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T-724-74
Gilles Thibault (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Ottawa, le 9 septembre et le 17 octobre 1975.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu—Impôt sur un montant servant à payer l'impôt—Peut-on établir une cotisa- tion à l'impôt sur des montants qu'un contribuable est en droit de réclamer en vertu d'un contrat, mais qu'il est dans l'impos- sibilité de percevoir—L'entente sur le remboursement au con- tribuable de tout impôt n'entre-t-il en jeu que lorsque la cotisation a été établie—Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1952-1953, c. 40, art. 43.
Le demandeur a vendu des actions dont le prix d'achat était payé par versements mensuels. Des paiements mensuels furent versés en 1968 et 1969 et, bien que le contribuable ait déclaré que les montants représentaient des versements à compte de capital, le Ministre considéra, vu que le prix d'achat devait être payé par versements mensuels, dont le montant était calculé selon un système d'annuité, que l'élément intérêt de chaque paiement était imposable à titre de revenu. On a aussi imposé un montant supplémentaire qu'en vertu d'une entente, les ache- teurs s'étaient engagés à verser au demandeur pour le rembour- ser des impôts qui seraient exigibles.
Arrêt: l'appel est rejeté. Rien dans l'article 43 des S.C. 1952-1953, c. 40, n'indique qu'aucun impôt ne peut être perçu sur les montants versés en vertu d'un contrat de remboursement de tout impôt dû. Il s'agit d'une confirmation de l'usage actuel qui consiste à ajouter au revenu l'impôt ainsi payé au nom du contribuable. Le demandeur prétend que le fait qu'il avait le droit en 1968 et 1969 de réclamer le remboursement n'ajoute pas .ce montant à son revenu s'il n'a jamais reçu la somme équivalente; il semble cependant qu'une partie de cette somme lui fut effectivement versée, peut-être même sa totalité. Deuxiè- mement, même si ledit impôt n'a été imposé qu'en 1971, et que le demandeur ne pouvait se prévaloir du contrat qu'après l'établissement de la nouvelle cotisation, les impôts supplémen- taires étaient payables à l'égard des années 1968 et 1969 aux termes du contrat de remboursement, et le droit de réclamer ladite somme au répondant constituait un revenu supplémen- taire pour ces années, même si le montant exact n'en fut déterminé qu'après l'établissement de la nouvelle cotisation.
Arrêts examinés: New York Central Railroad Company c. Le ministre du Revenu national (1952-53) 7 Tax A.B.C. 334; Commissioners of Inland Revenue c. The Granite City Steamship Co. Ltd. (1927-28) 13 T.C. 1; Hartland c. Diggines [1926] A.C. 289; Salter c. M.R.N. [1946] R.C.E. 634; Commissioners of Inland Revenue c. Baillie (1933-37) 20 T.C. 187; In re Kemp [1940] R.C.S. 353; Re Wood [1943] C.T.C. 199; Le Roi c. Montreal Telegraph Company [1925] R.C.E. 79; Michelham's Executors c. Commissioners of Inland Revenue (1928-31) 15 T.C. 737; Kliman c. Winckworth (1928-1933) 17 T.C. 569.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
S. P. Mendell pour le demandeur.
B. Schneiderman pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Phillips & Vineberg, Montréal, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Voici la version française des motifs du juge- ment rendus par
LE JUGE WALSH: Appel est interjeté d'une nou- velle cotisation à l'impôt sur le revenu du deman- deur, en date du 20 mai 1971, sont incluses à son revenu imposable pour les années d'imposition 1968 et 1969, les sommes de $4,804.90 et $5,765.88 respectivement, au titre d'éléments revenu dans certains paiements considérés comme des annuités; en outre elle imposait un montant supplémentaire qu'en vertu d'une entente conclue avec le demandeur, les acheteurs des actions d'une compagnie s'engageaient à verser pour le rembour- ser de tout impôt sur le revenu qui serait exigible en raison des termes mêmes dudit contrat d'achat. Par contrat daté du 9 octobre 1968, cinq des fils de feu Pierre Thibault vendirent les actions dans la Pierre Thibault Canada Ltée, dont ils avaient hérité, à la Guy Charron Limitée agissant en son nom et au nom de la Finco Limitée pour la somme de $610,000 comptant. Par contrat daté du 11 mars 1968, les quatre autres fils, savoir le deman- deur Gilles, ses frères Pierre-Paul, Réjean et Guy, vendirent les actions qu'ils avaient eux aussi hérité de leur père aux mêmes acheteurs, pour la somme totale de $560,000, soit $140,000 chacun. Par un deuxième contrat daté du 11 mars 1968, la fille de feu Pierre Thibault et sa veuve vendirent aux mêmes acheteurs les actions qu'elles détenaient conjointement pour $100,000 (elles ne détenaient pas le même nombre d'actions). Les deux contrats du 11 mars 1968 prévoyaient que le demandeur actuel Gilles, ses frères Pierre-Paul, Réjean et Guy, sa mère Julia Thibault et sa sœur Pierrette Thibault Dufault recevraient le prix d'achat au moyen d'une annuité payée par versements men- suels, garantie pour une durée de quinze ans; comme les frères n'étaient pas tous du même âge et que le montant payable à la sœur et à la mère
était moins élevé, les paiements mensuels d'annuité étaient différents; cependant, si, dans chaque cas, les paiements d'annuité avaient été versés pendant la période minimum de quinze années chaque bénéficiaire aurait reçu une somme bien supérieure au prix de vente de ses actions. Les deux femmes demandèrent et obtinrent une rente viagère garan- tie pour une durée de quinze ans, que la Finco Limitée et Guy Charron Limitée achetèrent pour elles à Provincial Life Assurance Company Lim ited, après paiement d'une prime unique de $103,- 873. Les quatre frères en cause, qui n'avaient pas vendu leurs actions au comptant, se contentèrent de recevoir directement des acheteurs leurs paie- ments mensuels d'annuité. Ces paiements mensuels furent versés à tous les vendeurs pendant les années d'imposition 1968 et 1969; bien que les contribuables déclarent que les montants ainsi reçus représentaient des versements à compte du capital reçu pour la vente de leurs actions, le Ministre considéra, compte tenu du fait que le prix d'achat devait être payé par versements mensuels, dont le montant était calculé selon un système d'annuité, que l'élément intérêt de chaque paie- ment était imposable à titre de revenu; la nouvelle cotisation résulte des calculs effectués en consé- quence. L'appel interjeté de ces nouvelles cotisa- tions fut rejeté par la Commission de révision de l'impôt. Les contribuables introduisirent alors le présent appel devant la Cour.
Au début des audiences, il fut convenu que la décision dans la présente affaire s'appliquerait aux cinq autres appels. L'avocat du demandeur déclara que ce dernier ne contestait plus en appel la cotisa- tion portant sur l'élément intérêt des paiements effectués selon le système des annuités, mais atta- quait seulement la cotisation relative au montant devant servir à payer l'impôt, en vertu du troisième contrat.
Ce contrat lui aussi daté du 11 mars 1968 se lit comme suit:
Guy Charron Limitée, Finco Limitée et Guy Charron person- nellement s'engagent conjointement et solidairement vis-à-vis Messieurs Pierre Paul Thibault, Gilles Thibault, Réjean Thi- bault et Guy Thibault, tous de Pierreville, comté de Yamaska, que le mode de paiement que vous avez accepté pour le transfert de vos actions, soit une rente capital payable mensuel- lement avec un terme garantie de quinze (15) ans, sur la base indiquée au paragraphe 2 de la convention signée le 11 mars 1968, ne sera jamais imposable en vertu des lois de l'impôt sur le revenu. Au cas contraire, nous nous engageons à vous
indemniser. Nous nous portons fort de la présente. Le présent engagement vaut quant à la rente payable à mesdames Thi- bault et Dufault.
Malheureusement pour les quatre frères en cause dans ces appels, ceux qui n'ont pas vendu les actions au comptant ni demandé aux acheteurs de leur procurer des annuités auprès d'une compagnie d'assurance, comme le firent Julia Thibault et Pierrette Thibault Dufault, ces versements prirent fin en juin 1972. La Guy Charron Limitée fit faillite et la Finco Limitée n'avait jamais possédé d'actif. Lorsque fut établie la cotisation ajoutant à l'impôt payable la somme de $10,925.20, les six Thibault payèrent, puis formèrent leurs réclama- tions dans les procédures de faillite. En outre, tous les demandeurs, à l'exception de Pierrette Thibault Dufault, dont la nouvelle cotisation portait sur un montant relativement faible, introduisirent des procédures en 1971 devant la Cour supérieure ou la cour provinciale, selon le cas, à Montréal, contre Guy Charron lui-même en raison de la garantie personnelle dont il avait assumé les paiements d'annuité et le paiement des impôts dus le cas échéant sur ces derniers. Dans son témoignage, Guy Charron déclara qu'il n'était pas plus en mesure d'effectuer lui-même les paiements que la compagnie en faillite; il menaça de se mettre lui- même en faillite, mais parvint à un règlement le 11 avril 1973, avec les quatre frères, Gilles, Pierre- Paul, Réjean et Guy, ainsi que la mère, Julia Thibault; en vertu de ce règlement, il leur versa la somme de $17,000 pour quittance totale et défini- tive de toutes les réclamations existantes ou futu res à l'égard des contrats du 11 mars 1968. Les poursuites engagées devant les tribunaux du Québec furent abandonnées et Charron convint de payer les honoraires d'avocats relatifs aux avis d'opposition aux cotisations à l'impôt sur le revenu, et convint en outre que tout montant éven- tuellement versé aux Thibault par le ministre du Revenu national, à la suite desdites oppositions ou de toute autre opposition à venir, demeurerait leur propriété pleine et entière. Puisque Gilles Thibault devait recevoir $1,016 par mois, Pierre-Paul $1,130, Réjean $937 et Guy $930 à vie et puisque l'impôt en cause dans les cotisations de 1968 et 1969 se chiffrait à $10,925.20, comme nous l'avons déjà dit, il est bien évident que le règlement ne devait pas même couvrir deux paiements mensuels d'annuité en plus du montant cotisé à titre d'élé- ment revenu des paiements d'annuité de 1968 et
1969. On n'essaya même pas de déterminer quelle part du règlement était imputable aux paiements d'impôt et quelle part l'était aux paiements d'an- nuité, ces preuves n'ayant été soumises que dans le but d'établir que tous les efforts possibles avaient été faits pour recouvrer non seulement les paie- ments d'annuité mais aussi la nouvelle imposition des impôts établis à l'égard de l'élément revenu desdits paiements, et que tous ces efforts n'avaient donné que des résultats minimes, puisqu'ils n'avaient reçu aucun dividende, ni ne s'attendaient à en recevoir, à la suite des réclamations contre Guy Charron Limitée.
La Cour doit donc déterminer dans cet appel si, en premier lieu, on peut établir une cotisation à l'impôt sur des montants qu'un contribuable est en droit de réclamer en vertu d'un contrat, mais qu'il est dans l'impossibilité de percevoir, et si, en second lieu, l'accord sur le remboursement au contribuable de tout impôt sur le revenu résultant des paiements d'annuité n'entre en jeu que lorsque la cotisation a été établie—en l'espèce, en 1971— ou si le droit de réclamer le remboursement devrait être considéré comme applicable aux années, 1968 et 1969, parce que l'impôt était prétendument payable à l'égard de ces années-là, bien que le ministre du Revenu national n'ait établi aucune nouvelle cotisation avant 1971.
La jurisprudence, sans traiter exactement du point en cause, éclaire cependant la question. L'af- faire la plus pertinente à cet égard est le jugement rendu par la Commission d'appel de l'impôt, The New York Central Railroad Company c. Le ministre du Revenu national' qui examine soi- gneusement la jurisprudence canadienne et britan- nique' à l'égard de l'imposition supplémentaire d'impôts. Le sommaire décrit les faits de la manière suivante:
[TRADUCTION] L'appelante était locataire de biens apparte- nant à une autre compagnie de chemins de fer; à ce titre, elle s'occupait de la gestion de biens appartenant à deux autres compagnies et s'obligeait donc, entre autres, à payer tous les impôts exigibles desdites compagnies. Dans la cotisation de l'appelante, à l'égard de l'année 1948, établie en 1950, le montant total de tous les impôts payables au nom des deux compagnies fut ajouté au revenu imposable des compagnies; l'appelante fut donc amenée à payer des impôts sur des impôts. Pour déterminer exactement l'impôt ainsi payable, il fut néces- saire d'effectuer seize calculs pour établir le montant de l'impôt pour chaque dollar payé par l'appelante au nom des deux
(1952-53) 7 Tax A.B.C. 334.
compagnies et considéré comme revenu imposable supplémen- taire pour ces dernières. L'appelante soutint que cette méthode n'était pas légitime au vu des dispositions de la Loi et qu'il s'agissait d'une dérogation aux usages ministériels antérieurs.
Les trois méthodes de calbul sont décrites à la page 337. Dans la première, le locataire n'était pas
autorisé à déduire l'impôt payé au nom des deux bailleresses et le montant ainsi payé n'était pas ajouté au revenu imposable de ces dernières. Dans la deuxième, l'impôt payé pour les deux bailleres- ses était ajouté à leur revenu et le locataire était seulement autorisé à déduire l'impôt initial et payé, et non le nouvel impôt. Dans la troisième, l'impôt était calculé quinze fois avant que le mon- tant ajouté au revenu des bailleresses devienne inférieur à un cent et l'impôt finalement déterminé était ajouté au revenu imposable des bailleresses, le locataire déduisant alors le montant total versé au nom de ces dernières. La Commission en fai- sant remarquer que la troisième méthode ne sem- blait pas équitable, déclarait à la page 342:
[TRADUCTION] Une telle méthode ne semble pas justifiée et son adoption à une date aussi tardive, comme s'il s'agissait d'une réflexion après coup, semble regrettable. Il est déplorable que la Commission ne soit pas en mesure d'intervenir. De nouvelles dispositions législatives, si elles s'avéraient nécessaires, seraient sans doute le seul redressement possible pour l'appelante.
Dans cette affaire furent cités deux jugements britanniques, à la page 340, savoir Kliman c. Winckworth ((1933) 17 T.C. 569, la p. 572) le juge Finlay déclarait:
[TRADUCTION] Les considérations d'équité n'ont évidemment pas leur place dans une loi fiscale .... Il appartient bien sûr au législateur et non aux tribunaux de tenir compte de questions de ce genre.
Fut aussi citée une déclaration de lord Blackburn dans l'arrêt The Commissioners of Inland Reve nue c. The Granite City Steamship Co. Ltd. ((1927-28) 13 T.C. 1, à la p. 16): «équité et impôt sur le revenu sont des choses bien distinctes». Il est bien possible que ce soit à la suite de cette décision que fut modifiée la Loi de l'impôt sur le revenu, en 1953, par S.C. 1952-53, c. 40, art. 43, qui se lit comme suit:
43. (1) Lorsque, en vertu d'un contrat, d'un testament ou d'une fiducie conclus, faits ou créés avant l'entrée en vigueur de la présente Partie, une personne est tenue de faire un paiement, et est requise, aux termes du contrat, du testament ou de la fiducie, de payer un montant additionnel calculé en fonction de l'impôt payable par le bénéficiaire sous le régime de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, en raison du paiement,
a) l'impôt payable par le bénéficiaire sous le régime de ladite Partie I pour l'année d'imposition au cours ou à l'égard de laquelle ledit paiement se trouve fait ou exigible, est le montant auquel se chiffrerait l'impôt du bénéficiaire sous le régime de ladite Partie I pour l'année, si aucun montant en vertu du contrat n'était compris dans le calcul de son revenu pour l'année, plus
(i) le montant dont son impôt sous le régime de ladite Partie I serait augmenté par l'inclusion du paiement dans le calcul de son revenu, et
(ii) le montant dont l'impôt du bénéficiaire sous le régime de la Partie I pour l'année serait encore augmenté par l'inclusion, dans le calcul de son revenu pour l'année, du montant déterminé selon le sous-alinéa (i) ou du paiement additionnel, en prenant le moindre des deux, et
b) si le payeur avait droit, d'autre part, de déduire les montants payables en vertu d'un tel contrat, dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition, il n'a pas droit de déduire le montant déterminé d'après le sous-alinéa (ii) de l'alinéa a).
(2) Le présent article s'applique à l'année d'imposition 1953 et aux années d'imposition subséquentes.
Compte tenu des termes «fait ou exigible» à l'égard du montant additionnel compris dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d'imposi- tion, il semble que le paiement exigé au cours d'une année ultérieure augmente néanmoins le revenu du contribuable pour l'année d'imposition en question.
L'avocat soutint que le but de cette modification était d'éliminer la troisième méthode de calcul utilisée dans l'affaire The New York Central Rail road Company et ses calculs infinis, et de sanction- ner aussi par la loi la seconde méthode, l'impôt payé ou payable au nom du contribuable est ajouté à son revenu imposable sur lequel il paiera donc un impôt, sans qu'il soit besoin de répéter l'opération. On signala toutefois que l'article 43(1) ne s'appli- que qu'à «un contrat, un testament ou une fiducie conclus, faits ou créés avant l'entrée en vigueur de la présente Partie» (les italiques sont de moi) et que le paragraphe (2), indiquant que cet article s'applique à l'année d'imposition 1953 et aux années suivantes signifie simplement que la méthode de calcul décrite au paragraphe (1) s'ap- plique à toute année d'imposition à compter de 1953, mais n'a aucun effet sur la restriction prévue au paragraphe (1) selon laquelle l'article ne s'ap- plique qu'aux contrats conclus avant son entrée en vigueur. Si l'on avait voulu qu'il s'applique à tous les contrats subséquents, le paragraphe (1) aurait précisé «avant ou après l'entrée en vigueur de la présente Partie». Je souscris à cette interprétation
qui cependant n'était pas la prétention du deman- deur car, même si cet article ne s'appliquait pas à l'accord en cause, le Ministre a établi la cotisation à l'impôt selon ce principe, sans procéder à des opérations successives comme il aurait pu le faire puisque cet article ne s'appliquait pas en l'espèce. De toute façon, rien dans cet article n'indique qu'aucun impôt ne peut être perçu sur les mon- tants versés à un contribuable en vertu d'un con- trat de remboursement de tout impôt sur le revenu dont il pourrait être redevable. Il s'agit plutôt d'une confirmation de l'usage actuel qui consiste à ajouter au revenu l'impôt ainsi payé en son nom. Voir par exemple les arrêts Hartland c. Diggines 2 et Salter c. M.R.N. 3 , qui approuve la décision Hartland c. Diggines, et Commissioners of Inland Revenue c. Baillie 4 , toutes citées dans l'affaire The New York Central Railroad Company, (précitée).
Deux autres affaires, bien que traitant essentiel- lement de l'interprétation de testaments, méritent d'être examinées. Dans l'affaire In re les fiducies en vertu du testament de feu Sir Albert Edward Kemp', la Cour suprême du Canada décida que lorsque les administrateurs d'une succession ver- saient les sommes nécessaires au paiement de l'im- pôt sur le revenu de la veuve avant l'échéance, ou lorsqu'ils la dédommageaient ultérieurement, cet argent était, du point de vue fiscal, une partie de son revenu en vertu des dispositions de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. Dans l'affaire Re Wood 6 , la veuve recevait une annuité nette de tout impôt, qui devait être payé chaque année par la succession; il était prévu en outre qu'au cas la veuve payerait des impôts de ce genre sur le revenu, avant ou après avoir reçu ledit revenu, les impôts en question lui seraient remboursés par la succession. On suivit dans cette affaire l'arrêt Re Kemp (précité) et, bien que la note de l'éditeur signale que, probablement parce que la question n'a pas été soulevée, la Cour avait omis d'examiner si le paiement d'une partie de l'impôt sur le revenu de la veuve par les exécuteurs constituait à son égard un revenu imposable supplémentaire, cette proposition n'est pas nouvelle en droit fiscal cana-
2 [1926] A.C. 289.
3 [1946] R.C.É. 634.
4 (1933-37) 20 T.C. 187.
5 [1940] R.C.S. 353.
6 [1943] C.T.C. 199.
dieu. On cite l'arrêt Le Roi c. The Montreal Telegraph Company ([1925] R.C.É. 79) le juge Audette faisait remarquer à la page 83:
[TRADUCTION] L'impôt est un impôt personnel auquel est assu- jetti le particulier ou la compagnie. Si les entrepreneurs remet- taient à la compagnie défenderesse, comme elle le prétend, ladite somme de $165,000, ainsi que $16,599.69 et l'intérêt, pour couvrir l'impôt sur le revenu payable par ladite défende- resse, quelle serait alors la situation de cette dernière? Il est évident que les recettes de la défenderesse seraient augmentées; elle serait alors tenue de payer un impôt sur les $165,000 et les $16,599.69, montant de ses recettes ou revenus. Ce point de vue est étayé par bon nombre de décisions.
Voir aussi l'affaire Aimée Lady Michelham's Executors c. The Commissioners of Inland Revenue' le lord Hanworth, maître des rôles, déclarait aux pages 748 et 749:
[TRADUCTION] Lady Michelham doit payer un impôt sur le revenu. Elle doit payer un impôt sur les 125,000 reçues pendant l'année. Elle doit aussi payer, puisqu'il s'agit d'une partie de son revenu, le montant dont elle est exonérée, parce que les administrateurs, pour éviter des détours compliqués, paient l'impôt sur le revenu dont elle est redevable.
A la lumière de la jurisprudence précitée, je _conclus que les deux questions doivent être tran- chées à l'encontre des prétentions du demandeur. Ce dernier prétend qu'on ne pourrait appliquer la théorie de la rentrée d'argent que s'il avait effecti- vement reçu l'impôt payé en son nom par les acheteurs, et que le fait qu'il avait le droit en 1968 et 1969 de réclamer le remboursement de tout impôt résultant du contrat de vente, dont le Minis- tre exigea le paiement en 1971, n'ajoute pas ce montant à son revenu s'il n'a jamais reçu la somme équivalente; il semble cependant qu'une partie de cette somme lui fut effectivement versée à la suite du règlement intervenu avec Guy Charron, peut- être même sa totalité, selon la répartition que l'on peut faire des montants ainsi reçus. En ce qui concerne la seconde question, même si le Ministre n'a en réalité imposé ledit impôt que dans la nouvelle cotisation de 1971, et qu'en conséquence le demandeur ne pouvait se prévaloir des disposi tions du contrat de remboursement pour réclamer le même montant au répondant qu'après l'établis- sement de cette nouvelle cotisation, il n'en est pas moins vrai que les impôts supplémentaires ainsi cotisés étaient payables à l'égard des années d'im- position 1968 et 1969 respectivement, aux termes
7 (1928-31) 15 T.C. 737.
mêmes dudit contrat de remboursement, et que le droit de réclamer ladite somme au répondant cons- tituait pour le demandeur un revenu supplémen- taire pour chacune de ces années, même si le montant exact n'en fut déterminé qu'après l'éta- blissement de la nouvelle cotisation. (Voir, par exemple, l'affaire The New York Central Railroad (précitée) la cotisation maintenue avait été établie en 1950, et avait ajouté le montant de l'impôt au revenu de l'année d'imposition 1948.) Je conclus donc que la nouvelle cotisation était cor- recte et l'action du demandeur est rejetée avec dépens. Bien que les cinq autres actions n'aient pas été entendues par la Cour, les parties ont convenu qu'elles seraient toutes tranchées de la même manière excepté dans la mesure aucun dépens ne sera adjugé à l'égard de la preuve et de l'audi- tion dans les cinq autres actions.
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