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Berryland Canning Company Ltd. (Demande- resse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance (T-1472-71), le juge Heald—Ottawa, les 10, 11, 12, 13, 14 et 17 décembre 1973; le 2 janvier 1974.
Droit constitutionnel—Aliments et drogues—Falsification par l'utilisation de cyclamates—La Loi et les Règlements sont-ils intra vires—S'agit-il de l'exercice des pouvoirs en matière de droit criminel—Dommages subis par la fabrique de conserves en raison du défaut de signification—Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, c. F-27, articles 4d) et 25(1)a)—Règlements des aliments et drogues, C.P. 1970-645 et 1970-1314.
L'article 4 de la Loi des aliments et drogues interdit la vente d'aliments présentant certaines caractéristiques et l'alinéa d) interdit la vente d'aliments falsifiés. L'article 26 prévoit les peines encourues en cas de violation de ces dispositions. Il est manifeste que l'un des buts essentiels de la Loi est l'intérêt public—la protection de la santé des Canadiens—et on peut justifier cette législation comme étant en rapport avec le droit criminel. Les Règlements établis en vertu de l'article 25(1)a), relatifs à l'interdiction d'utiliser des cyclamates sont intra vires du Parlement du Canada et relèvent de sa compétence législative en matière de droit criminel. Arrêt suivi: Standard Sausage Co. c. Lee [1933] 4 D.L.R. 501 et [1934] 1 D.L.R. 706.
L'addition de cyclamates à des fruits en conserve consti- tue une «falsification» des fruits, au sens de la Loi des aliments et drogues, et, vu l'article relatif à l'établissement de règlements et vu le règlement attaqué, le gouverneur en conseil avait le pouvoir de définir le mot «falsifié» aux fins de la Loi. Arrêts suivis: Le sous-ministre du Revenu national c. Saint John Shipbuilding and Dry Dock Co. [1966] R.C.S. 196; M.R.N. c. Creative Shoes [1972] C.F. 993.
Les fonctionnaires de la Direction des aliments et drogues ont agi en tout temps de manière responsable et raisonnable; rien ne vient prouver l'existence, dans leurs actions, de quoi que ce soit de trompeur ou de négligent. Les allégations de la demanderesse quant à l'aspect intempestif des actions de la Direction des aliments et drogues sont rejetées.
ACTION. AVOCATS:
G. Henderson, c.r. et G. Fisk pour la demanderesse.
I. G. Whitehall et P. Betournay pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Gowling et Henderson, Ottawa, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
LE JUGE HEALD—La demanderesse, compa- gnie privée dûment constituée en 1961 en vertu des lois de la Colombie-Britannique, exploite son entreprise à Maple Ridge (Colombie-Britan- nique). Son activité consiste à mettre en con serve des fruits provenant principalement de la Colombie-Britannique et à les vendre dans tout le Canada.
La compagnie demanderesse a entre vingt et vingt-cinq employés permanents, chiffre qui monte à quelque deux ou trois cents pendant la saison de la mise en conserve. Depuis le début des années 50, on utilise comme agent édulco- rant synthétique dans la mise en conserve de fruits de régime des cyclamates, c'est-à-dire les sels de l'acide cyclohexylsulfamique. Aupara- vant les fruits de régime étaient mis en conserve selon un procédé n'utilisant que de l'eau, sans agent édulcorant. Le goût des aliments mis en conserve de cette façon n'était pas très agréable et le marché a considérablement augmenté quand l'industrie a découvert qu'il était possible d'utiliser des agents édulcorants synthétiques. Le marché comprend les diabétiques, astreints à un régime limitant sévèrement la consommation du sucre, et également ceux qui cherchent à maigrir en suivant un régime hypocalorique. Au Canada, depuis le début des années 50, le marché des aliments de régime édulcorés aux cyclamates a pris une extension considérable. Pendant les deux premières années d'exploita- tion, la demanderesse faisait seulement des con serves de fruits avec du sucre. Cependant, en 1963, la demanderesse a commencé à fabriquer des conserves de fruits édulcorés aux cyclama- tes faisant ainsi son entrée sur le marché cana- dien des aliments de régime. En 1969, la pro duction annuelle de la demanderesse oscillait entre 35,000 et 40,000 caisses de fruits de régime en conserve. Le président de la compa- gnie demanderesse, William S. Deacon, a déposé qu'en 1969, ce secteur de l'entreprise avait rapporté à peu près un cinquième du béné- fice annuel total de la compagnie.
Au cours d'une année normale, dans le cas de la demanderesse, la saison de mise en conserve
des fruits de régime débute à peu près le 15 juin avec la récolte des fraises et se termine à peu près le 15 octobre avec les poires Bartlett. En 1969, avant le 21 octobre de cette année-là, la compagnie avait achevé la mise en conserve de son stock entier d'aliments de régime pour 1970.
Le 21 octobre 1969, le ministre de la Santé et du Bien-être social annonça dans un communi- qué de presse (pièce P-1) que son ministère avait décidé de mettre fin à l'utilisation des sels de l'acide cyclohexylsulfamique en tant qu'a- gent édulcorant synthétique dans certains ali- ments. Suite à cet avis, on a donné une large publicité à cette nouvelle politique en distri- buant de nombreuses lettres de renseignements aux industries alimentaires canadiennes.
Dans sa pétition de droit, la demanderesse soutient que le Ministère a agi avec négligence en prenant ladite décision et en la rendant publi- que. Elle soutient en effet que le Ministère a agi de manière précipitée, sans procéder à une enquête indépendante sur les faits relatifs aux prétendus dangers imputables à l'utilisation des cyclamates en tant qu'agent édulcorant synthéti- que dans les aliments. La demanderesse prétend en outre que la décision a été annoncée sans que l'industrie n'en soit avisée à l'avance. La demanderesse fait également valoir qu'en consé- quence directe de ladite décision et de la manière dont elle a été annoncée, elle n'a pas pu vendre ses conserves de fruits de régime par la voie normale et qu'elle a finalement les écou- ler avec une perte considérable. Elle prétend dans sa pétition de droit que l'article 4d) de la Loi des aliments et drogues ainsi que les règle- ments prétendument adoptés en vertu de ladite loi pour interdire l'utilisation des cyclamates sont ultra vires. A titre de redressement, la demanderesse réclame que l'article 4d) de la Loi des aliments et drogues soit déclaré ultra vires du Parlement du Canada, que les règlements en question, promulgués en vertu de C.P. 1970-645 et 1970-1314, soient déclarés ultra vires du gou- verneur en conseil et de nul effet, qu'il lui soit versé des dommages-intérêts en réparation des pertes subies et qui sont directement imputables aux actes du Ministre et du ministère de la Santé et du Bien-être social.
Examinons en premier l'argument relatif à l'inconstitutionnalité de l'article 4 de la Loi des aliments et drogues. Je n'ai aucune peine à con- clure que l'article 4d) de la Loi des aliments et drogues est intra vires du Parlement du Canada. Voici le texte dudit article 4:
4. Nul ne doit vendre un aliment
a) qui contient ou porte une substance toxique ou
délétère;
6) qui est impropre à la consommation humaine;
c) qui consiste, en tout ou en partie, en quelque substance ordurière, putride, dégoûtante, pourrie, décomposée, ou provenant d'animaux malades ou de végétaux malsains;
d) qui est falsifié; ou
e) qui a été fabriqué, préparé, conservé, empaqueté ou entreposé dans des conditions non hygiéniques.
Si l'on considère l'économie et le but de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, c. F-27, il apparaît clairement que les dispositions de ladite loi ont notamment pour but de protéger les Canadiens d'éléments dangereux pour la santé qu'on pourrait trouver dans des aliments, des drogues, des cosmétiques et des instruments tels que définis dans la Loi. Dans l'affaire Standard Sausage Co. c. Lee [1933] 4 D.L.R. 501 et [1934] 1 D.L.R. 706, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a été appelée à exami ner la constitutionnalité de la Loi de 1927 rem- placée depuis par l'actuelle Loi des aliments et drogues. Dans cet arrêt, il a été décidé que la Loi visait principalement la protection du public contre la falsification des aliments, et la répres- sion de la fraude, en ce qu'elle a de criminel, dans la distribution des produits alimentaires. En conséquence, la Cour a jugé que les disposi tions attaquées étaient intra vires du Parlement du Canada vu sa compétence législative en matière de droit criminel. La Cour a aussi décidé que le fait que des sanctions soient impo sées dans le cas de falsification inoffensive n'est pas pertinent. A la page 505 de cet arrêt, le juge d'appel Macdonald déclarait:
[TRADUCTION] Ces considérations portent à conclure qu'une fois admis que le domaine de la falsification des aliments relève de la compétence législative du Parlement du Dominion sous la rubrique «loi criminelle», il s'ensuit néces- sairement que le Parlement a compétence pour définir de manière précise les ingrédients que l'on peut ou non utiliser. Il ne s'agira pas moins d'un crime parce qu'on peut démon- trer scientifiquement que certains des ingrédients interdits n'auront aucun effet nocif s'ils sont utilisés dans des propor tions appropriées.
Il ressort clairement d'une comparaison de la Loi de 1927 et de la présente loi que, si certai- nes dispositions ont été ajoutées et d'autres modifiées, les buts principaux de la Loi n'ont pas changé au cours des années. Ainsi le raison- nement adopté dans l'arrêt Standard Sausage (précité) s'applique aussi à la présente affaire.
Dans le Renvoi sur la validité de l'article 5a) de la Loi de l'industrie laitière [1949] R.C.S. 1 à la p. 50, le juge Rand donne une bonne descrip tion du pouvoir qu'a le Parlement du Canada de légiférer en matière de droit criminel:
[TRADUCTION] L'interdiction est-elle alors décrétée dans un but d'intérêt public ce qui peut la justifier comme étant en rapport avec le droit criminel? La paix publique, l'ordre, la sécurité, la santé, la moralité; voilà les buts ordinaires, mais non exclusifs, de ce droit ... [Les italiques sont de moi].
Un des arrêts qui ont fixé la jurisprudence à l'égard de l'utilisation par le Parlement de son pouvoir législatif en matière de droit criminel est l'arrêt Le procureur général de la Colombie- Britannique c. Le procureur général du Canada [1937] A.C. 368 à la p. 375. Dans cet arrêt, Lord Atkin, au nom de la Cour, a décidé que le seul critère permettant de distinguer le «mal», c'est l'intention du Parlement de prohiber, dans l'intérêt public, l'acte ou l'omission décrété cri- minel. A la page 375 de la décision, Lord Atkin déclare:
[TRADUCTION] La seule limitation aux pouvoirs pléniers du Dominion dans la détermination de ce qui sera criminel ou non c'est que le Parlement ne doit pas, sous couvert de légiférer réellement et essentiellement en matière criminelle, légiférer sur toute catégorie de sujets énumérés à l'art. 92. Le fait que cette législation y porte atteinte en fait ne constitue pas une objection. Si l'on tente réellement de modifier le droit criminel, les droits civils préexistants pour- ront évidemment être affectés.
Dans la présente affaire, l'article 4 interdit la vente d'aliments possédant certaines particulari- tés. L'alinéa d) de cet article interdit la vente d'aliments falsifiés. L'article 26 de la Loi inflige des amendes ou l'emprisonnement, ou les deux, en cas de violation de l'article 4 ou de toute autre disposition de la Loi. Il semble évident que la Loi des aliments et drogues, y compris son article 4, a été adoptée «dans un but d'inté- rêt public», à savoir, la protection de la santé de tous les Canadiens, et on peut justifier cette
législation comme étant en rapport avec le droit criminel. Je suis d'autant plus convaincu que le Parlement a considéré qu'en adoptant cette loi, il exerçait ses pouvoirs en matière de droit criminel, que les dispositions de l'article 29 de la Loi' exigent l'intention délictueuse pour pouvoir intenter des poursuites judiciaires pour violation de l'article 4.
L'avocat de la défenderesse a également fait valoir que l'on pouvait soutenir que l'article attaqué relevait de la compétence législative du Parlement du Canada en vertu de l'article 91(2) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, c'est-à-dire, de «La réglementation du trafic et du commerce». A l'appui de cette thèse, l'avocat a cité la décision récente qu'au nom de la Cour d'appel fédérale, le juge en chef Jackett a rendu dans l'affaire MacDonald c. Vapor Canada Limited [1972] C.F. 1156 la p. 1171):
Pour résumer mon analyse de cette jurisprudence, on peut dire que sont exclues, prima fade, du domaine de la «Régle- mentation du trafic et du commerce» accordé au Parlement par l'article 91(2)
a) la réglementation du commerce local de produits ou de catégories de produits donnés à l'intérieur- d'une province,
b) la réglementation des contrats d'un commerce local dans une province, et
c) la réglementation des relations employeur-employé dans le cadre du commerce local à l'intérieur d'une province
Il semblerait d'autre part que la compétence laissée au Parlement en matière de réglementation du commerce (outre
' 29. (1) Subordonnément au paragraphe (2), dans une poursuite couvrant la vente d'un article en contravention à la présente loi ou aux règlements, si l'accusé prouve à la satisfaction de la cour ou du juge
a) qu'il a acheté l'article d'une autre personne sous forme de paquet et l'a vendu dans le même paquet et dans le même état l'article se trouvait au moment il l'a acheté, et
b) qu'il ne pouvait pas, avec une diligence raisonnable, s'assurer que la vente de l'article violerait la présente loi ou les règlements,
l'accusé doit être acquitté.
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à une poursuite à moins que l'accusé, au moins dix jours avant la date fixée pour le procès, n'ait donné au poursuivant avis par écrit qu'il entend se prévaloir des dispositions du paragraphe (1) et n'ait révélé au poursuivant le nom et l'adresse de la per- sonne de qui il a acheté l'article, ainsi que la date de l'achat.
le commerce international et interprovincial), à titre de réglementation générale de l'ensemble du commerce ou de réglementation du trafic et du commerce au niveau national, comprend
a) la création d'une marque nationale à utiliser en matière commerciale pour indiquer les normes, ainsi que le con- trôle et l'utilisation de cette marque,
b) un système de marques de commerce,
c) un système de crédit à utiliser au lieu du crédit bancaire,
d) les normes auxquelles doivent se conformer les pro- duits, et
e) les données statistiques.
Il me semble possible de soutenir à bon droit que l'article 4 fixe effectivement «les normes» applicables aux aliments qui peuvent être vendus au Canada et qu'ainsi, il relève effecti- vement de la compétence du gouvernement fédéral en matière de réglementation du trafic et du commerce. Toutefois, comme j'ai par ailleurs conclu que l'article attaqué relève de la compé- tence du Parlement du Canada en matière de droit criminel, il est inutile de déterminer si ce texte est valide en vertu de l'article 91(2) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
En second lieu, la demanderesse attaque la validité de certains règlements adoptés par le gouverneur en conseil en vertu des pouvoirs que lui confère la Loi des aliments et drogues. C'est l'article 25 de la Loi qui traite du pouvoir de réglementation et voici le passage pertinent:
25. (1) Le gouverneur en conseil peut établir des règle- ments pour l'exécution des objets et l'application effective des dispositions de la présente loi. En particulier, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, il peut établir des règlements
a) pour déclarer qu'un aliment ou qu'une drogue, ou qu'une catégorie d'aliments ou de drogues est falsifiée, si quelque substance ou une espèce de substances prescrite s'y trouve, y a été ajoutée ou en a été extraite, ou y manque;
Le premier règlement pertinent fut promulgué le 23 septembre 1964 [DORS/64-366] et en voici un extrait:
B.01.046. Un aliment est falsifié s'il contient ou si on y a ajouté l'une des substances ou catégories de substances suivantes:
c) Des agents édulcorants synthétiques autres que la sac charine ou l'acide cyclohexylsulfamique ou leurs sels;
Ce règlement a eu pour effet d'autoriser l'utili- sation, dans les aliments, de cyclamates en tant qu'agent édulcorants synthétiques.
Le 14 avril 1970, en vertu du décret C.P. 1970-645, [DORS/70-152] le règlement B.01.046A est venu modifier le règlement B.01.046 (précité) de la manière suivante:
B.01.046A. Nonobstant les dispositions de l'alinéa c) de l'article B.01.046
a) les breuvages, les mélanges et bases à breuvages devant être ajoutés à un liquide, et
b) les pâtes de fruits à tartiner, les puddings, les produits de boulangeries, les desserts congelés et autres, les confi- series, les sirops de table, les assaisonnements et les garnitures,
seront considérés comme falsifiés s'ils contiennent de l'acide cyclohexylsulfamique ou l'un de ses sels.
Le 22 juillet 1970, en vertu du décret C.P. 1970-1314 [DORS/70-332], la liste de modifica tions 129 a de nouveau modifié les règle- ments en vigueur. Voici un extrait de cette liste:
LISTE DE MODIFICATIONS 129
2. L'alinéa c) de l'article B.01.046 desdits règlements est abrogé et remplacé par le suivant:
«c) des agents édulcorants synthétiques autres que la saccharine et ses sels;»
3. L'article B.01.046A desdits règlements est abrogé.
4. Lesdits règlements sont en outre modifiés par l'adjonc- tion, immédiatement après l'article B.01.046A, de l'article suivant:
«B.01.046B. Nonobstant l'alinéa c) de l'article B.01.046, les fruits en conserve diététiques préparés ou importés au Canada, le jour ou après le joûr d'entrée en vigueur de cet article sont considérés comme étant falsifiés s'ils contien- nent de l'acide cyclohexylsulfamique ou l'un de ses sels.»
7. Les articles 1 à 3 entreront en vigueur le 1°r septembre 1970.
Il ressort des textes précités que ce n'est pas le décret C.P. 1970-645 qu'il convient de consi- dérer vu les faits de l'espèce, car la demande- resse ne s'occupe ni de la fabrication ni de la vente d'un des aliments de régime mentionnés dans ledit décret. Le décret se rapportant aux faits du litige est le décret C.P. 1970-1314 (pré- cité) dans la mesure il y a trait aux fruits en conserve diététiques, objet de l'entreprise de la compagnie demanderesse.
L'article 2 de la liste de modifications 129 modifie la définition des aliments falsifiés afin
d'y inclure les cyclamates et, en vertu de l'arti- cle 7 de ladite liste de modifications, l'article 2 entrait en vigueur le 1 e1 septembre 1970.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de la demande- resse a attaché beaucoup d'importance au fait qu'à l'article 25(1)a) de la Loi, on trouve le mot «déclarer», alors que, dans certains passages des deux décrets attaqués, on trouve le mot «considérer». Il soutient que le mot «considé- rés» a un sens beaucoup plus large que «décla- rer», que «déclarer» exclut tout ce qui n'est pas une déclaration de fait alors que le mot «consi- dérer», utilisé dans ce contexte, est suffisam- ment large pour comprendre quelque chose que l'on considère falsifiée alors qu'en fait, elle ne l'est pas. Il fait donc valoir que, vu les faits de l'espèce, étant donné qu'on n'a pas rapporté la preuve de la falsification réellement imputable aux cyclamates, le pouvoir de «déclarer» que contient l'article 25(1)a), n'est pas suffisamment large pour couvrir les dispositions des règle- ments attaqués en vertu desquelles on a «consi- déré» que les cyclamates entraînaient falsifica tion.
En ce qui concerne cet argument, je tiens en premier lieu à faire remarquer que, nulle part dans les extraits des règlements pertinents en l'espèce, on ne trouve le mot «considérer».
Le décret attaqué, C.P. 1970-645, emploie le mot «considérer», mais, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, ledit décret n'est pas appli cable en l'espèce. De même, le mot «considé- rer» se trouve dans le décret C.P. 1970-1314, mais pas, comme nous l'avons déjà fait remar- quer, dans la partie de ce texte applicable en l'espèce. L'article qui s'applique ici est l'article original B.01.046 (du 23 septembre 1964), modifié par l'article 2 de la liste de modification 129 (du 22 juillet 1970). Ainsi, aux fins du présent litige, voici le texte qu'il convient de retenir:
B.01.046. Un aliment est falsifié s'il contient ou si on y a ajouté l'une des substances ou catégories de substances suivantes:
c) des agents édulcorants synthétiques autres que la sac charine et ses sels.
Comme on peut donc le constater, le mot «considérer» ne se trouve pas dans cette partie des Règlements ayant trait au présent litige.
Au vu de cette conclusion, il n'est peut-être pas nécessaire de décider si le mot «déclarer» que l'on trouve à l'article 25(1)a) a un sens suffisamment large pour comprendre le mot «considérer» que l'on trouve dans certaines par ties des Règlements censés adoptés en vertu de ce texte. Je n'hésite cependant pas à dire que le mot «déclarer», à l'article 25(1)a), a un sens suffisamment large pour comprendre le mot «considérer».
Une des définitions du mot «considérer» que donne le Shorter Oxford English Dictionary est la suivante: [TRADUCTION] «juger, indiquer, dire, déclarer» (les italiques sont de moi). Cela semble indiquer que, du moins dans certains contextes, les mots «considérer» et «déclarer» sont interchangeables. D'après Roget's Thesau rus, le mot «déclarer» serait synonyme des mots «proclamer» et «décréter» et, dans ce contexte, ce mot semblerait être synonyme de «considé- rer», étant donné que l'article 25(1)a) autorise le gouverneur en conseil à «décréter», «déclarer» ou «considérer» une substance donnée comme falsifiée, compte tenu des buts de la Loi et de l'obligation d'en assurer la bonne exécution. Nous nous trouvons en présence d'une loi qui vise à protéger la santé de la population des dangers ou des risques de danger que pourrait présenter l'addition de substances aux aliments ou aux drogues. Le Parlement avait clairement l'intention de déléguer au gouverneur en conseil le pouvoir de «considérer» ou «déclarer» de quelles substances il s'agit.
L'avocat de la demanderesse fait également tourner l'attaque de la validité desdits règle- ments autour du sens du mot «falsifier», ainsi qu'on l'utilise aux articles 4d) et 25(1)a) de la Loi des aliments et drogues. Il fait valoir que, vu la preuve soumise en l'espèce, personne n'a démontré scientifiquement que les cyclamates sont une cause de cancer ou qu'ils présentent un quelconque danger pour les êtres humains. En se fondant sur la définition que le dictionnaire donne du mot «falsifier», à savoir [TRADUC- TION] «altérer ou frelater en ajoutant des élé- ments étrangers ou impropres» (voir: The Living
Webster-16), il soutient que la «falsification» interdite à l'article 4 est une question de fait et que les Règlements établis en vertu de l'article 25 se limitent à ces substances dont on a effecti- vement prouvé le caractère nocif et délétère. Dans la mesure l'on n'a en aucune façon démontré en l'espèce que l'utilisation des cycla- mates présente des dangers pour les êtres humains, tout règlement qui «considère» que les cyclamates sont des substances provoquant une falsification, est ultra vires des pouvoirs confé- rés au gouverneur en conseil par l'article 25.
En toute déférence, je ne saurais souscrire à un tel argument. Le juge en chef Cockburn a décidé dans l'arrêt Francis c. Maas (1877-78) 3 Q.B.D. 341 que «falsification» veut dire addi tion de quelque substance étrangère. Il me semble que l'expression «substance étrangère» est suffisamment large pour comprendre toute substance que l'on ne s'attendrait normalement pas à trouver dans un aliment. Dans le contexte de la présente affaire, on peut considérer à juste titre les agents édulcorants synthétiques comme une «substance étrangère», car dans une boîte de pêches, par exemple, on ne s'attend pas normalement à trouver un agent édulcorant pro- duit par synthèse chimique. A mon avis, on, ne peut pas limiter le mot «falsifier» à ces seules substances dont la nocivité a été prouvée. J'es- time que le sens ordinaire du mot est assez large pour englober toutes substances étrangères, délétères ou autres. Ainsi, je pense que l'addi- tion de cyclamates à des fruits en conserve a pour effet de «falsifier» les fruits au sens de la Loi des aliments et drogues.
J'estime en outre qu'un examen approprié de cette question exige qu'on lise en corrélation les Règlements attaqués et l'article 25 de la Loi qui prévoit l'adoption des Règlements d'application. La Cour suprême a eu à connaître d'une pareille situation dans l'affaire Le sous-ministre du Revenu national c. Saint John Shipbuilding and Dry Dock Co. [1966] R.C.S. 196 aux pp. 202 et 204. Dans cette affaire, la Loi (l'article 6(10) du Tarif des douanes) mentionnait des «quantités importantes de marchandises appartenant à une classe ou à une espèce fabriquée ou produite au Canada» et autorisait le gouverneur en conseil à définir par Règlements ce qui constitue «des
quantités importantes». En vertu de ce pouvoir, le gouverneur en conseil adopta un règlement définissant cette expression comme étant la quantité suffisant à couvrir 10% de la consom- mation canadienne normale de cet article. Le juge Cartwright (alors jugé puîné) déclara à la page 204 du jugement que l'article 6(10) de la Loi avait pour effet d'autoriser le gouverneur en conseil à définir l'expression «quantités impor- tantes» figurant dans ce texte. Le savant juge procéda ensuite à la lecture conjointe du para- graphe de la Loi et des Règlements et examina alors l'effet combiné des deux. Une telle inter- prétation me paraît juste et il me semble que c'est de cette manière qu'il convient de procéder en l'espèce. La loi en cause vise la protection de la santé publique par le contrôle des substances pouvant être ajoutées aux aliments et drogues. La Loi délègue au gouverneur en conseil le pouvoir d'établir des règlements conformes à ce but général. Ainsi, le sens du mot «falsifier», tel qu'il est utilisé à l'article 4 de la Loi et ailleurs, est celui que lui donne le gouverneur en conseil. Il s'ensuit donc que le gouverneur en conseil n'a pas excédé sa compétence quand il a défini le mot «falsifier» aux fins de la Loi des aliments et drogues.
En donnant au mot «falsifier» le sens que lui attribue la demanderesse, on imposerait au gou- verneur en conseil d'agir de manière judiciaire ou quasi judiciaire, c'est-à-dire qu'avant de déclarer une substance falsifiée, l'Exécutif serait tenu de constater le caractère délétère ou non d'une substance donnée pour les humains. Ce n'est pas de cette manière que j'interprète l'article 25. Ledit article confère au gouverneur en conseil le pouvoir de déclarer, ce qui semble être une formule appropriée pour conférer le pouvoir de légiférer «pour l'exécution des objets et l'application effective des dispositions de la présente loi». (Dans le même sens voir: M.R.N. c. Creative Shoes [1972] C.F. 993 à la p. 1000.) Je ne peux imaginer que le Parlement ait voulu restreindre l'action de l'Exécutif au point de ne lui laisser, dans la mise en application de la Loi, que le pouvoir d'interdire les substances dont on a souligné la nocivité pour les êtres humains. Il existe bon nombre de cas les conclusions ne sont pas définitives et les résultats ne sont pas concluants. J'ai la convie-
tion que l'article 25(1)a) englobe cette catégorie et autorise le gouverneur en conseil à interdire dans l'intérêt public les substances qui en font partie.
J'en conclus donc que les Règlements atta- qués sont intra vires du gouverneur en conseil.
Enfin, la demanderesse a soutenu qu'en l'ab- sence de bonne foi et en cas d'illégalité savoir, des Règlements ou des articles de loi reconnus ultra vires), étant donné que l'autorité investie d'un pouvoir réglementaire a certaines obligations envers les administrés, il y a eu un manquement à ces obligations, ce qui relève de la catégorie générale de la négligence; ainsi, toute personne qui, comme la demanderesse, a subi un dommage à la suite de cette négligence, a droit à une indemnité.
Pour les motifs susmentionnés, j'ai rejeté l'ar- gument de la demanderesse quant à l'illégalité. Toutefois, même si, aux fins de la discussion, on suppose que lesdits règlements étaient ultra vires, ce fait établi ne donnerait pas en soi à la demanderesse le droit à des dommages-intérêts. Dans l'affaire Welbridge Holdings Ltd. c. The Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg [1971] R.C.S. 957, la demanderesse avait pris à bail certains terrains dans la ville de Winnipeg, dans l'intention d'y construire un immeuble d'appartements élevé, en se fondant sur la vali- dité d'un règlement modifiant le zonage qui fut en fin de compte déclaré invalide par la Cour suprême du Canada (affaire Wiswell). Elle avait obtenu un permis de construire, elle avait conclu un contrat de construction et la construc tion avait déjà débuté. Quand le juge de pre- mière instance dans l'affaire Wiswell déclara le règlement municipal invalide, le permis de cons- truire fut révoqué ce qui arrêta la construction de l'immeuble. La demanderesse, invoquant la négligence, réclama des dommages-intérêts.
Le juge Laskin, prononçant la décision de la Cour, a procédé à une analyse des fonctions de la municipalité défenderesse. Il y souligne qu'il s'agit d'une municipalité ayant des pouvoirs dont certains sont législatifs, d'autres quasi judi- ciaires et d'autres administratifs ou ministériels ou de gestion. Aux pp. 968 et 969, il déclare:
La défenderesse est une municipalité ayant des fonctions diverses, certaines législatives, certaines qui comportent aussi un élément quasi judiciaire (comme on l'a statué dans l'affaire Wiswell) et certaines administratives ou ministériel- les, auxquelles la désignation de pouvoirs relatifs aux affai- res convient peut-être mieux. En exerçant ces derniers, la défenderesse peut sans aucun doute (sous réserve des condi tions imposées par la loi) encourir une responsabilité con- tractuelle ou délictuelle, y compris une responsabilité pour négligence. Par conséquent, il peut y avoir une responsabi- lité individuelle pour négligence dans l'exercice des pouvoirs relatifs aux affaires, qui n'existe pas lorsque la défenderesse agit en qualité de législateur ou remplit un devoir quasi judiciaire.
Son caractère public, mettant en jeu sa responsabilité politique et sociale envers tous ceux qui vivent ou travaillent dans les limites de son territoire, la distingue, même dans l'exercice d'une fonction quasi judiciaire, d'organismes créés bénévolement ou par la loi, tels les syndicats ou associations professionnelles qui peuvent avoir des obliga tions quasi judiciaires et contractuelles dans leurs rapports avec leurs membres: cf. Abbott c. Sullivan ([1952] 1 All E.R. 226); Orchard c. Tunney ([1957] R.C.S. 436). Au niveau qu'on pourrait appeler celui des opérations, une municipalité n'est pas la même qu'au niveau législatif ou quasi judiciaire od elle exerce un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi. Elle peut alors (tout comme une législa- ture provinciale ou le Parlement du Canada) excéder ses pouvoirs, ainsi que le penserait finalement un tribunal, bien qu'elle ait suivi le conseil d'avocats. Dans ces circonstances, il serait inconcevable qu'on puisse dire qu'elle a une obliga tion de diligence qui entraîne sa responsabilité pour domma- ges si elle y manque. «L'invalidité n'est pas le critère de la faute et ne devrait pas être le critère de la responsabilité» [TRADUCTION]: voir Davis, 3 Administrative Law Treatise, 1958, p. 487.
Je considère que cette décision répond parfai- tement à l'argument de la demanderesse selon lequel même si l'illégalité est établie, cela n'en- traîne pas l'obligation de verser des dommages-intérêts.
Examinons maintenant la question de la bonne foi. Au vu de l'ensemble de preuve qui m'a été soumise, je suis convaincu que les fonc- tionnaires de la Direction des aliments et dro- gues ont agi en tout temps de manière responsa- ble et raisonnable. Rien ne vient prouver l'existence, dans leurs actions, de quoi que ce soit de faux, de trompeur ou de négligent.
Le docteur Ross Chapman, directeur général de la Direction des aliments et drogues pendant toute l'époque en question, a fait à l'audience une déposition très approfondie. Il a expliqué que, l'une des responsabilités de la Direction des aliments et drogues était de mettre en appli-
cation la Loi des aliments et drogues et, dans le cadre de ses fonctions, de faire des recomman- dations au ministre responsable, le ministre de la Santé et du Bien-être social quand, à leurs avis, il fallait modifier les Règlements établis en vertu de la Loi des aliments et drogues.
Un laboratoire de recherche est rattaché à la Direction des aliments et drogues; il poursuit des recherches afin de permettre à la Direction de mettre la Loi des aliments et drogues en application. En outre, était adjoint à la Direction un groupe consultatif qui avait pour fonction d'évaluer les divers renseignements relatifs aux additifs alimentaires. Ces deux organismes dépouillaient constamment les documents et les informations très abondants dans ce domaine. Le docteur Chapman a estimé qu'en 1969, il existait probablement plusieurs milliers de mémoires et d'études sur les cyclamates en tant qu'additif alimentaire et que la Direction ne cessait d'étudier ces documents et d'en évaluer le contenu.
J'ai entendu des dépositions détaillées sur un certain nombre d'études et d'expériences menées sur des rats et des souris afin de déter- miner les effets des cyclamates sur eux. On peut résumer l'opinion qui a généralement prévalu jusqu'en 1968, en disant que la recherche et les expériences n'avaient pas établi de rapport entre l'ingestion de cyclamates et le carcinome (cancer).
La situation a cependant commencé à évoluer en 1968 et en 1969. Le 12 octobre 1968, on publia les résultats d'une étude menée par B. Oser, S. Carson, E. Wagin et R. Saunders d'après laquelle on observait la conversion du cyclamate en acide cyclamique (H.C.A.) après l'injection de cyclamates dans des rats. C'est à peu près à la même époque que deux savants japonais, S. Kojima et H. Ichibagase, ont rap porté que les humains transformaient par méta- bolisme les cyclamates en acide cyclamique. Le docteur Chapman a expliqué que l'ensemble des résultats de ces études a poussé la Direction à réexaminer sa position sur les cyclamates car l'H.C.A. est un amine et qu'il a été prouvé qu'un certain nombre d'amines sont de puissants agents cancérigènes. Puis, au début de l'année 1969, la Direction a appris que les docteurs
Bryan et Erturk de l'Université du Wisconsin s'étaient livrés à une expérience au cours de laquelle ils ont implanté du cyclamate de sodium de manière chirurgicale dans la vessie de souris. Des expériences répétées ont montré que le nombre de carcinomes de la vessie était sensi- blement plus élevé chez les souris ayant reçu du cyclamate de sodium que chez celles qui n'en avaient pas reçu. Ainsi, avant le 18 octobre 1969, le point de vue officiel de la Direction des aliments et drogues était que, d'après l'ensemble des renseignements scientifiques dont elle dis- posait alors, les cyclamates ne présentaient aucun danger pour la santé quand ils étaient utilisés dans des quantités normales ou raison- nables. Cependant, les expériences menées en 1968 et en 1969, que nous venons de relater, commencèrent à éveiller quelque peu la méfiance de la Direction quand à l'utilisation de cyclamates comme additifs alimentaires et la Direction suivait l'évolution de la situation de très près. Le docteur Chapman a témoigné que la Direction avait avisé l'industrie de ses inquié- tudes et lui a annoncé qu'elle examinait très soigneusement la situation. La Direction suivait les niveaux de consommation, les genres et le nombre des aliments auxquels on ajoutait des cyclamates.
Les 18, 19 et 20 octobre 1969, le docteur Chapman a assisté à Washington (D.C.) à une conférence de la Maison Blanche sur la sécurité alimentaire. A cette conférence, il a pris con- naissance d'une étude menée par le docteur Bernard Oser, chercheur réputé et directeur des U.S. Food and Drug Research Laboratories à Maspeth (New York). Il discuta des résultats de cette étude avec le docteur Oser. L'étude (pièce P7-A) montrait que, sur une période de deux ans, l'ingestion de fortes doses de cyclamates produisait chez les rats, utilisés dans l'expé- rience, un carcinome de la vessie urinaire. Le docteur Chapman jugea que l'expérience du docteur Oser avait une lourde influence sur la détermination du danger que pouvait comporter l'addition de cyclamates aux aliments. Il s'est tout de suite mis en contact avec ses collègues de la Direction à Ottawa et deux des chercheurs de la Direction se sont rendus, le 20 octobre 1969, à Chicago afin d'examiner les lames et autres matériaux scientifiques utilisés dans l'ex-
périence Oser, dans le but de contrôler les résul- tats de l'expérience. Dans la matinée du 21 octobre 1969, le docteur Chapman a réuni à Ottawa les hauts fonctionnaires et chercheurs de la Direction, y compris les deux chercheurs qui, la veille, s'étaient rendus à Chicago. A la suite de cette réunion et après avoir examiné à fond les résultats de l'expérience menée par le docteur Oser, la Direction recommanda au ministre de la Santé et du Bien-être social d'in- terdire l'utilisation des cyclamates, ce qui fut fait par la conférence de presse du Ministre et le communiqué de presse du 21 octobre 1969 (pièce P-1). Ledit communiqué de presse annon- çait qu'il serait mis fin à l'utilisation des cycla- mates selon un calendrier donné, commençant par les boissons gazeuses diététiques et les mélanges, le 30 novembre 1969, pour finir avec les fruits en conserve diététiques le 1°I septem- bre 1970. Les motifs des différentes dates d'in- terdiction pour les divers produits sont expli- qués en détail dans la pièce P-1 et je ne veux pas les répéter ici. Il suffit de dire qu'en toute déférence, je considère que la pièce P-1 repré- sente une décision logique et prudente vu l'évo- lution des données scientifiques telle que nous l'avons décrite. Il n'est pas sans importance de rappeler que, le 18 octobre 1969, on a annoncé l'interdiction d'utiliser les cyclamates dans les aliments aux États-Unis. Le docteur Chapman a déclaré par ailleurs qu'au mois de décembre 1969, la Direction a pris connaissance d'une autre expérience utilisant des rats selon laquelle des doses de cyclamates plus faibles que celles utilisées dans l'expérience du docteur Oser ont provoqué des carcinomes dans les vessies. Le docteur Chapman déclara que les résultats de cette expérience n'ont fait que confirmer la sagesse de leur décision antérieure.
C'est sans doute le dernier alinéa du commu- niqué de presse (pièce P-1) qui résume le mieux la position du ministère. Voici ce que dit ce texte:
[TRADUCTION] Il est donc évident que les cyclamates pré- sentent un danger assez minime pour les êtres humains. Cependant, comme je l'ai dit, nous allons interdire l'utilisa- tion des cyclamates, car j'estime qu'il est essentiel de pour- suivre une politique visant à assurer la meilleure protection possible de la santé des Canadiens.
Compte tenu de l'ensemble de la preuve sou- mise, je suis convaincu que les fonctionnaires de la Direction des aliments et drogues ont agi de manière prudente, prompte et raisonnable dans l'intérêt public. Vu les circonstances pré- sentes, s'ils avaient agi autrement, ils auraient pu très bien s'exposer à une accusation de négli- gence ou de manquement à leurs obligations. En plus du Canada et des États-Unis, quelque trente autres pays ont également annoncé l'in- terdiction des cyclamates en tant qu'additif ali- mentaire. Par conséquent, je n'hésite pas à reje- ter les allégations de la demanderesse soulevant l'aspect intempestif des actions de la Direction des aliments et drogues.
Pour ces motifs, l'action de la demanderesse est rejetée avec dépens.
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