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T-1205-74
Bendix Automotive of Canada Limited (Deman- deresse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 25 juin; Ottawa, le 29 juillet 1975.
Impôt sur le revenu—Évaluation d'actions—La compagnie- mère conclut un accord avec Control Data Corporation pré- voyant l'échange de ses actions contre les actions de Comput ing Devices of Canada—Conformément à l'accord, la deman- deresse (une filiale) doit donc déclarer un dividende—Valeur des actions distribuées aux fins de la retenue d'impôt payable par les non-résidents—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 106(1a), 139(1)a).
En août 1969, la demanderesse distribua un dividende à Bendix Corporation, sa compagnie-mère, en exécution d'un accord relatif à un échange d'actions, conclu par la compagnie- mère et Control Data Corporation, à raison d'une action de Control Data contre chaque 5 actions de Computing Devices détenues par la demanderesse. La demanderesse prétend que pour déterminer la valeur des actions, aux fins de la retenue d'impôt de 15%, il faut considérer la valeur des actions de Control Data acquises par la compagnie-mère, Bendix Corpo ration, en tenant compte des restrictions relatives à l'aliénation desdites actions stipulées dans l'offre. La défenderesse évalue les actions au prix auquel une tranche d'actions de Computing Devices a été négociée à la Bourse de Toronto, en août 1969. La demanderesse soutient que cette évaluation reflète l'aug- mentation de la valeur des actions depuis l'annonce de l'offre d'échange, en mai 1969.
Arrêt: l'appel est rejeté; on ne peut soutenir, sans donner une interprétation erronée de la Loi, qu'en raison d'un accord intervenu entre le bénéficiaire des dividendes et un tiers (sans lien de dépendance) et qui influe sur la valeur monétaire du dividende reçu, la compagnie canadienne payant le dividende devrait, pour calculer la retenue d'impôt de 15%, accepter cette valeur, plutôt que la déterminer elle-même en fonction des renseignements disponibles à l'égard de la valeur monétaire du dividende, sans tenir compte d'un engagement que le bénéfi- ciaire aurait pu contracter, quant à l'aliénation du dividende ainsi reçu, de manière, à en augmenter ou réduire la valeur.
Arrêts analysés: La succession Untermyer c. Le procureur général de la Colombie-Britannique [1929] R.C.S. 84; Lawson c. M.R.N. 64 DTC 5147; Crabtree c. Hinchcliffe [1971] 3 All E.R. 967; Dobieco Limited -c. M.R.N. [1963] R.C.É. 348; et La succession Henderson c. M.R.N. 73 DTC 5471. Distinction faite avec l'arrêt La succession Beament c. M.R.N. [ 1970] R.C.S. 680.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
R. W. Pound et H. Stikeman, c.r., pour la
demanderesse.
R. Pyne pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliot, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Appel est interjeté d'un avis de cotisation daté du 5 mai 1972 concernant un impôt de 15% payable par les non-résidents en vertu de la Partie III de la Loi de l'impôt sur le revenu'. La demanderesse appela de la cotisation relative à son année d'imposition 1969 devant la Commission de révision de l'impôt qui rejeta l'ap- pel par un jugement daté du 29 novembre 1973.
Le litige résulte de l'évaluation de 517,313 actions ordinaires de Computing Devices of Canada, Limited (ci-après appelée «CDC») payées à titre de dividende par la demanderesse, le 7 août 1969, à sa compagnie-mère; cette dernière, la Bendix Corporation (ci-après appelée «Bendix»), est sise aux Etats-Unis et détenait la totalité de ses actions. Bendix contrôle la demanderesse et la fit déclarer et distribuer le dividende en nature, con- formément à l'accord conclu le 1e 1 mai 1969 avec Control Data Corporation (ci-après appelée «Con- trol Data»), une autre compagnie américaine avec laquelle elle négociait en toute indépendance; cet accord prévoyait l'échange des actions de CDC, à raison d'une action ordinaire de Control Data contre cinq actions de CDC. La demanderesse prétend que pour déterminer la valeur des actions de CDC qu'elle a distribuées à titre de dividende, afin de calculer la retenue d'impôt de 15% payable en vertu des dispositions des articles 106(la)a) et 139(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, il faut considérer la valeur des actions de Control Data acquises par Bendix en échange des actions de CDC en tenant compte des restrictions relatives à l'aliénation des actions stipulées dans l'offre d'échange; se fondant sur le témoignage d'experts,
S.R.C. 1952, c. 148.
elle évalue leur valeur à $130 (en monnaie améri- caine), soit $26 pour chacune des actions de CDC.
Cependant, la défenderesse a fondé son évalua- tion sur le prix auquel une tranche de 50 actions de CDC avait été négociée à la bourse de Toronto, le 7 août 1969, soit $31 l'action. La défenderesse soutient que la demanderesse a retenu et remis $2,017,030 en monnaie américaine, ou $2,175,- 126.89 en monnaie canadienne, à titre d'impôts sur la somme de $13,450,060 en monnaie américaine que la demanderesse considérait comme la valeur des actions, mais prétend que les actions payées à titre de dividende valaient en réalité $16,036,703 et non $14,500,845.94; l'impôt sur la différence entre ces deux montants s'élevait à $230,378.56 avec intérêts de $31,101.09 jusqu'au 5 mai 1972, date à laquelle la défenderesse établit une cotisa- tion à l'égard de la somme due.
Il y a peu de controverse quant aux faits. L'offre d'échange conclue par Bendix et Control Data, le l er mai 1969, dépendait de l'acquisition par Con trol Data d'au moins 90% des actions en circula tion de CDC. Les 517,313 actions de CDC déte- nues à l'époque par la demanderesse et subséquemment déclarées en dividendes et transfé- rées à Bendix, représentent approximativement 66.75% du capital-actions de CDC; pour que l'of- fre d'échange prenne effet, Control Data devait donc acquérir aussi auprès des autres actionnaires 23.25% des actions en circulation de CDC et obte- nir une décision favorable des autorités fiscales américaines. En conséquence, un prospectus et une circulaire contenant l'offre d'achat assortie d'une prise de contrôle, datés du 15 mai 1969, rendirent accessible à tous les actionnaires de CDC l'offre d'échange de Control Data—c'est-à-dire, l'offre \ d'une action de Control Data pour cinq actions ordinaires de CDC; dès le 31 juillet 1969, la condition portant que Control Data devait acquérir 90% du contrôle avait été remplie de sorte que, le 7 août, Bendix entreprit les démarches nécessaires afin de s'acquitter de son engagement dans l'ac- cord intervenu le 1 °r mai 1969; elle réunit le Con- seil d'administration de la demanderesse pour déclarer les dividendes, puis elle offrit immédiate- ment ces actions à Control Data, recevant en retour 103,462 actions de cette dernière. Le cours de clôture des actions de Control Data à la bourse
de New York, le 7 août 1969, était de $149.50 (en monnaie américaine). Toutefois, pour certaines raisons fiscales qui ne nous concernent pas, Con trol Data,' qui souhaitait tenir une comptabilité commune, a tenu à ce qu'il soit stipulé dans l'ac- cord que Bendix ne pourrait vendre plus de 25% des actions de Control Data, reçues à la suite de l'échange, au cours de la première annéé de leur acquisition, et au maximum 50% de ces actions dans les deux ans de leur acquisition. Alors que, conformément à l'offre, les actionnaires de CDC qui avaient échangé leurs actions contre des actions de Control Data pouvaient vendre à tout moment les actions ainsi reçues au prix du marché, Bendix était soumise à certaines restrictions et ne pouvait vendre que 25% immédiatement et le solde, tel qu'indiqué, sur une période de deux ans. Cette restriction au droit d'aliéner ces actions diminua leur valeur au-dessous de celles qui n'y étaient pas soumises et d'après les experts, la valeur moyenne des actions de Control Data acqui- ses par Bendix tomba donc à $130 (en monnaie américaine). Cette évaluation fut établie d'après les estimations de trois experts; l'un d'eux, Madi- son H. Haythé, vice-président de Morgan Stanley & Co., société de placements bien connue, a témoi- gné. Son affidavit à titre d'expert fut considéré comme déjà lu et, avec le consentement des par ties, fut accordée une dispense de présenter l'affi- davit dans le délai prévu à, la Règle 482(1)d). Son évaluation ne fut pas contestée. La défenderesse n'a fourni aucune preuve relative à la valeur des actions de Control Data assorties desdites restric tions, puisqu'elle affirmait que la valeur des actions de CDC distribuées à titre de dividende par la demanderesse n'avait aucun rapport, avec la valeur des actions de Control Data. On souleva une objection à la présentation du témoignage de Haythe; elle fut acceptée sous réserve car tout le litige dépend de la question de savoir si la valeur des actions de Control Data, reçues en échange des actions de CDC, peut avoir une incidence sur l'évaluation de ces actions, déclarées comme divi- dende par la demanderesse à Bendix et échangées par elle le même jour contre les actions de Control Data.
La demanderesse soutient que l'évaluation des actions de CDC par la défenderesse à $31 l'action, fondée sur la vente de 50 actions le 7 août 1969, était imputable à l'augmentation de valeur des
actions à la suite de l'offre d'échange, car leur cours avait accusé une forte hausse après l'annonce de l'offre d'échange, et avait donc atteint $31. Étant donné que le 7 août 1969 Control Data contrôlait effectivement 97.9% des actions en cir culation de CDC à la suite de l'offre d'échange, le marché des actions encore disponibles était très limité. La demanderesse a plaidé que, compte tenu des restrictions au droit d'aliéner les actions de Control Data échangées par Bendix contre les siennes, cette évaluation d'après la situation du marché ne devrait pas s'appliquer aux actions reçues par Bendix à titre de dividende, car si elle avait voulu réaliser la valeur monétaire à la date de leur déclaration, elle n'aurait pas obtenu plus de $26 l'action (en monnaie américaine). Elle n'au- rait pas pu vendre les actions de CDC à la bourse de Toronto puisqu'elle s'était engagée à les échan- ger contre les actions de Control Data.
Par contre, la défenderesse soutient que le fait que Bendix ait pris certains engagements sur l'uti- lisation future du dividende ainsi reçu, n'a aucune influence sur la valeur du dividende réel payé par la demanderesse et qu'il s'agit d'une opération commerciale distincte et indépendante de celle que nous devons examiner pour déterminer le montant de la retenue d'impôt payable par la demanderesse.
Les deux parties ont déposé une argumentation écrite et bien que la jurisprudence concernant l'évaluation des actions aux fins d'impôt soit utile, aucune des causes citées ne contient des faits identiques à cette opération commerciale assez inhabituelle. Les extraits pertinents des articles de la Loi se lisaient alors comme suit:
106. '( la) Chaque personne non résidante
a) doit payer un impôt sur le revenu de 15 p. 100 sur tout montant qu'une personne résidant au Canada ... lui paie ... en acquittement d'un dividende ....
139. (1) Dans la présente loi,
a) «montant» signifie des sommes d'argent, droits ou choses exprimés en fonction du montant d'argent, ou la valeur en argent du droit ou de la chose;
La défenderesse prétend qu'on ne peut interpréter l'article 106(1a) comme permettant l'évaluation d'un dividende en nature à partir d'autre chose que l'objet du dividende lui-même. Le paiement du dividende par la demanderesse à Bendix était une
opération commerciale totalement distincte de l'échange des actions de CDC reçues par Bendix à titre de dividende pour celles de Control Data, et la demanderesse n'était pas juridiquement une partie à la seconde opération même si elle savait sans aucun doute à quoi serviraient les actions de CDC qu'elle payait à titre de dividende puisqu'elle était contrôlée par Bendix et que cinq de ses six administrateurs en étaient des employés de même que quatre de ses dirigeants, y compris son direc- teur; en réalité, elle était obligée de déclarer ce dividende, selon les directives de sa compagnie- mère, afin que cette dernière respecte les obliga tions contractuelles qu'elle avait assumées à l'égard de Control Data. La défenderesse soutient qu'il serait absurde de prétendre qu'un demandeur, qui distribue à tous ses actionnaires un dividende en actions qu'il détient dans une autre compagnie, soit obligé pour évaluer les actions aux fins de la retenue d'impôt de 15%, de déterminer ce que ses actionnaires non-résidents ont reçu par la suite, à la vente de ces actions. La défenderesse affirme que sauf dans les cas le marché est «instable ou éphémère», le cours du marché constitue le meil- leur critère pour déterminer la juste valeur mar- chande. La preuve démontre que les actions de CDC avaient fait l'objet de nombreuses négocia- tions à la bourse de Toronto entre le l er janvier et le 31 août 1969, les cours de clôture variant entre un minimum de 23 1 / 2 le 28 février et un maximum de 34, le 20 août. Le volume des ventes s'élevait à 29,772 actions le 24 janvier et à 36,990 actions le 24 mai, et à 3,825 actions, le 11 juillet, dernier jour un nombre important d'actions fut négocié. Après cela, le volume des ventes a considérable- ment baissé, ne dépassant pas 50 ou 100 actions par jour, bien que 590 et 540 actions aient été vendues les 1 er et 5 août respectivement. Comme nous l'avons déjà dit, le 7 août, le jour en cause, il n'y eut qu'une seule vente de 50 actions à $31. Tel qu'indiqué, l'accord entre Bendix et Control Data est intervenu le ler mai et le prospectus de Control Data offrant un échange à tous les actionnaires de CDC fut lancé le 15 mai. Les cours de clôture des actions de CDC étaient de 29 le l er mai et de 30 le 15 mai. Bien qu'après le 11 juillet le marché ait été limité, comme on l'a souligné, les cours ont conti- nué à augmenter même après le 7 août et, à quelques exceptions près, restèrent supérieurs à $31 durant le reste du mois d'août. Cependant il
ne faut pas oublier que ces actions étaient mises en vente par des actionnaires qui avaient le droit d'échanger leurs actions pour des actions de Con trol Data, négociables sans restriction, ces derniè- res se vendant, le 7 août, $148 3 / 4 (en monnaie américaine). En ce qui concerne la vente des actions de CDC, personne, à l'exception de Bendix pour les actions de Control Data reçues en échange, n'avait à aucun moment été assujetti à des restrictions. En pratique, on n'aurait probable- ment pas pu vendre une tranche de 517,313
actions, le 7 août 1969, $31 l'action, si elles avaient toutes été lancées sur le marché à cette date. D'un autre côté, comme l'a souligné Haythe, il peut arriver qu'une tranche majoritaire d'actions se vende à un prix plus élevé, et il pense que cela aurait pu être le cas pour les actions de CDC compte tenu de leur hausse progressive jusqu'au cinquième environ de la valeur des actions de Control Data, à la suite de la publicité faite aux clauses de l'offre d'échange. Bien que ces considé- rations soient d'un certain intérêt, une telle appro- che en matière d'évaluation est trop imprécise pour nous permettre de parvenir à une décision consistante.
A l'appui de son argumentation, la défenderesse se fonde, entre autres, sur l'arrêt faisant autorité dans le domaine, La succession Untermyer c. Le procureur général de la Colombie-Britannique 2 . Dans cette décision, après avoir étudié un certain nombre de critères d'évaluation de «la juste valeur marchande», le juge Mignault a conclu à la page 91:
[TRADUCTION] C'est de l'ensemble de tous ces facteurs positifs que dépend le prix du marché, lequel, s'il n'est pas l'effet d'une situation tout à fait temporaire ou d'un caractère exceptionnel, est le meilleur critère de la juste valeur marchande de biens de ce genre.
Je suis donc d'avis que le prix du marché, dans un cas comme celui-ci l'on peut démontrer qu'il a été relativement stable, détermine la juste valeur marchande des actions.
Et aux pages 91 et 92:
[TRADUCTION] Je ne déduirais rien de la valeur marchande de ces actions en me fondant sur l'hypothèse que toutes ces actions seraient lancées sur le marché au même moment, car je ne pense pas qu'un actionnaire prudent agirait ainsi.
Dans l'affaire Lawson c. M.R.N. 3 , le juge Cat -
2 [1929] R.C.S. 84. 3 64 DTC 5147.
tanach a rejeté l'argument selon lequel si des actions ont une valeur intrinsèque inférieure au prix du marché, c'est cette valeur qu'il faut leur attribuer plutôt que le prix du marché, c'est-à-dire le montant payé par ceux qui les négocient en toute indépendance sur le marché libre.
Dans l'arrêt anglais Crabtree c. Hinchcliffe (Inspector of Taxes) 4 le juge Reid a étudié l'argu- ment à l'effet que lorsque des administrateurs détiennent des renseignements confidentiels igno- rés du public, cette circonstance particulière permet de ne pas considérer la valeur marchande des actions comme leur juste prix; je cite:
[TRADUCTION] Il doit arriver quotidiennement que les admi- nistrateurs de plusieurs compagnies détiennent des renseigne- ments confidentiels qui, à juste titre, ne sont pas divulgués mais qui, s'ils l'étaient, provoqueraient une modification substantielle des cours cotés des actions de leurs compagnies. Cela ne constitue certes pas une «circonstance spéciale» et j'estime que c'est ce qui s'est produit ici.
En l'espèce rien ne laisse supposer qu'il existait des renseignements confidentiels ignorés du public.
Dans l'arrêt Dobieco Limited c. M.R.N.S, le juge Cattanach, se rapportant à l'arrêt Untermyer, se fonde aussi sur la valeur marchande à titre de preuve prima facie, qui n'est pas nécessairement déterminante si elle est réfutée par une preuve satisfaisante du contraire. Voici un extrait du sommaire:
[TRADUCTION] 3. Ce cours du marché constitue la meilleure preuve de la juste valeur marchande, le prix auquel les actions se vendent sur le marché peut être considéré comme une preuve prima facie de leur juste valeur marchande bien que cette dernière ne soit pas nécessairement déterminante si elle est réfutée par une preuve satisfaisante du contraire; la• seule preuve fut fournie par un expert intéressé dont les calculs pour parvenir au montant de la déduction, contenaient de nombreu- ses erreurs.
En l'espèce, la seule preuve relative à la valeur des actions de CDC consiste dans la valeur au prix du marché.
Dans l'arrêt La succession Henderson c. M.R.N. et The Bank of New York c. M.R.N. 6 ,[appels rejetés dans les deux cas: A-158-73, et A-47-74] le juge Cattanach se référant encore une fois à l'arrêt
4 [1971] 3 All E.R. 967, la p. 977.
[1963] R.C.É. 348.
6 73 DTC 5471.
Untermyer, accepta aux fins de l'impôt sur les biens transmis par décès, la valeur marchande des actions.
La demanderesse en se fondant sur la définition du terme «montant» à l'article 139(1)a) de la Loi (précité) affirme que le montant du dividende représente la valeur monétaire reçue, cette der- nière ne pouvant être évaluée que par le prix des actions de CDC dans des opérations conclues sans lien de dépendance. Elle affirme que si les actions avaient été directement transférées par la deman- deresse à Control Data, en échange des actionsde cette dernière, les actions de Control Data auraient fait l'objet de la même restriction relativement au droit de les aliéner immédiatement et la valeur reçue par la demanderesse, en échange des actions de CDC, calculée selon le même principe, aurait été de $26 l'action. Selon cette hypothèse, évidem- ment, aucun dividende n'aurait été déclaré et aucun impôt retenu. Toutefois suite aux recom- mandations de l'avocat américain de Bendix, spé- cialiste en droit fiscal, ce procédé fut rejeté car, pour des raisons fiscales, on lui préférait la décla- ration d'un dividende par la demanderesse à Bendix et un échange immédiat des actions de Bendix pour les actions de Control Data assorties de restrictions, à raison de cinq actions contre une. Elle insiste sur le fait qu'une fois les clauses de l'offre d'échange connues, la tendance du marché en ce qui concerne des actions de CDC, à la bourse de Toronto, reflétait simplement le cours du marché pour les actions de Control Data ne faisant pas l'objet de restrictions et s'appliquait seulement aux quelques actionnaires de CDC qui ne s'étaient pas engagés à échanger leurs actions pour celles de Control Data. Elle s'appuie sur l'affaire La suc cession Beament c. M.R.N. 7 , il s'agissait de déterminer la juste valeur marchande des actions aux fins de l'impôt sur les biens transmis par décès. Dans cette affaire, on avait créé une compa- gnie privée de portefeuille avec un capital autorisé comprenant des actions classe A et des actions classe B. Le défunt a souscrit les actions classe B et ses enfants les actions classe A. Les lettres patentes prévoyaient qu'à la dissolution de la com- pagnie, les détenteurs des actions classe B ne recevraient que la valeur nominale de leurs actions
7 [ 1970] R.C.S. 680.
alors que les détenteurs des actions classe A avaient droit au solde de l'actif à répartir. Par convention, le défunt s'est obligé envers ses enfants à prévoir dans son testament la dissolution de la compagnie et le partage de son actif en conformité des dispositions des lettres patentes. Le litige por- tait sur la question de savoir si la propriété des actions classe B était transmise du défunt à sa succession, libre des obligations prises par le défunt en vertu dudit contrat, auquel cas leur valeur serait beaucoup plus importante. Dans son jugement, le juge en chef Cartwright a déclaré à la page 687:
Dès qu'il est établi (et c'est admis) que le contrat obligeant le de cujus et ses exécuteurs à la liquidation de la compagnie était valide, la valeur réelle des actions ne peut excéder le montant que leur détenteur recevra à la liquidation. Il n'est pas réaliste d'avancer qu'elles ont en fait une autre valeur. Lorsque la valeur réelle des actions est aisément vérifiable dans les circons- tances, je ne puis rien trouver dans la Loi qui exige qu'on calcule la valeur qu'elles pourraient avoir dans des circons- tances complètement différentes, pour rechercher ensuite s'il y a lieu d'y faire quelque déduction.
La demanderesse soutient qu'il s'agit d'une façon réaliste de considérer la présente affaire puisqu'il existe un accord relatif à l'aliénation des actions de CDC, conclu par Bendix et Control Data. J'estime toutefois qu'il y a lieu d'établir une distinction nette. Il s'agissait d'évaluer des actions ayant appartenu au défunt et l'on décida que cette évaluation dépendait d'une convention conclue entre le défunt et ses bénéficiaires testamentaires en vertu de laquelle la compagnie serait liquidée à son décès et qu'en conséquence la valeur des actions serait gelée à leur valeur nominale. En l'espèce, la demanderesse forme une entité dis- tincte de Bendix et elle n'a conclu aucune conven tion avec Control Data relativement à l'aliénation des actions qu'elle déclarait et payait à Bendix à titre de dividende.
La demanderesse maintient que l'impôt prévu à l'article 106(la)a) (précité) est imposé à la per- sonne non résidence, c'est-à-dire Bendix, mais pré- cise, qu'en vertu de l'article 109(1) qui se lit comme suit:
109. (1) Lorsqu'une personne paie, ou crédite ou est censée avoir payé ou crédité un montant sur lequel un impôt sur le revenu est exigible aux termes de la présente Partie, elle doit, nonobstant toute convention ou toute loi à l'effet contraire, en déduire ou en retenir le montant de l'impôt et le remettre immédiatement au receveur général du Canada au nom de la
personne non résidante à compte sur l'impôt et l'accompagner d'un état en la forme prescrite.
l'obligation de retenir et remettre lesdits montants incombe à la demanderesse qui a déclaré et payé le dividende. A mon avis, on ne peut soutenir, sans donner une interprétation erronée de la Loi, qu'en raison d'un accord, intervenu entre le bénéficiaire des dividendes et un tiers (sans lien de dépen- dance) et qui influe sur la valeur monétaire du dividende reçu, la compagnie canadienne payant le dividende devrait pour calculer la retenue d'impôt de 15%, accepter cette valeur, plutôt que la déter- miner elle-même en fonction des renseignements disponibles à l'égard de la valeur monétaire du dividende en actions, sans tenir compte d'un enga gement que le bénéficiaire aurait pu contracter, quant à l'aliénation du dividende ainsi reçu de manière à en augmenter ou réduire la valeur.
Le fait que Bendix se soit ou non toujours considérée comme le propriétaire réel des actions de CDC, à cause de son contrôle sur la demande- resse, pouvant ainsi l'obliger à payer le dividende, n'est pas pertinent ni d'ailleurs le fait que les états financiers de Bendix incluaient l'actif, le passif et les opérations commerciales de la demanderesse.
Pour tous ces motifs, l'appel de la demanderesse est rejeté avec dépens.
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