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A-331-75
Great Canadian Oil Sands Supply Limited et Wabco Equipment Canada Limited (Appelantes)
c.
Le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge suppléant MacKay—Toronto, le 25 février et le 4 mars 1976.
Douanes et accise—Appel et examen judiciaire—Les camions et les pièces, étant «des machines et appareils utili- sés ... pour l'exploitation des sables pétrolifères par des pro- cédés miniers,, sont-ils «d'une classe ou d'une espèce faite au Canada»?—S'agit-il d'une question de fait ou de droit?— Compétence—Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40 et numéros tarifaires 41006-1, 49215-1 et 49216-1.
La Commission du tarif a confirmé la décision du sous-minis- tre portant que 17 camions et les pièces de ces camions, achetés pour l'enlèvement des morts-terrains pour l'exploitation des sables pétrolifères de l'Athabaska, étaient d'une «classe ou d'une espèce faite au Canada» et assujettis à des droits s'élevant à $554,452 en vertu du numéro tarifaire 49215-1.
Arrêt: la décision de la Commission est infirmée, les camions et les pièces ne sont assujettis à aucun droit puisqu'ils auraient être classés sous le numéro tarifaire 49216-1. Les numéros tarifaires 49215-1 et 49216-1 contiennent une disposition rela tive à l'utilisation finale («pour l'exploitation des sables pétroli- fères»); dans ce cas, l'utilisation devient le fondement du classe- ment et, aux fins de la détermination de la classe ou de l'espèce, les marchandises qui ne satisfont pas aux critères de l'utilisa- tion finale doivent être exclues. La Commission a interprété les numéros tarifaires comme s'il n'y était fait aucune mention de l'exploitation des sables pétrolifères, enlevant ainsi tout sens aux mots précis du libellé de ces numéros. Les législateurs entendaient exempter de droits les machines importées aux fins de l'exploitation des sables pétrolifères par des procédés miniers lorsqu'il n'était pas possible d'obtenir des machines concurren- tielles de fabrication canadienne. La Commission a commis une erreur en ne rattachant pas le critère de l'utilisation finale à la détermination de la classe ou espèce. Ce n'est pas une erreur de fait mais une erreur de droit; la Cour est donc compétente en vertu de l'article 48(1) de la Loi sur les douanes.
Arrêt appliqué: Canadian Lift Truck Co. Ltd. c. Sous- M.R.N. (1956) 1 D.L.R. (2») 497. Distinction faite avec les arrêts: Dominion Engineering Works Ltd. c. Sous- M.R.N. [1958] R.C.S. 652; Sous-M.R.N. c. MacMillan & Bloedel [1965] R.C.S. 366; Sous-M.R.N. c. Saint John Shipbuilding (1966) 55 D.L.R. (2») 503 et Consumers' Gas Company c. Sous-M.R.N. [1972] C.F. 1057 (con- firmé par la C.S.C. le 7 octobre 1975).
APPEL et examen judiciaire.
AVOCATS:
J. R. Houston, c.r., et M. Sclisizzi pour les appelantes.
A. Garneau et W. G. St. John pour l'intimé.
PROCUREURS:
Tilley, Carson & Findlay, Toronto, pour les appelantes.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un appel d'une décision de la Commission du tarif présenté en vertu de l'article 48(1) de la Loi sur les douanes, portant sur une question de droit, et d'une demande d'examen et d'annulation de ladite déci- sion, présentée en vertu de l'article 28. Ces deux procédures ont été réunies par ordonnance du juge en chef.
Dans la décision en appel, la Commission du tarif rejetait l'appel interjeté contre deux décisions rendues par l'intimé et portant que 17 camions à bascule arrière Wabco 150 B Haul Pak et les pièces de ces camions étaient d'une «classe ou d'une espèce faite au Canada» et donc assujettis à des droits en vertu du numéro tarifaire 49215-1, lesdits droits s'élevant à $554,452.
L'appelante, Great Canadian Oil Sands Supply Limited (ci-après désignée par les initiales G.C.O.S.) a acheté à l'appelante Wabco Equip ment Canada Limited (ci-après nommée Wabco Canada) les camions et les pièces en litige dans le présent appel, fabriqués à Peoria (Illinois). Lesdits camions ont été importés au Canada par Wabco Canada entre le 6 juillet et le 10 novembre 1971 et certaines pièces de ces camions ont été importées par les appelantes entre le 29 septembre et le 30 décembre 1971.
Les trois numéros tarifaires pertinents se lisent ainsi:
Tarif applicable aux marchandises
a) Numéro tarifaire 41006-1 importées des E. -U.
Camions à bascule, à moteur diesel, automoteurs, montés sur roues caoutchoutées ou sur roues caoutchoutées ou semi -chenilles, d'une capacité normale, au volume radé, d'au moins 9' verges (yards) cubes, et à la charge payante, d'au moins 15 tonnes, et leurs pièces, devant servir, sur des chemins autres que les grand'routes, au transport des minéraux ou autres matériaux extraits, dans les mines, les carrières, les gravières et les sabliè-
res ou aux endroits de construction. 10 pour cent
b) et c) Numéros tarifaires 49215-1 et 49216-1
Machines et appareils utilisés pour la production de pétrole non raffiné à partir de schistes ou pour l'exploitation des sables pétrolifères par des pro- cédés miniers ou pour l'extraction du pétrole de ces sables:
49215-1—D'une classe ou d'une espèce faite au
Canada; pièces de ces articles 10 pour cent
49216-1—D'une classe ou d'une espèce non faite
au Canada; pièces de ces articles En franchise
Tout d'abord, les fonctionnaires de l'intimé ont décidé de classer lesdits camions et leurs pièces sous le numéro tarifaire 41006-1. Cependant, on a modifié cette décision pour les classer sous le numéro tarifaire 49215-1.
La G.C.O.S. a fait oeuvre de pionnier dans le domaine de l'exploitation des sables pétrolifères par des procédés miniers et de l'extraction du pétrole de ces sables. Elle a été la première et demeure la seule compagnie à s'être livrée, au Canada, à cette entreprise sur une échelle com- merciale. La G.C.O.S. détient des baux et des droits de brevet dans la région des sables pétrolifè- res de l'Athabasca, en Alberta, et elle a construit et exploite une usine elle procède à l'extraction du pétrole des sables pétrolifères. La production commerciale continue a débuté vers 1968.
La masse de sables pétrolifères qu'exploite la G.C.O.S. est couverte d'une épaisse couche de morts-terrains (d'une épaisseur moyenne de 60 pieds) qu'il faut détacher et enlever afin de déga- ger les sables pétrolifères; ce procédé est d'une importance capitale dans l'exploitation des sables pétrolifères. En 1969 et en 1970, la G.C.O.S. a enlevé 6 millions et demi de tonnes de morts-ter rains par année. Selon ses prévisions, entre 1971 et
1980, elle devra enlever 12 millions de verges par an afin de maintenir sa production.
L'enlèvement des morts-terrains à l'intérieur du terrain loué, de sorte que l'exploitation des sables pétrolifères puisse continuer, nécessite la construc tion d'un réseau de digues à même les morts-ter rains. Tout matériel utilisé pour l'enlèvement des morts-terrains doit pouvoir circuler sur ces digues. Les morts-terrains sont d'une composition inhabi- tuelle et comprennent surtout de la vase humide et excessivement difficile à tasser, de sorte que les digues offrent une très mauvaise surface portante. De son expérience antérieure à 1970, la G.C.O.S. a appris que le matériel ayant une pression maxi mum de portée au sol de 66 livres au pouce carré pouvait circuler sur les digues la plupart du temps, mais que le matériel ayant une pression de portée au sol élevée ne convenait pas à l'état des digues.
Avant 1970, la G.C.O.S. se servait de scrapers Caterpillar pour l'enlèvement des morts-terrains, elle a les remplacer en 1970 parce qu'ils se détérioraient. La G.C.O.S. savait qu'un nouveau modèle de pneu de camion, plus large, dit 36" sur 51", et récemment mis au point, réduisait sensible- ment la pression de portée au sol. En conséquence, la G.C.O.S. fit des recherches afin de découvrir de gros camions à bascule d'assez grande capacité pour des opérations rentables et ayant une pression de portée au sol assez faible pour leur permettre de circuler sur les digues. On a aussi comparé d'au- tres caractéristiques des gros camions à bascule en vente à cette époque. Le délai de livraison était aussi un facteur important du choix car il impor- tait à la G.C.O.S. que le nouveau matériel soit sur les lieux en mai ou juin 1971.
Après avoir examiné d'autres camions à bascule et éliminé la plupart d'entre eux pour divers motifs, le choix se limitait à deux concurrents principaux, le camion de fabrication canadienne Unit Rig 120 (120 tonnes) et le camion fabriqué aux États-Unis de marque Wabco 150 B (150 tonnes) en cause dans cette action. Ce dernier a été choisi en raison, a-t-on dit, d'une certaine incertitude de la part d'Unit Rig Company quant aux pneus et à la pression au sol et, en outre, parce que le rapport énergie/poids du camion Wabco était plus favorable. Leur poids net différait d'en- viron 141,000 livres, ce qui aurait entraîné une diminution désastreuse de la charge utile. L'un des
facteurs importants de cette décision était le fait que le camion Wabco avait été conçu pour être muni des nouveaux pneus 36" sur 51", ce qui signifiait que la G.C.O.S. pouvait opérer avec un chargement rentable et satisfaisant du véhicule pour différentes conditions de pression de sol de 65 ou 66 livres. La décision d'acheter les camions Wabco a été prise le 10 novembre 1970.
On a avancé que le camion Terex de 150 tonnes de fabrication canadienne, fabriqué par la Division des moteurs diesel de la General Motors était un «concurrent». Cependant, il ressort de la preuve que seulement 4 de ces camions ont été fabriqués de septembre 1970 à novembre 1971, qu'il ne s'agissait que de prototypes, et qu'ils n'avaient pas encore été mis en production au moment la G.C.O.S. a acheté les camions Wabco. La preuve établit que le 10 novembre 1970 aucun de ces quatre camions n'était employé. Il est évident qu'en ce qui concerne la G.C.O.S., ils n'étaient pas compétitifs ni n'offraient, à l'époque pertinente, une solution de rechange valable pour les camions Wabco.
La Commission du tarif, par une décision parta- gée à 2 contre 1 a statué que les camions et les pièces en cause relevaient du numéro tarifaire 49215-1 parce qu'ils étaient «d'une classe ou d'une espèce faite au Canada». Le membre minoritaire de la Commission croyait plutôt que lesdits camions et leurs pièces appartenaient au numéro tarifaire 492l6-1-0d'une classe ou d'une espèce non faite au Canada». Les trois membres de la Commission ont convenu que le numéro tarifaire 41006-1 ne s'appliquait pas. Les parties en l'espèce reconnaissent aussi que le numéro tarifaire 41006-1 ne s'applique pas (l'intervenante dans l'action soumise à la Commission du tarif, la Gen eral Motors of Canada, a prétendu le contraire, mais n'est pas partie au présent appel).
Bien que les parties soient d'accord sur l'appli- cabilité du numéro tarifaire 41006-1, je tiens à souligner que je souscris aux motifs exprimés dans le jugement majoritaire de la Commission du tarif, lorsqu'il conclut que le numéro tarifaire 41006-1 ne s'applique pas; ces motifs se trouvent aux pages 10 et 11 du jugement majoritaire. (Livre d'appel, pages 796 et 797.)
En conséquence, la question à trancher dans cette action est de savoir si les camions et les pièces en cause, qui sont incontestablement des «machines et appareils utilisés ... pour l'exploita- tion des sables pétrolifères par des procédés miniers ...», étaient «d'une classe ou d'une espèce faite au Canada».
A la page 16 du jugement majoritaire on lit: «D'après les preuves au dossier, ... , la Commis sion a quelque motif de croire que, au moment les camions en litige sont entrés au Canada, aucun camion n'était, en réalité, immédiatement disponi- ble, auprès des fabricants canadiens, qui eût été en mesure, avec autant de succès que les camions en litige, de faire face aux conditions de sol difficiles qui règnent. sur les digues de l'emplacement de la mine GCOS à Fort McMurray; et la Commission n'a aucun motif de douter que ce succès eût été principalement à la pression de portée au sol relati- vement faible du camion à bascule arrière Wabco 150 B Haulpak.» Le membre minoritaire de la Commission a souscrit à cette opinion exprimée dans la décision majoritaire. Voici un extrait des motifs de l'opinion minoritaire la page 20 de son jugement, pages 802 et 803 du Livre d'appel):
La structure tarifaire est une méthode de classement des marchandises aux fins des impôts sur les importations et ce, au moyen d'un numéro tarifaire. Habituellement, le numéro tari- faire nomme ou décrit les marchandises que doivent viser ses dispositions. Dans de telles circonstances, la promulgation d'une disposition afférente à la classe ou à l'espèce, conjointe- ment avec celle de la description contenue dans le numéro tarifaire, prévoit l'établissement, dans les limites du classement, de catégories de marchandises qui sont décrites dans le numéro tarifaire. Les limites de ces catégories peuvent varier en impor tance, comme l'établit la jurisprudence pertinente.
Cependant, lorsque l'utilisation finale est promulguée à titre d'élément d'un numéro tarifaire, le numéro tarifaire n'est plus qu'en partie une description des marchandises elles-mêmes. Le classement doit alors être fondé à la fois sur les marchandises selon qu'elles y sont décrites, et sur l'utilisation selon qu'elle y est désignée. Bien que cet élément ajoute une nouvelle dimen sion aux exigences d'un numéro tarifaire, il a également pour effet de restreindre son application. Attendu que la notion de classe ou d'espèce n'a pas de pertinence ou d'identité, si ce n'est par rapport au numéro tarifaire dans lequel elle est édictée, il est manifeste que la décision afférente à une catégorie de classe ou d'espèce de marchandises, sera nécessairement spécifique, puisque le numéro tarifaire lui-même vise expressément une utilisation précise. Cependant, la nature et l'ampleur des preu- ves à examiner en vue d'établir des critères appropriés auront la portée que dicteront l'importance et le caractère de l'activité exposée dans le numéro tarifaire.
Il est difficile d'interpréter le libellé des numéros tarifaires 49215-1 et 49216-1 comme étant autre chose que l'expression d'une intention de contribuer à la mise en valeur des sables pétrolifères. Ces numéros tarifaires font mention de machines et d'appareils et décrivent l'importance et le caractère de l'activité comme étant «pour l'exploitation des sables pétrolifè- res par des procédés miniers ou pour l'extraction du pétrole de ces sables», soit deux procédés précis. En l'espèce, il est établi que l'exploitation des sables bitumineux est un procédé précis qui suppose que l'on réponde à des exigences fort précises. En conséquence il s'ensuit que, dans la mesure l'exploitation des sables bitumineux exige un genre, un type, une grosseur ou une capacité données en matière de machines et d'appareils, il y a lieu de faire preuve d'exactitude en fixant en l'espèce les limites d'une décision afférente à la classe ou espèce.
Je souscris à cette partie de l'opinion minoritaire et je suis en désaccord avec les membres majoritai- res de la Commission lorsqu'ils affirment qu'il ne faut pas rattacher le critère de l'utilisation finale à la détermination de la classe ou espèce. Je souscris également à la décision du membre minoritaire lorsqu'il affirme à la page 19 de son jugement (page 802 du Livre d'appel):
...le présent appel a été interjeté en rapport avec un numéro tarifaire qui incorpore une forme de disposition afférente à l'utilisation finale, à savoir, «pour l'exploitation des sables pétrolifères». Lorsqu'est édictée une disposition relative à l'utili- sation, l'utilisation est beaucoup plus qu'un aspect des preuves ayant trait à la nature des marchandises: elle devient le fonde- ment même du classement des objets visés par le numéro dont il s'agit. Ceci exclut, aux fins des décisions en matière de classe ou d'espèce, toutes les marchandises qui ne répondent pas à cette exigence afférente à l'utilisation finale, attendu qu'elles ne seront pas les marchandises décrites dans le numéro tarifaire dont il s'agit.
Suivant l'interprétation de l'opinion majoritaire de la Commission, il faudrait lire les numéros tarifaires 49215-1 et 49216-1 comme s'il n'y était fait aucune mention de l'exploitation des sables pétrolifères. Une telle interprétation dénature le libellé de ces numéros, et enlève tout sens aux mots simples et précis utilisés par le législateur.
Après avoir lu ces numéros tarifaires, il me semble évident que les législateurs, en les édictant, entendaient exempter de droits les machines importées nécessaires à l'exploitation des sables :pétrolifères par des procédés miniers, lorsqu'il n'était pas possible d'obtenir des machines concur- rentielles de fabrication canadienne—c'est-à-dire 'rentables et capables d'accomplir le même travail.
J'ai par conséquent conclu que la majorité de la Commission a commis une erreur sérieuse en inter- prétant lesdits numéros tarifaires de la façon susmentionnée.
Cependant, l'avocat de l'intimé a allégué que même si la majorité de la Commission a tort, elle n'a pas commis d'erreur de droit mais plutôt une erreur de fait et que, comme l'article 48(1) de la Loi sur les douanes ne prévoit un appel devant la présente cour que sur une question de droit, la Cour n'a pas compétence pour accorder le redres- sement que réclament les appelantes. Le jugement faisant autorité en la matière est la décision du juge Kellock, de la Cour suprême, dans l'affaire Canadian Lift Truck Co. Ltd. c. S.M.R.N. 1 A la page 498 de son jugement, le juge Kellock a déclaré:
[TRADUCTION] Bien que l'interprétation d'un texte législatif soit une question de droit, et que la question de savoir si un objet en particulier est compris dans une définition de la loi en soit une de fait, la Cour d'appel peut néanmoins, s'il lui semble que le juge du fait s'est prononcé sans preuves ou qu'il était impossible à une personne ayant une connaissance suffisante du droit et agissant dans le respect du processus judiciaire de rendre une telle décision, prendre pour acquis que la décision en première instance découle d'une erreur de droit; Edwards c. Bairstow, [1955] 3 All E.R. 48. [C'est moi qui souligne.]
Selon moi, la majorité de la Commission a commis une erreur en interprétant les numéros tarifaires en question sans rattacher le critère de l'utilisation finale à la détermination de la classe ou espèce, et une telle erreur, selon l'arrêt Canadi- an Lift Truck susmentionné, est une erreur de droit, donnant donc à la présente cour la compé- tence nécessaire pour accorder un redressement aux appelantes.
Quand il affirme que la question de savoir si les camions en cause sont d'une classe ou d'une espèce faite au Canada au sens du numéro tarifaire 49215-1 est une question de fait et non de droit, l'avocat de l'intimé s'appuie non seulement sur la décision rendue dans l'affaire Canadian Lift Truck (précitée), mais encore sur les arrêts Dominion Engineering', MacMillan Bloedel 3 , Saint John
1 (1956) 1 D.L.R. (2e) 497, à la page 498.
'Dominion Engineering Works Ltd. c. S.M.R.N. [1958]
R.C.S. 652.
S.M.R.N. c. MacMillan & Bloedel (Alberni) Limited
[1965] R.C.S. 366.
Shipbuilding 4 et Consumers' Gass.
Cependant, les affaires Canadian Lift Truck, Dominion Engineering, MacMillan Bloedel et Saint John Shipbuilding visaient toutes l'ancien numéro tarifaire 427a, dont voici le libellé:
427a. Toutes les machines composées entièrement ou partielle- ment de fer ou d'acier, n.d. d'une classe ou d'une espèce non fabriquée au Canada; pièces achevées de ces machines.
A mon avis, ces affaires ne s'appliquent pas en l'espèce parce que, comme l'a fait remarquer le membre minoritaire (Livre d'appel, page 802), aucune disposition relative à l'utilisation finale n'était contenue au numéro tarifaire 427a et par conséquent, ces questions ont été tranchées unique- ment en fonction de la nature des marchandises elles-mêmes.
J'estime également que l'affaire Consumers' Gas n'est d'aucune aide à l'intimé. Dans cette affaire, les compagnies appelantes, offrant des ser vices d'utilité publique, ont interjeté appel d'une décision de la Commission du tarif portant que les régulateurs qu'elles utilisaient pour réduire la pres- sion du gaz livré à leurs clients n'étaient pas utilisés «dans la fabrication ou la production de marchandises» au sens de l'alinéa la) de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, ce qui aurait exempté ces régulateurs des taxes de vente. La Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel. Dans le jugement majoritaire, le juge en chef Jackett a déclaré à la page 1062:
A mon avis, il semble découler de cette décision que la question de savoir si, dans un cas particulier, il s'agit de la «fabrication» ou de la «production» est, dans une large mesure, une question de fait que doit trancher la Commission du tarif dans une affaire comme la présente. En d'autres mots, à mon avis, la définition de la «fabrication» ou de la «production» dépend du sens que l'on donne à ces mots selon les circons- tances. Dans le contexte actuel, je ne peux pas conclure que la Commission du tarif a commis une erreur de droit en décidant
4 S.M.R.N. c. Saint John Shipbuilding & Dry Dock Ltd. (1966) 55 D.L.R. (2») 503.
5 Consumers' Gas Company c. S.M.R.N. [1972] C.F. 1057— confirmée par la Cour suprême du Canada, le 7 octobre 1975 [(1976) 59 D.L.R. (3») 610].
qu'il n'y a pas «fabrication» ou «production» lorsqu'on modifie la pression du gaz naturel dans des régulateurs.
Si je commets une erreur en estimant que c'est une question de fait—si une fois les faits fondamentaux établis il s'agit d'une question de droit, savoir que la Cour doit déterminer s'ils sont couverts par la disposition d'exonération je suis d'avis que la décision de la Commission du tarif était fondée.
La définition des mots «fabrication» ou «production», pris dans leur sens ordinaire, varie en vertu du contexte ou de la catégorie d'entreprise en cause. Au cours de la distribution, un négociant ou un détaillant fait de nombreuses opérations néces- saires pour que ses marchandises soient acceptables ou utilisa- bles par ses clients. En général, si le distributeur effectue ces opérations dans le cours normal de la distribution, le monde des affaires ne les considèrerait pas comme faisant partie de la fabrication ou de la production. Un détaillant serait sans doute indigné s'il découvrait que ces opérations le soumettent à la taxe, à la consommation ou à la taxe de vente sur le prix de vente au détail. Par ailleurs, un détaillant peut combiner les rôles de fabricant et de détaillant; c'est alors une question de qualification, sinon de fait, de décider si ces opérations frontiè- res tombent dans une catégorie ou l'autre. A mon avis, lors- qu'on utilise ces mots dans leur sens ordinaire, on ne peut considérer la simple modification de la pression du gaz naturel, quand c'est une opération réversible, comme il semble que ce soit le cas en l'espèce, comme faisant partie de la «fabrication» ou de la «production».
Les faits dans cette affaire sont très différents de ceux en l'espèce. Selon moi, dans le passage précité, le savant juge en chef dit que la question de savoir si un certain procédé relève de la «fabri- cation» ou de la «production» est une question de fait dépendant des circonstances en l'espèce; toute- fois, dans l'éventualité ce serait une question de droit, la Commission du tarif ne s'est pas trompée relativement à cette question. En l'espèce, la Com mission du tarif devait interpréter les numéros tarifaires 49215-1 et 49216-1 et, ce faisant, la majorité de la Commission a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des dispositions relatives à l'utilisation finale, faussant dès le départ l'optique dans laquelle il faut envisager le problème de la classification en vertu desdits numéros tarifaires. En conséquence, la décision majoritaire de la Commission ne peut être mainte- nue et doit être infirmée.
L'article 48(17) de la Loi sur les douanes pré- voit la façon dont la Cour peut statuer sur un appel de cette nature et se lit ainsi:
(17) La Cour peut statuer sur un appel en rendant telle ordonnance ou prononçant telle conclusion que la nature du sujet peut exiger et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, peut
a) déclarer le taux de droit qui est applicable aux marchan- dises particulières ou à la catégorie de marchandises concer- nant lesquelles l'appel à la Commission du tarif a été porté, ou déclarer qu'aucun taux de droit n'y est applicable,
b) déclarer la valeur imposable des marchandises particuliè- res ou de la catégorie de marchandises, ou
c) renvoyer l'affaire devant la Commission du tarif pour une nouvelle audition.
En conséquence, conformément à l'article 48(17)a), je déclarerais que les 17 camions à bascule arrière Wabco 150 B Haul Pak et les pièces de ces camions, propriété des appelantes en l'espèce, ne sont assujettis à aucun droit puisqu'ils auraient être classés sous le numéro tarifaire 49216-1. Il n'est pas contesté que des droits s'éle- vant à $554,452 ont été payés relativement auxdits camions et pièces (voir l'avis d'appel, le paragra- phe 2 de l'exposé des faits et les dispositions
législatives voir également la réponse à l'avis d'appel, le paragraphe 1 de l'exposé des faits et des dispositions législatives).
Puisque la Cour peut rendre telle ordonnance «que la nature du sujet peut exiger», j'ordonnerais en outre le remboursement aux appelantes des droits qu'elles ont payés, et qui s'élevaient à $554,- 452. Comme les appelantes n'ont présenté aucune demande relativement aux dépens, ni dans leurs_ déclarations écrites ni dans leurs plaidoyers, aucune ordonnance ne sera rendue à cet égard.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
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