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A-486-75
La ville de Yellowknife (Requérante) c.
Le Conseil canadien des relations du travail et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (Intimés)
Cour d'appel, les juges Thurlow, Urie et Ryan— Ottawa, les 6 et 20 novembre 1975.
Examen judiciaire—Conseil canadien des relations du tra vail accréditant l'intimée Alliance à titre d'agent négociateur de certains employés de la requérante—La Partie V du Code canadien du travail s'applique-t-elle aux employés de la requérante?—Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 2, 108 et ses modifications S.C. 1972, c. 18—Ordonnance sur les municipalités, O.R.T.N.O. 1974, c. M-15—Loi sur les territoires du Nord-Ouest, S.R.C. 1970, c. N-22, art. 13c)f),h),$),u),x)—Acte de l'Amérique du Nord britannique, art. 91(29), 92(8), (10), (13), (16).
Le Conseil canadien des relations du travail a accrédité l'AFPC à titre d'agent négociateur des employés (sauf certaines exceptions) de la requérante, une municipalité constituée par le commissaire en conseil des territoires du Nord-Ouest en vertu de l'Ordonnance sur les municipalités. La requérante demande l'examen et l'annulation de la décision, affirmant que la Partie V du Code canadien du travail ne s'applique pas à ses employés.
Arrêt: le Conseil n'avait pas compétence. Les pouvoirs confé- rés au commissaire en conseil ne comprennent aucun pouvoir correspondant à ceux que possèdent les législatures provinciales en vertu de l'article 92(10) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en ce qui concerne les travaux et les entreprises d'intérêt local. L'article 108 du Code canadien du travail s'applique «aux employés dans le cadre d'une entreprise fédé- rale.» L'article 2 définit cette expression et les mots-clé sont «entreprise, affaire ou ouvrage.» L'emploi de cette expression dans son contexte dans les définitions joint à l'utilisation de l'expression «entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédé- rale» telle qu'elle est définie, restreint l'application de la Loi à des entreprises, affaires ou ouvrages ressortissant aux pouvoirs législatifs du Parlement. Il faut lire la Loi comme étant une loi relative aux entreprises et ouvrages ressortissant au pouvoir législatif fédéral, que ce soit en vertu de l'application de l'article 91(29) et des exceptions à l'article 92(10) de l'Ante de l'Amérique du Nord britannique, ou autrement, et aux affaires assujetties à la compétence législative fédérale. Le mot «affaire» semble se rapporter principalement à des opérations d'une nature commerciale ou industrielle, non aux opérations ou aux fonctions qui relèvent ordinairement, dans leur ensemble, des municipalités. Ces opérations ne sont pas non plus, dans leur ensemble, un ouvrage ou une entreprise au sens de l'expression. Le Conseil a erré en considérant tout le champ d'action de la ville de Yellowknife comme étant un «ouvrage, entreprise ou affaire» au sens de la définition.
Arrêt appliqué: Toronto Electric Commissioners c. Snider [1925] A.C. 396.
EXAMEN judiciaire. AVOCATS:
G. A. Lucas pour la requérante.
D. Aylen, c.r., pour l'intimé le Conseil cana-
dien des relations du travail.
M. Joyal, c.r., et G. Robichon pour l'intimée
l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
PROCUREURS:
Statton & Lucas, Edmonton, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé le Conseil canadien des relations du travail.
Honeywell, Wotherspoon, Ottawa, pour l'inti- mée l'Alliance de la Fonction publique du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE THURLOW: Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation d'une décision du Con- seil canadien des relations du travail accréditant l'intimée l'Alliance de la Fonction publique du Canada, en vertu de l'article 126 du Code cana- dien du travail, à titre d'agent négociateur d'une unité d'employés de la requérante comprenant:
[TRADUCTION] Tous les employés de la ville de Yellowknife, dans les territoires du Nord-Ouest, à l'exclusion de ceux qui sont employés en qualité de secrétaire-trésorier directeur, secré- taire-trésorier adjoint, avocat, ingénieur conseil en organisation, surintendant, surintendant-adjoint des travaux, greffier, adjoint administratif, secrétaire de direction, comptable, acheteur, chef de police, agent de police, chef des pompiers, chef adjoint des pompiers, capitaine des pompiers, préposé aux mesures préven- tives contre les incendies, pompier, et pompier volontaire, et excluant les employés à temps partiel chargés de la gare intermédiaire Hardie House.
La principale question soulevée est de savoir si la Partie V du Code canadien du travail s'applique aux employés de la requérante. La seconde ques tion qui se pose est de savoir si le Conseil a erré en affirmant que l'acte constitutif de l'AFPC permet- tait l'admission des employés en question à titre de membres de l'Alliance.
La requérante est une municipalité constituée en vertu d'une loi édictée par le commissaire en con- seil des territoires du Nord-Ouest. L'Ordonnance sur les municipalités, c. M-15 des Ordonnances revisées des territoires du Nord-Ouest de 1974
prévoit sa création, sa formation, ses délibérations, ses pouvoirs et ses attributions. Ces dernières com- prennent l'établissement et l'application de règle- ments locaux, la mobilisation de fonds aux fins municipales au moyen d'impôts fonciers et l'octroi de permis aux entreprises commerciales; la requé- rante assure les services municipaux et d'adminis- tration locale normaux tels la protection contre les incendies, l'inspection des immeubles, l'enlèvement de la neige et la collecte des ordures ménagères, les installations aux fins récréatives, le percement et l'entretien des rues, l'aqueduc et les égouts.
A l'exception des personnes considérées comme faisant partie de la direction, ses employés com- prennent les préposés à l'administration générale, à l'inspection des immeubles, à l'octroi des permis, à la protection contre les incendies, à l'application des règlements et à l'administration des installa tions aux fins récréatives et au département des travaux publics qui assure les services d'aqueduc et d'égouts et autres services municipaux. Quelques- uns de ces employés ont été exclus de l'unité de négociation telle que la définit l'attestation du Conseil mais la définition elle-même les englobe tous, sauf quelques exceptions particulières, et ne se rapporte pas aux employés s'occupant d'un aspect particulier ou unique des attributions de la requérante.
La Loi sur les territoires du Nord-Ouest, S.R.C. 1970, c. N-22 constitue en corps législatif le commissaire en conseil; ses pouvoirs législatifs ressemblent à ceux des législatures provinciales. En particulier, conformément à l'article 13, le commissaire en conseil peut, sous réserve de la Loi et de toute autre loi du Parlement du Canada, rendre des ordonnances portant sur:
c) les institutions municipales dans les territoires, y compris les districts administratifs locaux, les districts scolaires, les régions non organisées et les districts d'irrigation;
h) la propriété et les droits civils dans les territoires;
x) en général, toutes matières d'une nature purement locale ou privée, dans les territoires;
Il faut souligner que les pouvoirs conférés ne com- prennent aucun pouvoir correspondant à ceux que possèdent les législatures provinciales en vertu de la rubrique (10) de l'article 92 de l'Acte de l'Ami-
rique du Nord britannique, 1867, en ce qui con- cerne les travaux et entreprises d'intérêt local. Les pouvoirs comprennent cependant:
f) la constitution en corporation de compagnies à fins terri- toriales, y compris les compagnies de tramways et de chemins de fer urbains, mais à l'exclusion des compagnies de chemin de fer, des compagnies de bateaux à vapeur, de transport aérien, de canaux, de télégraphe, de téléphone ou d'irrigation;
s) la fermeture, la modification, l'ouverture, l'établissement, la construction, l'administration ou le contrôle de tout chemin, rue, ruelle ou sentier sur des terres publiques;
u) l'établissement, l'entretien et l'administration d'hôpitaux dans les territoires et pour ceux-ci;
J'en viens maintenant à la Partie V du Code canadien du travail. L'article 108 prévoit que:
108. La présente Partie s'applique aux employés dans le cadre d'une entreprise fédérale, aux patrons de ces employés dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu'aux organisations patronales groupant ces patrons et aux syndicats groupant ces employés.
L'article 2 de la Loi définit ainsi l'expression
«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» ou «entreprise fédérale»:
... tout ouvrage, entreprise ou affaire ressortissant au pouvoir législatif du Parlement du Canada, y compris, sans restreindre la généralité de ce qui précède:
a) tout ouvrage, entreprise ou affaire réalisé ou dirigé dans le cadre de la navigation (intérieure ou maritime), y compris la mise en service de navires et le transport par navire partout au Canada;
b) tout chemin de fer, canal, télégraphe ou autre ouvrage ou entreprise reliant une province à une ou plusieurs autres, ou s'étendant au-delà des limites d'une province;
c) toute ligne de navires à vapeur ou autres, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou s'étendant au-delà des limites d'une province;
d) tout service de transbordeurs entre provinces ou entre une province et un pays autre que le Canada;
e) tout aéroport, aéronef ou ligne de transport aérien;
f) toute station de radiodiffusion;
g) toute banque;
h) tout ouvrage ou entreprise que le Parlement du Canada déclare (avant ou après son achèvement) être à l'avantage du Canada en général, ou de plus d'une province, bien que situé entièrement dans les limites d'une province; et
i) tout ouvrage, entreprise ou affaire ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales;
Aux fins présentes la partie importante de la définition est l'expression «entreprise, affaire ou ouvrage» qu'on trouve dans la définition générale et aux alinéas a) et i). L'emploi de cette expression
dans son contexte dans les définitions joint à l'utili- sation de l'expression «entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» telle qu'elle est définie, me semble restreindre l'application de la Loi à des entreprises, affaires ou ouvrages ressor- tissant aux pouvoirs législatifs du Parlement. Il ne faut pas considérer la Loi comme s'appliquant à la propriété ou aux droits civils dans une province bien qu'elle puisse éventuellement porter atteinte aux droits des parties intéressées. Si c'était le cas, elle serait anticonstitutionnelle, tout au moins en ce qui concerne n'importe laquelle des provinces. Voir à ce sujet Toronto Electric Commissioners c. Snider'. Il faut la lire et l'interpréter comme étant une loi relative aux entreprises et ouvrages ressor- tissant au pouvoir législatif fédéral, que ce soit en vertu de l'application de la rubrique (29) de l'arti- cle 91 et des exceptions à la rubrique (10) de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord bri- tannique, 1867, ou autrement, et aux affaires assu- jetties à la compétence législative fédérale.
En ce qui concerne les affaires, le commerce de banque fournit une bonne illustration. Mais bien que le mot «affaire» ne soit pas confiné ni restreint à ce sujet, il me semble qu'il n'ait pas dans son contexte dans la définition, accompagné dans chaque cas des mots «ouvrage, entreprise ou», le sens très large qu'il pourrait avoir dans d'autres contextes. Sans tenter de définir le terme dans son contexte, il me semble se rapporter principalement à des opérations d'une nature commerciale ou industrielle. Il ne me semble pas faire allusion aux opérations ou aux fonctions qui relèvent ordinaire- ment, dans leur ensemble, des municipalités, bien que si on s'en rapporte à leur signification cou- rante, de telles opérations et fonctions puissent être assimilées aux affaires d'une municipalité.
Je ne crois pas non plus que ces opérations, dans leur ensemble, soient un ouvrage ou une entreprise au sens de l'expression. Ces mots me semblent être utilisés dans le même sens que dans la rubrique (10) de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867. La rubrique (10) est une partie des seize rubriques portant sur les questions législatives incluant la rubrique (8), «Les institu tions municipales dans la province», (13) «La pro- priété et les droits civils dans la province» et (16) «Généralement toutes les matières d'une nature
[1925] A.C. 396.
purement locale ou privée dans la province». Dans ce contexte, je crois que ce serait une erreur d'affirmer qu'une loi portant sur les opérations normales, dans leur ensemble, d'une municipalité créée aux fins d'assurer les fonctions d'administra- tion locale et les services municipaux, puisse se rapporter au pouvoir de légiférer quant aux ouvra- ges ou entreprises d'intérêt local. Certaines opéra- tions qu'une institution municipale est autorisée à faire peuvent tomber sous le coup de cette loi, ce qui n'est cependant pas du tout la même chose que d'affirmer que toutes les opérations relevant d'une telle institution municipale, dans leur ensemble, constituent un ouvrage ou une entreprise d'intérêt local au sens de cette rubrique.
En l'instance, il semble que le Conseil ait consi- déré tout le champ d'action de la ville de Yellow- knife comme étant un «ouvrage, entreprise ou affaire» au sens de la définition et qu'il ait accré- dité un agent négociateur auprès d'une unité de négociation comprenant (avec certaines exceptions particulières) tous les employés municipaux.
A mon avis, le Conseil, en agissant ainsi, a excédé sa compétence et l'attestation doit être annulée. Vu cette conclusion, je n'ai pas à exami ner la seconde question soulevée par la requérante.
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LE JUGE URIE a souscrit à l'avis.
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LE JUGE RYAN a souscrit à l'avis.
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