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T-2454-75
La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et Imperial Tobacco Ltée (Requérantes)
c.
Le ministre du Revenu national et le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise), Benson & Hedges (Canada) Limited et The Macdonald Tobacco Inc. (Intimés)
Division de première instance, le juge Heald— Ottawa, les 24 et 28 juillet 1975.
Compétence—Douanes et accise—Redressements extraordi- naires—Les requérantes sont-elles 'lésées?—Droit d'accise sur les cigarettes—Une cigarette, dont la longueur est inférieure à quatre pouces sans son filtre et supérieure à quatre pouces avec ledit filtre doit-elle être considérée comme deux cigaret- tes?—Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12, art. 6 (et ses modifications S.R.C. 1970 (P' supp.) c. 15, art. 3) et 202— Tarif des douanes, S.R.C. 1970, c. C-41, art. 21(1)d).
Des fonctionnaires du ministère du Revenu national ont étudié la question de savoir s'il faut tenir compte du filtre lorsqu'on mesure la longueur d'une cigarette eu égard à la définition des mots «cigarette» et «tabac fabriqué» contenue à l'article 6 de la Loi sur l'accise. On a conclu qu'une cigarette contenant moins de quatre pouces de tabac doit être considérée comme une seule unité, même si la longueur totale, filtre compris, dépasse quatre pouces. Les requérantes cherchent à obtenir un redressement à l'égard de cette décision; les intimés prétendent que la Cour n'a pas compétence en la matière.
Arrêt: la requête est rejetée, la Cour n'a pas compétence. Les requérantes n'ont pas établi qu'elles sont lésées et qu'elles ont un intérêt patrimonial dans la décision du ministère. Leurs droits ne sont pas atteints. Ni l'une ni l'autre ne fabrique ni ne vend une cigarette mesurant plus de quatre pouces, et elles ne se proposent pas de le faire. L'argument selon lequel leurs concurrentes jouissent d'un avantage additionnel ne suffit pas à accorder aux requérantes un droit d'action. Les tribunaux n'interviendront que lorsque la loi impose au ministre une obligation absolue de poser un acte particulier qui comporte une obligation juridique envers un individu. En l'espèce, le Ministre n'est responsable que vis-à-vis de la Couronne. L'in- terprétation par le Ministre n'est qu'une opinion personnelle. Ce dernier, lorsqu'il donne son interprétation, n'est pas une personne «disposant du pouvoir légal de trancher des questions touchant les droits des personnes et ayant le devoir d'agir de façon judiciaire.»
Arrêt approuvé: Regina c. Commissioners of Customs and Excise [1970] 1 W.L.R. 450. Distinction faite avec les arrêts: Landreville c. La Reine [1973] C.F. 1223; Woon c. M.R.N. [1951] R.C.É. 18; R. c. Electricity Commission ers [1924] 1 K.B. 171; Lord Nelson Hotel Ltd. c. City of Halifax (1973) 33 D.L.R. (3°) 98 et Thorson c. Le procu- reur général du Canada (N° 2) [1975] 1 R.C.S. 138.
REQUÊTE.
AVOCATS:
R. T. Hughes et C. Young pour les requérantes.
G. W. Ainslie, c.r., pour l'intimé le ministre du Revenu national.
J. B. Claxton, c.r., et G. Audet pour l'intimée Benson & Hedges.
W. B. Williston, c.r., R. Lemoyne et R. W. Cosman pour l'intimée Macdonald Tobacco Inc.
PROCUREURS: TM
D. F. Sim, c.r., Toronto, pour les requérantes. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé le ministre du Revenu national. Lafleur & Brown, Montréal, pour l'intimée Benson & Hedges.
Fasken et Calvin, Toronto, pour l'intimée Macdonald Tobacco Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande pré- sentée sous forme d'avis de requête par laquelle les requérantes cherchent à obtenir contre les intimés, le ministre du Revenu national et le sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) un bref de prohibition, un bref de mandamus, une injonc- tion et un bref de certiorari. Les deux autres intimées, sur leur propre demande, ont été ajoutées à titre d'intimées à toutes fins en vertu des Règles conformément à l'ordonnance de mon collègue le juge Gibson, en date du 16 juillet 1975. Les détails du redressement recherché au moyen de l'avis de requête se lisent comme suit:
[TRADUCTION] 1. Émettre un bref de prohibition, ou accorder un redressement de même nature, contre les intimés, leur interdisant d'exclure de la longueur des cigarettes, telles que les définit l'article 2 de la Loi sur l'accise modifié par les S.R.C. 1970, (1" supp.) c. 15, art. 3, la portion de ladite longueur qui est la longueur du filtre ou du bout, aux fins de calculer le nombre de cigarettes sur lesquelles seront imposés, prélevés et perçus les droits d'accise conformément à l'article 202 de la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12 et à la Partie IV de l'annexe, articles 2 et 3, modifiés par les S.C. 1974-75, c. 24, art. 25;
2. Émettre un bref de mandamus, ou accorder un redressement de même nature, contre les intimés, les enjoignant d'inclure dans la longueur des cigarettes, telles que les définit l'article 2 de la Loi sur l'accise, modifié par S.R.C. 1970, (1" supp.) c. 15, art. 3, la portion de ladite longueur qui est la longueur du filtre ou du bout, aux fins de calculer le nombre de cigarettes sur lesquelles seront imposés, prélevés et perçus des droits d'accise
conformément à l'article 202 de la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12 et à la Partie IV de l'annexe, articles 2 et 3, modifiés par les S.C. 1974-75, c. 24, art. 25;
3. Émettre une injonction, ou accorder un redressement de même nature, contre les intimés, leur interdisant d'exclure de la longueur des cigarettes, telles que les définit l'article 2 de la Loi sur l'accise, modifié par les S.R.C. 1970, (1.r supp.) c. 15, art. 3, la portion de ladite longueur qui est la longueur du filtre ou du bout, aux fins de calculer le nombre de cigarettes sur lesquelles seront imposés, prélevés et perçus des droits d'accise conformément à l'article 202 de la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12 et à la Partie IV de l'annexe, articles 2 et 3 modifiés par les S.C. 1974-75, c. 24, art. 25;
4. Émettre un bref de certiorari, ou accorder un redressement de même nature, contre les intimés annulant toute décision ou prétendue décision qu'ils auraient prise d'exclure de la longueur des cigarettes, telles que les définit l'article 2 de la Loi sur l'accise, modifié par les S.R.C. 1970, (1° , supp.) c. 15, art. 3, la portion de ladite longueur qui est la longueur du filtre ou du bout, aux fins de calculer le nombre de cigarettes sur lesquelles seront imposés, prélevés ou perçus des droits d'accise conformé- ment à l'article 202 de la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12 et à la Partie IV de l'annexe, articles 2 et 3, modifiés par les S.C. 1974-75, c. 24, art. 25; ou
Au début de l'audience, l'avocat des intimés a présenté une objection préliminaire relativement à la compétence de la Cour à accorder le redresse- ment recherché. La question a été discutée en profondeur par les avocats de toutes les parties et j'ai remis le prononcé de ma décision sur le sujet.
En vertu de l'article 202 de la Loi sur l'accise, S.R.C. 1970, c. E-12, les cigares et cigarettes fabriqués au Canada sont assujettis à un droit d'accise. L'article 6 de la Loi définit les mots «cigarette» et «tabac fabriqué». Ces définitions se lisent comme suit:
«cigarette» signifie toute espèce de cigarettes et tout rouleau ou article de forme tubulaire destiné à être fumé et qui n'est pas un cigare; et lorsqu'une cigarette dépasse quatre pouces de longueur, chaque tranche de trois pouces ainsi que la fraction supplémentaire, le cas échéant, compte pour une cigarette;
«tabac fabriqué», «tabac manufacturé» signifie tout article fait par un fabricant de tabacs avec du tabac en feuilles par quelque procédé que ce soit, sauf les cigares; et comprend les cigarettes et le tabac à priser.
Le principal point en litige dans cette requête consiste à déterminer si, en vertu de la dernière partie de la définition du mot «cigarette», précitée, une cigarette, dont la longueur est inférieure à quatre pouces sans son filtre fabriqué d'une matière autre que le tabac, et supérieure à quatre pouces avec ledit filtre, doit être considérée comme
deux cigarettes aux fins de calculer les droits d'accise prélevés en vertu de l'article 202 de la Loi.
La décision qui sera rendue concerne non seule- ment les cigarettes fabriquées au Canada mais également les cigarettes importées au Canada; en effet l'article 21(1)d) du Tarif des douanes, S.R.C. 1970, c. C-41 prévoit l'imposition de droits de douane additionnels sur des cigarettes impor- tées au Canada d'un montant égal au montant qui aurait été imposé en vertu de la Loi sur l'accise si les cigarettes avaient été fabriquées au Canada.
La preuve établit qu'avant juin 1975, aucune cigarette en vente au Canada n'avait une longueur totale supérieure à quatre pouces, filtre inclus; que depuis juin 1975, les intimées Benson & Hedges (Canada) Limited et Macdonald Tobacco Inc. ont mis en vente au Canada des cigarettes mesurant plus de quatre pouces si l'on tient compte du filtre, mais de moins de quatre pouces si on l'exclut.
Apparemment, on a demandé à des fonctionnai- res du ministère du Revenu national d'étudier la question de savoir s'il faut tenir compte du filtre lorsqu'on mesure la longueur d'une cigarette eu égard à la définition des mots «cigarette» et «tabac fabriqué» contenue à l'article 6 de la Loi. Après avoir étudié la question et pris conseil d'avocats lesdits fonctionnaires ont conclu [TRADUCTION] «que la Loi sur l'accise doit être appliquée et les droits qu'elle impose doivent être calculés en pre- nant pour acquis d'une cigarette contenant moins de quatre pouces de tabac doit être considérée comme une seule unité, même si la longueur totale, filtre compris, dépasse quatre pouces». (Voir l'affi- davit de Howard Perrigo, sous-ministre adjoint (Accise), ministère du Revenu national, Douanes et Accise, paragraphe 7).
C'est à cette décision que s'opposent les requé- rantes et à l'égard de laquelle elles cherchent à obtenir le redressement susmentionné.
Après avoir pris en considération les arguments qu'ont invoqués les avocats des parties, j'ai conclu que la Division de première instance de cette cour n'a pas compétence pour accorder le redressement réclamé à l'avis de requête.
L'objection à la compétence de la Cour qui, à mon avis, est fatale aux requérantes, est qu'elles n'ont pu prouver l'existence d'un droit d'interven- tion leur permettant de soumettre la présente requête. Afin de prouver ce droit, elles devraient établir qu'elles sont lésées et qu'elles ont un intérêt patrimonial dans la décision du Ministre et de ses fonctionnaires'. Les faits en cause ne diminuent ni ne portent atteinte en aucune façon aux droits acquis des requérantes. La preuve a établi que ni l'une ni l'autre des requérantes ne fabrique ni ne vend une cigarette mesurant plus de quatre pouces, de sorte que même si les fonctionnaires du Minis- tre adoptent une nouvelle méthode pour mesurer les cigarettes, elles ne sauraient être concernées. La preuve dont je dispose n'établit pas davantage que les requérantes ont l'intention de fabriquer ou de vendre une cigarette de plus de quatre pouces. Les requérantes allèguent qu'en proposant de per- mettre à leurs concurrentes (Benson & Hedges (Canada) Limited et Macdonald Tobacco Inc.) de payer des droits d'accise selon le critère voulant que les nouveaux produits soient considérés comme étant une cigarette et non deux (le résultat prati- que de la nouvelle méthode utilisée pour mesurer la longueur des cigarettes) lesdites concurrentes jouissent d'un avantage additionnel. A mon avis, une telle situation ne suffit pas à accorder aux requérantes le droit de faire cette demande. Je suis d'accord avec la déclaration de l'avocat du procu- reur général voulant que [TRADUCTION] «les redressements qu'offre le droit administratif ne doivent pas servir d'armes dans la lutte engagée sur le marché entre des concurrents qui cherchent la clientèle des fumeurs.»
L'affaire Regina c. Commissioners of Customs and Excise 2 se rapproche de celle qui nous inté- resse. Dans cette affaire, la loi imposait aux bureaux de paris situés à l'extérieur des terrains de course à un droit d'accise, payable soit en un montant global annuel soit en deux paiements
Voir à titre d'exemple: R. c. Ipswich Justices. ex parte Robson [1971] 2 All E.R. 1395; Buxton c. M. of Housing [1960] 3 All E.R. 408; Orpen c. Roberts [1925] R.C.S. 364; Smith c. P. G. de l'Ontario [1924] R.C.S. 331, la page 337; Regina c. Guardians of Lewisham Union [1897] 1 Q.B. 498, à la page 501; Re Provincial Board of Health (1920) 51 D.L.R. 444 la page 451 et Cowan c. S.R.C. [1966] 2 O.R. 309.
2 [1970] 1 W.L.R. 450.
semestriels. Certains bookmakers, ayant éprouvé des difficultés à payer les droits, ont fait des observations aux fonctionnaires du Trésor et, fina- lement, les commissaires des Douanes et de l'Ac- cise ont déclaré par avis publiés dans les journaux que les fonctionnaires avaient le droit de délivrer des permis sur réception du droit d'accise pour un mois et de onze chèques postdatés. Cette nouvelle façon de procéder fut très populaire auprès des bookmakers. Cependant, deux bookmakers qui s'étaient conformés aux dispositions de la Loi et avaient acquitté les droits d'accise en deux paie- ments semestriels ont cherché à obtenir un man- damus enjoignant les Commissaires d'appliquer les dispositions de la Loi, arguant qu'à cause de l'ar- rangement sanctionné par le Ministre, le nombre de leurs concurrents était plus élevé qu'il ne l'eût été autrement, et qu'on ne se conformait pas aux dispositions de la loi concernant le paiement des droits d'accise. Tout en admettant que rien dans la loi n'autorisait le Ministre à sanctionner ledit arrangement, la Cour a rejeté la requête et déclaré que les requérants n'avaient pas démontré un inté- rêt suffisant justifiant leur demande puisqu'ils ne réclamaient pas l'exercice ou l'exécution d'un droit ou d'un devoir particulier auquel ils auraient eu droit et qu'ils n'avaient aucun intérêt supérieur à celui du public en général, le motif secret d'élimi- ner des concurrents n'étant pas admissible. A la page 455 de son jugement, le juge en chef, lord Parker, a dit ce qui suit:
[TRADUCTION] Par conséquent, quant à moi, la seule ques tion en l'espèce est celle de savoir si les requérants ont un intérêt suffisant. En ce qui concerne le mandamus, on a toujours usé d'une grande retenue et dans l'affaire Reg. c. Lewisham Union Guardians (1897) 1 Q.B. 498, le juge Wright, qui était une autorité en la matière, a déclaré à la p. 500:
Lorsqu'il s'est agi d'accorder un mandamus, j'ai toujours été d'avis que le requérant, pour y avoir droit, devait d'abord démontrer l'existence d'un droit particulier l'autorisant à demander l'intervention de la Cour.
Il est évident que les requérants, en tant qu'individus, n'ont pas un tel droit particulier. Ils ne prétendent pas qu'un permis ne leur a pas été délivré, ni qu'on ne leur a pas offert les mêmes facilités qu'aux autres bookmakers en ce qui concerne les paiements mensuels. Ils ne réclament l'exécution d'aucun droit ou, en d'autres termes, d'aucun devoir particulier auquel ils auraient droit.
A ce sujet, les avocats des requérantes m'ont
vivement prié d'étudier les affaires City of Hali- fax 3 et Thorson 4 . Ces deux affaires, selon moi, sont différentes de celle en cause. Dans l'affaire City of Halifax précitée, il était question de modi fier des règlements relatifs au zonage afin de permettre à une tierce personne de construire sur son terrain, situé dans une zone résidentielle, un hôtel de 17 étages. La requérante possédait une propriété résidentielle contiguë aux terrains de la tierce personne et un hôtel situé en biais. Dans cette dernière affaire, on a reconnu que l'appelante avait le droit d'actionner parce que la demande relative au zonage portait matériellement atteinte à ses intérêts. En l'espèce, les droits acquis et les intérêts patrimoniaux des requérantes ne sont atta- qués en aucune façon.
L'affaire Thorson, précitée, est également diffé- rente de celle en cause. Dans cette affaire, il fallait établir si une, personne qui veut contester la vali- dité constitutionnelle d'une loi du Parlement peut intenter une action à cet égard à titre de contri- buable. La Cour, à la majorité, s'est prononcée par l'affirmative. Cependant, la décision majoritaire semble ne pas s'appliquer à une loi conférant un pouvoir de réglementation mais ne viser que les lois déclaratoires et celles qui établissent des prin- cipes directeurs, dont il ne résulte ni infraction ni sanction. Par conséquent, il est clair que l'affaire Thorson ne s'applique pas à une loi comme la Loi sur l'accise qui confère un pouvoir de réglementa- tion et qui crée des infractions et impose des sanctions.
Je crois également qu'indépendamment de cette impuissance des requérantes à prouver leur droit d'action, la Cour n'est pas compétente à examiner la présente requête pour d'autres raisons. Selon la jurisprudence, il semble que lorsqu'un ministre agit à titre de préposé ou mandataire de la Cou- ronne et que le Parlement ne lui a pas imposé une obligation particulière envers un citoyen, il ne peut être poursuivi pour manquement à l'exécution d'une obligation. Les tribunaux n'interviendront que lorsque la loi impose au ministre une obliga tion absolue de poser un acte particulier qui com- porte une obligation juridique envers un individu. Dans un tel cas, le ministre est responsable vis-à-
, Lord Nelson Hotel Ltd. c. City of Halifax (1973) 33 D.L.R. (3') 98.
Thorson c. Le procureur général du Canada (N° 2) [1975] 1 R.C.S. 138.
vis de l'individu faisant l'objet de l'obligation et non vis-à-vis de la Couronnes.
En l'espèce, conformément à l'article 4 de la Loi sur le ministère du Revenu national, S.R.C. 1970, c. N-15 et à l'annexe de ladite loi, le ministre du Revenu national est responsable de la perception des droits d'accise. L'article 202 de la Loi sur l'accise prévoit l'imposition de droits d'accise sur le «tabac fabriqué» qui, selon la définition contenue à l'article 6 de la Loi sur l'accise, inclut les cigarettes. Cependant, rien dans les deux lois sus- mentionnées n'impose au Ministre une obligation envers un individu ou une catégorie de personnes en particulier, si ce n'est envers la Couronne. Les avocats des requérantes ont allégué que l'article 42(1) 6 de la Loi sur l'accise impose l'obligation de percevoir la plus grande somme de droits possible. Cependant, toute obligation découlant de l'article 42(1) existe vis-à-vis de la Couronne et non vis-à- vis d'un individu ou d'une catégorie de personnes en particulier. En ce qui concerne l'article 42(1), j'ajouterai que lorsqu'on s'en tient au contexte, il ne vise clairement que le calcul même des droits. Le paragraphe dit que lorsqu'il y a deux ou plu- sieurs méthodes pour constater le montant des droits à acquitter, il faut utiliser la méthode qui produit la plus grande somme de droits. En l'es- pèce, nous sommes en présence de deux interpréta- tions opposées de la définition du mot «cigarette» ainsi qu'on la trouve à l'article 6 de la Loi. A mon avis, conclure que le Ministre et ses fonctionnaires sont tenus d'interpréter le mot «cigarette» de sorte que la perception des droits d'accise soit plus considérable (et implicitement, de l'inciter à ne pas tenir compte des règles et des critères habituels de l'interprétation) serait fausser le sens de l'article 42(1).
Voir à titre d'exemple: La Reine c. Secretary of State for War [1891] 2 Q.B. 326, la page 338; La Reine c. Lord Commissioners of the Treasury (1871-72) 7 Q.B. 387 et Regina c. Minister of Natural Resources [1973] 1 W.W.R. 193.
6 42. (1) Le montant des droits est calculé d'après les mesu- rages, pesages, comptes, états et rapports faits ou tenus ainsi que le prescrit la présente loi, sauf rectification et approbation par le receveur ou autre préposé dûment autorisé à le faire; et lorsqu'il y a deux ou plusieurs méthodes pour constater les quantités ou le montant des droits à acquitter, la méthode qui produit la plus grande quantité ou la plus grande somme de droits doit servir de règle.
Pour les raisons que f ai énoncées, j'ai conclu que les faits en cause ne justifient pas la délivrance d'un bref de mandamus. Si elles ne peuvent obte- nir un mandamus, il est encore plus évident que les requérantes ne peuvent demander une injonction'.
Venons-en au bref de certiorari. Un tel bref ne peut être accordé que pour annuler une décision ou une mesure analogue'. En l'espèce, l'interprétation ou l'interprétation suggérée par le Ministre et ses fonctionnaires de l'article 6 de la Loi sur l'accise n'est rien de plus qu'une opinion personnelle sur le sens de la Loi et partant, est semblable à la «décision» examinée par le juge Cameron dans l'affaire Woon c. M.R.N. 9 .
De plus, ni un bref de certiorari ni un bref de prohibition ne peuvent être délivrés vu les faits en cause puisque le Ministre, lorsqu'il interprète une disposition de la Loi sur l'accise, n'est pas une personne [TRADUCTION] "disposant du pouvoir légal de trancher des questions touchant les droits des personnes et ayant le devoir d'agir de façon judiciaire" (le lord juge Atkin dans l'affaire R. c. Electricity Commissioners [1924] 1 K.B. 171) 10 .
Pour ces motifs, la requête est rejetée avec dépens.
7 Voir: S. A. DeSmith—Judicial Review of Administrative Action, 2' édition aux pages 461 et 462.
Le juge Pratte dans l'affaire Landreville c. La Reine [1973] C.F. 1223 à la page 1227.
9 [1951] R.C.É. 18, la page 27. Voir également: In re
Danmor Shoe Co. Ltd. [1974] 1 C.F. 22.
Voir également Re Low [1967] 1 O.R. 135; R. c. Board of Broadcast Governors ex parte Swift Current Telecasting Co. [1962] O.R. 657; R. c. Statutory Visitor to St. Lawrence Hospital [1953] 2 All E.R. 766 et R. c. Ontario Labour Relations Board (1966) 57 D.L.R. (2') 521, la page 530.
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