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A-153-73
Universal Timber Products Limited (Appelante)
c.
La Reine (Intimée)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Ryan, le juge suppléant Sheppard —Vancouver, les 27 et 28 juin 1974.
Impôt sur le revenu—Vente de permis de coupe de bois— Gain de capital ou bénéfice tiré d'une affaire commerciale— Loi de l'impôt sur le revenu, art. 3, 4, 139(1)e).
Appel interjeté du jugement de la Division de première instance, [1973] C.F. 1239, qui avait décidé que le bénéfice tiré de la vente d'un permis de coupe de bois provenait d'une initiative de caractère commercial et était par consé- quent imposable. L'appelante, une compagnie forestière, sur le point de cesser ses activités après plusieurs années d'opé- ration, a cédé à un autre exploitant pour le montant de $100,000 ses droits afférents à un permis de coupe de bois en Colombie-Britannique. La cession d'un permis de coupe de bois ne confère aucun droit au cessionnaire mais le place simplement dans une situation privilégiée pour obtenir un permis du gouvernement.
Arrêt: l'appel est accueilli. La preuve démontre qu'aux termes des opérations, l'appelante a réussi à transformer en espèces quelque chose de valeur qu'elle détenait, qu'il s'agisse ou non d'un droit, d'un privilège ou d'un contingen- tement et que cela puisse ou non faire en droit l'objet d'une vente. Les nombreuses démarches n'étaient que des moyens utilisés pour réaliser cette transformation et n'étaient pas des activités constituant une initiative d'un caractère commercial.
Arrêt mentionné: Tabor Creek Sawmills Ltd. c. Le ministre des Finances [1972] 3 W.W.R. 622, confirmé par [1973] 3 W.W.R. 14.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
C. C. Sturrock pour l'appelante.
L. P. Chambers et J. A. Weinstein pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe et Davidson, Vancouver, pour l'appelante. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE THURLOW: Il s'agit, dans cet appel, de déterminer si un montant de $100,000 reçu
par l'appelante pour l'année d'imposition 1967 de la Jackson Brothers Logging Company Limi ted constituait un bénéfice tiré d'une initiative ou affaire de caractère commercial et était par conséquent imposable à titre de revenu en vertu des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Depuis sa constitution en corporation en 1932, l'appelante exploite une entreprise fores- tière sur des terres de la Couronne en Colombie- Britannique en vertu de permis forestiers qui pendant un certain nombre d'années précédant 1966, incluaient des permis de coupe annuelle accordés par la Couronne, afférents à la portion allouée de l'ensemble de la coupe annuelle auto- risée sur une superficie de 20,000 milles carrés connue sous le nom de zone publique de rende- ment soutenu de Quadra.
On n'accordait de tels permis que pour un certain nombre d'années, mais, à cause de l'usage établi par le Service des forêts, sinon pour d'autres raisons, seules les personnes déjà établies à titre d'exploitants dans la zone pou- vaient demander la mise en vente de permis supplémentaires pour la coupe de bois dans ladite zone. Lorsqu'une demande était ainsi accordée, l'exploitant en cause bénéficiait de certains droits définis par la loi qui lui procu- raient un avantage sur d'autres soumissionnai- res, y compris le droit d'acheter le permis pour une somme équivalente à la soumission la plus élevée. La situation privilégiée d'un exploitant établi dans une telle zone, savoir la possibilité d'acquérir des permis supplémentaires de coupe de bois, pouvait avoir une grande valeur à tel point que d'autres exploitants établis dans la zone ou des personnes cherchant à s'y établir étaient disposés à payer des montants considé- rablement supérieurs à la valeur du bois dans le but d'acquérir un permis de vente de bois et ainsi se trouver dans cette situation privilégiée qui leur permettrait de demander et d'acquérir d'autres coupes dans la zone' .
' Comparer la décision du juge en chef Davey, de la Colombie-Britannique dans l'affaire Tabor Creek Sawmills Ltd. c. Le ministre des Finances [1972] 3 W.W.R. 622, à la p.624.
Au début 1966, l'appelante décida de cesser ses opérations forestières. Cette décision est à l'origine des événements qui ont donné lieu au paiement présentement en cause. La Jackson Brothers Logging Company Limited (ci-après appelée la Jackson), exploitant établi dans la zone et détenant déjà un contingentement important de la coupe annuelle autorisée, vou- lait augmenter ce contingentement. Au mois d'août 1966, sinon plutôt, on fixa le prix du contingentement de l'appelante et celui de la Phillips and Lee Logging Limited, une filiale ou compagnie affiliée (ci-après appelée la Phillips and Lee), à $100,000. Ce chiffre correspondait au prix courant de $40 du mille pieds, pour une coupe annuelle autorisée de deux millions et demi de pieds planches. Il restait cependant une difficulté, savoir comment atteindre le résultat recherché; ce ne fut qu'au mois de décembre 1967 que ce problème fut résolu.
Entre temps, en janvier 1967, l'appelante et la Phillips and Lee se sont jointes à la Jackson pour demander la vente d'un nouveau permis réunissant le contingentement de l'appelante, celui de la Phillips and Lee et une partie de celui de la Jackson. En octobre 1967, les trois compa- gnies se virent accorder un permis de coupe de bois. La Jackson avait effectué toutes les études et pris toutes les dispositions relatives à la demande de permis et elle paya le dépôt exigé par le Service des forêts, étant donné que ni l'appelante ni la Phillips and Lee n'avait eu, à aucun moment, l'intention de se servir du permis d'exploitation.
Le 12 décembre 1967, l'appelante et la Phil- lips and Lee cédèrent à la Jackson leurs droits conférés par le permis, sous réserve de l'appro- bation du Ministre. Le même jour, elles signè- rent des lettres adressées à l'ingénieur forestier du district en la forme habituelle pour donner avis du transfert de leurs droits d'exploitation forestière à la Jackson qui avait l'intention de poursuivre ces opérations dans la zone et demander le transfert de leurs droits à titre d'exploitants établis dans la zone à cette compa- gnie; elles ajoutaient qu'elles savaient que, si la demande de transfert était agréée, elles per- draient leur statut privilégié relativement aux demandes de permis dans la zone.
Le transfert demandé se réalisa, la cession de leurs droits afférents au permis reçut l'approba- tion nécessaire et la Jackson versa à l'appelante les $100,000 ou le solde déduction faite du dépôt déjà fait.
Après avoir examiné les documents relatifs à l'opération, le savant juge de première instance décida [[1973] C.F. 1239] que les $100,000 constituaient uniquement la contrepartie de la cession des droits de l'appelante et de ceux de la Phillips and Lee, conférés par leurs permis, et puisque ces deux compagnies n'avaient aucune- ment l'intention d'utiliser le permis pour exploi ter une entreprise forestière, mais avaient l'in- tention de le vendre dès qu'elles l'auraient acquis, le montant reçu constituait un bénéfice tiré d'une initiative ou affaire de caractère com mercial et était par conséquent imposable à titre de revenu provenant d'une entreprise au sens des articles 3, 4 et 139(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
En toute déférence, je ne pense pas qu'on puisse tirer une telle conclusion de la preuve soumise. Le document auquel le savant juge a attaché une grande importance, savoir l'entente de juillet 1967 (pièce 4) aux termes de laquelle les parties conviennent que les $100,000 consti tuent la contrepartie du transfert des droits de l'appelante et de ceux de la Phillips and Lee dans le permis de coupe qui n'avait pas encore été accordé, mais qui devait alors résulter de la demande conjointe présentée au mois de janvier 1967, ne constitue qu'un document parmi d'au- tres qui doivent être considérés pour résoudre le problème soulevé en l'espèce. Il y a tout d'abord la demande conjointe qui incite à se demander pourquoi, en janvier 1967, l'appelante n'a pas présenté sa propre demande, si la seule chose qu'elles avaient à l'esprit était de prendre des mesures pour obtenir un permis dans le but de le vendre. En outre, on ne peut dissocier la cession des droits de l'appelante afférents au permis, faite le 12 décembre 1967, de la lettre adressée le même jour par l'appelante et la Phillips and Lee à l'ingénieur forestier du dis trict, aux termes de laquelle elles lui deman- daient de transférer à la Jackson leurs droits à titre de requérantes admissibles. Selon moi, d'après les circonstances présentées dans la
preuve, il est inconvenable que l'appelante ait reçu les $100,000, si cette lettre n'avait pas accompagné la cession en bonne et due forme des droits de l'appelante et de ceux de la Phillips and Lee afférents au permis de coupe de bois. Je suis par conséquent d'avis que pour résoudre le problème présentement en cause, à savoir si ce qui s'est produit constitue une initiative ou affaire d'un caractère commercial, on ne peut à bon droit considérer les $100,000 comme ayant été reçu par l'appelante uniquement en contre- partie du transfert de ses droits et de ceux de la Phillips and Lee dans ledit permis de coupe de bois nouvellement acquis.
A mon avis, l'ensemble de la preuve démontre qu'aux termes des opérations en question, l'ap- pelante a réussi à transformer en espèces quel- que chose de valeur qu'elle détenait, qu'il s'agisse ou non d'un droit, d'un privilège ou d'un contingentement et que cela puisse ou non faire en droit l'objet d'une vente. Les nombreuses démarches entreprises par l'appelante, y com- pris le fait de s'être joint à la Jackson pour demander le nouveau permis, la cession à la Jackson des droits afférents au permis et la lettre adressée à l'ingénieur forestier du district, n'étaient à mon sens, que des moyens utilisés et des démarches entreprises pour réaliser cette transformation. Elles ne constituaient rien de plus qu'une liquidation ou réalisation de ce que l'appelante possédait et n'étaient pas des activi- tés constituant une initiative ou affaire d'un caractère commercial visant à tirer un bénéfice de l'acquisition et de la vente d'un droit conféré par le nouveau permis.
J'accueille l'appel, les dépens, tant en l'espèce qu'en première instance, étant à la charge de l'intimée.
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LE JUGE RYAN a souscrit à l'avis.
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LE JUGE SUPPLÉANT SHEPPARD a souscrit à l'avis.
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