minutieux de la Loi sur les Com missions de ports en vertu de laquelle fut prise la proclamation susmentionnée, révèle que cette loi reprend pour ainsi dire les mêmes termes que ceux de la législation considérée par le juge de district d'amirauté Wells. Il conclut, comme nous l'avons signalé plus haut, que les Commis- saires agissaient en tant que préposés de la Couronne du chef du Canada et il me semble qu'il ressort de la simple lecture de la loi créant la Commission de port du Fraser que celle-ci agit également en tant que préposée de la Cou- ronne du chef du Canada puisque le contrôle général exercé par le gouverneur en conseil ou le ministre des Transports [TRADUCTION] «semble être le fil directeur de l'ensemble de la loi». Elle a fort peu d'autonomie.
Il nous faut donc décider si la négligence des employés de la Commission de port du Fraser a un effet quelconque sur sa réclamation. Cette question a été examinée à diverses reprises par la Cour suprême du Canada dans des arrêts dont je ferai mention par la suite.
Dans l'affaire Gartland Steamship Co. c. La Reine [1960] R.C.S. 315, un navire était entré en collision avec un pont appartenant à la Cou- ronne. Le juge Judson se référa à la page 327 à l'arrêt Toronto Transportation Commission c. Le Roi [1949] R.C.S. 510, oh. le juge Kerwin déclarait à la page 515:
[TRADUCTION] La Couronne est demanderesse dans une action fondée sur la négligence d'un préposé du défendeur. Le défendeur n'exerce pas un recours contre la Couronne, mais, en s'opposant à l'action de cette dernière, invoque la négligence des préposés de la Couronne qui ont également causé le dommage. Il ne fait aucun doute qu'à l'âge d'or de la doctrine de la négligence contributive, si un particulier intentait une action en dommages-intérêts contre un autre
particulier dans de telles circonstances, le demandeur ne pouvait pas recouvrer de dommages-intérêts parce qu'il ne réussissait pas à prouver que le défendeur avait causé le dommage. La Couronne ne pouvait exercer un recours devant les tribunaux que sur la base du droit applicable aux particuliers à moins que le droit général relatif à la matière ne soumette la Couronne à un régime différent ... En l'espèce, si seule la common law était applicable, la Cou- ronne n'aurait aucun recours puisqu'elle n'a pu prouver que le dommage est imputable à la négligence des préposés de la Commission. Il a été décidé en amirauté que les «Commis- sioners for Executing the Office of the Lord High Admiral of the United Kingdom», en tant que demandeurs, avaient droit à la moitié seulement du montant des dommages subis quand on arrivait à la conclusion que leurs préposés avaient commis une faute concurremment avec le défendeur. Voir les arrêts Le Chinkiang ([1908] A.C. 251) Le Hero ([1912] A.C. 300).
La Couronne peut invoquer la Negligence Act de l'Ontario et a donc droit à la moitié des dommages-intérêts.
Dans l'arrêt Gartland (précité) le juge Judson déclarait aux pages 326 et 327:
[TRADUCTION] Abstraction faite du texte législatif, cette action serait rejetée. La négligence contributive ayant été plaidée et établie en l'espèce, la demanderesse n'est pas recevable puisqu'elle ne peut prouver que la défenderesse a causé le dommage: T.T.C. c. Le Roi ([1949] R.C.S. 510, à la p. 515, 3 D.L.R. 161, 63 C.R.C.T. 289). La Loi sur la marine marchande du Canada, incorporant la Maritime Con ventions Act 1911, ne s'applique pas à une collision entre un navire et une structure terrestre. 11 faut donc choisir entre aucun redressement ou un redressement en vertu de la Negligence Act de l'Ontario. Il s'agit d'une action en domma- ges-intérêts, en common law, au sens de l'article 29d) de la Loi sur la Cour de !Échiquier, S.R.C. 1952, c. 98, et la Couronne est, à mon avis, en tant que demanderesse, autori- sée à bénéficier de la loi ontarienne: T.T.C. c. Le Roi (précité). Elle doit donc recouvrer un tiers de ses pertes.
L'arrêt Gartland fut suivi par la Cour suprême du Canada dans une affaire québécoise La Reine c. Nord-Deutsche [1971] R.C.S. 849, à la page 878, ainsi que par le juge de district d'amirauté Wells dans l'arrêt The Algoma Cen tral and Hudson Bay Railway Company (précité).
Il semble donc manifeste que la Commission demanderesse a droit, en vertu de l'article 2 de la Contributory Negligence Act de la Colombie- Britannique, de recouvrer des dommages-inté- rêts sur la base de la répartition que je vais exposer plus loin. A mon avis cependant, la demande de dommages-intérêts présentée par la demanderesse, la Johnston Terminals Limited, doit être rejetée en raison de la négligence des
préposés de la Commission demanderesse, attri- buée à la Johnston Terminals Limited. Cette dernière ne peut en effet bénéficier de la loi provinciale comme peut le faire la Commission demanderesse, conformément à ma conclusion. Les motifs d'une telle décision sont entièrement énoncés par le juge de district d'amirauté Wells aux pages 518 et 519 de l'arrêt The Algoma Central and Hudson Bay Railway Company, il déclare:
[TRADUCTION] Si les dispositions de la Ontario Negligence Act étaient applicables, elles me permettraient de répartir les dommages-intérêts en fonction de la responsabilité de la Manitoba Pool d'une part et des officiers du navire d'autre part. En vertu de la jurisprudence cependant, il me semble tout à fait évident que je ne peux répartir la négligence entre le navire, les propriétaires de l'Algoway et la compagnie de l'élévateur. La Ontario Negligence Act ne s'applique pas à une telle situation. Cette question fut discutée par la Cour suprême dans l'arrêt Sparrows Point c. Greater Vancouver Water District et autres ([1951] R.C.S. 396). A la page 411 le juge Rand affirmait à propos d'un autre aspect de la Contributory Negligence Act de la Colombie-Britannique:
Il semble que l'avocat ait présumé que la Contributory Negligence Act provinciale s'appliquait en ce qui concerne les intimés, mais je ne peux me ranger à cette opinion. Il s'agit ici d'une situation particulière. Aux termes de la Loi sur le Conseil des ports nationaux, la Commission est déclarée être préposée de la Couronne aux fins de la gestion du port. La Loi impose une obligation à la Com mission, mais, comme en l'espèce elle relève de la Cour , d'amirauté, c'est le droit maritime qui devient applicable. Au vu du jugement de la Chambre des lords dans l'affaire Le Devonshire [1912] A.C. 634, le droit maritime a repris à son compte, à cet égard, la common law. Il s'ensuit qu'il ne peut y avoir de répartition de la responsabilité entre les défendeurs.
Il me semble également évident qu'abstraction faite du texte législatif, il n'existe aucun redressement en cas de négli- gence contributive.
De la même manière, dans la décision que j'ai déjà mention- née, l'arrêt Gartland Steamship Company c. La Reine, à la p. 326, dans un paragraphe déjà cité, le juge Judson rendant jugement en son nom et aux noms des juges Taschereau et Cartwright et de lui-même, faisait remarquer au sujet de cette affaire, après avoir conclu que la négligence contribu- tive avait été établie, que dans un tel cas, «abstraction faite du texte législatif, cette action serait rejetée.» La négligence contributive ayant été plaidée et établie, comme dans l'af- faire présente, la demanderesse n'est pas recevable puis- qu'elle ne peut prouver que la défenderesse a causé le dommage: T.T.C. c. Le Roi ([19491 R.C.S. 510, la page 515) et, comme le fait remarquer par la suite le juge Judson, la Loi sur la marine marchande du Canada incorporant The Maritime Conventions Act de 1911, ne s'applique pas à une collision entre un navire et une structure terrestre, en l'es- pèce un petit rocher au fond du port. Dans l'affaire Gart- land, les parties étaient d'une part la Reine et de l'autre la
compagnie de navigation, et, on décida à juste titre que la Couronne, en tant que demanderesse, avait le droit d'invo- quer les dispositions de la Negligence Act de l'Ontario. Dans les circonstances de l'espèce, cependant, et dans une action aucune des trois parties ne représente la Couronne, on ne peut, à mon avis, avoir recours aux dispositions de cette loi, même si un tel recours était utile et justifié. Jusqu'à mainte- nant, le Parlement n'a pas jugé utile d'élargir la portée des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada relatives aux abordages entre navires pour englober d'autres incidents de navigation maritime. Il me semble donc qu'en raison de la négligence contributive de la demanderesse en l'espèce, qui, à mon avis, lie aussi la demanderesse, Parrish & Heimbecker Limited du moins en ce qui concerne les défendeurs, lesdites demanderesses n'ont droit à aucun redressement à l'encontre de la compagnie d'élévateurs, défenderesse. [Le souligné est de moi.]
A mon avis, les dommages subis résultent essentiellement de manoeuvres négligentes des officiers du Hiro Maru et je fixe donc la respon- sabilité des défendeurs pour les dommages subis par la demanderesse à 80%. La Commission demanderesse a fait preuve de négligence en ce qui concerne l'entretien du bassin, comme je l'ai déjà indiqué, et je fixe sa responsabilité à 20% des dommages subis par les défendeurs. Mal- heureusement, pour les motifs énoncés dans l'arrêt The Algoma Central and Hudson Bay Railway Company, la Johnston Terminals Limi ted, demanderesse, ne peut bénéficier des dispo sitions de la Contributory Negligence Act de la Colombie-Britannique et son action est donc rejetée avec dépens. La détermination du mon- tant des dommages-intérêts, compte tenu du partage des responsabilités, fera l'objet d'un renvoi en vertu de la Règle 500 des Règles de la Cour. La Commission demanderesse et les défendeurs auront droit à leurs dépens taxés de cette jonction d'actions ainsi que de la détermi- nation du montant des dommages-intérêts, dans la proportion de leur responsabilité respective. L'avocat des demanderesses rédigera le juge- ment et présentera une requête pour que ce jugement soit dûment prononcé.
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