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T-2054-71
Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft, vormals Meister Lucius & Bruning (Demanderesse)
c.
Halocarbon (Ontario) Limited, et Halocarbon Products Corporation (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Collier— Toronto, les 13 au 16, 20, 21 novembre 1973; Ottawa, le 27 mai 1974.
Brevets—Contrefaçon—L'action contre la compagnie canadienne important et utilisant de l'isohalothane est accueillie—L'action contre les compagnies canadienne et américaine, relativement à la production d'halothane par la compagnie canadienne est rejetée—Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 36(1) et 58.
La demanderesse, une compagnie allemande, détentrice d'un brevet canadien, a intenté une action en contrefaçon de deux procédés de fabrication contre une compagnie cana- dienne (la première défenderesse) et une compagnie améri- caine (la seconde défenderesse).
Arrêt: en ce qui concerne l'isohalothane (revendication 10 du brevet): la demanderesse a gain de cause contre la défenderesse canadienne dans l'action en contrefaçon de cette revendication. Les défenderesses admettent que si le procédé utilisé aux États-Unis pour produire de l'isohalo- thane l'était au Canada aux mêmes fins, il y aurait contrefa- çon de la revendication en cause. La défenderesse cana- dienne est responsable puisqu'elle a importé au Canada et y a utilisé un produit fabriqué ailleurs, mais selon un procédé constituant une contrefaçon des brevets de la demanderesse. Cette défenderesse n'a pas réussi à s'acquitter de la charge de la preuve que, selon la prépondérance des probabilités, la divulgation de techniques et expériences antérieures justi- fiait sa défense fondée sur le défaut de nouveauté ou antériorité, ou que la technique antérieure justifiait sa défense fondée sur le caractère manifeste ou le défaut d'invention; elle n'a pas su démontrer non plus qu'elle bénéfi- ciait de l'immunité prévue à l'article 58 de la Loi sur les brevets. Mais, en ce qui concerne la défenderesse améri- caine, la demanderesse n'a pas su démontrer que cette compagnie était à l'origine, directement ou par ses ordres, de l'acte dommageable commis par la défenderesse canadienne.
Arrêt: en ce qui concerne l'halothane (revendication 2 du brevet): l'action fondée sur cette revendication doit être rejetée puisque l'invention décrite dans cette revendication, compte tenu des publications antérieures, manquait d'ingé- niosité inventive.
Re le brevet relatif à l'isohalothane:
Arrêts suivis: Union Carbide Ltd. c. Trans-Canadian Feeds Ltd. [1966] R.C.É. 884; Société des Usines Chi- miques Rhone-Poulenc c. Jules R. Gilbert Limited
(1967) 35 Fox Pat. C. 174, confirmé [1968] R.C.S. 950; Lovell Manufacturing Co. c. Beatty Bros. Ltd. (1964) 41 C.P.R. 18; Peterson Electronic Die Co. Inc. c. Pias- tiseal Inc. (arrêt non publié, A-273-72). Arrêts appli-
qués: Picard c. United Aircraft (1942) 53 U.S.P.Q. 563; Burns & Russell of Canada c. Day & Campbell Ltd. [1966] R.C.É. 673. Arrêts examinés: Re Alsop's Patent (1907) 24 R.P.C. 733; Johns -Manville Corporation's Patent [1967] R.P.C. 479; British Thomson-Houston Company Ltd. c. Sterling Accessories Ltd. (1924) 41 R.P.C. 311; Performing Right Society c. Ciryl Theatrical Syndicate [1924] 1 K.B. 1; Libbey-Owens-Ford Glass Co. c. Ford Motor Co. of Canada Ltd. [1969] 1. R.C.É. 529, confirmé [1970] R.C.S. 833.
Re le brevet relatif à l'halothane:
Arrêts examinés: Appliance Service Co. Ltd. c. Sarco Canada Limited (arrêt non publié, T-339-71); Ernest Scragg & Sons Limited c. Leeson Corporation [1964] R.C.É. 649; Hewlett-Packard (Canada) Ltd. c. Burton Parsons Chemicals, Inc. [1973] C.F. 405.
ACTION.
AVOCATS: 1
H. Lorne Morphy et David Rogers, c.r., pour la demanderesse.
Donald F. Sim, c.r., et Roger T. Hughes pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Tory, Tory, DesLauriers & Binnington, Toronto, pour la demanderesse.
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour la demanderesse.
Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour les défenderesses.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE COLLIER: Il s'agit d'une action en contrefaçon de deux brevets de procédés de fabrication. La demanderesse est une compa- gnie allemande et détient le brevet canadien. Le brevet 692,039 (ci-après appelé «039» ou «le brevet relatif à l'isohalothane») fut délivré le 4 août 1964. La date de la délivrance de l'autre brevet, le brevet 652,239 (ci-après appelé «239» ou «le brevet relatif à l'halothane») est sans importance.
Dans ses plaidoiries, la demanderesse prétend qu'il y a eu contrefaçon des revendications 1 à 12 du 039. Au procès, elle s'en est tenue à la revendication 10. Toujours dans ses plaidoiries, la demanderesse prétend qu'il y a eu contrefa- çon des revendications 1 à 3 du 239. Lors du procès, elle s'en est tenue à la revendication 2.
La déclaration mentionne la contrefaçon d'un troisième brevet, le brevet 650,600. Cette partie de l'action fit l'objet d'un désistement ou aban don à l'ouverture du procès.
La compagnie défenderesse, Halocarbon (Ontario) Limited (ci-après appelée «la compa- gnie canadienne») est sise en Ontario et fut «créée», si l'on en croit la preuve, le 8 juillet 1969. L 'autre défenderesse, la Halocarbon Products Corporation (ci-après appelée la «com- pagnie américaine») est une compagnie améri- caine exploitant son entreprise dans l'État du New Jersey.
Je vais examiner chaque brevet ainsi que les prétentions dont ils ont respectivement fait l'objet.
Brevet 692 ,039—isohalothane
L'invention revendiquée en l'espèce consiste, si je comprends bien, dans un procédé permet- tant de produire de l'isohalothane en faisant réagir en phase liquide un «monomère» avec du bromure d'hydrogène. La réaction se produit dans des conditions favorables à la formation de radicaux. Je reprends les mots de Sim comme description fidèle de la revendication 10:
[TRADUCTION] Un procédé de fabrication d'isohalothane par la réaction d'un monomère en phase liquide, et dans des conditions favorables à la formation de radicaux, avec du bromure d'hydrogène, suivie de l'isolation de l'isohalothane obtenu.
La compagnie américaine produit de l'isohalo- thane selon ce procédé, dans le New Jersey. Elle fournit à la compagnie canadienne de l'iso- halothane ainsi fabriqué; pour reprendre les termes employés lors du procès, on peut dire à l'inverse que la compagnie canadienne importe de l'isohalothane au Canada. La compagnie canadienne utilise alors de l'isohalothane («pro- duit d'addition») pour fabriquer de l'halothane dans son usine ontarienne. Elle commercialise alors son produit—l'halothane. Sans qu'il s'agisse à proprement parler d'une filiale de la compagnie américaine, cette dernière dirige les activités et procédés de fabrication de la compa- gnie canadienne et lui donne aussi des instruc tions et des données expérimentales à cet égard. Selon la preuve soumise, les deux défenderesses
sont sous le contrôle d'une autre compagnie américaine, la Halocarbon Laboratories Incor porated (interrogatoire de Ferstandig, 11 avril 1972, questions 17 à 21).
Avant décembre 1962, la compagnie améri- caine défenderesse fabriquait de l'isohalothane en phase gazeuse. En décembre 1962, elle com- mença à utiliser un procédé de fabrication en phase liquide. La compagnie canadienne ne commença à produire de l'halothane, en utilisant l'isohalothane importé, qu'en octobre 1970.
Les défenderesses ont admis que, si le pro- cédé utilisé aux États-Unis pour la fabrication de l'isohalothane l'était au Canada aux mêmes fins, il y aurait alors contrefaçon de la revendication 10.
La demanderesse affirme que la compagnie canadienne défenderesse est passible de pour- suites puisqu'elle importe au Canada et y utilise un produit fabriqué à l'étranger selon un pro- cédé de fabrication qui constitue une contrefa- çon de son brevet. Elle s'appuie sur l'arrêt Union Carbide Canada Ltd. c. Trans-Canadian Feeds Ltd. [1966] R.C.É. 884 et Société des Usines chimiques Rhone-Poulenc c. Jules R. Gil- bert Limited (1967) 35 Fox Pat. C. 174'. Dans l'arrêt Union Carbide, le président, maintenant juge en chef, déclarait aux pages 888 à 890:
[TRADUCTION] Je vais d'abord traiter du point de droit suivant: l'importation au Canada, l'utilisation ou la vente de marchandises fabriquées hors du Canada selon un procédé de fabrication qui fait l'objet d'un brevet canadien consti- tuent-elles une contrefaçon de ce brevet?
... dans l'arrêt The Auer Incandescent Light Manufacturing Company c. O'Brien ((1897) 5 R.C.É. 243), le juge Burbidge examinait une demande d'injonction fondée sur un brevet de fabrication dans laquelle certaines des contrefaçons allé- guées se rapportaient à l'importation et à la vente de mar- chandises alors que d'autres se rapportaient à la fabrication (voir les pages 262 et 263) et, après avoir entendu les plaidoiries sur ce point, il appliqua (p. 292) les deux arrêts anglais que j'ai mentionnés et décida que des articles, fabri- qués dans un pays étranger selon un procédé pour lequel un brevet a été délivré en vertu de la Loi canadienne, ne pouvaient être importés pour être utilisés ou vendus au Canada sans qu'il y ait violation du monopole d'exploitation canadien.
' Cette décision fut confirmée [1968] R.C.S. 950, mais ce point particulier n'a pas été discuté.
Je ne néglige pas le fait que la doctrine de stare decisis ne s'applique pas de la même manière dans cette cour, qui a compétence dans la province de Québec ainsi que dans les provinces de common law, que dans un tribunal de common law; à mon avis néanmoins lorsque cette cour a tranché une question après l'avoir discutée, il est dans l'intérêt de la bonne administration de la justice que cette décision soit suivie lorsque la même question est à nouveau soulevée devant cette cour, en l'absence de circonstances particuliè- res dont je ne suis pas disposé, pour le moment, à définir la nature. Je devrais aussi ajouter que pour autant que je sache, il n'existe aucune différence pertinente entre la légis- lation canadienne considérée dans l'affaire Auer Incandes cent Light et la législation actuelle.
Bien que la question, comme je l'envisage, puisse donner lieu à un nouvel examen par la Cour suprême du Canada, je compte, eu égard aux opinions déjà émises, suivre la déci- sion rendue par le juge Burbidge en 1897 aussi longtemps que cette jurisprudence ne sera pas modifiée par une déci- sion de la Cour suprême du Canada. En adoptant cette position, je ne souhaite pas que l'on considère que j'exprime une opinion sur la procédure à suivre lorsqu'un problème semblable se pose devant la présente cour à un moment elle est constituée de façon différente.
Me Hughes m'a demandé d'établir une distinc tion, pour un certain nombre de raisons, entre l'affaire présente et l'arrêt Union Carbide ainsi que les arrêts mentionnés par le président Jac- kett. Je ne vois aucun motif raisonnable pour le faire. Je reprends les commentaires du juge Thurlow dans l'affaire Rhone-Poulenc, aux pages 221 et 222:
[TRADUCTION] On a fréquemment soulevé devant la pré- sente cour (cette) question ... et la prétention des défen- deurs n'a pas été acceptée dans bon nombre de cas, dont le dernier a été un jugement du président de cette cour dans l'affaire Union Carbide Canada Limited c. Trans-Canadian Feeds Limited et autres le principe ainsi que la jurispru dence sur la question ont été discutés. En l'absence de toute formulation d'opinion à l'effet contraire par la Cour suprême, je considère en tout état de cause cette question comme réglée devant la présente Cour et je rends mon jugement à l'encontre de la prétention des défendeurs.
La défense a cependant soulevé d'autres moyens relativement à la validité de la revendi- cation 10: a) le défaut de nouveauté, ou antério- rité; b) le caractère manifeste appelé parfois défaut d'invention ou d'objet.
a) Défaut de nouveauté ou antériorité. Les principes généraux à ce sujet ont été énoncés à plusieurs reprises, bien qu'en des termes diffé-
rents 2 . Je ne veux pas imposer aux parties à l'action de longues répétitions. Tout comme leurs avocats, elles sont au fait de ces principes. La preuve soumise dans cette action à l'appui de la défense consiste dans un article publié en 1954 dans une revue scientifique. Dans la preuve, les deux parties ont mentionné cet arti cle sous le nom de «Haszeldine», qui était l'un des expérimentateurs et auteurs. Haszeldine décrivait un procédé expérimental dans lequel il faisait réagir un monomère avec du bromure d'hydrogène et l'exposait à la lumière ultravio- lette (page 3750 de la revue). Les parties ne contestent pas le fait que l'exposition à la lumière ultraviolette constitue, pour une réac- tion chimique, ce que l'on appelle «des condi tions favorables à la formation de radicaux». La controverse à cet égard réside dans la question de savoir si la réaction dans le procédé utilisé par Haszeldine se produisait en phase gazeuse ou en phase liquide. Haszeldine ne mentionne expressément aucune des deux. Le détenteur du brevet présume que ladite réaction se produisait en phase gazeuse. La description du brevet, se référant ouvertement à Haszeldine, indique: [TRADUCTION] «En outre on sait faire réagir des fluoroéthylènes avec du bromure d'hydrogène en zone gazeuse sous irridiation ultraviolette». L'opinion du détenteur du brevet n'est cepen- dant pas probante. Un autre auteur et expéri- mentateur, mentionné dans la preuve sous le nom de Hudlicky, présumait aussi à mon avis que la réaction se produisait en phase gazeuse. Son ouvrage datant de 1964 est postérieur à la date de priorité revendiquée ici et ne fait donc pas partie de la technique antérieure que l'on invoque à l'appui de l'allégation d'antériorité et de caractère manifeste. Cependant il peut être utile de déterminer en quoi consistent les révéla- tions de Haszeldine.
Schmutzler, expert appelé à témoigner au nom de la demanderesse, et Wright, expert appelé à témoigner au nom des défenderesses, ont tous les deux donné leur point de vue sur les révélations d'Haszeldine, et leur opinion sur la
Voir Blanco White, Patents for Inventions (3° éd. 1962) pp. 98 à 102; Fox, Canadian Patent Law and Practice (4* éd. 1969) pp. 71 et 72, 101 et 102, 124, 126 à 130; Lovell Manufacturing Co. c. Beatty Bros. Ltd. (1964) 41 C.P.R. 18 aux pp. 43 à 48 (le président Thorson).
question de savoir si la réaction dans ledit pro- cédé se produisait en phase liquide ou en phase gazeuse. Bien que ces opinions soient admissi- bles et doivent être prises en considération, c'est à la Cour qu'il appartient de déterminer en quoi consistent les révélations de Haszeldine.
Schmutzler pense que la réaction se produi- sait en phase gazeuse, mais déclare qu'Haszel- dine reste ambigu sur ce point. Wright est, d'avis contraire. A mon avis, Wright a été influencé dans une large mesure par le fait qu'il a procédé lui-même à des expériences qui, selon lui, repro- duisaient celles de Haszeldine et par le fait qu'il avait produit de l'isohalothane en faisant réagir le monomère et le bromure d'hydrogène en phase liquide. La preuve indique que Wright n'a pas reproduit absolument exactement l'expé- rience d'Haszeldine et qu'il a faire un certain nombre d'hypothèses et procéder à des substitu tions. J'estime donc que sa conclusion ou son opinion sur cet aspect de l'affaire ne peut être admise en preuve.
Ce problème particulier pourrait être résolu en se fondant sur le fait évident qu'Haszeldine n'a jamais indiqué précisément s'il s'agissait de la phase gazeuse ou de la phase liquide et en appliquant alors les règles relatives à la prépon- dérance des éléments de preuve. Il incombe aux défenderesses d'établir, en se fondant sur la prépondérance des probabilités, qu'Haszeldine décrit en fait l'invention de la demanderesse; vu la preuve soumise à la Cour, on en est réduit aux conjectures pour déterminer s'il s'agissait de la phase liquide ou de la phase gazeuse; aucune prépondérance des probabilités n'a été établie à cet égard. Il me faut cependant aller plus loin. Je suis convaincu, vu la preuve sou- mise par Schmutzler à ce sujet, qu'Haszeldine avait probablement procédé à son expérience en phase gazeuse. Le moyen de défense fondé sur l'antériorité échoue donc.
b) Caractère manifeste ou défaut d'invention. Les avocats m'ont présenté de longs exposés énonçant les principes généraux à appliquer à ce moyen de défense et je leur sais gré de l'avoir fait. Je ne me propose pas d'analyser à fond la
jurisprudence'. Dans l'affaire Peterson Electron ic Die Co. Inc. c. Plastiseal Inc. (arrêt rendu le 29 mars 1974, non publié, A-273-72); le juge en chef Jackett déclarait:
de vais d'abord examiner la question de l'objet ou «inven- tion». Ces deux termes, «objet» et «invention», s'emploient tous deux par référence à un attribut essentiel du caractère brevetable qui n'est pas exprimé dans la définition de la Loi et qui est tout à fait distinct de la nouveauté ou de l'utilité. Avant qu'on puisse breveter un procédé, un produit ou une machine, sa conception ou mise au point doit comporter un «degré d'ingéniosité» qui a échappé jusqu'alors à toute définition précise. On peut cependant dire sans crainte que ce «degré d'ingéniosité» n'existe pas lorsque ce qui est revendiqué comme étant une «invention» aurait été évident pour un homme du métier ou une autre personne du même genre ayant l'avantage de connaître tout ce qui était connu dans ce «domaine» particulier.
Le juge en chef faisait remarquer que «le degré d'ingéniosité» avait échappé jusqu'ici à «toute définition précise». Je suis reconnaissant à Me Sim d'avoir mentionné l'opinion concur- rente du juge Frank de la Cour d'appel, deuxième circuit, dans l'arrêt Picard c. United Aircraft (1942) 53 U.S.P.Q. 563. Dans l'affaire présente, on invoque l'état de la technique et l'on demande à la Cour de conclure qu'il n'y a eu aucune «invention» dans l'exécution du pro- cédé de fabrication d'isohalothane en phase liquide, et que ce procédé aurait semblé évident à une personne ordinairement compétente en la matière, à l'époque en cause. Le juge Frank a illustré beaucoup mieux que je ne pourrais le faire, les difficultés auxquelles se heurte généra- lement un tribunal lorsqu'on lui soumet un tel problème (pp. 568 et 569):
[TRADUCTION] L'homme de la rue (ou du métro) penserait sans doute, avec le juge de première instance, que le brevet de Schink constitue une invention. Au tout début, j'étais très enclin à partager cette opinion.
Le terme «invention», en ce qui concerne les brevets, a toujours été difficile à définir. Les tentatives de description du concept par des mots sont tout autant vouées à l'échec que celles de définition verbale du concept du «beau». On ne peut s'empêcher de penser à propos des discussions entourant le terme «invention» à la réflexion de Kipling «c'est beau, mais est-ce l'Art?» et à l'aphorisme selon lequel les débats en matière de goût n'ont aucun sens: Anatole
3 La question est examinée dans son ensemble dans l'ou- vrage de Blanco White, Patents for Inventions (3' éd. 1962) aux pages 120 à 135, et celui de Fox Canadian Patent Law and Practice (4' éd. 1969) aux pages 60 à 70 et aux pages 98 à 99.
France définissait la critique littéraire comme le récit par le critique des aventures de son âme au milieu des chefs-d'oeu- vre. A l'observateur ordinaire, les décisions judiciaires en matière de brevets apparaissent comme le récit par les juges des aventures de leur âme parmi les inventions. Décider si une chose est une invention ou pas relève du jugement de valeur. Il en est de même pour d'autres décisions judiciaires dans d'autres domaines du droit, mais l'Hinvention» s'avère un critère particulièrement insaisissable.
L'état de la technique invoquée par les défen- deresses est la suivante, si j'utilise les descrip tions abrégées données lors du procès: Haszel- dine (précité); L'antériorité russe (pièce 23, p. 9); Walling (pièce 23, p. 28); et Waters (pièce 23,p. 127).
Pour paraphraser ce que l'on appelle la «ques- tion Cripps» 4 , aurait-il semblé, à toutes fins utiles, évident à un chimiste compétent, consi- dérant l'état de la chimie à la date de l'invention, c'est-à-dire la documentation disponible à l'épo- que et l'état de ses connaissances profession- nelles générales, en particulier dans la chimie du fluor, qu'il pouvait réussir à produire de l'isoha- lothane en phase liquide (en supposant qu'il utilise le même monomère et du bromure d'hy- drogène)? Vu la documentation sur l'état de la technique soumise en preuve, les commentaires des experts à ce sujet et les analyses fort utiles qu'en ont fait les avocats, j'ai conclu qu'il fallait répondre à cette question par la négative.
Comme je l'ai signalé plus tôt, je suis con- vaincu que le procédé de fabrication Haszeldine provoquait la réaction en phase gazeuse et rien dans la documentation sur l'état de la technique ne pouvait permettre à un chimiste compétent d'affirmer raisonnablement qu'il était évident que ce procédé pouvait également entraîner la réaction en phase liquide. L'expérience russe, telle que je la comprends, concernait l'addition de bromure d'hydrogène à des halo-alcènes, par voie photochimique. En fait les expérimenta-
4 Les tribunaux anglais ont approuvé l'énoncé de la ques tion mais les auteurs indiquent qu'il ne s'applique pas néces- sairement à tous les cas et que la forme de la question doit parfois être modifiée dans des cas individuels: Blanco White, Patents for Inventions (3° éd. 1962) aux pages 126 et 127. Fox, Canadian Patent Law and Practice (4° éd. 1969) aux pp. 71 et 73. Terrell, Law of Patents (12' éd. 1971) paragraphes 307 et 308, aux pp. 125 et 126. Voir aussi les commentaires du juge Gibson aux pp. 681 et 682 de l'arrêt Burns & Russell of Canada Ltd. c. Day & Campbell Ltd. [1966] R.C.É. 673.
teurs russes ne produisaient pas de l'isohalo- thane, mais un produit apparenté. J'accepte et adopte l'opinion exprimée par Schmutzler (Wright n'ayant fait à ce sujet que la brève déclaration à la page 14, du paragraphe 2 de son affidavit sur l'expérience russe) selon laquelle le procédé russe était différent, et selon laquelle, bien que se produisant en phase liquide, les résultats s'étaient avérés assez peu satisfaisants et n'auraient probablement pas encouragé un chimiste compétent à essayer de mettre en œuvre en phase liquide le procédé de fabrication d'isohalothane par réaction selon la méthode d'Haszeldine. C'est à la page 294 de son ouvrage, dans un chapitre intitulé «The Radical Addition of Hydrogen Bromide to Olefins» qu'apparaît la déclaration de Walling invoquée à cet égard. A mon avis, il ne s'agit que d'une généralité, à savoir que les réactions peuvent être provoquées aussi ` bien en phase liquide qu'en phase gazeuse. L'auteur ne traite pas spé- cifiquement dans ce passage des composés du fluor. Schmutzler affirme que de nombreuses réactions peuvent se produire dans une phase ou dans l'autre, mais pas nécessairement dans les deux, et son opinion sur ce point n'a pas été contredite.
Me Sim a longuement discuté avec Schmutz- ler, étudiant et défendant l'hypothèse selon laquelle une personne compétente pouvait esti- mer que l'utilisation du procédé en phase liquide «méritait un essai» 5 . Il est facile de dire a poste- riori, avec l'avantage du recul, qu'une expé- rience dans des circonstances telles qu'on les suppose ici, lorsque le temps et les dépenses sont illimités, vaut ou valait la peine d'être tentée. A mon avis, si l'on considère l'état de la technique comme une sorte de mosaïque, il n'était pas évident, à toutes fins utiles, à la date de l'invention (le 15 juillet 1961), qu'une per- sonne compétente en la matière pourrait réussir à produire de l'isohalothane en phase liquide. Ce moyen de défense doit donc être rejeté.
Les défenderesses ont invoqué un autre moyen de défense, mais, avant de l'examiner, je vais me pencher sur la théorie soutenue jus- qu'ici par la demanderesse. J'ai déjà rejeté les
Voir les arrêts: Re Alsop's Patent (1907) 24 R.P.C. 733; Johns -Manville Corporation's Patent [1967] R.P.C. 479.
différentes contestations portant sur la validité de la revendication 10. Je souscris à la préten- tion selon laquelle l'importation au Canada et l'utilisation par la compagnie canadienne défen-
deresse de l'isohalothane (sous réserve de ce que j'appellerai la défense fondée sur l'article 58 que j'examinerai sous peu) constituent une contrefaçon dont la compagnie canadienne défenderesse est responsable. La demanderesse affirme que la compagnie canadienne défende- resse a été constituée et mise en exploitation par la compagnie américaine défenderesse; son per sonnel dirigeant, qui fixe les lignes de conduite et surveille ses activités, appartient au personnel dirigeant de la compagnie américaine défende- resse. La demanderesse affirme en outre que la compagnie canadienne a fait importer l'isohalo- thane et que, dans toutes ses actions, y compris l'acte constitutif de contrefaçon en l'espèce, elle a suivi les directives de la compagnie américaine défenderesse qui la contrôle. La demanderesse affirme que le principe de droit énoncé dans l'affaire British Thomson-Houston Company Ltd. c. Sterling Accessories Ltd. (1924) 41 R.P.C. 311, aux pp. 317 et 318, s'applique ici: 6
[TRADUCTION] Je suis conscient du fait que lorsqu'on cherche à établir la responsabilité délictuelle du défendeur, il faut établir qu'il est lui-même l'auteur de délit ou qu'il est l'employeur ou le commettant de l'auteur en ce qui concerne l'acte dont on se plaint ou, tout du moins, qu'il est la personne sur les instructions de laquelle le délit a été commis.
La chambre des Lords a également clarifié cette question dans l'arrêt Rainham Chemical Works c. Belvedere Fish Guano Co., (L.R. [1921] 2 A.C. 465 à la p. 475), Lord Buckmaster, critiquant l'opinion de l'un des juges de la Cour d'instance inférieure, selon laquelle il était possible de déchi- rer le voile de la compagnie, énonce le droit comme suit: «Il arrive assez fréquemment dans le cadre de procédures judi- ciaires que les parties, découvrant qu'elles ont comme débi- teur une compagnie à responsabilité limitée dont tout le capital versé est sous forme d'actions entièrement libérées et qui n'a pas de fonds de roulement, suggèrent que la compagnie n'est rien d'autre qu'un double des personnes qui l'ont constituée en corporation et qui la contrôlent en fait. Mais justement, les lois sur les compagnies prévoient expressément qu'on peut substituer la responsabilité limitée d'une compagnie à la responsabilité illimitée d'un particulier,
6 Voir aussi l'arrêt Performing Right Society c. Ciryl Theatrical Syndicate [1924] 1 K.B. 1. Le juge Atkin men- tionna l'affaire Rainham et affirma qu'à son avis, des ins tructions données implicitement ou expressément par des dirigeants entraînaient leur responsabilité.
dans le but d'encourager l'entreprise et l'initiative. Par con- séquent, on ne peut pas refuser de tenir compte d'une compagnie dûment constituée en corporation au motif que c'est une façade, bien qu'on puisse prouver que, dans le cadre de ses opérations, elle n'agit pas pour son propre compte comme une unité commerciale indépendante, mais simplement au nom et pour le compte de personnes qui l'ont créée. Dans l'affaire Salomon c. Salomon & Co. (L.R. [1897] A.C. 22), les parties qui cherchaient à ne pas tenir compte de l'existence de la compagnie en se fondant sur ces motifs, n'ont pas su établir ce fait et en conséquence ont échoué dans leur action; les intimées affirment par contre qu'en l'espèce la situation est très simple. Il semble que le lord juge Scrutton l'ait considéré ainsi. Le maître des Roles estima que le même résultat pouvait être atteint en considé- rant que la compagnie était en fait sous le contrôle de MM. Feldman et Partridge, seuls dirigeants effectifs, et le lord juge Atkin conclut de la même manière en faisant une analogie avec des arrêts tels que Penny c. Wimbledon Urban District Council. Je ne peux accepter aucune de ces opi nions. Si la compagnie fonctionnait vraiment indépendam- ment et à son propre compte, le fait qu'elle ait été gérée par MM. Feldman et Partridge ne rendrait pas ces derniers responsables de ses actes délictuels à moins qu'il s'agisse bien sûr d'actes expressément ordonnés par eux. Si une compagnie est créée dans le but exprès de commettre un acte délictuel ou si, une fois créée, les dirigeants ordonnent expressément que soit commis cet acte délictuel, les indivi- dus sont responsables au même titre que la compagnie des conséquences de cet acte, mais la preuve soumise en l'es- pèce ne permet aucunement d'établir leur responsabilité sous l'un ou l'autre de ces chefs."
En l'espèce, nous n'avons pas à considérer la question de la responsabilité des dirigeants pour l'acte constitutif de contrefaçon d'une compa- gnie, mais la question de la responsabilité d'une compagnie pour les actes constitutifs de contre- façon d'une autre compagnie. Je ne vois pas pourquoi il y aurait des différences de principe, mais je peux concevoir de nombreuses difficul- tés en ce qui concerne la preuve. Je n'examine- rai pas, pour le moment, la question du redres- sement pouvant être obtenu le cas échéant à l'encontre d'un défendeur étranger. Je suis d'avis qu'en l'espèce, la demanderesse n'a pas établi que la compagnie américaine défende- resse est en fait celle qui, aux fins de cet argu ment, est à l'origine de l'acte dommageable' ou
7 J'utilise cette expression qui inclut aussi la contrefaçon en matière de brevets. La question de la responsabilité du dirigeant a souvent été discutée dans les affaires de brevets. Il semble qu'on n'ait jamais souligné dans ces affaires que les droits protégeant un demandeur contre la contrefaçon, du moins aujourd'hui, découlent de la législation et pas nécessairement de la théorie classique relative aux actes délictuels. L'avocat des défenderesses n'a aucunement sug- géré une telle distinction.
a ordonné qu'il soit commis. D'après la preuve, la compagnie canadienne a acheté l'isohalothane à la compagnie américaine. Il est certain que le personnel de la compagnie américaine exerce un contrôle total sur les procédés de fabrication de l'halothane par la compagnie canadienne. La preuve ne vas pas jusqu'à démontrer cependant que la compagnie américaine défenderesse exerce un contrôle tel qu'il entraîne sa respon- sabilité juridique comme on le prétend en l'es- pèce. Je cite un passage de l'interrogatoire préa- lable de Ferstandig:
[TRADUCTION] 14.
Q. Je remarque aussi que vous résidez dans le New Jersey; combien de temps passez-vous ordinairement à l'usine de la compagnie défenderesse qui, semble-t-il, se trouve dans la région de Toronto?
R. En termes de pourcentage, assez peu de temps en fait; mais je suis en contact téléphonique direct avec eux.
15.
Q. Combien de temps passez-vous en personne à l'usine de Toronto?
R. Je m'y rends une fois par mois, une fois tous les deux mois, disons un jour par mois.
16.
Q. Quel autre emploi occupez-vous hormis celui de direc- teur technique de la compagnie défenderesse?
R. Je travaille aussi pour la Halocarbon Products Corporation.
17.
Q. S'agit-il de la compagnie-mère de la compagnie défenderesse?
SIM: Oui.
LE TÉMOIN: Non. Il y a en fait plusieurs compagnies en cause et je suis employé par la Halocarbon Products et ses filiales.
18.
Q. MORPHY: Vous êtes employé par la Halocarbon Products Corporation et ses filiales?
R. Oui.
19.
Q. La compagnie défenderesse vous verse-t-elle un salaire?
R. Pas directement.
20.
Q. Vous occupez cependant le poste de directeur technique?
R. En effet.
Me MORPHY: Me Sim, la compagnie défenderesse accepte- t-elle d'être liée par les réponses de ce témoin?
M e SIM: Elle accepte qu'il soit interrogé à titre de dirigeant de la compagnie avec toutes les conséquences qui en résulteraient s'il s'agissait d'un dirigeant.
21.
Q. Me MORPHY: Maintenant, quels sont les liens entre la compagnie défenderesse et la Halocarbon Products Corporation?
Me SIM: Nous pouvons dire qu'elles sont apparentées et qu'elles sont toutes deux contrôlées par la même compagnie.
M e MORPHY: De quelle compagnie s'agit-il?
M e HUGHES: La Halocarbon Laboratories Incorporated.
M e MORPHY: Il s'agit donc de la Halocarbon Laboratories Incorporated? Elle a été constituée en vertu de quelle législation?
M e HUGHES: Il s'agit d'une compagnie new-yorkaise.
Me MORPHY: Est-ce une compagnie publique?
M e HUGHES: NOn.
Me MORPHY: La compagnie défenderesse est-elle une filiale
en propriété exclusive de la compagnie new-yorkaise? Me sIM: Excepté les actions d'éligibilité aux postes d'admi-
nistrateurs, oui.
M e MORPHY: Et la Halocarbon Products Corporation est- elle une filiale en propriété exclusive si l'on excepte les actions d'éligibilité aux postes d'administrateurs, de la compagnie new-yorkaise?
Me sIM: Je ne vois pas quel rapport cette question peut avoir avec le litige entre les présentes parties; voulez- vous vraiment une réponse à cette question?
Me MORPHY: Oui.
Me SIM: Bien, je vais donc demander au témoin de ne pas répondre.
M e MORPHY: Est-ce à dire que nous renonçons à une décision sur ce point?
Me SIM: Il n'existe pas de telle procédure à la Cour fédérale.
—Discussion ne figurant pas au procès-ver bal.
M e MORPHY: Conseillez-vous à votre témoin de ne pas répondre?
Me SIM: Oui.
Voilà en quoi consiste le témoignage présenté à la Cour sur cet aspect de l'affaire. A mon avis, il ne suffit pas pour attribuer la responsabilité de la contrefaçon commise par la compagnie canadienne à la compagnie américaine.
Les défenderesses prétendent qu'elles rélè- vent de toute façon de l'article 58 de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4. L'article 58 se lit comme suit:
58. Toute personne qui, avant la délivrance d'un brevet, a acheté, exécuté ou acquis une invention pour laquelle un brevet est subséquemment obtenu sous l'autorité de la pré- sente loi, a le droit d'utiliser et de vendre à d'autres l'article, la machine, l'objet manufacturé ou la composition de matiè- res, spécifique, breveté et ainsi acheté, exécuté ou acquis avant la délivrance du brevet s'y rapportant, sans encourir de ce chef aucune responsabilité envers le breveté ou ses représentants légaux; mais à l'égard des tiers le brevet ne doit pas être considéré comme invalide du fait de cet achat, de cette exécution ou acquisition ou utilisation de l'invention par la personne en premier lieu mentionnée ou par des personnes auxquelles elle l'a vendue, à moins que cette invention n'ait été achetée, exécutée, acquise ou utilisée durant une période de plus de deux ans avant la demande d'un brevet couvrant cette invention, en conséquence de quoi l'invention est devenue publique et disponible pour les usages publics.
Voici ce que les défenderesses déclarent (au paragraphe 8 de leur défense modifiée):
[TRADUCTION] 8. Subsidiairement au paragraphe 7 ci-des- sus, si le procédé de fabrication de l'isohalothane utilisé par la Halocarbon Products Corporation, défenderesse, relève. des droits exclusifs accordés à la demanderesse par les revendications 1 à 12 inclusivement en vertu des lettres patentes canadiennes 692,039, ce qu'elle n'admet pas mais au contraire conteste, ce procédé de fabrication a donc été acquis par ladite défenderesse avant la délivrance dudit brevet, et, en vertu des dispositions de l'article 58 de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, ladite défenderesse a le droit d'utiliser ledit procédé et de vendre l'isohalothane ainsi fabriqué à d'autres afin qu'ils l'utilisent, y compris la Halo - carbon (Ontario) Limited, défenderesse, sans que ni l'une ni l'autre de ces défenderesses ne puisse en être tenue respon- sable envers la demanderesse. En particulier, depuis le 17 décembre 1962 ou vers cette date et continuellement depuis lors, la Halocarbon Products Corporation, défenderesse, a fabriqué de l'isohalothane en utilisant ce procédé dans ses usines sises à Hackensack (New Jersey) É.U.
Il faut rappeler que la compagnie américaine défenderesse utilise depuis décembre 196'2, aux États-Unis, un procédé de fabrication de l'isoha-
lothane qui, s'il avait été utilisé au Canada, aurait constitué une contrefaçon de la revendi- cation 10 du brevet délivré le 4 août 196'4. La compagnie canadienne défenderesse ne com- mença l'importation et l'utilisation de l'isohalo- thane produit par la compagnie américaine qu'en octobre 1970.
Je vais résumer la théorie des défenderesses en ce qui concerne l'article 58: l'article s'appli-
que à un procédé et aux produits fabriqués selon ce procédé; la défenderesse américaine avait acheté, exécuté ou acquis ce procédé avant la délivrance du brevet à la compagnie demanderesse au Canada; la compagnie améri- caine défenderesse a donc le droit, en vertu de l'article 58, de vendre ses produits au Canada sans encourir de ce fait de responsabilité envers la demanderesse, pour contrefaçon; la protec tion accordée par l'article 58 est applicable en fait en dehors des frontières canadiennes. De même, la compagnie canadienne défenderesse est protégée; si l'importation de produits au Canada peut entraîner la contrefaçon, l'article 58 doit accorder une protection lorsque ces produits proviennent d'un étranger qui peut se prévaloir de l'article en cause; il importe peu que la fabrication de l'isohalothane utilisé au Canada soit antérieure ou postérieure à la déli- vrance du brevet à la demanderesse.
On ne peut rejeter ces arguments concernant le défaut de nouveauté. Puisque je conclus que la compagnie américaine défenderesse ne peut être tenue responsable de la contrefaçon com- mise par la compagnie canadienne défenderesse, il n'est pas nécessaire, du point de vue techni que, d'examiner l'argument fondé sur l'article 58 pour ce qui est de la compagnie américaine défenderesse. En ce qui concerne la défense fondée sur l'article 58, il est assez difficile de dissocier complètement les deux défenderesses, et je me propose donc d'examiner cet argument dans sa totalité.
L'article 58 a été examiné dans l'arrêt Libbey- Owens-Ford Glass Co. c. Ford Motor Co. of Canada Ltd. [1969] 1 R.C.É. 529, confirmé par [19701 R.C.S. 833. Les défenderesses s'ap- puient dans une certaine mesure sur cette affaire. Le juge Thurlow décida que l'article 58 fournissait une protection non seulement à l'ob- jet tangible du brevet, mais aussi à l'utilisation du procédé breveté. Aux pages 557 et 558, il poursuivait ainsi:
[TRADUCTION] L'énoncé de l'article est assez maladroit, mais son sens reviendrait à peu près à ceci:
Toute personne qui, avant la délivrance du brevet, a acheté, exécuté ou acquis une invention (c: à-d., toute tech nique, méthode de fabrication, machine, fabrication ou com position d'une matière, nouvelles ou utiles) pour laquelle un brevet est subséquemment obtenu sous l'autorité de la pré-
sente loi, a le droit d'utiliser et de vendre à d'autres la chose spécifique qui a été brevetée et ainsi achetée, exécutée ou acquise avant la délivrance du brevet s'y rapportant ... . brevet s'y rapportant ... .
A mon avis, on peut soutenir une telle interprétation en invoquant le fait que le terme «invention» ne s'accorde pas bien avec l'adjectif «spécifique» qui remplace plusieurs expressions utilisées à l'article 58. En effet il pourrait autori- ser l'utilisation de l'invention brevetée de manière différente de celle exploitée avant la délivrance du brevet. Cette inter- prétation s'appuie aussi sur le fait qu'il n'y a apparemment aucune raison de principe pour ne pas considérer les termes «article, machine», etc., comme devant se rapporter à tout ce qui relève du champ de l'objet du brevet, étant donné que cet article est applicable à une personne qui a acquis «une invention» avant la délivrance du brevet s'y rapportant. S'il en était autrement, il serait alors curieux que le rédacteur n'ait pas utilisé les mots «article, machine» etc., au lieu du terme «invention» utilisé au début de l'article, ainsi que dans la phrase il apparaît une seconde fois.
Il faut ensuite remarquer que l'opportunité d'une telle disposition dans la loi semble se faire sentir avec d'autant plus de force dans le cas d'un brevet de procédé ou de moyen nouveau que pour tout autre type d'invention. La concession d'un droit exclusif à la propriété d'une invention pour une période limitée récompense la personne qui a conçu cette invention pour les avantages dont elle a fait bénéficier les membres du public en leur révélant la teneur de son invention dans les formes légales. Cependant, le tiers qui conçoit par ses propres moyens ou achète tout ou partie de l'invention avant que celle-ci ne soit divulguée au public, n'acquiert aucun droit du fait de cette publication et, en l'absence de l'article 58, il serait privé du bénéfice découlant de ce qu'il a appris et fait lui-même avant que l'autre personne ne publie et protège le renseignement. Le prési- dent MacLean expliqua le but de cet article dans l'affaire Schweyer Electric & Mfg. Co. c. N.Y. Central Railroad Co. ([1934] R.C.É. 31 à la page 65) de la manière suivante:
Cet article est assez confus et il convient d'en expliquer le sens. Cette disposition législative apparaît au chapitre 34 des Statuts du Canada de 1859, ainsi qu'au chapitre 24 des Statuts du Canada de 1848-49; ces lois se rapportent aux brevets; le sens et le but d'une telle disposition étaient à mon avis exprimés plus clairement dans ces lois qu'ils ne le sont à l'article 50 de la Loi sur les brevets. A mon sens, cet article signifie que, et c'était le but recherché, lorsqu'une personne a acquis de quelque manière que ce soit une chose qui a fait l'objet d'une demande de brevet par une autre personne supposée en être le premier inven- teur, mais pour laquelle aucun brevet n'a encore été délivré, la première continue d'avoir le droit d'utiliser et de vendre cette chose nonobstant la délivrance du brevet à la seconde. Telle est, à mon avis, la seule interprétation possible de cet article.
Ces considérations me portent donc à conclure que les expressions utilisées à l'article 58 s'appliquent à la fois à tous les aspects de l'objet breveté, matériel et immatériel.
Dans l'affaire Libbey-Owens-Ford, la défen- deresse exploitait son entreprise au Canada et
avait mis au point et utilisé les procédés de fabrication par ailleurs constitutifs de contrefa- çon au Canada.
A mon sens, la personne qui a «acheté, exé- cuté ou acquis» l'invention [avant la délivrance du brevet en cause] doit l'avoir achetée, exécu- tée ou acquise au Canada pour bénéficier de l'immunité accordée par article 58. Dans ce cas, il a le droit d'utiliser cette invention et de la vendre à d'autres.
Pour revenir aux faits particuliers de l'espèce, si la compagnie américaine défenderesse avait acquis l'«invention» ou le procédé au Canada avant le 4 août 1964, elle aurait alors eu le droit d'utiliser, en toute impunité, ce procédé au Canada et d'y vendre les produits fabriqués par ce procédé. Mais n'est pas la situation en l'espèce et, à mon avis, la compagnie américaine ne peut invoquer l'article 58.
La compagnie canadienne défenderesse est à mon avis dans une situation encore moins défendable. En effet, elle n'a pas utilisé elle- même au Canada le procédé de fabrication de l'isohalothane, avant la délivrance du brevet 039. Elle n'avait donc pas «acheté, exécuté ou acquis ... [1'] ... invention» au sens de ces termes dans l'article en question. A mon avis, acheter le résultat final du procédé de fabrica tion en cause à une tierce personne ne revient pas au même. J'estime ne pas avoir à donner d'explications supplémentaires au rejet de la prétention de la compagnie canadienne selon laquelle elle a droit à l'immunité prévue à l'article 58.
Brevet 652 652,23 9—halothane
Pour plus de commodité, j'utiliserai les termes chimiques plus courants utilisés lors du procès pour parler de ce brevet, au lieu de termes plus techniques du brevet lui-même.
Halothane (2 ,2 ,2-trifluoro-l-chloro-l-bromé- thane)
Isohalothane ou produit d'addition (1,1,2-tri- fluoro-2-chloro- l -brométhane).
Le mémoire descriptif commence par le rappel de la méthode courante de production d'halothane (agent anesthésique). Les parties
ont admis qu'il s'agissait du brevet Bayer (pièce 23, page 1 et suivantes). Dans le brevet Bayer, l'invention revendiquée porte sur la préparation d'halothane pour un réarrangement moléculaire de l'isohalothane (produit d'addition) à l'aide de bromure d'aluminium: la réaction s'effectue à une température d'environ 0°C, l'halothane étant utilisé comme solvant pour les produits de départ. La méthode Bayer, si je la considère aux fins de cette affaire, consiste pour l'essentiel à produire la réaction à une température d'environ 0°C. La divulgation relative au brevet Bayer affirme: [TRADUCTION] «Des températures plus élevées entraînent des réactions secondaires indésirables et une diminution considérable du rendement, même à une température de 40°C».
La description du brevet en cause se poursuit de la manière suivante, compte tenu des substi tutions qui j'ai indiquées plus haut:
[TRADUCTION] Nous avons alors été surpris de découvrir que ... [l'halothane] ... pouvait être préparé par réarrange- ment moléculaire de l'... [isohalothane] ... à l'aide de bromure d'aluminium, même à une température supérieure à 0°C, et mieux encore à la température d'ébullition, soit environ 50°C pour le composé de départ ainsi que pour le produit final.
Voilà en quoi consiste l'invention selon le déten- teur du brevet; c'est du moins ce que je conclus être l'«invention» en supposant qu'elle rem- plisse les critères de brevetabilité.
Le mémoire inclut ensuite la description d'un moyen d'application du procédé:
[TRADUCTION] On peut produire la réaction de la manière suivante: on ajoute au bromure d'aluminium, en mélangeant, une petite quantité d'... [halothane] ... préparé auparavant et le produit de départ ... [isohalothane] ... y est ajouté lentement, goutte à goutte. Sous l'effet de la chaleur dégagée lors de l'isomérisation, le mélange bout. L'addition du pro- duit de départ est réglée de manière à ce que l'opération se fasse toujours à reflux.
Vient alors la description d'un autre moyen d'application du procédé; elle est sans intérêt en l'espèce.
On donne ensuite deux exemples dans le but [TRADUCTION] «d'illustrer l'invention». Il faut remarquer bien sûr, qu'il s'agit de simples illus trations. Je reprends un passage de l'exemple 1 qui fut cité à plusieurs reprises dans la preuve et lors des plaidoiries:
[TRADUCTION] Exemple 1:
A une suspension de 100 grammes de bromure d'alumi- nium dans 250 grammes d'... [halothane] ... on ajoute goutte à goutte, tout en mélangeant, sur une durée de 11 heure 5000 grammes d'... [isohalothane] .... Dès le début de cette addition, se produit un échauffement spontané du mélange de réaction entraînant la dissolution du bromure d'aluminium en une solution de couleur brun-rouge. On ajuste la vitesse de l'addition au goutte à goutte d'.. . [isohalothane] ... de manière à ce que le mélange de réac- tion bouille spontanément .. .
L'action en contrefaçon ne porte maintenant que sur la revendication 2. Cependant les avo- cats ont aussi fait mention de la revendication 1. Je les cite donc toutes les deux:
[TRADUCTION] 1) Un procédé de fabrication d'... [halo - thane] ... par réarrangement d'... [isohalothane] ... à
l'aide de bromure d'aluminium dans lequel I'. [isohalo- thane] ... est traité avec le bromure d'aluminium à une température allant de 0°C à environ 50°C.
2) Un procédé tel que décrit dans la revendication 1 .. . [pour la fabrication d'halothane par réarrangement d'isoha- lothane à l'aide de bromure d'aluminium] ... dans lequel l'... [isohalothane] ... est ajouté lentement, goutte à goutte, à du bromure d'aluminium mélangé à une petite quantité d'... [halothane] ... antérieurement préparé, le réarrangement d'... [isohalothane] ... se produit à sa tem- pérature d'ébullition d'environ 50°C; le produit de la réac- tion est alors isolé.
Le seul problème d'interprétation de la reven- dication 2, soulevé par les défenderesses, con- cerne l'adjectif «petite» dans la description du mélange auquel on ajoute l'isohalothane: bro- mure d'aluminium mélangé à une petite quantité d'halothane. L'avocat des défenderesses pré- tend que cet adjectif est ambigu et qu'il con- vient de se rapporter au mémoire descriptif notamment l'exemple 1, pour en découvrir le sens. Si l'on procède de cette manière, nous dit-on, l'adjectif «petite» doit alors s'interpréter comme un mélange d'une part de bromure d'alu- minium pour deux parts et demie d'halothane. A la pièce 5, la description du procédé utilisé par la compagnie canadienne défenderesse pour la fabrication d'halothane, jusqu'à la fin de 1971, révèle que les proportions étaient une part de bromure d'aluminium pour 140 parts d'halo- thane. Cette quantité d'halothane ne constitue pas une «petite» quantité au sens qu'il convient de donner à la revendication 2. Je reviendrai sur ce point lorsque j'examinerai la question de la contrefaçon. A mon avis, l'adjectif «petite», tel qu'il est utilisé ici, ne doit pas être pris au sens de proportion presque mathématique, comme on
l'a suggéré. A mon avis, il est utilisé dans un sens plus général et relatif. Le but du procédé est la fabrication d'isohalothane. Il ne serait pas raisonnable d'utiliser une grosse ou énorme quantité du produit final recherché pour former le mélange initial. Il me semble évident que l'halothane utilisé dans le mélange initial a pour but essentiel de dissoudre le bromure d'alumi- nium. Schmutzler déclare qu'il remplit aussi une autre fonction: le contrôle du dégagement de chaleur. Un mémoire descriptif doit énoncer clairement les diverses phases d'un procédé de manière à permettre «à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'inven- tion ... de l'utiliser» 8 . A mon avis, on doit considérer que le destinataire d'un tel brevet est un chimiste compétent, probablement en chimie du fluor, mais c'est certainement un profession- nel ayant de l'expérience, des connaissances et une certaine compétence dans la préparation de composés chimiques. Je ne pense pas qu'une telle personne aurait des difficultés à compren- dre le sens de l'adjectif «petite» utilisé à la revendication 2.
Je vais examiner maintenant la prétention des défenderesses selon lesquelles le caractère manifeste de la revendication 2 la rend invalide. A mon avis, ce moyen de défense doit être accueilli: l'invention décrite dans la revendica- tion 2, si l'on tient compte des publications antérieures, manque d'ingéniosité inventive, pour reprendre une expression courante. Le brevet Bayer (pièce 23, page 1) et ce que l'on appelle le brevet Hoechst (pièce 23, p. 7) repré- sentent l'état de la technique auquel je me réfère. Dans le brevet Bayer, on procède au réarrangement moléculaire de l'isohalothane en utilisant du bromure d'aluminium comme cataly- seur à une température d'environ 0°C. Je cite à nouveau la description du brevet Bayer: [TRA- DUCTION] «Des températures plus élevées entraînent des réactions secondaires indésira- bles et une diminution considérable du rende- ment même à une température de 40°C.»
La demanderesse prétend que l'invention ou amélioration apportée au brevet Bayer est d'avoir réussi à effectuer ledit réarrangement (avec un bon rendement et sans aucun effet
e Voir le paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets.
secondaire indésirable) en utilisant du bromure d'aluminium comme catalyseur à une tempéra- ture supérieure à 0°C, et de préférence même à environ 50°C. On doit donc conclure que le facteur température constitue selon le détenteur du brevet un élément essentiel de l'invention. Le témoignage de l'expert de la demanderesse montre que le facteur température ne constitue pas un élément essentiel de l'invention ou de la revendication. Schmutzler affirme que la vitesse de la réaction dans ce procédé est fonction de la température. A basse température, la réaction est plus lente; des méthodes de refroidissement différentes peuvent être nécessaires pour des températures différentes; procéder à la tempéra- ture d'ébullition constitue un moyen commode de dissiper la chaleur. Il ajoute (pour l'essentiel) qu'une température d'environ 50°C n'est pas indispensable à l'utilisation du procédé de la demanderesse; cette réaction n'exige pas de température particulière; il n'est pas absolument nécessaire de procéder à une température de 50°C.
J'accepte la déclaration de Schmutzler. Je conclus qu'une température supérieure à 0°C, de préférence aux environs de 50°C, ne constitue pas un facteur essentiel de l'invention revendi- quée. Si la température indiquée par la deman- deresse dans son brevet ne constitue pas un facteur essentiel de la prétendue invention, je ne vois pas en quoi elle montre une ingéniosité inventive par rapport au brevet Bayer.
Schmutzler, au paragraphe 15 de son affida vit, chercha à faire valoir les divers avantages du procédé technique faisant l'objet du brevet en cause, par rapport au brevet Bayer. La plu- part des points abordés dans ce paragraphe ne sont que ouï-dire. Schmutzler reprend l'opinion de Kuhn, un des inventeurs, et ne se fonde sur aucune expérience effectuée personnellement. Je n'accorde donc que peu d'importance au paragraphe 15. (Je peux aussi signaler que d'au- tres passages de l'affidavit de Schmutzler, en particulier les passages relatifs au brevet 039, sont fondés sur des renseignements donnés par Kuhn, et ne sont que simples ouï-dire. Je ne leur ai donc accordé que peu d'importance.)
Le brevet Hoechst décrit un procédé de fabri cation d'halothane-éthane par le réarrangement
d'isohalothane à l'aide de chlorure d'aluminium utilisé comme catalyseur, à une température d'environ 50°C (température d'ébullition). Selon la preuve, le bromure d'aluminium et le chlorure d'aluminium sont connus depuis longtemps. Ils ont souvent été utilisés comme catalyseurs, bien avant la date pertinente en l'espèce, mais ne sont pas nécessairement interchangeables. Schmutzler a bien essayé de réfuter l'allégation des défenderesses quant au caractère manifeste de l'invention, en affirmant que lui-même, malgré toutes ses qualifications, n'aurait jamais pensé à essayer de fabriquer de l'halothane par réarrangement de l'isohalothane à une tempéra- ture d'environ 50°C, en utilisant comme cataly- seur du bromure d'aluminium—sachant aupara- vant qu'il pouvait réussir cette expérience à cette température en utilisant du chlorure d'alu- minium comme catalyseur. Il assure avoir un certain nombre de préjugés en la matière qui l'auraient empêché d'essayer une telle substitu tion. Il admit finalement, lors du contre-interro- gatoire, qu'il aurait envisagé d'utiliser comme catalyseur du bromure d'aluminium à cette tem- pérature ainsi que d'autres catalyseurs. Il fit cette concession, non seulement en se fondant sur le brevet Hoechst qu'il connaissait, mais sur ses propres connaissances (qui, à mon avis, représentent l'état des connaissances d'une per- sonne versée à la matière) relativement à l'utili- sation du chlorure d'aluminium et du bromure d'aluminium comme catalyseurs dans ce domaine. J'ai déjà mentionné dans ces motifs l'hypothèse selon laquelle un procédé mérite «d'être essayé.» En dernière analyse, cette hypothèse revient à une question de fait.
Dans l'arrêt Appliance Service Co. Ltd. c. Sarco Canada Limited (arrêt rendu le 1 e7 mars 1974 et non publié, T-339-71) le juge Urie déclara:
Ceci étant, l'avocat de la demanderesse m'a demandé ins- tamment de souscrire à la proposition selon laquelle, si l'on avait confié à un homme possédant ces connaissances en 1954, au moment du dépôt de la demande du brevet Mid- gette, la tâche d'améliorer les purgeurs thermodynamiques déjà existants, ce dernier aurait logiquement expérimen- ter un disque fixe pour pallier à la perte de vapeur particu- lière à ces purgeurs. S'il en est ainsi, a-t-il soumis, le brevet Midgette est nul et, à l'appui de cette proposition, il a cité plusieurs arrêts. Cette proposition est illustrée par un extrait de la décision du lord juge Diplock en Cour d'appel dans
l'arrêt Johns -Manville Corporation's Patent [1967] R.P.C. 479 à la p. 493:
[TRADUCTION] Les intimés prétendaient simplement qu'une «personne versée dans l'art» de fabriquer des tuyaux de ciment à base d'amiante qui, (de nos jours, veut dire un technicien que l'on suppose hautement qualifié travaillant au service de recherches de fabricants de tuyaux de ciment à base d'amiante) serait susceptible de lire les deux publications mentionnées et que, ce faisant, les renseignements qu'elles contiennent au sujet des polyacrylamides lui feraient prendre conscience de l'exis- tence d'un agent de floculation qui méritait d'être expéri- menté dans le procédé de filtration utilisé dans son propre domaine d'activité pour constater s'il pouvait avoir des résultats heureux. S'ils avaient prouvé ce point, les inti- més, à mon avis, auraient réussi à inculquer l'idée selon laquelle l'utilisation de polyacrylamides comme agents de floculation dans la fabrication de tuyaux de ciment à base d'amiante avait, antérieurement à l'invention, «un carac- tère d'évidence et ne constituait sûrement pas une étape inventive».
Je pense, cependant, que ce point de vue doit être tempéré par le genre de raisonnement expliqué dans l'arrêt Le Roi c. Uhlemann Optical Co. (1952) 15 C.P.R. 99, décision de la Cour suprême du Canada le juge en chef Rinfret, à la page 104, a examiné la jurisprudence portant sur le problè- me de l'évidence, de la façon suivante:
[TRADUCTION] Déterminer si un nouvel objet est le fruit d'une invention, est une question de fait «laissée au jugement du tribunal qui doit trancher la question» (dictum de Lord Moulton, cité par Terrell on Patents, 7e éd., p. 71). Le savant auteur ajoute: «Il semblerait néces- saire de choisir une certaine définition du mot invention, mais ceci n'a jamais été fait, et à mon avis on ne peut trouver aucune définition du mot invention qui puisse le moindrement aider une personne qui rencontre une diffi culté ... Lorsque vous atteignez la ligne de démarcation, il est à ce point impossible de fixer un critère que cela devient, plus ou moins, une question d'opinion person- nelle. Quelques-uns des éléments d'une combinaison sont modifiés de façon à améliorer son fonctionnement, mais sans le changer essentiellement. Est-ce une nouvelle invention? S'il s'agit seulement de la substitution d'élé- ments mécaniques qui sont notoirement les équivalents des anciens éléments, la loi est claire, mais dans tout autre cas, cela est considéré comme étant une question de fait laissée au jugement du tribunal qui doit trancher la question.»
Comme l'a affirmé le juge Tomlin (tel était alors son titre) dans l'arrêt Samuel Parkes & Co. c. Cocker Bros. (1929), 46 R.P.C. 241 à la p. 248: «Personne cependant ne m'a dit et personne, je suppose, ne me dira jamais quelle est la caractéristique ou qualité exacte qui permet de distinguer une invention d'un perfectionnement en atelier. Le jour est le jour et la nuit est la nuit, mais qui peut dire quand finit le jour ou encore quand commence la nuit? ... En vérité, pour peu que l'on ait découvert, comme je l'ai fait en l'espèce, que le problème était sans solution depuis plusieurs années, que l'appareil est en fait nouveau et supérieur à ce qui existait auparavant et à ce qui a été
largement utilisé, de préférence aux appareils subsidiaires, il est, je crois, pratiquement impossible d'affirmer qu'on ne retrouve pas cette parcelle d'invention nécessaire au brevet.»
Dans l'arrêt Br. Westinghouse Elec. & Mfg. Co. c. Braulik (1910), 27 R.P.C. 209 à la p. 230, le lord juge Fletcher Moulton a souligné que «l'analyse a posteriori de l'inven- tion est injuste pour les inventeurs et, à mon avis, la loi anglaise sur les brevets ne l'autorise pas».
Cela fut confirmé par la Chambre des Lords dans l'arrêt Non -Drip Measure Co. c. Stranger's Ltd. (1943) 60 R.P.C. 135 à la p. 142, lord Russell de Killowen a souligné: «Rien n'est plus facile d'affirmer, une fois le résultat obtenu, que la chose était évidente et n'était le fruit d'aucune invention.»
Et lord Macmillan a dit (p. 143): «On pourrait dire a posteriori de plusieurs inventions utiles et méritoires qu'elles ont le caractère d'évidence. C'est bien le cas, après qu'elles ont été inventées.»
Voir également les remarques du lord juge Fletcher Moul- ton dans l'arrêt Hickton's Patent Syndicate c. Patents & Machine Improvements Co. (1909) 26 R.P.C. 339 à la p. 347: «C'est, je crois, un principe très dangereux, irration- nel et dépourvu de fondement, d'affirmer que la concep tion peut être méritoire, être le fruit d'une invention, être nouvelle et originale, et, simplement parce qu'il est facile de mettre une idée à exécution pour peu qu'elle vous soit venue à l'esprit, d'affirmer que cela lui enlève le titre d'invention nouvelle suivant notre législation sur les brevets.»
La mise en garde du juge Urie m'incite à modérer mon opinion sur l'approche qui con- siste à dire que l'expérience «mérite un essai»; je garde aussi à l'esprit les mises en garde examinées par le président Thorson sur la ques tion de la valeur inventive dans l'affaire Ernest Scragg & Sons Limited c. Leesona Corporation [1964] R.C.É. 649 aux pages 737 et 744. Toute- fois, en essayant de me mettre à la place d'un homme de l'art et en tenant compte de l'état de la technique, en particulier des brevets Bayer et Hoechst, je dois conclure que la revendication en cause ne révélait aucun esprit inventif.
Cette conclusion suffit à trancher la partie de l'action fondée sur le brevet 239; vu les circon- stances, j'estime cependant devoir examiner l'autre moyen de défense. Les défenderesses prétendent que la revendication 2 est invalide parce qu'inutile, et que la revendication est assez large pour comprendre des procédés inuti- lisables. La revendication mentionne un mélange initial de bromure d'aluminium et d'une «petite» quantité d'halothane. Elle ne spécifie pas la part du catalyseur par rapport au solvant.
Wright, l'expert de la défense, procéda à deux expériences. Dans la première, il utilisa 36.5 grammes de bromure d'aluminium, 5.625 gram- mes d'halothane et 0.625 grammes de produit d'addition. Dans la seconde, il utilisa la même quantité de bromure d'aluminium et 6.25 gram- mes de produit d'addition. Avec ces propor tions, il ne put produire d'halothane. Wright a admis qu'il cherchait à trouver un procédé qui ne marcherait pas. La proportion de catalyseur utilisée par Wright était approximativement 44 à 1. Il admit qu'il s'agissait d'une quantité très élevée à utiliser par un chimiste compétent. Il affirma (pour l'essentiel) qu'en tant que chi- miste, il n'utiliserait ordinairement qu'une «petite» quantité de catalyseur; les proportions utilisées le plus souvent par les chimistes sont de 1 à 10 ou de 1 à 100. On s'est appuyé sur l'arrêt Hewlett-Packard (Canada) Ltd. c. Burton Parsons Chemicals, Inc. [1973] C.F. 405, le juge en chef Jackett de la Division d'appel de cette cour eut l'occasion d'énoncer le droit applicable (pp. 409 et 410):
Ce qu'exige le paragraphe (1) de l'article 36, c'est que la personne qui demande la délivrance d'un brevet décrive dans le mémoire son invention de façon à permettre à un homme de l'art d'utiliser l'objet de l'invention; l'auteur de la demande doit aussi indiquer précisément et revendiquer distinctement «la partie, le perfectionnement ou la combinai- son» qu'il réclame comme son invention. Après avoir ainsi décrit son invention et, comme l'exige l'article 36(1), avoir indiqué et revendiqué, dans la partie du mémoire descriptif d'ordinaire appelée la divulgation, la partie, le perfectionne- ment ou la combinaison qu'il réclame comme son invention, le demandeur, aux termes de l'article 36(2), doit ajouter à la fin du mémoire descriptif une ou plusieurs «revendications» exposant distinctement et en termes explicites «les choses ou combinaisons» qu'il considère comme nouvelles «et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif».
Il est bien établi en droit que les revendications formulées à la fin d'un mémoire descriptif conformément à l'article 36(2) fixent les limites du monopole dont bénéficiera l'in- venteur suite à la délivrance du brevet. Si ces revendications sont rédigées de façon telle que leur portée soit plus res- treinte que l'invention décrite dans le mémoire descriptif, le brevet ne donnera au breveté aucun droit à l'égard de ce qui a été omis dans les revendications. Si, d'autre part, une de ces revendications est rédigée de façon à dépasser la portée de l'invention décrite dans le mémoire descriptif, cette récla- mation sera totalement invalide.
puis à la page 415:
Selon mon interprétation des principes de droit applica- bles, même si une divulgation signale clairement qu'une certaine caractéristique est une caractéristique essentielle de
l'invention, la revendication est invalide si cette caractéristi- que n'y figure pas.
et enfin à la page 417:
Ayant examiné les arrêts postérieurs à l'affaire B.V.D. j'ai constaté qu'on ne s'est jamais affranchi de cette exigence fondamentale selon laquelle une revendication doit, d'une façon ou d'une autre, donner toutes les précisions nécessai- res pour en restreindre la portée à ce qui a été véritablement inventé. Dans l'arrêt Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines Ltd. (1952) 69 R.P.C. 81, Lord Reid, à la page 95, a de nouveau énoncé cette règle, bien que dans un contexte différent:
[TRADUCTION] Un autre motif d'exclusion des xanthates de cellulose a été proposé au cours de la présente affaire. On a prétendu que, pour diverses raisons d'ordre pratique, un homme de l'art ne tenterait jamais de se servir de ces xanthates pour faire flotter une mousse et que, par consé- quent, on n'avait pas à en tenir compte. Dans sa plaidoirie devant leurs Seigneuries, toutefois, l'avocat des défende- resses a renoncé à faire valoir cet argument. Il est bien établi que, lorsque la portée d'une revendication s'étend à une méthode non susceptible d'application, cette revendi- cation ne peut être déclarée valide du seul fait qu'on réussit à prouver qu'un homme de l'art ne chercherait jamais à utiliser cette méthode.
Dans l'affaire Hewlett-Packard, un des com- posants de la substance faisant l'objet d'un brevet était un produit émulsionné ou une émul- sion. On prétendit que les revendications ne faisaient état d'aucune restriction quant aux émulsions utilisables et que, comme toutes les émulsions ne le seraient pas, les revendications étaient invalides. Cette prétention fut accueillie. Voici quelle était la théorie de l'intimée à l'appui du brevet (pp. 411 et 412):
Si je comprends bien ce qu'affirment les intimées, c'est qu'il faut lire le texte des revendications en regard de celui du mémoire descriptif et qu'il devient dès lors manifeste à un homme de l'art que le texte des revendications restreint implicitement le type et la concentration du produit émul- sionné susceptible d'être utilisé. Si c'est-là la façon correcte d'interpréter les revendications et si les restrictions appor- tées à l'éventail des types de produits émulsionnés utilisa- bles et de leurs concentrations sont de nature à entraîner nécessairement le choix d'un type et d'une concentration qui ne peuvent produire que l'objet de l'invention décrite dans le mémoire, les dispositions de l'article 36(2) sont respectées.
Dans l'affaire présente, il n'est aucunement suggéré que l'un des composants utilisés dans ce procédé comprend un élément inutilisable. Le litige porte sur le fait que l'on a omis de fixer la quantité d'un des composants nécessaires. Dans les circonstances, j'estime qu'il convient d'abor- der cette question de la manière suivante: [TRA- DUCTION] «... en pratique, il ne suffit pas de se
demander si la revendication inclut certains élé- ments inutiles; il faut se demander aussi si l'énoncé de la revendication indique positive- ment une application inutile» 9 . Rien dans la revendication 2 n'indique une application inu- tile, comme c'était le cas dans les arrêts Hewl- ett-Packard ou Minerals Separation. Les exem- ples fournis dans les mémoires descriptifs, qui n'y figurent qu'à titre indicatif, donne des pro portions raisonnables. Les défenderesses admettent n'avoir jamais eu de résultats nuls ou insuffisants en raison de mauvaises proportions, dans l'utilisation de leurs procédés. A mon avis, un homme de l'art utiliserait des proportions raisonnables et non des proportions aussi extrê- mes que celles des expériences de Wright. Je conclus donc que, n'étant pas inutile, la revendi- cation 2 n'est pas invalide.
Je vais examiner maintenant la question de savoir s'il y a eu contrefaçon de la part de la compagnie canadienne défenderesse. A cette fin, je tiens pour acquis la validité de la revendi- cation 2 et je présume aussi qu'une température d'environ 50°C est un facteur essentiel de l'in- vention ou revendication. La pièce 5 décrit pour l'essentiel le procédé utilisé par la défenderesse. Certains changements sont intervenus en 1971 à peu près au moment de l'introduction de cette action. Je ne pense pas que ce changement ait une influence primordiale sur cet aspect particu- lier de l'affaire. Le procédé commence avec une quantité de 140 livres d'halothane. C'est ce que l'on appelle couramment un «fond» 10 . L'halo- thane est placé dans un réacteur et l'on y ajoute alors une livre de bromure d'aluminium. On ajoute ensuite graduellement le produit d'addi- tion (isohalothane) en mettant un peu plus de bromure d'aluminium avant chaque rajout de ce produit. Pendant la production d'une fournée, on enregistre les températures par intermittence. Le changement intervenu dans le procédé en 1971 consistait à placer d'abord l'halothane dans le réacteur et à y ajouter par la suite une certaine quantité de produits d'addition puis du
9 Blanco White (précité) p. 155.
10 Un «fond», dans le langage des consommateurs d'al- cool, peut avoir diverses significations, selon l'état, la soif et la capacité du consommateur.
bromure d'aluminium. Il ressort clairement de la preuve que l'ordre des ingrédients n'est pas pertinent en ce qui concerne la contrefaçon.
Les défenderesses prétendent que leur pro- cédé de fabrication à base d'halothane diffère de la revendication 2 sur les points suivants:
a) Le mélange initial consiste en une livre de bromure d'aluminium ajoutée à 140 livres d'halothane. On affirme que ce n'est pas une «petite» quantité d'halothane. Je n'hésiterai cependant pas à dire qu'il est raisonnable de considérer cette quantité comme «petite» si l'on compare la quantité d'halothane utilisée à celle du produit d'addition que l'on y ajoute par la suite. Je suis convaincu que l'essentiel de la revendication ainsi que le but pratique d'un tel mélange est d'assurer la dissolution. Le mélange utilisé par la défenderesse est à mon avis très similaire au mélange décrit dans la revendication 2.
b) Dans leur procédé, les défenderesses n'ajoutent pas l'isohalothane «goutte à goutte», mais en filet continu. C'est en effet le cas du point de vue technique. La méthode d'addition de l'isohalothane n'est pas essen- tielle à mon avis. La méthode d'addition dépend en fait de l'échelle de l'opération. Il nous fait examiner à nouveau le fond de la revendication. Le fait de ne pas ajouter l'iso- halothane goutte à goutte ne signifie pas à mon avis que les défenderesses n'ont pas utilisé l'essence même de l'invention.
c) Dans leur procédé de fabrication, les défenderesses ajoutent l'isohalothane en plu- sieurs fois en intercalant d'autres additions de bromure d'aluminium. On affirme que la revendication 2 prévoit l'addition de l'isohalo- thane en une seule fois. Je ne vois pas l'inté- rêt d'une telle modification. L'essentiel en la matière consiste en l'addition d'isohalothane.
d) Les défenderesses n'effectuent pas le réar- rangement à la température d'ébullition d'en- viron 50°C. Ferstandig affirma qu'à son avis 5% environ du réarrangement effectué par les défenderesses l'était au point d'ébullition. A mon avis, la seule conclusion raisonnable découlant de l'ensemble des registres est que le point précis de réarrangement se produit probablement aux environs de 50°C. Ferstan-
dig admit que son opinion n'était fondée que sur une déduction logique. Je ne suis pas disposé à tenir compte de déductions logiques dans une affaire aussi importante que la présente.
Le procédé utilisé par la compagnie cana- dienne défenderesse, considéré dans sa totalité, et non fragmenté d'un point de vue technique, constitue à mon avis une contrefaçon de l'es- sence même de la revendication 2.
Avant de conclure, je tiens à mentionner une fois encore la prétention de la demanderesse selon laquelle, si la compagnie canadienne défenderesse est responsable de la contrefaçon, la compagnie américaine défenderesse, vu les motifs déjà invoqués, l'est aussi. Pour les motifs donnés en ce qui concerne le brevet 039, je rejette cette prétention.
CONCLUSION
La demanderesse a gain de cause dans les procédures engagées contre la compagnie cana- dienne défenderesse en ce qui concerne son action en contrefaçon fondée sur la revendica- tion 10 du brevet 039. Elle a droit au redresse- ment demandé. Elle réclame dans la demande de redressement des dommages-intérêts se chif- frant à $100,000, ou plus, ou le montant des bénéfices réalisés, au choix de la demanderesse. Cette question sera renvoyée à un arbitre. L'ac- tion fondée sur le brevet 039, à l'encontre de la compagnie américaine défenderesse est rejetée.
L'action en contrefaçon intentée par la demanderesse relativement au brevet 239 est rejetée en ce qui concerne les deux défenderesses.
Cette décision soulève évidemment quelques problèmes pour les dépens. Lors du procès, les parties ont soumis des prétentions relatives aux dépens sur un point différent—le désistement de l'action fondée sur le brevet 650,600 et l'aban- don de réclamations concernant la prétendue contrefaçon d'un certain nombre de revendica- tions. Je demande donc que les avocats me présentent leurs prétentions quant aux dépens.
A ce stade des procédures, je ne rendrai pas de jugement formel conformément à la Règle 337(2)a). Je demande à l'avocat de la demande-
resse de rédiger le projet de jugement approprié couvrant tous les aspects de l'affaire excepté la question des dépens. Le projet sera soumis à l'avocat des défenderesses. Si, dans les 14 jours de la date de ces motifs, les parties ne sont parvenues à aucun accord sur les termes et la forme du jugement, je fixerai moi-même les termes de ce jugement. Je suggère aux avocats de se mettre en rapport avec le greffe en ce qui concerne leurs prétentions relatives aux dépens.
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