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T-1880-74
M.R.T. Investments Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, les 29 et 30 avril; Ottawa, le 2 juin 1975.
Impôt sur le revenu—Déduction accordée aux petites entre- prises—Définition de revenu tiré d'une entreprise exploitée activement—Compagnies associées investissant des fonds stir hypothèques—Exploitaient-elles activement une entreprise au Canada?—Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, vol. 2, c. 63, art. 125, 129, 189.
La demanderesse, M.R.T., et deux autres compagnies, R et E.S.G., ont été constituées en corporation dans le but d'investir des fonds sur hypothèques. Godel et Reinhart sont propriétaires de M.R.T. et de R et gèrent les trois. La plupart des prêts consentis par les compagnies sont négociés par l'intermédiaire d'agents indépendants. La défenderesse prétend qu'en 1972, les compagnies n'exploitaient pas «activement» une entreprise au sens de l'article 125.
Arrêt: l'appel de E.S.G. est rejeté; les deux autres appels sont accueillis. L'expression «revenu d'une entreprise exploitée acti- vement» n'est aucunement ambiguë et l'interprétation au sens large que préconisent les demanderesses n'entraîne pas de contradiction interne dans l'application de la Loi lorsqu'on l'applique à une compagnie dont la seule entreprise est d'inves- tir dans les hypothèques. Le fait qu'en vertu de l'article 125 il faut répartir le revenu de chaque compagnie entre le revenu tiré d'une entreprise exploitée activement et celui tiré d'une entre- prise inactive (tiré exclusivement de placements) et qu'à l'égard de ce dernier type de revenu on pourrait invoquer l'article 129 n'empêche pas les demanderesses d'utiliser l'article 125 ni de prétendre que l'entreprise dans son ensemble est «active» et que «tous» leurs revenus proviennent de cette source. Si le Parle- ment n'avait pas voulu que l'article 125 s'applique à des compagnies de ce, genre, il aurait pu définir l'expression «entre- prise exploitée activement» ou exclure spécifiquement les com- pagnies qui ne s'occupent que de placements ou spécifier qu'une certaine fraction du revenu doit provenir d'une entreprise autre que celle de placements. Bien qu'il existe certains critères utiles pour déterminer si une entreprise est active, la décision, dans chaque cas, dépendra des faits. Il faut que l'ensemble des activités relève de l'article 125 et que le revenu bénéficie du dégrèvement fiscal de 25%, ou pas du tout, auquel cas l'article 129 s'appliquerait. Il existe une différence entre des activités commerciales menées par une compagnie et celles qui sont menées par un particulier. Il est établi que si une compagnie exploite l'entreprise pour laquelle elle a été constituée, il y a présomption que le bénéfice tiré de ces activités constitue un bénéfice tiré de l'entreprise. Une entreprise est «une activité à laquelle on consacre du temps, de l'attention et des efforts, à des fins lucratives»; une entreprise de prêt d'argent exige un certain degré d'organisation et de continuité des opérations. C'est ce que faisaient les compagnies dans la présente affaire. Le fait que les compagnies ne versaient aucun salaire, aucun
loyer pour l'utilisation des bureaux ou de l'équipement, et qu'elles n'avaient pas d'employés, à plein temps, n'indique pas nécessairement qu'elles n'exploitaient pas une entreprise active. La Loi ne spécifie pas le degré d'activité nécessaire pour bénéficier de la déduction accordée aux petites entreprises. Cependant, lorsqu'une partie retient contre rémunération les services de quelqu'un d'autre pour être totalement dégagée de ses fonctions ordinaires, la première partie a abandonné ses activités. Il convient de considérer les activités des trois compa- gnies sur plusieurs années; elles étaient gérées par des spécialis- tes; chacune avait sa propre politique, ses propres formules commerciales etc., des mandataires travaillaient pour elles, de même qu'un certain nombre de personnes travaillant à l'occa- sion. Il n'est pas douteux que toutes trois exploitaient active- ment une entreprise en 1972. Cependant, E.S.G. avait tout simplement été confiée à une compagnie de gestion sans aucune autre intervention ni contrôle de sa part; le fait de recevoir des rapports semestriels du mandataire ne constitue pas en lui- même une activité commerciale.
Arrêts appliqués: Admiral Investments Limited c. M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 308; Lumsden c. Inland Revenue Com missioners [1914] A.C. 877; Anderson Logging Company c. Le Roi [1925] R.C.S. 45; Queen & Metcalfe CarPark c. M.R.N. [1973] C.T.C. 810; Western Leaseholds Limited c. M.R.N. 59 DTC 1316; M.R.N. c. Kelvingrove Invest ments Limited [1974] C.T.C. 450; Litchfield c. Dreyfus [1906] 1 K.B. 584; Hollinger c. M.R.N. 73 DTC 5003; M.R.N. c. Spencer [1961] C.T.C. 109. Arrêts examinés: l'arrêt Heydon (1584) 3 Co. Rep. 7a; Glen c. Schofield [1928] 2 D.L.R. 319; Wood c. M.R.N. [1969] R.C.S. 330; Scott c. M.R.N, [1963] R.C.S. 223; M.R.N. c. Maclnnes [1963] R.C.S. 299. Arrêts approuvés: Cosmopolitan Investments Co. Limited c. M.R.N. 74 DTC 1252; Wein- traub c. La Reine 75 DTC 5050; Aztec Forest Products Limited c. M.R.N. 74 DTC 1075; Lazare Investments Corp. c. M.R.N. 75 DTC 26; Farlan Investments Ltd. c. M.R.N. 75 DTC 12; Centennial Shopping Centre Ltd. c. M.R.N. 74 DTC 1190; Finning c. M.R.N. [1961] C.T.C. 425. Distinction faite avec les arrêts: Wertman c. M.R.N. [1964] C.T.C. 252; Walsh c. M.R.N. [1965] C.T.C. 478. Arrêts analysés: Commissioner of Inland Revenue c. The Korean Syndicate Ltd. 12 T.C. 181; Commissioner of Income Tax c. Hanover Agencies Ltd. [1967] 1 A.C. 681; Rideau Club c. Ottawa [1907] O.L.R. 118; Newton c. Pyke (1908-09) 25 T.L.R. 127; Orban c. M.R.N. 54 DTC 148; Graham c. M.R.N. 70 DTC 1747; Noddy Subsidiary Rights Co. Ltd. c. Inland Revenue Commissioners [1966] 3 All E.R. 459; M.R.N. c. Taylor [1956-60] R.C.É. 3.
ACTION. AVOCATS:
A. Gauthier et B. Verchère pour la demanderesse.
G. W. Ainslie, c.r., et T. Ocrane pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Verchère, Primeau & Gauthier, Montréal, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Cette action a été évoquée simultanément aux actions portant les nos du greffe T-1878-74, E.S.G. Holdings Ltd. c. Sa Majesté la Reine, et T-1879-74, Rockmore Investments Ltd. c. Sa Majesté la Reine; puisque les faits pertinents et les questions de droit sont pratiquement identi- ques dans les trois affaires, excepté bien sûr des différences dans le montant de la cotisation à l'impôt pour chacun de ces cas, on a convenu qu'elles seraient entendues en même temps et que la preuve soumise à l'égard des trois compagnies dans la présente action, serait incluse au dossier des deux autres actions et que les présents motifs du jugement s'appliqueraient aux trois affaires.
Les trois compagnies en cause investissent dans des hypothèques, comme les y autorisent leurs lettres patentes respectives, et prétendent exploiter «activement» une entreprise au Canada au sens de l'article 125 de la Loi de l'impôt sur le revenu' et avoir donc droit de déduire de leur impôt autre- ment payable un montant égal à 25% du revenu provenant de cette exploitation active de leur entreprise. En revanche, le Ministre prétend qu'au- cune fraction des' intérêts et autres revenus gagnés par les compagnies ne constituait un revenu tiré «d'une entreprise exploitée activement» et que les compagnies n'ont donc pas droit à cette déduction; les cotisations ont été établies en conséquence. Les présentes actions sont donc des appels de ces cotisations.
Deux témoins ont déposés et on a soumis, dans chacune de ces affaires, des recueils de documents distincts. Les témoins sont Elliot Godel, un des actionnaires, administrateurs et dirigeants de M.R.T. et de Rockmore, et gérant de E.S.G., et George Reinhart un dirigeant de M.R.T. et de Rockmore qui s'occupe aussi avec Godel de la gestion de E.S.G. Pour plus de commodité, nous
' S.C. 1970-71-72, c. 63.
désignerons les trois compagnies sous leur nom abrégé, dans les présents motifs. Godel se présenta lui-même comme un cadre supérieur dans le domaine des hypothèques et de l'immobilier et dans son témoignage, déclara posséder 100 actions ordinaires et 100 actions privilégiées de M.R.T., alors que Reinhart possédait 99 actions ordinaires et 100 actions privilégiées et M me Reinhart l'autre action ordinaire. Il possède une action ordinaire de Rockmore, alors qu'une compagnie connue sous le nom Monarch Management and Investment Cor poration, dont il est un des principaux actionnai res, en possède 48 et Mme Godel une. Reinhart possède 49 actions ordinaires et M me Reinhart une seule action ordinaire; ces quatre personnes sont aussi les dirigeants de la compagnie. Ni Godel ni Reinhart ne sont actionnaires ou dirigeants de E.S.G., compagnie dont toutes les actions sont détenues par cinq autres personnes ou compagnies, mais Godel s'occupe de sa gestion par l'intermé- diaire de la Monarch Management and Investment Corporation. Il avait déjà géré une compagnie similaire connue sous le nom de Mohawk Invest ment Company, et ce, pour le même groupe, c'est-à-dire une compagnie québecoise qui, déci- dant de s'étendre en Ontario, créa la compagnie E.S.G. (dont les actionnaires étaient les mêmes personnes) en vue de faire aussi dans cette pro vince des prêts hypothécaires; c'est à sa compagnie que fut confiée la gestion.
M.R.T. fut constituée en corporation en vertu de The Corporations Act de l'Ontario, le 7 janvier 1965; elle détient des pouvoirs étendus qui lui permettent de faire des affaires à titre d'agent financier, de consentir des prêts sur garantie d'hy- pothèques ou autrement, et d'acheter, mettre en location et aménager des terrains à la condition qu'elle ne s'engage dans aucune entreprise relevant de The Loan and Trust Corporations Acte. Rock- more fut constituée en corporation en vertu des dispositions de la Loi des compagnies du Québec le 5 janvier 1965, à titre de compagnie de place ments, s'occupant notamment d'hypothèques et de propriétés immobilières. E.S.G. fut constituée en corporation en Ontario en vertu des dispositions de The Business Corporations Act, 1970, le 19 août 1971; son objet principal était de [TRADUCTION]
2 S.R.O. 1970, c. 254.
«prêter et investir des fonds sur hypothèque immo- bilière ou autre», à la condition toujours de ne pas faire des opérations relevant de The Loan and Trust Corporations Act. Aucune de ces compa- gnies ne s'occupait de ce qu'on pourrait appeler des hypothèques ordinaires au taux courant d'inté- rêt. En règle générale, E.S.G. ne prêtait des fonds que sur garantie de première hypothèque, à un taux d'intérêt de 2 à 3% supérieur au taux courant. M.R.T. ne se limitait pas aux premières hypothè- ques et en 1972 ses prêts non remboursés portaient des intérêts allant de 7 à 16%. Les taux les moins élevés correspondent au taux d'intérêt sur des hypothèques qu'elle avait rachetées à rabais au prêteur d'origine, dont le rendement effectif était donc considérablement plus élevé que les taux cités. Ses taux d'intérêt étaient de 2 à 5% supérieur au taux courant. Rockmore fonctionne selon les mêmes principes mais seulement dans la province de Québec.
Les trois compagnies opéraient sur une échelle relativement petite. M.R.T., au 31 décembre 1972, l'année d'imposition en cause, détenait 14 hypothè- ques se chiffrant au total à $104,636.81. Les inté- rêts et autres revenus produits cette année-là s'éle- vaient au total à $12,471.47 et ses gains nets avant impôt à $4,815.30. Rockmore, au 31 décembre 1972, détenait seulement 3 hypothèques et possé- dait un petit terrain d'une valeur inscrite de $2,465, et la valeur totale de ses hypothèques et autres comptes à recevoir s'élevait à $11,084.03. Le total des intérêts reçus et des autres revenus était de $4,609.30, dont apparemment $2,669 cor- respondaient aux intérêts, $350 correspondaient au loyer du petit terrain qu'elle avait acheté en 1972 et qu'elle vendit en 1973 après avoir pu régler un certain nombre de difficultés quant aux titres de propriété, et le reste correspondant aux honoraires reçus pour des services rendus à deux personnes pour lesquelles la compagnie avait pu arranger ce que le témoin Godel décrit comme une «formule complexe d'hypothèque». Le revenu net avant impôt était de $3,479.30. A la même date E.S.G. possédait 10 hypothèques d'une valeur totale de $106,577.98. Les intérêts gagnés cette année-là étaient de $12,204.31 et ses gains avant impôt se chiffraient à $6,952.05. Depuis 1972, le volume des prêts hypothécaires et les revenus nets des compagnies ont augmenté, M.R.T. possédant au 31 décembre 1974, 18 hypothèques d'une valeur de
$121,384.37, produisant un revenu net de $10,996.92; la même date, Rockmore détenait 10 hypothèques d'une valeur totale de $44,799.84 produisant un revenu net de $13,985.57 et E.S.G. détenait 10 hypothèques d'une valeur de $142,- 540.45 donnant un revenu net de $9,743.06. Depuis la fin de 1974, Rockmore a augmenté ses prêts hypothécaires qui s'élevaient au 31 mars 1975 $98,628.16; en outre, au 30 avril 1975, elle avait des engagements pour des hypothèques de financement provisoire totalisant $162,450 qu'elle devait débourser par versements successifs pendant les prochains mois. Ces trois compagnies ont conti- nué d'augmenter la valeur de leurs hypothèques courantes et leurs revenus bruts depuis les dates respectives de leur constitution en corporation bien que le revenu brut de Rockmore ait quelque peu diminué en 1969 et 1970. Bien que les présentes actions ne portent que sur l'année d'imposition 1972 de chacune des compagnies, l'importance de leurs activités au cours des années précédentes et suivantes peut permettre de déterminer une ligne de conduite ayant une certaine influence sur leurs activités en 1972; c'est pourquoi cette preuve fut admise.
Les trois compagnies étaient dirigées par Godel et Reinhart, avec l'assistance de leur personnel de bureau, et par un certain nombre de compagnies dont ils étaient les propriétaires et les gérants, utilisant les mêmes locaux, les mêmes équipements et le même personnel. Godel et Reinhart ne rece- vaient aucun salaire de ces trois compagnies et ne leur facturaient pas non plus les salaires du person nel de bureau, l'utilisation des fournitures, équipe- ments et téléphones de bureau, à l'exception de E.S.G. dont ils ne s'occupaient que de la gestion en contrepartie de la somme nominale de $300 pour la gestion, la somme de $150 pour le loyer et le téléphone et $100 pour la tenue de la comptabilité en 1972. Ces sommes étaient versées à la compa- gnie de Godel, Monarch Management and Invest ment Corporation. Le personnel de bureau de ce groupe comprenait une réceptionniste, •un dactylo- graphe anglais, une personne s'occupant de la documentation en provenance ( de l'Ontario, une autre s'occupant des assurances et impôts, une autre s'occupant des recouvrements et une autre chargée des inspections, des évaluations et des rappels. Leurs salaires sont versés par trois compa- gnies différentes, Elliot Realties, appartenant à
Reinhart, en qualité de courtier inscrit en hypothè- ques mais ne s'occupant pas directement de prêts, Monarch Management and Investment Corpora tion dont nous avons déjà parlé, et Charter Credit Corporation, une compagnie beaucoup plus impor- tante, sous contrôle du Hamilton Group et dont le directeur et président, Godel, s'occupe des affaires courantes. Le bureau principal de toutes ces com- pagnies, occupant environ 4,000 pieds carrés, se trouve à Montréal bien que le siège social de M.R.T. soit à Ottawa au bureau de son avocat. Rockmore est inscrit dans l'annuaire de Montréal mais ne fait aucune publicité directe. Toute la publicité destinée aux emprunteurs éventuels est faite par la Elliot Realties. Les services téléphoni- ques des compagnies comprennent trois lignes WATTS, et Elliot Realties souscrit au service d'inscriptions multiples de la Chambre d'Immeu- ble de Montréal bénéficiant ainsi de renseigne- ments utiles qui facilitent les évaluations immobi- lières dans la région de Montréal.
La plupart des prêts consentis par les trois corn- pagnes en cause sont négociés par l'intermédiaire d'agents indépendants qui savent que ces compa- gnies sont disposées à consentir des prêts à des personnes qui ne seraient peut-être pas en mesure d'en obtenir auprès des circuits commerciaux ordi- naires, leurs banques ou les compagnies d'assu- rance et de fiducie; ils leur conseillent alors de s'adresser aux compagnies en causé. Il s'agit d'agents indépendants qui reçoivent leur commis sion des emprunteurs, mais les compagnies essaient de mettre sur pied des agences exclusives dans certains secteurs. Ainsi, M.R.T. a un agent à Sudbury qui s'occupe aussi de Sault -Ste-Marie et de Timmins et qui leur donne un droit de préfé- rence pour les prêts de ces régions dont il demande l'approbation. M.R.T. a aussi un agent à Brock- ville et plusieurs à Ottawa. Rockmore a un agent à Québec, un autre à Sherbrooke, un à Hull et plusieurs à Montréal, mais la plupart de ses prêts sont placés par l'intermédiaire d'Elliot Realties. La publicité effectuée par ces agents ne révèle pas au public le nom des compagnies demanderesses.
Dans leur déposition, les témoins ont déclaré être constamment à la recherche de nouveaux agents de manière à pouvoir accroître leur entre- prise de prêts. Ces agents savent quel genre de prêts pourraient leur sembler acceptables mais
comme il s'agit d'opérations présentant d'assez grands risques ils sont obligés de les soumettre à un examen très attentif et n'acceptent probable- ment qu'une demande sur deux ou trois. A l'occa- sion, ils confient l'évaluation à d'autres, mais en règle générale ils visitent et inspectent eux-mêmes la propriété. Les conditidns de l'hypothèque exi gent parfois de longues négociations, en particulier sur le montant du prêt, le taux d'intérêt, la durée du prêt et les modalités de remboursement. Les compagnies ont leurs propres formules de deman- des de prêt bien que certains de leurs agents utilisent les leurs. Chaque fois qu'il leur est possi ble de le faire, ils tentent d'ajouter un douzième du montant de l'impôt foncier au paiement mensuel et paient eux-mêmes ces impôts. Chaque compagnie a une certaine marge de crédit. Celle de M.R.T.
était de $25,000 $35,000 en 1972 et s'élève maintenant à $50,000. La marge de crédit de Rockmore en 1972 devait être de $7,500 $15,000 mais s'élève maintenant à $25,000. E.S.G., en collaboration avec Mohawk Investment Corpora tion, a une marge de crédit de $100,000 à $150,000.
Lorsqu'elles acceptent une demande de prêt, les compagnies envoient un chèque à l'avocat de leur choix qui doit le remettre à la date de la signature. Elles ont fait préparer des instructions normalisées à l'usage des avocats de l'Ontario et des instruc tions similaires à l'usage des notaires du Québec pour les prêts consentis par Rockmore, de manière à leur indiquer leurs exigences à l'égard de l'exa- men des titres de propriété et des clauses et condi tions à inclure dans les contrats de prêt. Elles essaient d'obtenir au moins cinq années de chèques postdatés qu'elles remettent alors à leur banque à titre de nantissement pour leur marge de crédit. Lorsqu'il s'agit de décider si un prêt en Ontario devrait être placé auprès de M.R.T. ou de E.S.G., les témoins ont admis que certains conflits d'inté- rêts pouvaient surgir mais que, de toute façon, E.S.G. refusait toute seconde hypothèque et gar- dait une politique commerciale un peu plus conser- vatrice. Toutefois les dirigeants de E.S.G. ne se sont jamais plaints de la gestion de leur entrepise ou de celle de Mohawk Investments. Après avoir décidé avec Godel s'il y a lieu de consentir un prêt, Reinhart décide à quelle compagnie le confier. La décision dépend en partie des fonds disponibles. Il est pratiquement indifférent à l'emprunteur ou à
l'agent de savoir quelle compagnie consentira le prêt. De même, le fait qu'un agent soumettant une demande de prêt adresse sa lettre à M.R.T. ou E.S.G. a peu d'importance sur le choix de la compagnie qui s'occupera de ladite demande.
Pour décrire les diverses activités afférentes à ces prêts, Reinhart a pris comme exemple un prêt consenti à un. certain Diougardi. Ce dernier sou- haitait emprunter certaines sommes pour rénover sa propriété; après avoir examiné son crédit, ils étudièrent ses projets et firent coïncider les termes du prêt à ceux du contrat conclu avec l'entrepre- neur de manière à ne faire des avances qu'au moment elles devenaient nécessaires. Ils procé- dèrent à plusieurs inspections des lieux et obtinrent des chèques postdatés pour l'assurance incendie. Par la suite, survint un malentendu entre l'entre- preneur et l'emprunteur et ils eurent quelques difficultés avec l'avocat de l'emprunteur à l'égard desdites avances et durent mettre leur propre avocat en rapport avec ce dernier. Pendant la durée du prêt, Diougardi mourut et ils durent se mettre en rapport avec son épouse pour effectuer les changements nécessaires à leur dossier. Le témoin a toutefois admis que tout cela ne se pas- sait pas en 1972.
En note à une lettre adressée aux avocats de la compagnie à Hawkesbury (et soumise comme pièce) au sujet d'un prêt à des personnes du nom de Villeneuve, Reinhart faisait la remarque suivante: [TRADUCTION] «M.R.T. n'est pas une compagnie relevant de l'art. 3-2 et ne devrait peut-être pas faire des prêts directs—si vous êtes d'accord faites acheter par un particulier et transférez à M.R.T.» On expliqua qu'il s'agissait d'un moyen de surmon- ter des difficultés juridiques éventuelles résultant du mode de constitution en corporation de la M.R.T. mais que E.S.G. n'avait pas les mêmes problèmes. De toute façon cette question n'est pas pertinente à mon avis. Reinhart déclara aussi qu'il fallait fréquemment financer de nouveau les prêts, pour différentes raisons, et donc procéder à une autre inspection de la propriété, obtenir une autre série de chèques postdatés à titre de nantissement, entretenir une nouvelle correspondance et obtenir de nouveaux documents. A chaque prêt correspond une formule spéciale indiquant tous les détails pertinents vérifiés par un employé dont c'est la fonction principale et une feuille de registre indi-
quant l'état des impôts fonciers de chaque pro- priété. On produisit des liasses de documents sur certains prêts, qui indiquent, comme on pouvait s'y attendre, que les échanges de lettres et de docu ments avant de consentir un prêt sont relativement importants. Le témoin admit que, sauf complica tions, le recouvrement des paiements était un tra vail de routine. Au cours de l'interrogatoire préala- ble, les témoins sont restés vagues sur le temps qu'il passaient personnellement au service de cha- cune des demanderesses; cependant Godel déclara à l'audience qu'il pouvait passer en tout 10 pour cent de son temps à des travaux pour M.R.T. et Rockmore et que Reinhart y consacrait plus de temps que lui. Il admit cependant qu'il ne s'agis- sait que d'une estimation. On n'essaya pas de faire le décompte du temps passé par le personnel de bureau aux travaux de chaque compagnie et, comme je l'ai déjà indiqué, à l'exception de E.S.G., l'utilisation des bureaux, des téléphones, de l'équi- pement et du personnel ne leur étaient pas facturée.
En ce qui concerne les faits, la seule autre preuve fournie indiquait que les compagnies, lors- qu'elles produisaient des déclarations d'impôt sur les compagnies avant 1972, décrivaient la nature de leur entreprise sous le seul terme «investisse- ments» alors qu'en 1972, elles utilisèrent l'expres- sion «hypothèques et immeubles» pour Rockmore et M.R.T. et «hypothèques» seulement pour E.S.G. Bien que ce changement résulte peut-être des dis positions de la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu, je n'attache pas trop d'importance à ces différences. La nature des activités des compagnies en cause n'a pas changé et c'est leurs caractéristi- ques réelles qui constituent le facteur déterminant et non l'appellation que le contribuable choisit de leur donner dans une description abrégée sur la formule de déclaration.
Les demanderesses prétendirent aussi que les cotisations avaient été établies sans discussion préalable ni avertissement, et ce, en dépit du fait qu'avant 1972 la question n'avait jamais été soule- vée. Cependant la loi applicable en 1972 n'était pas la même; de toute façon cet argument n'est pas fondé. Le Ministre n'est pas lié par les cotisations établies au cours des années précédentes, et il n'est aucunement tenu, avant d'établir une cotisation, d'en informer le contribuable ni de discuter avec
lui de la teneur de sa déclaration. Comme le déclarait le juge Cattanach dans l'affaire Admiral Investments Limited c. M.R.N. 3 (page 317):
[TRADUCTION] Il est bien établi que, même si une décision prise par le Ministre pour une année d'imposition peut influen- cer fortement la détermination d'une question similaire l'année suivante, le fait que le contribuable a bénéficié une fois d'une concession n'empêche pas le Ministre, en l'absence de disposi tions légales à l'effet contraire, de choisir pour une autre année d'imposition un point de vue différent lorsqu'il possède des données plus complètes à ce sujet. Il n'y a rien d'illogique à ce que le Ministre modifie sa décision en fonction des faits qu'il découvre à l'occasion. Une cotisation n'est déterminante, entre les parties, qu'à l'égard de l'imposition pour l'année à laquelle elle s'applique. (Voir M.R.N. c. British and American Motors Toronto Limited, [1953] R.C.É. 153.)
Le fait que l'appelante déclare invariablement ses gains et pertes sur l'achat et la vente d'actions signifie seulement qu'elle a constamment considéré lesdits gains et pertes comme des gains et pertes résultant d'une entreprise.
L'extrait pertinent de l'article 125 de la Loi qu'invoquent les demanderesses se lit comme suit:
125. (1) Une corporation, qui a été pendant toute l'année une corporation privée dont le contrôle est canadien, peut déduire de l'impôt payable par ailleurs pour une année d'impo- sition, en vertu de la présente Partie, une somme égale à 25% du moins élevé des montants suivants:
a) la fraction, si fraction il y a,
(i) de la totalité des sommes qui constituent chacune le revenu de la corporation pour l'année tiré d'une entreprise exploitée activement au Canada,
qui est en sus de
(ii) la totalité des sommes qui constituent chacune une perte de la corporation pour l'année, provenant de l'exploi- tation d'une entreprise exploitée activement au Canada, [Mis en italiques par mes soins.]
Puisqu'il n'y a pas eu de pertes, le sous-alinéa (ii) n'est pas pertinent en l'espèce, ni d'ailleurs les alinéas c) et d) de l'article 125 (1) ni non plus l'article 125(2) traitant d'un «plafond des affaires» de $50,000 pour une année d'imposition et d'un «plafond global» de $400,000. On ne conteste pas le fait que les trois compagnies sont des corpora tions privées dont le contrôle est canadien et exploitées au Canada. La défenderesse toutefois conteste le fait qu'en 1972, ou avant ou après cette année-là, ces compagnies exploitaient activement leur entreprise au sens de ces termes à l'article 125 de la Loi. La Loi elle-même ne tente aucunement de définir l'expression «entreprise exploitée active
; [1967] 2 R.C.É. 308.
ment» de sorte qu'il appartient aux tribunaux de décider dans chaque cas si cette expression s'appli- que. Le Ministère a donné un certain nombre de directives qui toutefois ne lient pas la Cour. C'est apparemment la première fois que la question est soulevée devant cette cour bien que la Commission de révision de l'impôt ait déjà eu à plusieurs reprises à interpréter cet article de la Loi. Il est donc tentant d'énoncer un certain nombre de lignes directrices qui pourraient être appliquées dans l'avenir et apporter ainsi quelque assistance aux contribuables et au Ministre, comme l'avait fait l'ancien président Thorson pour la question des initiatives de caractère commercial dans l'af- faire M.R.N. c. Taylor 4 . Le professeur Claude Boulanger a déjà essayé de le faire dans un article récent, publié dans la Revue Générale de Droit, Vol. 3, pages 7 à 56 sous le titre «La notion d'exploitation active d'une entreprise de l'alinéa 125(1)a) de la loi canadienne de l'impôt sur le revenu» en analysant les décisions rendues dans les affaires relatives à des corporations personnelles et dans lesquelles est interprétée l'expression «(exploite) activement une entreprise financière, commerciale ou industrielle» de l'article 68(1) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenus ainsi que certaines affaires traitant de la définition d'une «initiative de caractère commercial» ou de ques tions similaires. Voici, selon lui, les éléments à considérer pour déterminer si une entreprise com- merciale est active ou inactive:
1. Le fait de l'incorporation.
2. Les buts et objets déclarés dans les lettres patentes.
3. Les buts et les objets réellement poursuivis et réalisés par la corporation.
4. La nature des biens de la corporation.
5. Les activités de la corporation et de ses dirigeants.
Il divise ce dernier élément de la manière suivante:
a) La corporation ne fait rien, à toutes fins utiles, parce que des personnes étrangères à ses cadres assument tout le travail inhérent à ses activités;
4 [1956-60] R.C.É. 3.
5 S.R.C. 1952, c. 148.
b) La corporation exerce une certaine activité, mais cette activité n'est que «de routine»;
c) Ses activités sont très restreintes: très petit nombre de transactions d'affaires; chiffre d'af- faires très bas; très peu de dépenses et débours; nombre de clients très restreint, services très limités; pas assez de travail au sein de l'entre- prise pour occuper du personnel;
d) La corporation ne fait aucune promotion commerciale: absence d'annonces publicitaires, absence de numéro de téléphone dans l'annuaire téléphonique; aucune adresse connue du public; absence de papier à lettre distinctif c'est-à-dire avec en-tête de la corporation; absence d'identi- fication de la corporation à l'entrée " de ses bureaux;
e) La corporation ne possède pas d'organisation administrative et matérielle, ne possède donc ni bureau d'affaires, ni employés, ni secrétariat, ni ameublement, ni téléphone, ni papier à lettre distinctif, ou encore, rien de ce qui précède n'appartient en propre à la corporation;
f) La corporation transige principalement avec des personnes ayant des liens de dépendance avec elle.
Indubitablement tous ces critères sont utiles pour trancher un cas précis; j'estime cependant qu'il n'est pas souhaitable que la Cour énonce une série de règles dans le but de définir ce qui consti- tue une entreprise exploitée «activement», au sens de l'article 125 de la Loi puisque chaque affaire doit être tranchée en fonction des circonstances de l'espèce et que la présence ou l'absence d'un ou plusieurs indices d'activités peut avoir plus d'im- portance dans certains cas, en fonction des autres preuves d'«activité» soumises à la Cour. Je souscris donc aux remarques du président de la Commis sion de révision de l'impôt, K. A. Flanigan, c.r., dans l'affaire Cosmopolitan Investments Co. Limited c. M.R.N. 6 , dont voici un extrait, à la page 1253:
['TRADUCTION] Puisque la législature ... a manifestement laissé aux tribunaux une grande souplesse en vue d'interpréter l'ex- pression «entreprise exploitée activement», il me semble que je dois m'abstenir de faire des déclarations d'une portée plus générale et que je dois voir d'une affaire à l'autre comment ce concept gênant d'«entreprise exploitée activement» se présen- tera graduellement à la Commission.
6 74 DTC 1252.
Dans la même affaire, et à la même page, le président cite également la jurisprudence relative à l'article 68(1)c) de l'ancienne Loi:
[TRADUCTION] On a également cité la jurisprudence concer- nant l'article 68(1)c) de l'ancienne Loi traitant des corporations personnelles. Cependant, il est extrêmement douteux que des décisions quant à la question de savoir si une corporation «exploitait activement une entreprise financière, commerciale ou industrielle» pourraient nous aider à interpréter l'article 125(1) de la nouvelle Loi. L'article 67 de l'ancienne Loi avait pour objet d'empêcher le report de l'impôt sur le revenu paya ble par une corporation qui n'était en fait rien d'autre qu'un conduit d'entrée de revenu vers ses actionnaires et qui devrait donc être traité en tant que tel. En adoptant l'article 125(1) de la nouvelle Loi, la législature voulait encourager le report de l'impôt afin de conserver davantage d'argent disponible en vue d'opérations commerciales futures. Les objectifs ultimes des dispositions précitées sont donc complètement différents.
La distinction est valide mais je n'irai cependant pas jusqu'à dire qu'ail est extrêmement douteux» que ces décisions pourraient nous aider à interpré- ter l'article 125(1).
Dans l'affaire qui nous occupe, les avocats des parties ont discuté la question oralement et dans de longues notes écrites. L'avocat de la défende- resse a insisté sur le fait qu'en vertu de l'article 68 de l'ancienne Loi il fallait définir la nature de l'entreprise de la corporation et déterminer si elle exploitait «activement» ou non «une entreprise financière, commerciale ou industrielle», alors que l'article 125 de la Loi actuelle met moins l'accent sur la nature de l'entreprise que sur les revenus tirés de l'entreprise exploitée activement au Canada par opposition à l'entreprise qui n'est pas exploitée activement. Il a fait remarquer qu'en vertu des articles 125 et 129 de la Loi, qu'il invoque également, la compagnie peut avoir quatre sources de revenus distinctes:
1. Les gains en capital résultant de l'aliénation de biens;
2. Les biens eux-mêmes;
3. Une entreprise qui n'est pas exploitée active- ment; ou
4. Une entreprise exploitée activement au Canada.
Bien que cette distinction soit exacte elle ne suffit pas à régler l'affaire. Il est bien certain que le montant auquel s'applique la déduction de 25% en vertu de l'article 125(1) ne peut être qu'une frac tion du revenu tiré d'une entreprise «exploitée acti- vement» par la corporation au Canada et cette
déduction ne s'appliquerait donc pas, aux termes de cet article, aux revenus de placements d'une compagnie dont la part active de l'entreprise ne consiste pas à faire des placements pour produire un bénéfice. La distinction est valide pour une corporation dont le revenu provient de sources diverses, en partie d'opérations commerciales «acti- ves» et en partie d'une entreprise inactive. A mon avis, rien dans l'article 125 lui-même ne justifierait cependant la conclusion selon laquelle une corpo ration ne produisant que des revenus de place ments ne peut donc être considérée comme exploi- tant «activement une entreprise» lorsque ces placements sont le but même pour lequel elle a été constituée en corporation et représentent l'entre- prise exploitée par ladite corporation. L'avocat de la défenderesse ne prétend pas qu'aucune corpora tion de ce type ne pourrait invoquer les dispositions de l'article 125 de la Loi, mais sa thèse conduit inévitablement à cette conclusion si elle est appli- quée à des compagnies privées dont la seule «entie- prise exploitée activement» consiste dans des opé- rations
de placements.
Il soutient que l'article 125 de la Loi ne devrait pas être interprété isolément mais devrait être lu en corrélation avec les articles 126 à 130, et notamment l'article 129, pour prendre toute sa signification, et, pour ce faire, il invoque la règle énoncée dans l'affaire Heydon 7 , selon laquelle il faut prendre en considération, pour interpréter une loi, les maux auxquels le Parlement voulait remé- dier avant l'adoption de ladite loi et le redresse- ment apporté. Il a cité la formulation moderne de cette règle par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Glen c. Schofield 8 le juge Smith décla- rait (page 320):
[TRADUCTION] Pour déterminer le sens qu'il convient d'accor- der aux termes employés il faut tenir compte non seulement de la rédaction particulière de l'article en cause mais aussi des maux auxquels la loi devait remédier et des dispositions de l'ensemble de ladite loi.
Selon lui, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu, il fallait résoudre deux difficultés principales: en premier lieu le besoin en capitaux d'exploitation et capitaux spé- culatifs des'petites entreprises qui n'ont pas accès au marché classique de capitaux et sont désavanta- gées par le montant d'impôt qu'elles doivent payer
(1584) 3 Co. Rep. 7a; 76 E.R. 637. e [1928] 2 D.L.R. 319.
sur leur revenu; en second lieu, l'utilisation de compagnies comme façades ou écrans protecteurs entre le capitaliste et le revenu de ses placements, ainsi que le problème des surplus immobilisés déte- nus par des compagnies en exploitation qu'il ne pouvait distribuer sans de graves conséquences fiscales. Le taux d'imposition réduit sur les pre miers $35,000 du revenu de la compagnie fut introduit en 1949 pour alléger le taux d'imposition de 50% qui s'avérait trop sévère pour les petites entreprises, mais cette réduction s'appliquait à toute compagnie, quelle que fût son importance, et non seulement aux nouvelles compagnies à léurs débuts, obligées d'augmenter leur capital d'exploi- tation alors qu'une compagnie plus ancienne ne connaissait pas- ces impératifs. Le problème de l'utilisation de compagnies pour protéger du fisc les revenus de placements fut réglé par les articles 67 et 68 de l'ancienne Loi relatifs aux corporations personnelles. Ces articles avaient une faille: un individu exploitant activement une entreprise par l'intermédiaire d'une compagnie pouvait utiliser les fonds excédentaires, au lieu de les distribuer sous forme de dividendes, pour de nouveaux place ments au nom de la compagnie et le revenu en découlant pouvait alors être inclus dans le revenu de la compagnie au lieu de l'être dans celui de l'actionnaire, sauf dans la mesure ce revenu lui était redistribué sous forme de dividendes. En outre, il en résultait, dans une certaine mesure, un système de double imposition, puisque la compa- gnie payait des impôts sur ses revenus et l'action- naire payait à nouveau des impôts sur les revenus distribués sous forme de dividendes, ce qui consti- tuait une bien faible incitation à la distribution des surplus. Cette difficulté entraîna l'adoption de mesures de dégrèvement fiscal pour les dividendes et diverses mesures de dépouillement de dividen- des. Il suggère que, pour résoudre ces difficultés, les articles 125 et 129 de la Loi ont pour but d'encourager l'exploitation active d'une entreprise par une compagnie en expansion, en réduisant l'impôt . payable sur les premiers $50,000 produits chaque année, jusqu'à ce que la compagnie ait accumulé sur plusieurs années un surplus de $400,- 000, et qu'en outre on doit rembourser une frac tion de l'impôt payé par une compagnie qui distri- bue à ses actionnaires une partie de ses gains en capital, du revenu de ses placements et du revenu d'activités constituant une entreprise autre qu'une
entreprise exploitée activement. Il prétend que la règle générale d'interprétation d'une loi veut que:
[TRADUCTION] Les rapports réciproques des diverses disposi tions d'une loi ont aussi leur importance pour en déterminer le sens et la portée. C'est ce qu'on appelle «l'économie» ou «les lignes directrices» de la Loi, ,et chaque disposition devrait, chaque fois que c'est possible, être interprétée de manière à concorder avec l'économie de la Loi ou ses lignes directrices. (Driedger, The Construction of Statutes, page 17.)
Aux termes de l'article 129, une corporation privée a droit à un impôt remboursable au titre de divi- dendes, se chiffrant à 25% de son revenu de place ments au Canada et à l'étranger, pour l'année, et le revenu de placements au Canada est défini dans la loi comme un revenu «provenant d'un bien situé au Canada,» ou «provenant d'une entreprise, autre qu'une entreprise activement exploitée, située au Canada». Une distinction a donc été établie entre l'entreprise exploitée activement d'une compagnie et son revenu de placements, y compris ses gains en capital. La compagnie paie d'abord le taux de 50% applicable aux corporations, sur ses revenus de placements, mais la moitié de cette somme est remboursée par la suite à toute corporation privée lorsque ces revenus sont distribués aux actionnai- res à titre de dividendes imposables. Ces règles s'appliquent à toutes les corporations privées. La Loi distingue un type particulier de corporation privée, savoir, «la corporation privée dont le con- trôle est canadien» qui paie un taux réduit de 25%, sur les premiers $50,000 de son revenu, provenant d'une entreprise «exploitée activement» au Canada, jusqu'à concurrence d'un plafond de $400,000 de revenus exemptés d'impôt s'ils proviennent d'une entreprise exploitée activement. Toute une série de règles complexes doivent permettre aux Canadiens de transférer leurs placements à une corporation privée et d'obtenir le même montant après impôt sur le revenu produit par l'intermédiaire de la corporation privée que s'ils avaient reçu directe- ment ce revenu. Dans ce système, l'article 125 prévoit certains dégrèvements fiscaux applicables «aux corporations privées dont le contrôle est cana- dien» exploitant «activement» une entreprise, mais jusqu'à concurrence seulement d'un surplus accu- mulé (ou réserves) de $400,000, alors que l'article 129 de la Loi prévoit des dégrèvements fiscaux pour toutes les compagnies privées sans restriction, pour tous leurs revenus provenant de sources autres que l'exploitation active d'une entreprise.
L'avocat de la défenderesse prétend que l'on peut invoquer en outre, à l'appui de cette interpré- tation de l'économie de la Loi, les dispositions de la Partie V adoptée en même temps que les articles 125 et 129, mais qui fut abrogée par la suite avant même d'entrer en vigueur, mais dont on peut néanmoins tenir compte pour interpréter l'article 125 (voir Craies on Statutes, 7e éd., page 414). Les articles ainsi abrogés prévoyaient qu'une com- pagnie qui avait utilisé son revenu et avait été imposée selon le taux réduit pour acheter des placements non admissibles, au lieu de réinvestir les surplus dans l'augmentation / de son capital d'exploitation, dans l'usine ou les équipements, ou de le distribuer sous forme de dividendes à ses actionnaires, devait payer un impôt spécial sur la fraction d'économies réalisées grâce au paiement du taux réduit d'imposition en vertu de l'article 125 de la Loi, et ce paiement devait être rem- boursé lorsque les fonds initialement utilisés pour les placements non admissibles étaient réinvestis dans les biens de l'entreprise ou distribués sous forme de dividendes. A l'article 189(4)b) de la Partie V, les «placements non admissibles» étaient définis comme des biens qui n'avaient pas été acquis dans le but de tirer un gain d'une entre- prise, exploitée activement, de la corporation avec certaines exceptions, parmi lesquelles les hypothè- ques, à la condition qu'elles viennent à échéance dans l'année de la date de leur émission. Il en déduit que, selon l'économie générale de la Loi, le revenu provenant de placements dans des hypothè- ques du type de celles détenues par les trois com- pagnies en cause ne devaient pas être considéré comme revenu provenant d'une entreprise exploi- tée activement.
Il semble que ces raisonnements sont fallacieux pour deux raisons. En premier lieu, un placement non admissible était par définition «un bien qui n'avait pas été acquis dans le but de tirer un gain d'une entreprise exploitée activement» et puisque les placements en prêts hypothécaires constituaient toute l'entreprise des trois compagnies en cause et n'étaient donc pas une activité accessoire, l'inter- prétation préconisée par l'avocat de la défende- resse conduirait de nouveau à la conclusion qu'une corporation ne peut être créée dans le but principal d'avoir comme entreprise «exploitée activement» des placements en prêts hypothécaires. Dans les affaires qui nous occupent, ces hypothèques étaient
acquises dans le but de tirer un gain de l'exploita- tion active de l'entreprise de la compagnie. En second lieu, si l'on peut soutenir que la classifica tion des hypothèques venant à échéance plus d'un an après la date de leur émission parmi les place ments non admissibles permet de conclure que l'économie de la Loi voulait que le revenu de ces placements ne soit jamais sujet à la déduction de 25% prévue à l'article 125, et ce, en raison des dispositions de l'article 189(4)b) de la Loi on peut soutenir alors que l'abrogation de cette partie, avant même son entrée en vigueur, se prête à l'argument inverse puisqu'on peut dire qu'il a été décidé par la suite de n'introduire aucune distinc tion de ce genre.
Dans sa plaidoirie, la défenderesse soutient en conclusion, en se fondant sur l'économie générale de la Loi, que le Parlement avait l'intention de limiter ce que l'on appelle «une entreprise exploitée activement» au genre d'activités commerciales exi- geant une usine, certains équipements, un stock de marchandises et un montant considérable de capi- taux d'exploitation ou de fonds de roulement qui seraient immobilisés en stocks de marchandises et en comptes à recevoir, tandis que le revenu prove- nant principalement de la propriété de placements ou de biens, même si le propriétaire de ces place ments ou biens devait consacrer un temps considé- rable à la surveillance de ses placements, passerait par l'intermédiaire de la compagnie aux mains du propriétaire, et bénéficierait du taux réduit prévu à l'article 129 de la Loi.
Comme je l'ai déjà dit, cette longue explication du prétendu «système» instauré par la nouvelle Loi, fondé sur les «maux» auxquels il fallait remédier, et l'interprétation restreinte que la défenderesse' souhaite attribuer à l'article 125(1) repose sur l'application de la règle Heydon.
A mon avis cependant la règle Heydon n'est pas nécessairement la règle applicable en l'espèce pour l'interprétation de l'article 125. Voici ce qu'en dit Elmer A. Driedger, dans son ouvrage The Con struction of Statutes (page 1):
[TRADUCTION] Depuis longtemps a prévalu la notion qu'il existerait trois règles ou approches différentes pour déterminer le sens d'une loi. En premier lieu, on dit qu'il existe l'approche du «but» ou la règle dite des «maux auxquels il faut remédier», pour lesquels on invoque l'affaire Heydon ((1584) 3 Co. Rep. 7a, 76 E.R. 637); une loi doit être interprétée de manière à remédier aux maux en question et à promouvoir le redresse-
ment, ce qui , donne aux tribunaux une latitude considérable pour atteindre le but visé par les législateurs en dépit, le cas échéant, de tout langage inadéquat qui y est utilisé. En second lieu, on dit qu'il y a l'approche «littérale» ou la règle «du sens ordinaire» énoncée dans l'affaire Sussex Peerage ((1844) 11 Cl. & F. 85, 8 E.R. 1034); seuls les mots employés dans la loi peuvent être pris en considération et si leur sens est clair, il faut leur donner effet quelles qu'en soient les conséquences; on ne tiendra compte de l'intention du législateur qu'en cas de doute. Enfin il existe ce qu'on appelle la «règle d'or» établie dans l'affaire Grey c. Pearson ((1857) 6 H.L.C. 61, 10 E.R. 1216) qui, pense-t-on, autorise un tribunal à s'écarter du sens littéral si ce dernier implique des conséquences qu'il considère absurdes.
Concluant que la jurisprudence de date plus récente a combiné les trois approches et, par consé- quent, en a modifié la signification initiale, il affirme (page 2):
[TRADUCTION] On peut invoquer l'objet ou le but d'une loi, non pour modifier ce que disait le Parlement, comme on le faisait du temps de l'affaire Heydon, mais pour comprendre ce qu'il disait. L'objet d'une loi et les circonstances de son adop tion sont toujours pertinents et ce, non seulement en cas de doute, comme on le pensait du temps de l'affaire Sussex Peerage. La «règle» établie dans l'affaire Grey ,c. Pearson signifie simplement que l'on peut modifier le sens littéral de la loi lorsqu'il -.entraîne une contradiction interne ,et non pas lorsque l'on considère qu'il a des conséquences absurdes ou injustes. Il en résulte donc que, quelle que fût l'opinion des autorités judiciaires par le passé, il existe de nos jours une seule méthode d'interprétation, savoir l'interprétation littérale, mais littérale dans un contexte global.
En faisant remarquer que cette méthode revient souvent à choisir entre le sens restreint ou le sens large des termes employés dans la loi, il affirme (page 26):
[TRADUCTION] C'est à partir des mots qu'il a utilisés pour l'exprimer qu'il faut déterminer l'intention du Parlement. Lord Haldane déclarait dans l'affaire Lumsden c. Inland Revenue Commissioners ([1914] A.C. 877, la page 892; cité dans l'affaire Banque Royale du Canada c. Acadia School Division [1943] 1 W.W.R. 256; et voir l'affaire Leader c. Duffey (1888) 13 A.C. 294, lord Halsbury, page 301.)
La simple conjecture que le Parlement poursuivait un but qui, aussi naturel soit-il, n'a pas été traduit dans les mots qu'il a utilisés, si on les prend dans leur sens littéral, n'est pas une raison suffisante pour s'écarter de l'interprétation littérale.
A mon avis, l'expression «entreprise exploitée activement», à l'article 125, n'est aucunement ambiguë; on peut lui donner une interprétation littérale fond& sur les faits de chaque espèce et son interprétation au sens large que préconisent les demanderesses n'entraîne pas à mon avis de con tradiction interne dans l'application de la Loi,
lorsqu'on l'applique à une compagnie dont la seule entreprise est d'investir dans des hypothèques et éventuellement de faire d'autres opérations immo- bilières. Le fait qu'en vertu de l'article 125 de la Loi, il faut répartir le revenu de chaque compagnie entre le revenu tiré d'une entreprise exploitée acti- vement et le revenu tiré d'une entreprise inactive, ou revenu tiré exclusivement de placements, et qu'à l'égard de ce dernier type de revenu on peut invoquer l'article 129 n'empêche pas à mon avis les compagnies en cause d'utiliser l'article 125 ni de prétendre que l'ensemble de leurs activités com- merciales constitue une «entreprise exploitée acti- vement» et que tous leurs revenus proviennent de cette source. Si le Parlement n'avait pas voulu que, l'article 125 s'applique à des compagnies du genre de celles qui nous occupent, il aurait révélé son intention en définissant l'expression «entreprise exploitée activement» ou en excluant spécifique- ment de l'application de l'article 125 les compa- gnies du type des trois compagnies en cause dont la totalité de l'entreprise active consiste à effectuer_ des, placements, ou tout au moins en spécifiant qu'une certaine fraction du revenu d'une compa- gnie doit provenir de l'exploitation active d'une entreprise industrielle ou commerciale autre que l'exploitation se résumant à des opérations de pla cements. Comme l'indiquait l'extrait tiré de l'af- faire Lumsden c. Inland Revenue Commissioners (précitée), il serait futile de rechercher quelle était l'intention du Parlement lorsqu'il adopta l'article 125 en examinant les autres articles de la Loi, lorsque l'interprétation préconisée par la défende- resse n'est pas traduite dans les mots utilisés par le Parlement dans cet article si on les prend dans leur sens littéral.
En outre je pourrais ajouter que même si nous tenons compte du but poursuivi, nous dit-on, par le dégrèvement d'impôt de 25% dont bénéficient les corporations privées dont le contrôle est canadien, comme le suggère l'avocat, il n'est aucunement contraire à l'intérêt public d'aider des corpora tions, du type de celles qui nous occupent, à accu- muler des fonds excédentaires destinés à des place ments. Les prêts consentis par ces compagnies sont utiles aux emprunteurs et, en même temps, produi- sent un bénéfice qui revient aux compagnies prê- teuses et l'expansion des sources auprès desquelles des emprunteurs peuvent obtenir le capital néces- saire, qu'il s'agisse de construction à des fins rési-
dentielles ou éventuellement de l'expansion des activités industrielles de l'emprunteur, doit certai- nement être encouragée et ne peut être considérée comme contraire à l'intérêt public.
La question de savoir si les activités commercia- les des trois compagnies exploitées en conformité des dispositions de leurs lettres patentes respectives constituent ou non des entreprises exploitées acti- vement revient donc à une question de fait. A la différence de l'article 68 de l'ancienne Loi, relatif aux corporations personnelles, l'article,- 125 envi sage le cas une compagnie, tout en exploitant activement une entreprise, tire cependant une partie de son revenu d'activités ne constituant pas l'exploitation active d'une entreprise; le fait que ce cas soit envisagé ne change pas la situation en l'espèce puisque la seule entreprise exploitée par les trois compagnies consistait en prêts d'argent sous forme d'hypothèques immobilières, soit en consentant elles-mêmes les prêts, soit en achetant à rabais des hypothèques existantes, avec, dans un ou deux cas isolés, l'achat et la vente d'immeubles, strictement accessoires à leurs activités commer- ciales principales, et, dans le cas de Rockmore, quelques prêts aux fins de financements provisoi- res. Il faut donc conclure soit que l'ensemble de leurs activités relève de l'article 125 et que leur revenu bénéficie donc du dégrèvement fiscal de 25%, comme le prétendent les demanderesses, soit qu'aucune fraction de leur revenu ne relève dudit article et que le revenu total de chaque compagnie doit être considéré comme «provenant d'un bien situé au Canada» ou «provenant d'une entreprise autre qu'une entreprise activement exploitée, située au Canada», auquel cas l'article 129 s'appli- querait à l'ensemble de leur revenu, comme le prétend la défenderesse.
L'avocat de la défenderesse a cité l'affaire Wood c. M.R.N. 9 , le juge Abbott déclarait à la page 334:
[TRanucnox] ... le type d'activités de l'appelant tenait du placement d'épargnes personnelles et ne correspondait pas à
l'exploitation d'une entreprise. -
De 1956 à 1963, l'appelant avait acquis trois pre- mières hypothèques et cinq secondes hypothèques, la plupart à rabais, ou avec prime, soit en moyenne environ 1' hypothèques par an. Il faut signaler cependant que dans cette affaire, la Cour exami-
9 [1969] R.C.S. 330.
nait le cas d'un particulier et non celui d'une compagnie constituée en corporation à cet effet, et en outre, comme le déclarait le juge Abbott à la page 333 que:
[TRADUCTION] Les placements de l'appelant, y compris les placements dans des hypothèques, étaient faits exclusivement à partir d'épargnes et non d'emprunts et le revenu qu'il en tirait, y compris valeurs et obligations, formaient une part assez modeste de son revenu brut.
Ces différences avec les affaires qui nous occupent sont donc très importantes; en effet il s'agit de l'objet même de la constitution en corporation des compagnies en cause; chacune d'elles a une marge de crédit, les recettes provenant des hypothèques sont déposées auprès de la banque en nantissement pour l'augmentation desdites facilités de crédit et les bénéfices desdites opérations constituent le seul revenu de ces compagnies. Lorsqu'il suggère que le critère établi dans l'affaire Wood devrait être appliqué, l'avocat de la défenderesse déclare, dans ses plaidoiries écrites:
[TRADUCTION] ... toutes les sommes ainsi reçues seront comp- tabilisées comme revenu tiré de biens, à moins que l'on puisse affirmer que l'acquisition desdites hypothèques faisait partie intégrante d'une entreprise ou système dont le but est la production de bénéfices.
Il me semble qu'en l'espèce, l'acquisition de ces hypothèques dans le but de produire un revenu, grâce aux intérêts ou aux gains résultant du paie- ment final de la totalité des hypothèques achetées au rabais, faisait précisément, «partie intégrante d'une entreprise ou système dont le but est la production de bénéfices».
La jurisprudence citée par les deux parties appuie cette conclusion. Un certain nombre d'ar- rêts ont établi de manière concluante qu'il existe une différence entre des activités commerciales menées par un particulier et les activités d'une compagnie constituée en corporation à cette fin; dans ce cas, si la compagnie exploite l'entreprise pour laquelle elle a été constituée il y a présomp- tion que le bénéfice tiré de ces activités constitue un bénéfice tiré de l'entreprise. L'arrêt faisant autorité à ce sujet est l'arrêt Anderson Logging Co. c. Le Roi'° dans lequel le juge Duff déclarait à la page 1214:
10 [1925] R.C.S. 45.
[TRADUCTION] La seule raison d'être d'une compagnie publi- que, c'est de posséder et d'exercer une entreprise. Si l'opération en cause appartient à une catégorie d'opérations lucratives que prévoit l'acte constitutif, du moins au premier abord, le béné- fice qu'elle en tire est un bénéfice tiré de l'entreprise de la compagnie.
Le fait que les compagnies en cause soient des compagnies privées n'influe pas sur la validité de cette déclaration. Voir l'affaire Queen & Metcalfe Carpark Limited c. M.R.N. " le juge suppléant Sweet, à propos de l'affaire Anderson, déclarait à la page 817:
Il me semble en outre que le principe énoncé à propos d'une compagnie publique s'applique aussi, en ce qui concerne les points du présent litige, à une compagnie privée comme l'appelante.
Le jugement ne parle que de la catégorie «d'opéra- tions lucratives que prévoit l'acte constitutif» et correspond donc apparemment à l'article 125(1) de la nouvelle Loi. Voir à ce propos l'arrêt Western Leaseholds Limited c. M.R.N. 12 et M.R.N. c. Kel- vingrove Investments Limited" le juge Catta- nach déclarait, à la page 453:
La compagnie intimée fut constituée en corporation dans le but d'acquérir et détenir des biens meubles et immeubles aux fins de placement. En bref, elle était autorisée à exploiter une entreprise de placement. Une telle description n'a pas le degré de précision souhaitable, mais en langage ordinaire tout cela doit signifier que l'entreprise de l'intimée consistait à placer ses éléments d'actif dans des biens, sans restriction quant au genre de biens, dont elle pouvait espérer tirer un profit.
Dans l'affaire Queen & Metcalfe Carpark Lim ited c. M.R.N. (précitée), il établit une distinc tion entre les arrêts Wertman c. M.R.N. 14 et Walsh c. M.R.N. 15 , le juge suppléant Sweet fait aussi clairement la distinction entre l'entreprise exploitée par une compagnie et celle exploitée par un particulier, et déclare à la page 817:
Dans ces deux affaires, les contribuables étaient des particu- liers et non des personnes morales. Ces affaires différent donc de la présente, l'appelante est une entreprise constituée en corporation. J'estime donc qu'il y a lieu de les distinguer.
Des principes similaires ont été appliqués par les tribunaux anglais par exemple dans les affaires
" [1973] C.T.C. 810. 12 59 DTC 1316.
13 [1974] C.T.C. 450.
14 [1964] C.T.C. 252.
15 [1965] C.T.C. 478.
The Commissioner of Inland Revenue c. The Korean Syndicate Ltd. 16 et Commissioner of Income Tax c. Hanover Agencies Ltd. 17 dont voici
un extrait (page 687):
[TRADUCTION] Si les objets de la compagnie sont de nature commerciale et s'ils sont effectivement poursuivis par la compa- gnie, cette dernière exploite une entreprise (Inland Revenue Comrs. c. Westleigh Estate Co., ((1923) 12 T.C. 657 C.A.) le Maître des Rôles Pollock). Les activités des intimées consistent à négocier des baux et à percevoir les loyers de leurs propriétés. A première vue, cela indique qu'elles exploitaient une entre- prise et que l'article 8o) leur était applicable.
Le mot «entreprise» fut défini par le juge d'appel
Osler dans l'affaire Rideau Club c. City of Ottawa 'g de la manière suivante (page 122):
[TRADUCTION] «Entreprise» est un mot dont le sens est large et indéfini, mais (vu son emploi dans l'article en cause) il est évident ou raisonnable de conclure (pour reprendre les termes du Maître des Rôles dans l'affaire Smith c. Anderson, 15 Ch.D. 247, à la page 258) qu'il s'applique à une activité suivie à laquelle on consacre du temps, de l'attention et des efforts, à des fins lucratives.
Dans l'arrêt britannique Litchfield c. Dreyfus 19 le juge Farwell définit une entreprise de prêt d'ar- gent à la page 589:
[TRADUCTION] En règle générale, une personne exploitant une entreprise de prêt d'argent est une personne prête et disposée à prêter de l'argent à tout venant et désireuse de le faire, à la condition que les emprunteurs, de son point de vue, soient acceptables.
Dans l'affaire Newton c. Pyke 20 , citée dans l'af- faire Orban c. M.R.N. 21 , devant la Commission d'appel de l'impôt, le juge Walton, en se reportant à l'arrêt Litchfield c. Dreyfus (précité) déclarait:
[TRADUCTION] Il semble impossible de donner une définition ou description qui nous serait d'une grande utilité, mais j'estime qu'il ne suffit pas de montrer simplement qu'à diverses reprises, une personne a prêté de l'argent à des taux d'intérêts rémunéra- teurs; il doit exister un certain degré d'organisation et de continuité des opérations.
Il ressort clairement des faits que les trois com- pagnies en cause exploitaient leur entreprise de prêt d'argent de manière continue.
La décision rendue par le président par intérim de la Commission d'appel de l'impôt, R.S.W.
16 12 T.C. 181.
' 7 [1967] 1 A.C. 681.
18 (1908) 15 O.L.R. 118.
19 (1906) 1 K.B. 584.
m (1908-09) 25 T.L.R. 127 à la page 128.
21 54 DTC 148 à la page 149.
Fordham, c.r., dans l'affaire Graham c. M.R.N. 22 va dans le même sens; en voici un extrait (page 1748):
Une personne qui veut simplement faire des placements hypo- thécaires, peut le faire sans que cela constitue un travail régulier, mais dans le cas qui nous intéresse, l'appelant, en fait, décidait si la garantie présentée était suffisante et satisfaisante à d'autres égards, il s'occupait de faire rédiger les documents d'hypothèques nécessaires et voyait à mener à bonne fin toutes les transactions hypothécaires, du commencement à la fin. Je suis convaincu que la Bay Meadows exploitait une entreprise commerciale active et que l'intimé en la qualifiant de corpora tion personnelle avait mal interprété les faits. Il n'y a rien de passif dans la Bay Meadows.
Le fait que les trois compagnies ne versaient aucun salaire, aucun loyer pour l'utilisation des bureaux ou de l'équipement, qu'elles n'avaient pas de personnel ne travaillant que pour elles, n'indi- que pas nécessairement qu'elles n'exploitaient pas une entreprise active. Cette question fut soulevée dans une affaire anglaise, Noddy Subsidiary Rights Co. Ltd. c. Inland Revenue Commis sioners 23 . Dans cette affaire, un certain Broad- ribb, le directeur général de la compagnie contri- buable, depuis ses débuts, depuis devenu un de ses administrateurs, avait assisté d'autres compagnies du même groupe dans leur comptabilité. Le juge Pennycuick, en concluant que les activités du con- tribuable étaient de nature commerciale, déclara à la page 471:
[TRADUCTION] A ce sujet, je pense particulièrement aux termes du mémoire de la compagnie, au fait que Broadribb consacrait la moitié de ses heures de travail à la gestion des affaires de la compagnie, au fait qu'il recherchait activement des clients, que, lorsqu'il s'agissait de licences octroyées, il y appliquait des talents et efforts continus et variés. A mon avis ces activités comprennent tous les éléments d'un commerce, et une fois admis, comme nous devons le faire maintenant, que Broadribb agissait au nom de la compagnie contribuable, il est inutile à mon avis de tenir compte du fait qu'il était rémunéré par d'autres.
Dans cette affaire, le revenu de la compagnie provenait de redevances. Le tribunal conclut qu'elle possédait un bien et octroyait des licences en vertu de ce droit de propriété et que ces activi- tés, compte tenu des circonstances, étaient de nature commerciale.
Le jugement du juge en chef adjoint Noël, dans
u 70 DTC 1747.
23 [1966] 3 All E.R. (Ch.) 459.
l'affaire Hollinger c. M.R.N. 24 propose des élé- ments de définition d'une entreprise active; en voici un extrait (pages 5008 et 5009):
Si l'expression «revenu tiré de biens» a ün sens quelconque, elle ne peut désigner autre chose qu'un revenu provenant de l'utili- sation des biens, sans que leur propriétaire, ou quelqu'un. agissant en son nom, prenne en aucune façon une part active et importante (de type commercial) dans cette activité. Je pense, par exemple, à des biens tels que des obligations, des débentu- res, des actions ou des immeubles qui ne requièrent pas beau- coup d'activités ni d'énergie pour en tirer un revenu.
Ce jugement est cité dans l'affaire Weintraub c. La Reine 25 , à la page 5055, dont voici un extrait:
Bien qu'en l'espèce, la source du revenu soit indubitablement les biens de la Jodol, il est évident que ces biens n'auraient pu produire ce revenu sans le travail considérable fourni par le demandeur au profit de la compagnie.
L'affaire portait sur les articles 67 et 68 de l'an- cienne Loi; il fut décidé que même si la personne dirigeant et contrôlant la compagnie Jodol était employée de façon régulière par une autre compa- gnie pendant les années en cause, cette situation ne changeait pas le fait qu'elle passait une large partie de son temps à exploiter, au profit de la compagnie, son entreprise de location de biens lui appartenant, de façon à en tirer un revenu net conformément aux objets écrits dans les lettres patentes de la compagnie. Je souscris aux remar- ques du président de la Commission de révision de l'impôt K. A. Flanigan, c.r., dans l'affaire Aztec Forest Products Limited c. M.R.N. 26 il décla- rait, aux pages 1076 et 1077:
J'ai dit à maintes reprises en ce qui concerne ce genre d'affaires que je ne pensais pas qu'un homme d'affaires doive se payer le luxe d'acquérir des locaux distincts, d'embaucher des employés superflus et d'accroître ses frais d'exploitation dans le seul but de créer des éléments de preuve susceptibles d'éviter une nouvelle cotisation purement éventuelle. Je pense que cela aurait été une pratique commerciale médiocre de viser au résultat souhaité d'une autre façon que celle dont il a été atteint par ces deux sociétés, tout au moins en ce qui concerne leur comptabilité et leurs opérations journalières.
Le juge Cattanach déclarait à la page 5119 de l'affaire Admiral Investments Limited c. M.R.N. (précitée):
[TRADUCTION] Les parties ont admis que le revenu tiré par l'appelante de ses opérations sur des secondes hypothèques constituait un revenu tiré d'une entreprise et, compte tenu des
24 73 DTC 5003.
25 75 DTC 5050 (maintenant en appel).
26 74 DTC 1075.
faits révélés en preuve et de la jurisprudence applicable à ces circonstances, je ne doute aucunement que ce soit le cas.
Il cite alors les affaires M.R.N. c. Spencer [1961] C.T.C. 109; Scott c. M.R.N. [1963] R.C.S. 223; et M.R.N. c. Maclnnes [1963] R.C.S. 299.
Dans l'affaire Spencer, portant sur des questions commerciales, le président Thorson décida, entre autres, que le fait qu'une personne ait acquis des hypothèques à rabais ou avec prime, et, au lieu de les vendre, les ait conservées jusqu'à la date d'échéance, n'indiquait pas nécessairement que cette personne les avait achetées ou acquises à titre de placements puisque la vente d'hypothèques avant leur date d'échéance n'est pas une condition essentielle à leur commerce, alors que le fait de les conserver jusqu'à échéance pourrait constituer un élément important de l'exploitation d'une entre- prise dans un but lucratif. Il décida aussi que le fait qu'une personne achète ou acquiert toujours des hypothèques à risques importants indique plus un mode de spéculation à des fins lucratives qu'une politique de placements dans le but d'assurer un rendement raisonnable de l'argent investi.
Bien qu'il faille examiner au fond chaque affaire dépendant de l'application de l'article 125 de la nouvelle Loi, je pense que certains des principes établis par la jurisprudence susmentionnée, même s'il s'agissait alors des articles 67 et 68 de l'an- cienne Loi, d'affaires commerciales ou d'alloca- tions à l'égard du coût en capital, sont néanmoins très utiles pour déterminer le sens de l'expression «entreprise exploitée activement» à l'article 125 de la nouvelle Loi. Cet article ne spécifie pas le degré d'activité; il appartient donc à la Cour de le déter- miner. La Commission de révision de l'impôt a déjà traité de l'interprétation de l'article 125 dans au moins quatre affaires sur lesquelles on a attiré mon attention.
Dans l'affaire Cosmopolitan Investments Co. Ltd. c. M.R.N. (précitée) la compagnie contribua- ble se composait à ses débuts d'une cinquantaine d'hommes d'affaires s'occupant de prêts hypothé- caires, en particulier lorsque les hypothèques étaient assorties de primes. Après un certain temps, et quelques pertes, il ne resta que quatre actionnaires, dont trois étaient membres d'un cabi net d'avocats. La compagnie ne possédait pas de bureaux privés, ni de lignes téléphoniques distinc- tes pendant les années en cause. Elle ne détenait
que quatre hypothèques au début de l'année finan- cière 1972 et deux seulement à la fin. Il fut décidé cependant que la compagnie exploitait activement une entreprise et la déduction dont bénéficient les petites entreprises lui fut accordée aux motifs que la Loi ne spécifiait aucun degré d'activité dont la compagnie contribuable devait faire preuve pour en bénéficier. A ses débuts l'entreprise était active, mais connaissait alors une phase inactive. En con clusion le président Flanigan déclare à la page 1254:
Dans la présente affaire, il semble que les états financiers de la compagnie appelante ont montré un certain potentiel quant à des opérations financières relativement étendues, bien que les activités qu'elle a réellement accomplies n'aient pas pu consti- tuer le genre d'entreprise exploitée activement que la législature avait à l'esprit. Cependant, la loi n'indique pas le degré d'acti- vité que la compagnie contribuable doit déployer afin d'être admissible au stimulant, lorsque, par exemple, dans le cas qui nous occupe, l'entreprise commence à être exploitée activement puis devient par la suite inactive. Tant que la Loi ne sera pas plus explicite dans ses critères, il peut être très difficile en fait de mettre en application ces dispositions de façon à refléter fidèlement les intentions de la législature quand elle les a édictées.
Dans la seconde affaire, Lazare Investments Corp. c. M.R.N. 27 , la compagnie contribuable s'in- téressait à l'escompte de documents de solde de vente, au domaine des financements provisoires et des prêts sur secondes hypothèques. Elle ne faisait aucune publicité mais était bien connue des notai- res et des petites entreprises de construction. Elle était gérée par une personne s'occupant principale- ment d'une entreprise de confection qui avait cependant deux numéros de téléphone et du papier à' lettre à en-tête particulière. Cette compagnie réussit à accumuler un surplus de $164,000. On conclut que la compagnie avait droit, en vertu de l'article 125, la déduction accordée aux petites entreprises puisque le succès dont avait joui la compagnie ne pouvait s'expliquer que par les tra- vaux considérables de son président ce qui suffisait pour s'acquitter de la charge de la preuve que ladite compagnie exploitait activement une entre- prise. Voici un extrait de la décision de Me Flani- gan (aux pages 27 et 28):
Dans d'autres causes, et particulièrement dans Cosmopolitan Investments Co. Ltd. c. M.R.N. 74 DTC 1252, j'ai déjà exprimé l'avis qu'il ne s'agissait pas du genre de compagnie que l'article 125 cherchait à favoriser, tout en estimant respectueu- sement que le Parlement n'était pas parvenu à empêcher que ce
27 75 DTC 26.
genre d'entreprise bénéficie dudit article. Je crois qu'il existe une grande différence entre le genre d'entreprise qui consiste à détacher tranquillement des coupons, et le genre d'entreprise qu'exploitait l'appelante. Pour obtenir les succès dont elle a été gratifiée au cours des années, il a fallu que son président, M. Jack Lazare abatte une besogne considérable. Je suis d'avis que l'article 125 visait principalement à stimuler l'emploi en don- nant aux petites entreprises la chance d'augmenter leur fonds de roulement mais, dans son commentaire sur cet article lors du relèvement des plafonds, l'honorable ministre des Finances a déclaré: [TRADUCTION] « ... ceci représente pour chaque petit exploitant admissible du pays une augmentation des bénéfices disponibles pouvant atteindre $11,500. Il peut s'en servir, par exemple, pour agrandir son entreprise, pour constituer des stocks, pour payer ses frais bancaires ou pour augmenter son fonds de toulement. Dans les circonstances actuelles, je ne doute pas un seul instant qu'il saura mettre cet argent à profit». Il semble donc manifeste, du moins en ce qui me concerne, qu'aux yeux du Ministre se retrouvent, parmi les hommes d'affaires qui ont droit à de tels avantages, les gens qui exploitent une entreprise du genre de celle de l'appelante.
La Commission rendit . une décision similaire
dans l'affaire Farlan Investments Ltd. c. M.R.N. 28 , qui portait sur l'exploitation d'immeu- bles d'appartements. On admit aussi la déduction accordée aux petits exploitants en vertu de l'article 125. Voici un extrait du sommaire:
[TRADUCTION] Le but de cet article n'était pas vraiment de favoriser ce genre d'entreprise, mais plutôt d'aider les petites entreprises à accumuler des réserves de capital, à accroître leur productivité et ainsi augmenter l'emploi. Toutefois l'énoncé de l'article n'exclut pas de lui-même une compagnie du type de la compagnie contribuable, qui indubitablement relève de la défi- nition ordinaire du mot «active» des dictionnaires.
Dans la quatrième affaire, Centennial Shopping Centre Ltd. c. M.R.N. 29 , la Commission refusa d'accorder la déduction à l'appelante qui était le propriétaire d'un petit centre commercial, entre- prise qu'elle exploitait activement, mais sans' pos- séder de bureau ni employer de personnel de bureau ou de gestion à plein temps, mais qui, au contraire, avait conclu un contrat avec une autre compagnie pour la gestion et l'exploitation de l'en- treprise contre honoraires. La firme n'était pas assujettie aux directives journalières de l'appelante et il fut donc décidé que l'appelante ne l'exploitait pas «activement». On trouve un raisonnement simi- laire dans l'affaire Weintraub (précitée) dont voici un extrait (page 5055):
28 75 DTC 12.
74 DTC 1190.
La situation est très différente de celle des affaires Finning et Larry Smith (précitées) il y avait peu de différence entre les activités de la compagnie et les activités personnelles de l'appe- lant. La situation pourrait être tout à fait différente en l'espèce si le demandeur, après avoir acquis les biens en cause par l'intermédiaire de la compagnie qu'il avait constituée en corpo ration, les avait simplement loués à un seul locataire ou en avait confié la gestion à une compagnie de fiducie ou à un manda- taire, et s'était contenté de percevoir un pourcentage des loyers à titre de revenu de la compagnie. Dans ces circonstances on pourrait conclure que la compagnie n'exploitait pas «active- ment» une entreprise commerciale.
Nous trouvons une déclaration similaire dans l'affaire Finning c. M.R.N. 3 ° qui traitait de l'arti-
cle 68 de l'ancienne Loi; voici un extrait des motifs du juge Dumoulin (page 428):
[TRADUCTION] Lorsqu'une personne, ou une personne morale comme en l'espèce, retient contre rémunération les services de quelqu'un d'autre pour être totalement dégagée de ses fonctions et devoirs ordinaires, il est certain dans ce cas que la première personne abandonne ses «activités» à la seconde.
Il ressort des faits de l'espèce que les compa- gnies en cause étaient gérées par des spécialistes dans le domaine des prêts hypothécaires et que chacune d'elles avait sa propre politique quant au genre de prêts qu'elle pouvait consentir, quant à ses taux d'intérêts et secteurs d'activités. Les prêts en cause présentaient certains risques et exigeaient donc des enquêtes soigneuses et des négociations sur les termes du contrat. Les compagnies recher- chaient des mandataires chargés de soumettre des demandes de prêt et traitaient régulièrement avec eux et avec des avocats. Les compagnies possé- daient leurs propres formules de demande de prêt, ainsi que pour leur traitement et les rappels, et des formules normalisées d'instructions à leurs avocats ou notaires. Dans la plupart des cas, elles rece- vaient de l'emprunteur des paiements mensuels couvrant les impôts et s'occupaient elles-mêmes du paiement desdits impôts. Elles faisaient certains nouveaux financements et dans certains cas ache- taient des hypothèques au rabais et elles fonction- naient grâce à des fonds empruntés correspondant à, leur marge de crédit auprès de la banque. Bien qu'aucune d'entre elles n'eût d'employés à plein temps, un certain nombre de personnes travail- laient à l'occasion pour leurs entreprises tout en effectuant des travaux similaires pour d'autres compagnies avec lesquelles les compagnies en cause partageaient les bureaux et autres équipements.
30 [1961] C.T.C. 425.
Pour déterminer le degré d'activité de l'entre- prise d'une compagnie il convient de considérer le genre d'activités de la compagnie sur plusieurs années. Il est certain qu'une compagnie pourrait être constituée en corporation sans vraiment être 'exploitée sur une échelle importante avant un cer tain nombre d'années. De même, une compagnie qui a été active pourrait devenir inactive ou prati- quement inactive, s'en tenant à réunir des assem blées annuelles et à déposer ses déclarations afin d'éviter la déchéance de ses lettres patentes. Dans les deux cas, elle ne pourrait pas être considérée comme exploitant activement une entreprise. A l'exception de ces situations extrêmes, je ne pense pas que la question de savoir si une compagnie exploite ou non «activement» une entreprise pen dant une année donnée devrait être tranchée en examinant seulement ses activités pendant cette année-là, ni que les compagnies s'occupant de prêts hypothécaires, comme c'est le cas en l'espèce, devraient être considérées comme inactives pen dant une année donnée pour la simple raison qu'el- les ont consenti un nombre relativement restreint de nouveaux prêts alors qu'elles avaient un nombre important de prêts pendant les années immédiate- ment précédentes ou consécutives. De toute façon, il n'est pas douteux en l'espèce que les compagnies en cause ont effectivement exploité activement une entreprise en 1972.
Toutefois, bien que les avocats semblent admet- tre que les trois compagnies étaient dans la même situation en ce qui concerne l'application de l'arti- cle 125, je ne pense pas que ce soit le cas. En conformité des conclusions dans les affaires Cos mopolitan Investments Co. et Finning, la déclara- tion faite à l'occasion de l'affaire Weintraub (pré- citée), je conclus que la situation de E.S.G. est différente de celle de Rockmore et M.R.T. En effet, ses activités n'étaient pas exploitées par ses dirigeants ou administrateurs, ni par aucun de ses actionnaires, qui avaient tout simplement confié sa gestion à la Monarch Management Company de Godel. Il n'y eut aucune autre intervention ni aucun contrôle de sa part, ni de directives sur ses opérations courantes. Le fait de recevoir des rap ports bi-annuels du mandataire ne constitue pas en lui-même une activité commerciale. Je ne peux donc conclure que ce mode d'exploitation corres pond à ce qu'on appelle l'exploitation active de l'entreprise par la compagnie elle-même. L'appel
doit donc être rejeté dans le cas de E.S.G. En ce qui concerne Rockmore et M.R.T. il sera accueilli. Puisque les trois affaires ont été entendues ensem ble, il n'y aura qu'un seul mémoire de frais d'avo- cats. Les demanderesses ont droit à leurs dépens et à un tiers de leurs frais d'avocats dans les affaires M.R.T. et Rockmore, et la défenderesse aura droit à ses dépens et à un tiers de ses frais d'avocats dans l'affaire E.S.G.
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