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T-4028-73
Wolf W. Gruber (Demandeur) c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représen- tée par le président du conseil du Trésor (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Ottawa, les 17 mai et 5 juillet 1974.
Fonction publique—Indemnité de règlement payée à un fonctionnaire aux termes de la convention collective—Ne rentre pas dans la composition du salaire pour le calcul des prestations de la pension de retraite—Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 58—Loi sur la pension de la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-36, art. 2(1) et 10.
La convention collective conclue conformément à la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique entre le conseil du Trésor et l'Institut professionnel du service public du Canada, agent négociateur pour un groupe de profession- nels, prévoyait une indemnité de règlement relative aux fonctions exercées et à la rémunération. En sa qualité de membre du groupe, le demandeur toucha $3,600. On n'en déduisit aucune cotisation au titre de la pension de retraite. En prenant sa retraite en 1972, le demandeur avait droit, en vertu de la Loi sur la pension de la Fonction publique, à une pension calculée sur le traitement annuel moyen des six années de service de son choix ouvrant droit à une pension. Le demandeur choisit la période 1966 à 1972 et demanda que le montant de l'indemnité de règlement qu'on lui avait versé en 1970 soit inclus dans le calcul de son traitement aux fins des prestations de pension de retraite.
Arrêt: la demande visant à inclure cette indemnité de règlement est rejetée. Dans la définition du mot «traite- ment» donnée à l'article 2(1) de la Loi sur la pension de la Fonction publique, la large acception du mot «rémunéra- tion», considéré en lui-même, se trouvait restreinte par les autres mots «pour l'exercice des fonctions régulières d'un poste ou d'une charge». Cela exclut toute rétribution spé- ciale résultant de situations particulières survenues au cours de l'emploi.
Arrêts appliqués: Chisholm c. Chisholm (1915) 24 D.L.R. 679; Waterloo Motors Ltd. c. Flood [1931] 1 D.L.R. 762 et Canadian Lift Truck Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1956) 1 D.L.R. (2e) 497.
ACTION. AVOCATS:
M. Wright, c.r., et L. Gilbert pour le
demandeur.
R. Vincent et R. Côté pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Soloway, Wright & Cie, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE WALSH: Le demandeur en l'espèce est un fonctionnaire en retraite, qui a occupé les fonctions d'ingénieur au sein du groupe du génie et de l'arpentage de la catégorie scientifique et professionnelle, de juin 1938 jusqu'en octobre 1941 et, à nouveau, de juin 1950 jusqu'au 7 juin 1972, date de son 65e anniversaire. Le 19 mars 1969, la Commission des relations de travail dans la Fonction publique, conformément à la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique', a accrédité l'Institut professionnel du service public du Canada en qualité d'agent négociateur pour ledit groupe d'employés et, le 4 novembre 1969, a été conclue une convention collective entre le conseil du Trésor du Canada et ledit Institut, bien que les négociations abou- tissant à ladite convention aient été entreprises dès 1967, avant l'accréditation dudit Institut à titre d'unité de négociation.
Le litige en l'espèce porte sur deux clauses de ladite convention, toutes deux applicables au demandeur. L'article 20.02 dispose comme suit:
20.02. Tout employé bénéficie d'une indemnité de règlement égale à sept pour cent (7%) du ou des taux de rémunération qu'il a touchés au cours de la période comprise entre le 1" juillet 1967 et le 30 juin 1968 et à quatorze et quarante-neuf centièmes pour cent (14.49%) du ou des taux de rémunéra- tion qu'il a touchés au cours de la période comprise entre le 1" juillet 1968 et le 30 juin 1969 pour chaque période de paye comprise dans toute période pendant laquelle il était affecté au Groupe dans la période comprise entre le 1" juillet 1967 et le 30 juin 1969, à la condition qu'il ait reçu pour l'une ou l'autre de ces périodes de paye au moins dix (10) jours de rémunération. A cette fin, le taux de rémunéra- tion est celui qui est en vigueur le premier jour de chacune des périodes de paye en question. La durée de la période de paye est d'un mois jusqu'au 31 mars 1969 et de vingt-huit (28) jours après cette date et l'indemnité de règlement applicable à la période comprise entre le 23 juin 1969 et le 30 juin 1969 est calculée d'une façon proportionnelle au
' S.R.C. 1970, c. P-35.
nombre de jours de travail compris dans cette période de paye.
En conséquence, le demandeur était fondé à obtenir une somme de $3,231.08 qui lui fut versée le 15 janvier 1970 ou aux environs de cette date. L'article 20.08a) dispose également:
Lorsque, par suite de la conversion effectuée le 1.r juillet 1969, un employé est rémunéré selon une échelle de taux de retenue et continue de l'être selon cette échelle de taux de retenue au cours de la période se terminant le 30 juin 1970, il lui sera versé une somme payée en une seule fois égale à deux et trois quarts pour cent (24%) du taux qu'il touchait le ler juillet 1969.
Le demandeur était rémunéré selon une échelle de retenue (salaire bloqué) puisque, jusqu'au 30 juin 1969, il avait été classé dans la catégorie génie 6 et touchait le plus fort taux de rémuné- ration applicable à cette catégorie au ler juillet 1967, soit une somme de $15,005 par an qui a servi de base pour le calcul de l'indemnité de règlement prévue à l'article 20.02, alors que, postérieurement au ler juillet 1969, il a été reclassifié dans la catégorie génie 4 où, aux fins de la conversion des employés au nouveau sys- tème de classification au l er juillet 1969, le taux maximum de rémunération était de $14,076 pour passer à $14,850 après la conversion du ler juillet 1969. Comme son salaire était déjà plus élevé que celui qui était applicable aux termes de cette nouvelle classification, le demandeur était rémunéré selon une échelle de retenue et, en application de l'article 20.08a), il avait droit à une somme complémentaire de $412.64 qu'il a touchée le 13 août 1970 ou aux environs de cette date. Lorsqu'on lui versa ces deux sommes, on opéra des déductions au titre de l'impôt sur le revenu ainsi que d'autres déduc- tions normalement applicables aux traitements; par contre, on ne fit aucune déduction pour les cotisations au titre de la pension de retraite puisque la défenderesse n'avait pas cru bon de prendre en considération ces deux sommes aux fins de la pension de retraite.
En prenant sa retraite, le demandeur avait droit, d'après les dispositions de la Loi sur la pension de la Fonction publique 2 , à une pension calculée sur le traitement annuel moyen qu'il avait touché au cours de toute période de six
2 S.R.C. 1970, c. P-36.
années de service ouvrant droit à une pension choisie par lui. Il choisit la période des six années précédant le début de sa retraite le 7 juin 1972 et inclut la période couverte par ladite convention collective. Si on avait fait figurer lesdites sommes de $3,231.08 et $412.64 dans le calcul de son traitement, cela aurait augmenté son traitement global au cours de cette période de six ans de quelque $3,600, soit une moyenne légèrement supérieure à $600 par an et, comme sa pension dépasse les cinquante pour cent, en n'incluant pas ces sommes dans le calcul, il perd quelque $300 par an au titre de prestations de pension en plus du rajustement au coût de la vie applicable aux versements de pension sur ce montant complémentaire et, par la présente action, il demande que ces sommes soient inclu- ses et traduites en termes comptables. La défen- deresse prétend que les paiements en cause ne constituent pas un traitement au sens de la Loi sur la pension de la Fonction publique et qu'en conséquence ils n'affectent pas le taux de rému- nération sur lequel est basée la pension.
Voici la définition du mot «traitement» donnée par l'article 2(1) de la Loi sur la pension de la Fonction publique:
2. (1) Dans la présente Partie
«traitement», relativement à la Fonction publique, désigne la rémunération reçue par la personne que vise l'expression pour l'exercice des fonctions régulières d'un poste ou d'une charge, ... .
La convention collective en question a été déposée comme pièce. L'avocat du demandeur s'opposa à l'audition de témoignages que la défenderesse désirait présenter afin d'apporter une contribution à l'interprétation de la conven tion et aider à déterminer quelle était l'intention des parties relativement aux indemnités de règlement qui, selon les allégations de la défen- deresse, n'ont pas été versées en tant que rému- nération mais à titre d'incitation visant à régler le conflit entre les parties et obtenir la signature de la convention. L'expression «indemnité de règlement» figurant à l'article 20.02 ne fait l'ob- jet d'aucune définition aussi bien dans la con vention que dans la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ou encore dans la Loi sur l'interprétation dont on fait mention à l'article 2.02 de la convention pour la
définition des expressions qu'elle utilise, aussi est-elle assurément quelque peu ambiguë. L'avocat de la défenderesse m'a cité les arrêts Chisholm c. Chisholm', Waterloo Motors Ltd. c. Flood 4 et Canadian Lift Truck Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les doua- nes et l'accises, dans lesquels on a admis la preuve orale. Après avoir examiné ces arrêts et d'autres jugements, je suis convaincu qu'on devrait autoriser le témoignage de Gary Brooks, ingénieur professionnel qui, le 4 novembre 1969, remplissait les fonctions de contrôleur au ministère des Communications et participait à la négociation de la convention, ainsi que celui de Donald Reid, ingénieur civil qui, à cette époque, occupait le poste de chef de division du génie civil au ministère des Travaux publics et fut l'un des signataires de la convention. Je suis con- vaincu également qu'on devrait permettre le dépôt d'une lettre du 11 septembre 1972 écrite par J. T. Carpenter, directeur de section, minis- tère des Approvisionnements et Services, adres- sée au demandeur comme suite à l'appel télé- phonique de ce dernier; une lettre du 4 décembre 1972 écrite par J. B. Dillon, conseiller juridique de l'Institut professionnel du service public du Canada, adressée à W. M. James, directeur de la division des pensions, direction des services de rémunération; une lettre du 16 janvier 1973 écrite par J. S. Lamont, chef de la politique de développement, services de consul tation et d'information de la direction des servi ces de rémunération, en réponse à Dillon; un mémoire signé par Brooks en date du 4 septem- bre 1969 et adressé à tous les membres de l'Institut faisant partie de l'unité de négociation du génie et de l'arpentage, établissant un rapport détaillé du progrès des négociations et auquel était joint un bulletin de vote pour l'acceptation ou le rejet du projet de contrat; et une série d'extraits tirés du guide des autorisations de la défenderesse définissant ce qui constitue les taux de rémunération aux fins de cotisations, les allocations et la rémunération supplémentaire qui font partie du traitement, les allocations et la
3 (1915) 24 D.L.R. 679, à la p. 683.
4 [1931] 1 D.L.R. 762, à la p. 769.
5 (1956) 1 D.L.R. (2°) 497.
rémunération supplémentaire qui ne font pas partie du traitement et les taux de rémunération aux fins de prestations. Toutefois, il faudrait souligner que l'admission de ces témoignages et documents ne signifie pas que la Cour doive s'y tenir pour trancher le litige. L'interprétation qu'on doit donner de la Loi sur la pension de la Fonction publique ainsi que son application à la convention collective en question ne peuvent être établies de façon concluante par l'interpré- tation donnée par le conseil du Trésor dans son guide des autorisations, par les négociateurs qui ont pris part aux négociations aboutissant à la convention ni par les consultations données aux parties par leurs conseillers juridiques; elles doi- vent au contraire être appréciées par la Cour elle-même après avoir dûment soupesé toutes les preuves admissibles.
Il semble faire peu de doute que non seule- ment le conseil du Trésor mais aussi les négo- ciateurs de la convention ont considéré que les indemnités de règlement ne devaient pas faire partie de la rémunération des employés aux fins de la pension de retraite. Brooks et Reid ont tous deux témoigné que ce n'était pas le princi pal point en litige au cours des négociations dont la majeure partie a porté sur la date d'en- trée en vigueur de la conversion et sur le point de savoir si les employés pourraient bénéficier d'un paiement avec effet rétroactif important ou d'une indemnité. Brooks a témoigné que les représentants des employés prétendaient que leurs traitements auraient faire l'objet d'un rajustement mais que le conseil du Trésor avait refusé de sorte que, pour les inciter à signer ils touchèrent plutôt une indemnité de règlement équivalente à ce qu'ils auraient gagné. Bon nombre d'entre eux dont le salaire aurait été bloqué auraient reçu une très faible rémunéra- tion avec effet rétroactif si on l'avait calculée sur cette base, c'est pourquoi ils ont accepté l'offre de conversion proposant une indemnité de règlement au lieu d'une rémunération avec effet rétroactif. D'après lui, il ne s'agissait pas d'une rémunération perçue à titre de compensa tion pour l'exercice de fonctions régulières mais plutôt d'une indemnité permettant aux deux par ties de parvenir à un accord. Toutefois, il admit que l'objet des négociations menées par l'Insti- tut professionnel pour le compte des employés
du groupe en question portait sur une rémunéra- tion avec effet rétroactif et que l'indemnité n'était payable que pour chaque période de paye dans laquelle l'employé avait touché au moins dix jours de rémunération. S'ils avaient été accrédités au début des négociations en 1967 plutôt que le 19 mars 1969, ils auraient négocié les rémunérations futures plutôt que les rémuné- rations avec effet rétroactif. Reid qui était membre de l'équipe de négociation du conseil du Trésor indiqua que la discussion avait princi- palement porté sur la conversion et sur sa date d'entrée en vigueur et que le paiement était destiné à obtenir la signature de la convention collective, la question de savoir s'il représentait une rémunération pour l'exercice de fonctions régulières n'ayant jamais été soulevée. Le paie- ment fut versé sous forme d'indemnité de règle- ment plutôt qu'inclus dans des taux fixes de rémunération car il était relié à la convention qui, si elle avait eu lieu en 1967, se serait effectuée à un niveau de rémunération plus bas, de sorte que de nombreux ingénieurs auraient touché un rappel de traitement minime ou n'en auraient pas touché du tout.
Dans le rapport établi par Brooks en sa qua- lité de président du groupe du génie et de l'ar- pentage adressé à tous les membres de l'Institut relevant de cette unité de négociation, ainsi que dans le bulletin de ratification (pièce D-7) il est expressément indiqué relativement à l'indemnité de règlement dont il est fait mention dans l'arti- cle 20.02 que [TRADUCTION] «cette somme payée en une seule fois ne modifiera pas les taux de rémunération des employés ni n'aug- mentera leur pension de retraite, ni ne sera payée pour aucune période postérieure au 30 juin 1969».
La position du conseil du Trésor consistant à ne pas considérer ces paiements à des fins de pension de retraite, est exposée dans une lettre de Lamont adressée à Dillon (pièce P-6) dans laquelle il déclare:
[TaADucnoN] Comme de nombreux paiements touchés par les contributeurs en vertu de la Loi sur la pension de la Fonction publique ne constituent certainement pas une rémunération pour l'exercice de fonctions régulières et con tinues, le conseil du Trésor a établi des directives indiquant les catégories d'allocations et de rémunération supplémen- taire qu'on peut considérer comme faisant partie du traite-
ment à des fins de pension de retraite. Les versements qu'on peut assimiler à une rémunération au titre d'heures supplé- mentaires, de conditions de travail inhabituelles, de l'isole- ment, du temps de voyage etc. ne sont pas considérés avoir un lien avec l'exercice de fonctions régulières et, en confor- mité de l'article 2(1) de la Loi sur la pension de la Fonction publique, ils sont exclus du traitement aux fins de pension de retraite et ni les cotisations ni les prestations ne sont fondées sur de telles sommes.
Les «directives» dont il est fait mention sont celles qui sont énoncées dans le guide des auto- risations (pièce P-8) il est indiqué à la réfé- rence 09.2.1:
Par contre, le Conseil du Trésor est d'avis que les paiements autorisés en raison des conditions de vie et autres circon- stances qui ne se rapportent pas aux fonctions ou obliga- tions,—par exemple les sommes globales autorisées à l'in- tention des employés placés dans des échelles ou barèmes de retenue, les sursalaires versés le long de la «Staging Route» du Nord-Ouest, les allocations relatives au transport, à l'isolement, au coût de la vie et aux conditions locales versées aux employés à taux régnant,—ne devraient pas être considérés comme rémunération aux fins de la Loi sur la pension du service public.
A la référence 09.2.3.1, l'on traite des verse- ments ou allocations en espèces ne faisant pas partie du traitement nous trouvons les indica tions suivantes:
Versement d'une somme forfaitaire aux employés à échelle
de traitement retenue provisoirement
(Prime de poste encerclé de rouge)
Prime ou indemnité de règlement
S'il n 'a pas trait aux fonction ou à l'horaire.
L'avocat du demandeur a fait valoir qu'on ne pouvait affirmer que l'indemnité de règlement en l'espèce n'avait pas de lien avec l'exercice des fonctions ou les heures de travail puisque la convention stipule expressément que pour y avoir droit dans toute période de paye donnée comprise entre le ler juin 1967 et le 30 juin 1969, l'employé doit avoir touché au moins dix jours de rémunération. Selon moi, il est signifi- catif toutefois qu'on utilise les mots «touché au moins dix jours de rémunération» plutôt que les mots «travaillé au moins dix jours». S'il s'agis- sait d'employés payés à l'heure ou à la journée et si on avait utilisé cette dernière expression, on pourrait peut-être affirmer que l'indemnité ou rémunération de règlement se rapporte à l'exercice des fonctions ou aux heures de tra-
vail, mais il ne me semble pas qu'on puisse déclarer que l'indemnité ou rémunération de règlement est reliée à l'exercice des fonctions ou aux heures de travail simplement parce qu'un employé doit avoir touché dix jours de rémuné- ration dans tout mois donné au cours de la période en question pour pouvoir recevoir l'in- demnité ou rémunération de règlement cones - pondant à ce mois.
Comme je l'ai déjà indiqué, cependant, les interprétations données à la convention par le conseil du Trésor dans son guide des autorisa- tions et par les négociateurs ne lient aucune- ment la Cour si elles ne se conforment pas à l'interprétation qu'on devrait donner à la con vention collective et à la Loi sur la pension de la Fonction publique fondée sur des règles bien définies d'interprétation des contrats et des lois parmi lesquelles se trouve la règle selon laquelle, à moins qu'on ne puisse interpréter une convention sans référence à l'intention des par ties, elle doit être en fait interprétée à la lettre et non selon l'intention des parties.
Le demandeur a présenté les talons des deux chèques émis pour les paiements des indemnités en signalant que tous les deux portent la men tion «état de votre rémunération». En sus des déductions de l'impôt sur le revenu sur les deux versements, le chèque d'indemnité de règlement subissait une déduction additionnelle au titre du régime de pensions du Canada. On a expliqué qu'on n'avait effectué aucune déduction analo gue sur l'autre chèque car, lorsqu'il avait été émis en août, on avait déjà atteint le maximum des déductions annuelles du demandeur pour les cotisations au régime de pensions du Canada. Je n'accorde pas une grande importance à la for- mule utilisée telle que l'a adoptée le ministère des Approvisionnements et Services pour tous les chèques de traitement et les chèques analo gues, ni au fait que l'un des chèques a subi une déduction au titre des cotisations au régime de pensions du Canada. A coup sûr, les indemnités de règlement représentaient une forme de rému- nération qui doit faire l'objet de déductions au titre de l'impôt et du régime de pensions du Canada, mais il ne s'ensuit pas que ces déduc- tions auraient nécessairement être effectuées
au titre de cotisations de pension au sens de la Loi sur la pension de la Fonction publique. Le demandeur a prétendu également qu'il s'était lui-même prononcé contre la ratification de la convention collective, mais ce fait n'est pas pertinent puisque l'article 58 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique stipule clairement qu'une convention collective lie les employés de l'unité de négociation pour laquelle l'agent négociateur a été accrédité. Le demandeur a ajouté qu'à sa retraite il a touché une indemnité de cessation d'emploi en confor- mité de l'article 27 de la convention et il estime maintenant que cette indemnité aurait également être comprise dans le calcul de sa pension de retraite. Il s'agit d'un autre élément qui est expressément exclu par l'article 09.2.3.1 du guide des autorisations de la défenderesse et qui, de toute façon, n'a pas fait l'objet d'une réclamation par le demandeur en l'espèce, de sorte que cette question manque également de pertinence. Par contre, il est intéressant de remarquer que ladite indemnité de cessation d'emploi résulte d'un calcul fondé sur «la rému- nération hebdomadaire à la fin de son emploi» en conformité de l'article 27.05 de la convention collective et l'article 20.08 (précité) dispose au paragraphe c) que les paiements «versés en application de la présente clause ne modifient pas l'échelle de taux de retenue dont l'employé bénéficie de droit». Par conséquent, il en ressort clairement que l'indemnité versée en vertu de l'article 20.08 ne peut affecter le taux de rému- nération sur lequel est calculée l'indemnité de cessation d'emploi.
Tout en admettant que le mot «rémunération» a un sens large et pourrait s'interpréter comme englobant toute source de rémunération touchée par un employé pour services rendus, l'avocat de la défense a néanmoins prétendu que les indemnités de règlement prévues dans la pré- sente convention ne constituaient pas une rému- nération au sens de la Loi sur la pension de la Fonction publique «pour l'exercice des fonc- tions régulières». Pour sa part, l'avocat du demandeur a insisté pour qu'on établisse une distinction entre «taux de rémunération» et «traitement», en soutenant que les indemnités payées par un employeur à un employé, comme par exemple les indemnités de Noël payées dans
un cabinet d'avocat, peuvent être considérées comme une incitation de l'employeur afin de se conserver les services de l'employé et peuvent ne pas faire partie du taux de rémunération de l'employé, mais elles font néanmoins partie de son traitement et constituent une rémunération pour l'exercice de fonctions régulières même si elles sont versées avec effet rétroactif. Il con- vient de remarquer que l'article 10 de la Loi sur la pension de la Fonction publique relatif au calcul de la pension, prévoit, au paragraphe (1)b), que ce calcul se fait à partir du «traite- ment annuel moyen reçu par le contributeur au cours de toute période de six ans de service ouvrant droit à pension choisie par le contribu- teur» et ne fait aucunement référence au «taux de rémunération». La définition du «traitement» dans la Loi met en jeu la notion de «rémunéra- tion» 6 , dans une acception large.
On s'accorde pour dire qu'au cours de la période en cause le demandeur a exercé ses fonctions régulières et que, pendant chaque période de paye, il a touché «au moins dix jours de salaire» et le demandeur soutient que si la convention avait été signée plus tôt, les paie- ments n'auraient pas été effectués rétroactive- ment et indiscutablement, ils n'auraient pas été versés en tant que rémunération pour l'exercice des fonctions régulières de son poste.
Il ne fait aucun doute que dans une certaine acception du mot tout paiement versé à un employé ou, comme dans la présente affaire, à un groupe d'employés, sous forme de rémunéra- tion pour les fonctions qu'ils ont exercées ou qu'ils exerceront, constitue une forme d'encou- ragement afin de se conserver leurs services et leurs bons offices. D'un autre côté, tout paie- ment reçu par lui, quelle que soit son appella tion, sera considéré par lui comme faisant partie de la rémunération qu'il touche pour ses fonc- tions. Appliquer cette dernière interprétation au
6 II est intéressant de remarquer que le mot «compensa- tion» correspond, dans le texte français, au mot «rémunération».
mot «rémunération» tel qu'il est utilisé dans la définition du mot «traitement» dans la Loi sur la pension de la Fonction publique, aurait pour effet, aux fins de la pension de retraite, d'in- clure les sommes touchées pour les heures sup- plémentaires, les frais de transport, les indemni- tés d'éloignement, les indemnités de vie chère, les indemnités pour études à temps partiel et autres allocations particulières analogues; à mon sens, cela n'est pas une interprétation correcte de la Loi car le mot «rémunération» est limité à ce qui est reçu «pour l'exercice des fonctions régulières d'un poste ou d'une charge». On doit lire la convention collective à la lumière de cette interprétation des dispositions de la Loi sur la pension de la Fonction publique et, indépendam- ment des témoignages de Brooks et Reid, de la correspondance entre les conseillers juridiques des parties, du rapport présenté par Brooks ayant trait aux négociations et du guide des autorisations de la défenderesse, je ne considère pas que la convention collective prise dans son ensemble permette l'interprétation que veut lui donner le demandeur. L'article intitulé «Objet de la convention» montre que celle-ci a pour objet:
... d'énoncer certaines conditions et modalités d'emploi concernant la rémunération, les heures de travail, les avanta- ges complémentaires et les conditions générales de travail des employés assujettis à la présente convention.
L'article 20 s'intitule «rémunération». L'article 20.02 (précité) mentionne la façon dont «l'in- demnité de règlement» doit être calculée et l'ar- ticle 20.08a) (précité) vise une somme complé- mentaire «payée en une seule fois» à l'employé rémunéré selon une échelle de taux de retenue pour la période comprise entre le ler juillet 1969 et le 30 juin 1970. L'article 20.04 se lit comme suit:
20.04 Les taux de rémunération de l'Appendice «Al» entrent en vigueur le 1er juillet 1969 et leur application sera conforme au Règlement sur la rémunération avec effet rétroactif. [Les italiques sont de moi.]
L'article 20.03 se reporte à nouveau à l'appen- dice «Al» pour déterminer le tarif auquel «tout employé a droit d'être rémunéré, pour les servi ces qu'il rend». Comme on l'a dit précédem- ment, bien que dans une certaine acception du mot tous les paiements reçus par les employés puissent être considérés comme une «rémunéra- tion» pour services rendus, il apparaît claire-
ment que les différents paragraphes de l'article 20 établissent une nette distinction entre «rému- nération» et «taux de rémunération» dont il est fait mention aux articles 20.03 et 20.04 et «l'in- demnité de règlement» et «la somme payée en une seule fois» pour un employé rémunéré selon une échelle de taux de retenue visée respecti- vement aux articles 20.02 et 20.08 et, comme je l'ai déjà souligné, l'article 20.08c) dispose expressément que «les paiements versés en application de la présente clause ne modifient pas l'échelle de taux de retenue dont l'employé bénéficie de droit».
Il me semble que la «rémunération» dont il est fait mention dans la définition du «traite- ment» dans la Loi sur la pension de la Fonction publique pour l'exercice des «fonctions réguliè- res», doit se limiter à une rétribution normale pour une période de travail normale et exclure toute rétribution spéciale résultant de situations spéciales qui se sont produites dans le cours de l'emploi, même si cette rétribution peut provenir de l'accomplissement du travail. La convention collective soumise à la Cour en l'espèce est issue d'une première négociation entre l'Institut professionnel du service public du Canada, représentant le groupe du génie et de l'arpen- tage, et le conseil du Trésor et, en plus d'établir des taux de rémunération fixes qui ont été préci- sés après la négociation dans l'appendice «Al» elle réglait le problème du «salaire bloqué» de certains employés. Le problème s'est trouvé compliqué par le temps considérable qui s'est écoulé avant la conclusion de la convention et sa signature, ce qui a entraîné, en vertu de l'article 20.02, des paiements avec effet rétroac- tif pour deux années et, en vertu de l'article 20.08, des paiements avec effet partiellement rétroactif pour l'année commençant le l er juillet 1969. En considérant la convention dans son ensemble, il appert que, tout en ayant pu consti- tuer à la fois et au même moment des stimulants offerts par la défenderesse pour obtenir la signature de la convention et une rémunération supplémentaire touchée par le demandeur et les autres membres du groupe d'employés en raison de leurs services, qui pour la plupart avaient déjà été rendus, on pouvait, dans la convention, distinguer très nettement, séparer et détacher ces paiements spéciaux des taux de rémunéra-
tion exposés à l'appendice «A1». Ils consti- tuaient un paiement unique et ne représentaient pas, au regard de la rémunération ordinaire, un changement des taux exposés à l'annexe et, de ce fait, j'ai conclu qu'ils ne relevaient pas de la définition du mot «traitement» tel qu'il est uti- lisé dans la Loi sur la pension de la Fonction publique.
En conséquence, l'action du demandeur est rejetée avec dépens.
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