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T-3037-72
La Reine (Demanderesse)
c.
John Zandstra (Défendeur)
Division de première instance, le juge Heald — Toronto, du 19 au 21 juin; Ottawa, le 4 juillet 1974.
Impôt sur le revenu—Contributions à une école confes- sionnelle en sus des frais de scolarité—Il ne s'agit pas d'un don déductible en vertu de l'article 27 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le défendeur ainsi que d'autres défendeurs dans huit affaires semblables, cherchent à faire déduire de leur revenu respectif leurs contributions annuelles à la Canadian Chris- tian School de Jarvis (Ontario) établie dans le but de dispen ser à leurs enfants une éducation conforme à leurs principes religieux. L'école est une organisation de charité enregistrée en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le Ministre fixa à $200 par année et par étudiant le montant des frais de scolarité réels. La déduction demandée portait sur le mon- tant payé en sus des frais de scolarité, à titre de «don» au sens de l'article 27(1)a) de la Loi. Le Ministre rejeta les déductions dans les cotisations des années 1967 et 1968. L'appel du contribuable fut accueilli par la Commission de révision de l'impôt. La Couronne a interjeté appel.
Arrêt: l'appel est accueilli; les contributions ne constituent pas des dons au sens de l'article invoqué, parce qu'elles n'ont pas été faites sans contrepartie. Les parents, en ver- sant cette contribution, ont, en contrepartie, obtenu l'éduca- tion de leurs enfants dans une école séparée et se sont ainsi acquittés de leur devoir de parents en conformité de leurs convictions.
Arrêts appliqués: Commissioner of Taxation of the Commonwealth c. McPhail (1967-68) 41 A.L.J.R. 346; Gaudin c. M.R.N. 55 DTC 385; 688 c. M.R.N. 60 DTC 130; Homa c. M.R.N. 69 DTC 673; Aspinall c. M.R.N. 70 DTC 1669 et Harris c. M.R.N. 64 DTC 5332. Arrêts examinés: Vineland Quarries c. M.R.N. 70 DTC 6043; Bronze Memorials IN° 2] c. M.R.N. 69 DTC 5420 et Consolidated Building c. M.R.N. 65 DTC 5211. Distinction établie avec l'arrêt Galway c. M.R.N. [1974] 1 C.F. 593; [1974] 1 C.F. 600.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
M. J. Bonner et S. Greenbaum pour la
demanderesse.
W. G. Posthumus pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Meyer, Posthumus & Wassenaar, Willow- dale, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un appel interjeté par la demanderesse d'un jugement de la Com mission de révision de l'impôt, en date du 26 juin 1972, accueillant l'appel interjeté par le défendeur de ses cotisations à l'impôt sur le revenu établies par le ministre du Revenu natio nal pour les années d'imposition 1967 et 1968.
Cet appel fut entendu en même temps que des appels relatifs aux contribuables suivants:
William B. Stelpstra dossier T-3038-72
Arend J. Deweger dossier T-3039-72
Peter Havercamp dossier T-3040-72
Jelle Visser dossier T-3041-72
Arend J. Veldhuis dossier T-3042-72
Reinder Jonas Jacobi dossier T-3043-72
Cornelius Stigter dossier T-3044-72
Nick Anema dossier T-3045-72
Les avocats ont convenu que tous les appels susmentionnés ainsi que le présent appel seraient entendus ensemble sur preuve commune.
La question ainsi en litige consiste à détermi- ner si certaines sommes d'argent versées par chacun des défendeurs pendant les années d'im- position 1967 et 1968 à une école, la Canadian Christian School, à Jarvis (Ontario) sont déduc- tibles de leur revenu en vertu des dispositions de l'article 27(1)a)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu.'
1 27. (1) Aux fins du calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit du revenu pour l'année ceux des montants suivants qui sont applicables:
a) l'ensemble des dons que, dans l'année (et, dans l'année immédiatement précédente, jusqu'à concurrence du mon- tant desdits dons, qui n'était pas déductible aux termes de la présente loi dans le calcul du revenu imposable du contribuable pour cette année immédiatement antérieure), le contribuable a faits
(i) à des organisations de charité canadiennes enregistrées,
La demanderesse a admis que ladite école, la Canadian Christian School de Jarvis (Ontario), (ci-après appelée l'école de Jarvis) est une orga nisation de charité canadienne enregistrée au sens de l'article 27(1)a)(i).
On a aussi admis que, pendant l'année d'im- position 1967, le défendeur avait versé à l'école de Jarvis la somme de $499.00 et réclamé une déduction de $299.00 à titre de don charitable, en vertu dudit article 27(1)a)(i). On a également admis que pendant l'année d'imposition 1968 le défendeur avait versé à l'école de Jarvis la somme de $590 1 .00 et réclamé une déduction de $390.00 à titre de don charitable.
En ce qui concerne les autres contribuables susmentionnés, les sommes versées en 1967 et 1968 varient, mais ni leurs montants ni les mon- tants des déductions réclamées ne sont contes tés. Le dénominateur commun de toutes ces affaires consiste dans le fait que les premiers $200.00 versés à l'école de Jarvis ne furent pas déduits du revenu à titre de don charitable. Seul l'excédent des sommes versées par chaque con- tribuable à l'école de Jarvis pour ces années 1967 et 1968 fut déduit de leur revenu à titre de don charitable.
Ils allèguent dans leur défense que l'école de Jarvis, selon les conseils du ministère du Revenu national et avec son consentement, a fixé le montant des frais de scolarité sur une base familiale, soit $200.00 pour chaque famille dont les enfants fréquentent ladite école. Ils allèguent en outre qu'il a été convenu que toute somme en sus desdits $200.00 devait être consi- dérée comme un don. La demanderesse prétend par contre que les sommes de $400.00 versées par le défendeur à l'école de Jarvis en 1967 et 1968 constituaient la contrepartie de l'éducation donnée à ses deux enfants dans ladite école et ne constituaient pas un don; elle prétend en conséquence que ces montants ne peuvent être déduits en vertu de l'article 27(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les cotisations des autres défendeurs sus- mentionnés ont été établies sur la même base de calcul, c.-à-d., en considérant que jusqu'à con currence de $200.00 par étudiant fréquentant l'école, les sommes versées représentaient la
contrepartie de l'éducation donnée à cet étu- diant et que seules les sommes versées à l'école en sus des premiers $200.00 par étudiant consti- tuaient un don et étaient déductibles en vertu de l'article 27(1)a).
En résumé, les défendeurs considèrent que les premiers $200.00 correspondent aux frais de scolarité par famille et que les sommes en sus constituent un don. Par contre, la demanderesse considère que les frais de scolarité s'élèvent à $200.00 par étudiant fréquentant l'école et que l'excédent constitue un don. C'est donc seule- ment dans le cas d'une famille ne comptant qu'un étudiant à l'école de . Jarvis que les métho- des différentes choisies par les parties produi- sent le même résultat pour le montant des coti- sations. En ce qui concerne tous les présents défendeurs, chaque famille comptait plusieurs étudiants à l'école de sorte que, dans chacun de ces cas, la cotisation résultante est différente.
L'école de Jarvis a été organisée par la Canadian Christian School Society de Jarvis (ci-après appelée la Société de Jarvis). Le but de cette société était d'établir et de maintenir une école chrétienne séparée qui mettrait en oeuvre les principes de la Société. Le fondement et les principes de cette société sont énoncés à l'arti- cle 2 de sa constitution que voici:
[TRADUCTION] Le fondement de la présente société est dans la Parole infaillible de Dieu telle que l'ont interprété la confession de Belgique, le catéchisme d'Heidelberg, le canon de Dort et la confession de Westminster.
Nos principes fondamentaux sont:
Que les enfants sont un héritage du Seigneur et doivent être élevés en son Nom;
Que les parents ont la responsabilité d'assurer à leurs enfants une éducation conforme à la Parole de Dieu;
Qu'une telle éducation ne peut être dispensée que par une école chrétienne séparée.
L'école de Jarvis est membre de l'Ontario Al liance of Christian Schools (ci-après appelée l'Alliance ontarienne) qui comprend environ 49 écoles chrétiennes (externats) en Ontario. Ces 49 écoles comptent environ 8,500 étudiants externes à plein temps. La plupart de ces écoles ont été créées dans les années 50 à une époque des immigrants hollandais au Canada décidè- rent qu'en reconnaissance envers Dieu, ils devaient apporter au Canada leur contribution
particulière et que, selon leurs convictions, leur devoir était de servir leur prochain et la société dans son ensemble. La plupart des membres de la Société sont membres de l'Église chrétienne réformée, de confession protestante, bien que l'appartenance à la Société soit ouverte à toute personne qui souscrit à ses buts et objectifs.
John Olthuis, directeur des programmes et recherches de l'Alliance ontarienne, a témoigné. Il affirme avoir été conseiller de l'Alliance onta- rienne sur les questions gouvernementales et juridiques (il est membre du Barreau de l'Al- berta). Il affirme qu'une de ses fonctions consis- tait à essayer de convaincre le gouvernement de l'Ontario d'adopter une loi permettant aux parents et aux tenants des écoles membres de l'Alliance d'apporter à ces écoles une aide finan- cière déductible aux fins d'impôt. Il décrivit l'Alliance ontarienne comme une organisation d'entraide et comme le porte-parole des écoles membres. Selon lui, le but des sociétés scolaires est la mise en oeuvre du désir de leurs membres d'apporter leur contribution à la société en don- nant une éducation chrétienne à leurs enfants qui deviendraient ainsi des citoyens canadiens respectueux des lois et moralement intègres. L'éducation séculière, dit-il, ne constituait pas l'objectif fondamental de ces écoles; l'éducation séculière était dispensée de manière adéquate dans les écoles publiques séparées déjà établies, subventionnées par les contribuables; l'éduca- tion chrétienne avait la priorité dans ces écoles chrétiennes; il affirme enfin que cette éducation chrétienne était dispensée à titre de service rendu non seulement aux membres mais à la communauté toute entière.
En décembre 1965 et janvier 1966, la Hamil- ton Christian School Society engagea des pour- parlers et entra en correspondance avec le bureau de district de Hamilton du ministère du Revenu national (impôt) afin que le Ministère décide quelles déductions à l'impôt sur le revenu pourraient être opérées relativement aux contributions versées à la société scolaire.
Il semble qu'il y ait eu par la suite un malen- tendu sur ce qui fut convenu. Le ministère du Revenu national (impôt) estimait que les frais de scolarité devaient être basés sur le coût approxi- matif des frais de scolarité par étudiant, soit à
cette époque un peu plus de $200.00 par étu- diant. Par contre, la Société pensait que le Ministère avait convenu que les frais de scola- rité, aux fins de l'impôt, se chiffraient à $200.00 par famille. Olthuis témoigna avoir été interrogé au sujet de ce problème fiscal lors de la réunion annuelle de l'Alliance ontarienne tenue en novembre 1967. Il affirme que, se fondant sur ce qu'il savait de l'entente conclue entre le ministère du Revenu national et l'école de Hamilton, il a informé les personnes présentes à cette réunion annuelle que toutes les écoles membres pourraient continuer à considérer comme frais de scolarité la somme de $200.00 par famille et l'excédent comme un don. Con- formément à ces conseils, les sociétés scolaires membres continuèrent ainsi et ceux de leurs membres qui avaient versé plus de $200.00 par an réclamèrent l'excédent à titre de don en vertu de l'article 27(1)a)(i). Tous les défendeurs ont réclamé ces déductions pour leurs années d'im- position 1967 et 1968.
Quatre des défendeurs (Zandstra, Stelpstra, Deweger et Visser) ont témoigné lors du procès. Pour l'essentiel, leurs témoignages étaient simi- laires quant aux points en litige dans ces actions. Chacun d'eux avait plusieurs enfants fréquentant l'école de Jarvis pendant les années en cause; ils souscrivent tous à l'article 2 de la constitution de la Société (précité) et affirment que son énoncé est en accord avec leur foi personnelle. Zandstra déclare qu'il considère l'école comme une extension de leur vie fami- liale conformément audit article 2. Il prétend aussi considérer l'école [TRADUCTION] «... comme un moyen de servir le Royaume de Dieu pour notre famille et notre pays.» Ils ont tous indiqué qu'ils pensaient avoir une obligation morale envers des enfants autres que les leurs et que cette obligation se réflétait dans leurs dons à la Société. Les états financiers de l'école de Jarvis pour les années en cause ont été soumis en preuve. Ils comprenaient les budgets annuels proposés pour les années financières allant du l er juillet 1967 au 30 juin 1968 et du 1 °r juillet 1968 au 30 juin 1969. Le revenu prévu figurant au budget annuel proposé pour 196'7-1968 était réparti de la manière suivante:
[TRADUCTION]
Revenu Budget
Parents: 1967/68
Droits $ 10.00
Frais de scolarité 200.00
Dons
Engagement sur l'honneur 390.00
85 x $600.00 $51,000.00
Autres membres:
Droits $ 10.00
Donations 265.00 22,000.00
$73,000.00
Le budget annuel proposé pour 1968-1969 était ventilé de manière à peu près similaire excepté que le nombre des parents était de 87 au lieu de 85 et que le montant qu'ils devaient verser en vertu de leur engagement sur l'hon- neur était de $450.00 au lieu de $390.00.
Interrogés sur la raison pour laquelle les parents étaient traités de manière différente dans les budgets que les autres membres de la Société, les défendeurs qui ont témoigné n'ont attaché aucune signification particulière à cette distinction. Ils affirmèrent avoir apporté leurs contributions à l'école selon leurs moyens finan ciers. Zandstra mentionna que, par exemple, pour l'année scolaire 1973-1974, en raison d'un changement dans sa situation financière, il avait été incapable de verser un montant même approchant du montant prévu pour les parents et qu'aucun membre de la Société n'a exercé de pression pour qu'il verse un montant supérieur. Apparemment la Société fonctionne sur le prin- cipe que les membres verseront ce qu'ils pour- ront, selon leurs consciences. Tous les défen- deurs qui ont témoigné ont affirmé qu'ils considéraient la cotisation prévue chaque année pour les parents comme une obligation morale plutôt qu'une obligation juridique et contrac- tuelle. Certains témoins ont expliqué la diffé- rence entre les cotisations demandées aux mem- bres parents par opposition aux membres non-parents par le fait qu'on prévoyait et qu'ef- fectivement on recevait un montant inférieur per capita, car il s'agissait pour la plupart de membres plus jeunes ou plus âgés disposant de
revenus moins élevés. Je retiens une impression favorable des dépositions des défendeurs. Ils sont des membres consciencieux et dévoués de la Société de Jarvis. Ils croient fermement que le concept des écoles chrétiennes est très vala- ble et je suis disposé à les croire lorsqu'ils expriment la conviction que ces écoles chrétien- nes développent et produisent de bons chrétiens canadiens. Cependant, même si je considère que leur travail dans ces écoles chrétiennes est louable, quelle que soit ma sympathie à l'égard de leurs buts et objectifs, il me faut déterminer maintenant si, compte tenu de la preuve sou- mise, les fonds versés par ces défendeurs à l'école de Jarvis constituaient des «dons» au sens de ce terme à l'article 27(1)a)(i).
Le mot «don» est défini dans le Halsbury 2 de la manière suivante:
[TRADUCTION] Un don entre vifs peut être défini succincte- ment comme le transfert de tout bien d'une personne à une autre à titre gratuit à une époque le donateur est vivant et il ne fait pas ce transfert en prévision de sa mort ... . [C'est moi qui souligne.]
Dans le Black's Law Dictionary 3 , le mot «don» est défini comme:
[TRADUCTION] Un transfert volontaire d'un bien sans contrepartie.
et:
[TRADUCTION] Cession d'un bien par un propriétaire, sans contrepartie pécuniaire ... .
Le Shorter Oxford Dictionary définit le mot «donner» comme:
[TRADUCTION] ... Transfert d'un droit de propriété sur une chose, volontairement et sans contrepartie ... .
Appliquant aux faits de l'espèce, ces définitions de dictionnaires du mot _ «don», j'ai conclu que les sommes versées par les parents à l'école de Jarvis ne constituent pas des paiements effec- tués sans contrepartie et ne peuvent donc être considérées comme des «dons» en vertu de l'article 27(1)aXi).
2 Halsbury's Laws of England, édition, vol. 18, 364 à la p. 365.
Black's Law Dictionary -4° édition révisée-1968, West Publishing Co. 817 à 818.
Les défendeurs ont tous exprimé leur accord et leur conviction relativement aux principes fondamentaux énoncés à l'article 2 de la consti tution de la Société de Jarvis (précité). Dans cet article, est exprimée la conviction que les parents «... ont la responsabilité d'assurer à leurs enfants une éducation conforme à la Parole de Dieu;» et «... qu'une telle éducation ne peut être dispensée que par une école chré- tienne séparée.» Il me semble qu'ils ont reçu de l'école de Jarvis une contrepartie à ce paiement sous la forme de l'éducation donnée à leurs enfants dans une école chrétienne séparée, dans l'accomplissement de leur devoir en tant que parents tel qu'ils le conçoivent.
Le sens à attribuer au mot «don», employé dans l'Income Tax Assessment Act of Australia, fut examiné par la Haute Cour d'Australie dans l'affaire Commissioner of Taxation of the Com monwealth c. McPhail 4 dans lequel le juge Owen déclarait:
[TRADUCTION] n est évident, à mon avis, que pour consti- tuer un «don», il doit être établi que le bien transféré l'a été volontairement et non en raison d'une obligation contrac- tuelle d'effectuer ce transfert et qu'aucun avantage de nature matérielle n'a été reçu par le cédant en contrepartie de ce transfert .... Si cependant le paiement devait être considéré comme un paiement volontaire, le contribuable l'a effectué, en s'attendant à recevoir en retour, et a en fait reçu une concession importante sur les droits exigés pour l'édu- cation de son fils. Dans aucun de ces cas, il n'a fait de «don» au sens de l'article 78(1).
Le raisonnement suivi dans cette affaire s'ap- plique en l'espèce. Même si l'on accepte les témoignages des défendeurs dans ces affaires, selon lesquels les paiements en cause étaient volontaires et ne résultaient pas d'une obligation contractuelle, il semble évident que ces parents ont reçu une contrepartie, c.-à-d., l'éducation chrétienne de leurs enfants.
Il ressort clairement des dépositions de la plupart des témoins qu'ils considéraient avoir envers leurs enfants le devoir essentiel de leur donner une éducation chrétienne dans une école chrétienne séparée et s'être acquittés de cette obligation par les paiements versés à l'école de Jarvis. A mon avis, une telle situation de fait exclut clairement ces paiements de la catégorie des «dons».
4 (1967-68) 41 A.L.J.R. 346 à la p. 348.
On ne m'a mentionné aucune décision de la présente cour sur une situation similaire, et je n'en ai pas trouvé. On m'a mentionné cependant plusieurs décisions de la Commission d'appel de l'impôts à l'occasion desquelles elle a examiné le sens du mot «don» utilisé à l'article 27(1)a)(i), dans des circonstances analogues à celles de l'espèce. Dans toutes ces affaires, les déduc- tions réclamées à titre de dons ont été rejetées en raison de l'existence de contreparties à ces paiements.
Pour toutes ces raisons, je conclus que le ministre du Revenu national avait décidé à juste titre que, jusqu'à concurrence d'au moins $200.00 annuellement et par enfant fréquentant l'école, les paiements effectués par les défen- deurs ne constituaient pas des dons. Le chiffre de $200.00 par enfant retenu par le Ministère est arbitraire, car il s'agit d'un chiffre inférieur au coût réel de l'éducation d'un enfant établi par la preuve. La preuve relative au nombre d'en- fants fréquentant l'école de Jarvis pendant les années en cause n'est pas très satisfaisante bien que le défendeur Stelpstra, comptable de l'école, ait affirmé qu'il était en moyenne de 200, [TRADUCTION] «... à dix étudiants près». A partir de ce chiffre, le coût par étudiant fondé sur le coût réel de fonctionnement de l'école s'élève à environ $236.00, pour l'année 1967- 196'8 et à $250.00 pour l'année scolaire 1968-1969 .
Ainsi, le chiffre arbitraire de $200.00 retenu par le Ministre est inférieur au coût réel. Il ne s'agit pourtant pas ici d'un cas les cotisations devraient être renvoyées au Ministre puisqu'il en résulterait une augmentation des cotisations. Cela reviendrait à accueillir un appel interjeté par le Ministre des cotisations qu'il a lui-même établies. Dans un appel interjeté par un contri- buable devant la Cour, la question fondamentale consiste à déterminer si la cotisation est trop élevée 6 . En l'espèce, le répartiteur a agi selon un
Gaudin c. M.R.N. 55 DTC 385; No 688 c. M.R.N. 60 DTC 130; Homa c. M.R.N. 69 DTC 673; et Aspinall c. M.R.N. 70 DTC 1669.
6 Pour un point de vue analogue, voir: Harris c. M.R.N. 64 DTC 5332 à la p. 5337, le juge Thurlow. Voir aussi: Vinland Quarries c. M.R.N. 70 DTC 6043; Bronze Memori als c. M.R.N. 69 DTC 5420; Consolidated Building c. M.R.N. 65 DTC 5211.
principe correct mais ses cotisations sont légère- ment inférieures à ce qu'elles auraient être. Dans les circonstances, il est évident, semble- t-il, que les cotisations doivent être confirmées.
Lors des débats, j'ai porté à l'attention des deux avocats deux jugements récents de la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Galway c. M.R.N. 7 et je les ai invités à faire quelques commentaires sur la possibilité d'appliquer le raisonnement suivi dans ces décisions aux faits de l'espèce. Après avoir examiné les prétentions des avocats à ce sujet, j'ai conclu qu'il fallait établir une distinction sur les faits avec l'affaire Galway (précitée). Dans cette affaire, on demandait à la Cour de donner effet à un com- promis plutôt qu'à une entente intervenue entre les parties, sur la manière d'établir la cotisation en appliquant le droit aux faits réels. La Cour d'appel déclarait à la page 602:
... à notre avis, le Ministre a l'obligation aux termes de la Loi, de fixer le montant de l'impôt exigible d'après les faits qu'il établit et en conformité de son interprétation de la loi. Il s'ensuit qu'il ne peut établir une cotisation pour un certain montant fixé afin de donner effet à un compromis et que, lorsque la Division de première instance ou la présente cour d'appel défère une cotisation au Ministre pour nouvelle cotisation, cela ne peut s'effectuer que d'après les faits et en conformité de la loi, et non pour donner effet à un compromis.
Dans les affaires présentes, les cotisations atta- quées ne sont pas des «compromis» au sens de ce terme dans l'affaire Galway (précitée). Les cotisations en cause ont été établies selon la meilleure estimation possible, à l'époque, du coût réel de l'éducation de chaque étudiant à l'école de Jarvis selon les informations alors disponibles. Il s'avère maintenant que ces esti mations ne sont pas assez élevées. A mon avis, une telle situation ne peut entraîner la nullité des cotisations en cause. En décider autrement reviendrait à conclure que toutes les cotisations trop faibles sont nulles, qu'il s'agisse d'une erreur de calcul ou d'une erreur révélée par des faits découverts ultérieurement. La Loi de l'im- pôt sur le revenu n'exige pas à mon avis un tel résultat 8 .
7 [1974] 1 C.F. 593; [1974] 1 C.F. 600.
Voir par exemple: l'article 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu 1973-74.
Les cotisations en cause sont donc confir- mées. Les appels interjetés par la demanderesse sont donc accueillis; conformément à l'article 178(2) de la Loi de 1973-74, j'ordonne au Ministre de payer au procureur des défendeurs la somme de $5,000.00, à titre d'honoraires, et la somme de $150.00 pour les frais raisonnables et justifiés engagés par les défendeurs à l'occa- sion des neuf actions.
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