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A-294-75
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
James C. Weaver et Freda J. Weaver (Intimés)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Urie et le juge suppléant MacKay—Toronto, les 4 et 5 novembre; Ottawa, le 18 novembre 1975.
Examen judiciaire—Impôt sur le revenu—Déductions— Demande d'examen et d'annulation de la décision de la Com mission de révision de l'impôt—Somme versée par le mari à l'épouse conformément à un accord de séparation à titre d'entretien—A-t-elle été payée à titre de «pension alimentaire ou autre allocation»?—Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 56(1)b), 606), 174(1)—Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
Le mari intimé voulait déduire la somme de $3,756.54 qu'il avait payée conformément à un accord de séparation. Le Ministre a permis la déduction de $1,950 (le solde ne pouvant être déduit par le mari ni figurer dans le revenu de l'épouse), affirmant que le solde n'avait pas été versé en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement à titre de pension alimen- taire ou autre allocation payable périodiquement. La Commis sion a déclaré que le montant total était déductible.
Arrêt: la décision de la Commission est annulée. Quoique dans l'arrêt Pascoe l'interprétation de l'expression «autre allo cation» (une «somme d'argent limitée et . déterminée à l'avance ... et celui qui la touche en a la libre disposition») puisse paraître étroite, il y a place pour l'application de cette expression puisque le terme «pension alimentaire» désigne uni- quement une allocation payée en vertu d'une ordonnance visant l'entretien d'une épouse, alors que les dispositions de la Loi sont nettement destinées à s'appliquer aussi bien aux allocations de même nature pour l'entretien des enfants, soit en vertu d'une ordonnance soit aux termes d'un accord de séparation et même après la dissolution du mariage. Selon l'interprétation adoptée dans l'arrêt Pascoe, aucune fraction du montant de $1,806.54 n'a été payée ou reçue «à titre de pension alimentaire ou autre allocation».
Le juge Urie (dissident en partie): Aucun des paiements, à l'exception des versements hypothécaires, ne répondait à la définition du terme allocation de l'arrêt Pascoe ni à l'exigence statutaire de périodicité. Les paiements n'avaient pas à s'effec- tuer périodiquement à intervalles fixes. A l'exceptioq des paie- ments hypothécaires, aucun des versements ne respectait l'exi- gence de régularité. Le fait que l'accord n'ait pas précisé le montant et la date de ces paiements n'écarte pas l'application de l'article à leur sujet. Et leur caractère déductible n'est pas modifié parce qu'ils ont été faits directement à la compagnie hypothécaire. Cependant, les intimés étant co-propriétaires de la maison, la fraction de chaque paiement hypothécaire corres- pondant au principal leur profite également et seule la moitié du montant correspondant au principal est déductible.
Arrêt suivi: Pascoe c. La Reine [1976] I C.F. 372. EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
M. J. Bonner et S. Borraccia pour le
requérant.
P. Harris pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
MacAulay, Perry, Toronto, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE THURLOW: Il s'agit d'une demande, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, d'examen et d'annulation de la décision rendue par la Commission de révision de l'impôt sur une demande qui lui a été soumise en vertu de l'article 174(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agissait de trancher la question suivante:
[TRADUCTION] ... est-ce que la totalité ou une fraction—et dans ce cas quelle fraction—de la somme de $1,806.54 a été versée par James C. Weaver à Freda J. Weaver en 1972, conformément à un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins de Freda J. Weaver, des enfants issus du mariage, ou à la fois de ceux-ci et de Freda J. Weaver dont James C. Weaver était séparé conformément à un accord écrit de séparation et à qui il était tenu de faire les paiements à la date ils ont été reçus et durant le reste de l'année 1972.
La nécessité de trancher cette question découle des dispositions des alinéas 56(1)b) et 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ainsi libellés:
56. (1) Sans restreindre la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,
b) toute somme reçue dans l'année par le contribuable, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le bénéficiaire vivait séparé en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation du conjoint ou de l'ex-conjoint tenu de faire le paiement, à la date le paiement a été reçu et durant le reste de l'année;
60. Peuvent être déduites lors du calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées:
b) toute somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable
périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé, en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à qui il était tenu de faire le paiement, le jour le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;
Ces dispositions se complètent et il paraît évi- dent qu'elles exigent d'inclure dans le revenu de l'époux qui reçoit, le montant qui a été déduit par l'époux qui paie et vice-versa. Il semble que l'on a envisagé comme fondement de la demande, le fait que les époux doivent vivre séparés au moment des paiements auxquels les dispositions légales s'appli- quent et continuer à vivre séparés durant le reste de l'année d'imposition. C'est, il me semble, la
signification des dispositions finales des deux paragraphes.
Il n'est pas contesté que les deux intimés ont vécu séparés pendant toute l'année 1972 et que le montant de $1,806.54, cité dans la question, repré- sente le total des divers paiements faits par l'in- timé James C. Weaver au cours de l'année d'impo- sition, à divers créanciers, pour le chauffage, l'électricité, l'eau, les taxes et l'hypothèque, con- formément au paragraphe 3 de l'accord de sépara- tion passé entre lui et sa femme, l'intimée Freda J. Weaver. L'accord prévoyait notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] 3. L'épouse aura le droit de résider au domicile conjugal appartenant conjointement aux deux parties aux pré- sentes, situé au 3714 Ellengale Drive, Erindale Woodlands, dans la ville de Mississauga et toutes les dépenses concernant ladite maison seront réglées par le mari, y compris le chauffage, l'électricité, l'eau, les réparations nécessaires, les taxes et les paiements hypothécaires; IL EST ENTENDU que, lorsque le plus jeune enfant atteindra l'âge de seize (16) ans, les parties sont convenues de vendre la maison et de partager également entre elles le produit net de la vente après paiement de tous les frais judiciaires et de la commission de l'agence immobilière.
4. Le mari paiera à son épouse, outre les sommes prévues au paragraphe (3) ci-dessus, la somme de cent cinquante dollars ($150) par mois pour son entretien et celui des enfants issus du mariage; cette somme sera réduite de vingt-cinq dollars ($25) chaque fois qu'un enfant aura atteint l'âge de seize (16) ans ou aura cessé de fréquenter une école ou une université reconnue, la première de ces deux dates étant retenue; le solde de cent dollars ($100) sera versé chaque mois à l'épouse jusqu'à ce que le dernier enfant atteigne l'âge de seize (16) ans, date à laquelle cesseront tous les paiements versés à l'épouse. Tout paiement fait directement ou non au profit de l'épouse, conformément à cet accord, sera censé être fait en exécution d'un jugement de pension alimentaire tant que durera le mariage ou en exécution d'un jugement d'entretien en cas de dissolution ou d'annulation
du mariage des parties. Sous réserve de cet accord, tant que le mari n'aura pas manqué à ses engagements, l'épouse convient d'accepter les paiements faits à son profit en vertu de l'accord, pour solde de tout compte et, par les présentes, renonce à toute demande en vertu d'une loi ou autrement, en vue d'obtenir une pension alimentaire, une pension provisoire ou une allocation d'entretien. L'épouse convient que le mari peut invoquer cet accord comme défense valable et comme fin de non-recevoir contre toute demande formée par l'épouse en vertu d'une loi ou autrement, pour obtenir une pension alimentaire, une pension provisoire ou une allocation d'entretien.
La Commission de révision de l'impôt a admis certaines preuves écrites et après avoir entendu les plaidoyers des avocats du Ministre et des deux époux a répondu à la question par l'affirmative. Dans la demande introduite devant cette cour en vertu de l'article 28, l'intimée Freda J. Weaver n'a pas été représentée, mais on n'a contesté ni la validité de la procédure introduite en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, aux fins d'examen de la décision de la Commission, ni le droit du procureur général du Canada à attaquer cette décision. La question qui se pose dans la demande de révision est de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en concluant de la sorte.
Dans l'arrêt Pascoe c. La Reine', cette cour a examiné le caractère déductible, en vertu de l'arti- cle 11(1)l) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu, des montants payés par un mari pour les frais médicaux et scolaires des enfants issus du mariage. Le mari était tenu de payer ces dépenses à sa femme par l'effet combiné d'un accord de séparation et d'une ordonnance rendue postérieu- rement dans une action en divorce. Le juge Pratte au nom de la Cour déclarait la page 374]:
Tout d'abord, nous sommes d'avis que le versement de ces sommes ne constitue par le versement d'une allocation au sens de l'article 11(1)1). Selon nous, une allocation est une somme d'argent limitée et déterminée à l'avance, versée afin de per- mettre à celui qui la reçoit de faire face à certains types de dépenses; sa quotité est établie à l'avance et celui qui la touche en a la libre disposition, sans comptes à rendre à personne. Un versement effectué pour satisfaire à une obligation d'indemni- ser ou de rembourser quelqu'un ou de le défrayer de dépenses réellement engagées n'est pas une allocation; il ne s'agit pas en effet d'une somme susceptible d'être affectée par celui qui la touche, à sa discrétion, à certains types de dépenses.
Quoique cette interprétation de l'expression «autre allocation» dans son contexte puisse, à pre-
[1976] 1 C.F. 372.
mière vue, paraître étroite et restrictive, il me semble qu'il y a place pour l'application de cette expression puisque le terme «pension alimentaire» désigne uniquement, à mon sens, une allocation payée en vertu d'une ordonnance visant l'entretien- d'une épouse, alors que les dispositions de la Loi sont nettement destinées à s'appliquer aussi bien aux allocations de même nature pour l'entretien des enfants et éventuellement d'un mari, et ceci, soit en vertu d'une ordonnance soit aux termes d'un accord de séparation et même après que les parties ont cessé d'être mari et femme.
En outre, il me semble que l'interprétation de la Cour indique clairement ce que vise le libellé de la Loi—on ne peut en dire autant du libellé lui- même—et, comme les parties auxquelles elle peut s'appliquer ont la possibilité de conclure des enten tes, ou de les modifier, en tenant compte des dispositions légales en vigueur, la certitude quant à leur application est de première importance.
A mon avis, l'interprétation du terme «alloca- tion», adoptée par la Cour dans l'arrêt Pascoe doit s'appliquer et, en l'espèce, elle conduit inévitable- ment à conclure qu'aucune fraction du montant de $1,806.54 en question n'a été payée ou reçue «à titre de pension alimentaire ou autre allocation» au sens des alinéas 56(1)b) et 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
J'annulerais la décision de la Commission de révision de l'impôt et renverrais l'affaire à la Com mission pour qu'elle statue conformément à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'une demande, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, d'examen et d'annulation d'une décision de la Commission de révision de l'impôt, en date du 4 juin 1975, tranchant la question posée dans une demande faite par le ministre du Revenu national, conformément à l'article 174 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ladite question était ainsi formulée: [TRADUCTION] ... est-ce que la totalité ou une fraction—et dans ce cas quelle fraction—de la somme de $1,806.54 a été versée par James C. Weaver à Freda J. Weaver en 1972,
conformément à un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins de Freda J. Weaver, des enfants issus du mariage, ou à la fois de ceux-ci et de Freda J. Weaver dont James C. Weaver était séparé conformément à un accord écrit de séparation et à qui il était tenu de faire les paiements à la date ils ont été reçus et durant le reste de l'année 1972.
La Cour a demandé à l'avocat du requérant, au début de son plaidoyer, d'expliquer pourquoi il a introduit une demande en vertu de l'article 28 pour attaquer la décision, plutôt que d'utiliser la voie qui semblerait à première vue normale, c'est-à-dire interjeter appel de la décision de la Commission de révision de l'impôt devant la Division de première instance de la Cour fédérale.
On nous a informé que c'est la première demande de révision d'une décision de la Commis sion de révision de l'impôt rendue en vertu de l'article 174; il paraît donc opportun d'examiner attentivement les diverses dispositions attributives de compétence.
Voici les articles pertinents de la Loi de l'impôt sur le revenu:
173. (1) Lorsque le Ministre et un contribuable convien- nent, par écrit, de faire trancher par la Cour fédérale une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait surgissant dans l'application de la présente loi, la Cour doit se prononcer sur cette question conformément au paragraphe 17(3) de la Loi sur la Cour fédérale.
174. (1) Lorsque le Ministre est d'avis qu'une même tran saction ou un même événement ou qu'une même série de transactions ou d'événements a donné naissance à une question de droit, de fait ou de droit et de fait qui se rapporte à des cotisations relatives à deux ou plusieurs contribuables, il peut demander à la Commission de révision de l'impôt ou à la Cour fédérale—Division de première instance, de se prononcer sur la question.
(3) Lorsque la Commission de révision de l'impôt ou la Cour fédérale—Division de première instance, est convaincue que la décision rendue concernant la question exposée dans une demande présentée en vertu du présent article influera sur des cotisations intéressant deux ou plusieurs contribuables à qui une copie de la demande a été signifiée et qui sont nommés dans une décision de la Commission ou de la Cour, selon le cas, elle peut, conformément au présent paragraphe,
a) si aucun des contribuables ainsi nommés n'en a appelé d'une de ces cotisations, entreprendre de statuer sur la question de la façon qu'elle juge appropriée, ou
b) si un ou plusieurs des contribuables ainsi nommés se sont pourvus en appel, rendre une décision groupant dans cet ou ces appels les parties appelantes comme elle le juge à propos.
(4) Lorsque la Commission de révision de l'impôt ou la Cour fédérale—Division de première instance, statue sur une ques-
tion exposée dans une demande dont elle a été saisie en vertu du présent article, la décision rendue est, sous réserve de tout appel interjeté en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, finale et définitive aux fins de l'établissement de toute cotisation d'impôt payable par les contribuables nommés dans la décision, en vertu du paragraphe (3).
Il est certain qu'une décision, rendue sur renvoi à la Division de première instance conformément à l'article 173(1), est susceptible d'appel à cette cour en vertu de l'article 27 de la Loi sur la Cour fédérale. A mon avis, il est également certain qu'une décision tranchant une question, rendue par la Division de première instance sur demande du ministre du Revenu national dans les cas prévus aux paragraphes (1) et (3) de l'article 174, est susceptible d'appel à cette cour, parce qu'aux termes du paragraphe (4), cette décision est finale et définitive «sous réserve de tout appel interjeté en vertu de la Loi sur la Cour fédérale.» Le droit d'appel accordé par cette loi l'est aussi par l'article 27.
Cependant, seul l'article 172 de la Loi de l'im- pôt sur le revenu, à l'exclusion de la Loi sur la Cour fédérale, prévoit un droit d'appel d'une déci- sion de la Commission de révision de l'impôt; cet appel est interjeté devant la Division de première instance en vertu de l'article 24 de la Loi sur la Cour fédérale. Un tel appel ne peut être interjeté que d'une décision de la Commission de révision de l'impôt rendue conformément à l'article 169 de la Loi de l'impôt sur le revenu, ainsi libellé:
169. Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Commission de révision de l'impôt, pour faire annuler ou modifier la cotisation
a) après que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation, ou
b) après l'expiration des 180 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le Ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation,
mais nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.
On verra qu'un tel appel porte sur la cotisation établie par le Ministre. Une décision de la Com mission de révision de l'impôt, rendue conformé- ment à l'article 174, ne porte pas sur l'appel d'une cotisation. En réalité, en vertu de l'article 174(3), la Commission ne peut trancher la question qui lui
a été soumise que si aucun des contribuables visés n'a interjeté appel de sa cotisation.
Il est donc certain que ni la Loi de l'impôt sur le revenu ni la Loi sur la Cour fédérale ne prévoient d'appel en matière de décision rendue par la Com mission de révision de l'impôt en vertu de l'article 174. Cette conclusion débouche sur une anomalie: si le Ministre demande à la Division de première instance de se prononcer sur une question de droit ou de droit et de fait en vertu de l'article 174, la décision est susceptible d'appel devant cette Cour, qui peut donc examiner l'ensemble de la procédure et rendre son jugement suivant l'une quelconque des modalités prévues à l'article 52b) de la Loi sur la Cour fédérale. Par contre, s'il choisit de faire trancher la question par la Commission de révision de l'impôt, le seul recours dont dispose la partie non satisfaite ou le procureur général, est une demande, en vertu de l'article 28, sur une question de droit seulement et ne comportant que les pou- voirs de décision limités prévus à l'article 52d) de la Loi.
A mon avis, le recours contre la décision qui fait l'objet du présent examen a donc été à bon droit introduit par voie de demande d'examen et d'annu- lation en vertu de l'article 28.
Je passe maintenant au fond de la demande. Pour bien situer le problème, un bref examen des faits, qui ne semblent' pas être contestés, est nécessaire.
Les intimés ont passé un accord de séparation en date du 28 mai 1971 (ci-après appelé «l'accord»). En voici les paragraphes pertinents:
[TRADUCTION] 3. L'épouse aura le droit de résider au domicile conjugal appartenant conjointement aux deux parties aux pré- sentes, situé au 3714 Ellengale Drive, Erindale Woodlands, dans la ville de Mississauga et toutes les dépenses concernant ladite maison seront réglées par le mari, y compris le chauffage, l'électricité, l'eau, les réparations nécessaires, les taxes et les paiements hypothécaires; IL EST ENTENDU que, lorsque le plus jeune enfant atteindra l'âge de seize (16) ans, les parties sont convenues de vendre la maison et de partager également entre elles le produit net de la vente, après paiement de tous les frais judiciaires et de la commission de l'agence immobilière.
4. Le mari paiera à son épouse, outre les sommes prévues au paragraphe (3) ci-dessus, la somme de cent cinquante dollars ($150) par mois pour son entretien et celui des enfants issus du mariage; cette somme sera réduite de vingt-cinq dollars ($25)
chaque fois qu'un enfant aura atteint l'âge de seize (16) ans ou aura cessé de fréquenter une école ou une université reconnue, la première de ces deux dates étant retenue; le solde de cent dollars ($100) sera versé chaque mois à l'épouse jusqu'à ce que le dernier enfant atteigne l'âge de seize (16) ans, date à laquelle cesseront tous les paiements versés à l'épouse. Tout paiement fait directement ou non au profit de l'épouse, conformément à cet accord, sera censé être fait en exécution d'un jugement de pension alimentaire tant que durera le mariage ou en exécution d'un jugement d'entretien en cas de dissolution ou d'annulation du mariage des parties. Sous réserve de cet accord, tant que le mari n'aura pas manqué à ses engagements, l'épouse convient d'accepter les paiements faits à son profit en vertu de l'accord, pour solde de tout compte et, par les présentes, renonce à toute demande en vertu d'une loi ou autrement, en vue d'obtenir une pension alimentaire, une pension provisoire ou une allocation d'entretien. L'épouse convient que le mari peut invoquer cet accord comme défense valable et comme fin de non-recevoir contre toute demande formée par l'épouse en vertu d'une loi ou autrement, pour obtenir une pension alimentaire, une pension provisoire ou une allocation d'entretien.
Dans le calcul de son revenu pour 1972, l'intimé James C. Weaver (ci-après appelé le «mari») vou- lait déduire, à titre de pension alimentaire, la somme de $3,756.54 qu'il avait payée en vertu des obligations découlant de l'accord. Le Ministre a établi la cotisation d'impôt sur le revenu des inti- més pour l'année d'imposition 1972 en partant du principe que seulement $1,950 pouvaient être déduits à bon droit à titre de paiement de pension alimentaire par le mari intimé, le solde de $1,806.54 ne pouvant être déduit par lui, ni figurer dans le calcul du revenu de l'épouse intimée. La déduction autorisée de $1,950 comprenait 26 paie- ments de $75 chacun, effectués conformément au paragraphe 4 de l'accord. La déduction du solde de $1,806.54 a été rejetée au motif qu'il ne s'agissait pas d'une somme payée par le mari en 1972 ou reçue par l'épouse intimée, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins de l'épouse, des enfants issus du mariage ou à la fois de l'épouse et des enfants issus du mariage, comme prévu à l'article 60b) de la Loi. La somme de $1,950, versée à la femme et déductible dans le calcul du revenu imposable du mari, a été ajoutée au revenu de l'épouse en vertu de l'article 56(1)b) de la Loi. Les articles susmentionnés sont ainsi libellés:
56. (1) Sans restreindre la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,
b) toute somme reçue dans l'année par le contribuable, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le bénéficiaire vivait séparé en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation du conjoint ou de l'ex-conjoint tenu de faire le paiement, à la date le paiement a été reçu et durant le reste de l'année;
60. Peuvent être déduites lors du calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées:
b) toute somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé, en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à qui il était tenu de faire le paiement, le jour le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;
La Commission de révision de l'impôt a répondu par l'affirmative à la question qui lui avait été soumise et a déclaré que les sommes dont la déduc- tion est réclamée par le mari à titre de pension alimentaire pour 1972, notamment les $3,756.54, étaient déductibles conformément à l'article 60b) de la Loi. C'est cette décision qu'on nous demande d'annuler.
D'autres membres de cette cour, dans l'affaire La Reine c. Pascoe, [1976] 1 C.F. 372 débattue peu avant l'audition de cette demande, devaient examiner l'article 11(1)l) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu qui est identique à l'article 60b) de la présente Loi. Le juge Pratte, parlant au nom de la Cour déclara la page 374] que:
Selon nous, une allocation est une somme d'argent limitée et déterminée à l'avance, versée afin de permettre à celui qui la reçoit de faire face à certains types de dépenses; sa quotité est établie à' l'avance et celui qui la touche en a la libre disposition, sans comptes à rendre à personne. Un versement effectué pour satisfaire à une obligation d'indemniser ou de rembourser quel- qu'un ou de le défrayer de dépenses réellement engagées n'est pas une allocation; il ne s'agit pas en effet d'une somme susceptible d'être affectée par celui qui la touche, à sa discré- tion, à certains types de dépenses.
L'avocat du requérant a soutenu que seuls les paiements effectués par le mari conformément au paragraphe 4 de l'accord correspondaient à ces critères. Les autres paiements n'avaient pas le caractère d'une allocation parce qu'il ne s'agissait pas de sommes limitées et fixées à l'avance par l'accord. Il s'agissait de montants variables, y com- pris les paiements hypothécaires qui comprennent le principal, l'intérêt et les taxes, ces dernières variant d'une année à l'autre.
En outre, il déclare qu'à l'exception des paie- ments hypothécaires, aucun des versements n'était payable à intervalles fixes et réguliers. Il soutient que même les paiements hypothécaires, dont ni les montants ni les dates de paiement n'étaient préci- sés dans l'accord, ne répondaient pas au critère de périodicité exigé à l'article 60b).
Dans l'affaire Pascoe, on a refusé d'admettre la déduction des paiements de frais médicaux et sco- laires dans le calcul du revenu du mari. Le juge Pratte a fait remarquer la page 374] que:
Il importe peu que les sommes versées pour l'éducation des enfants l'aient en fait peut-être été périodiquement, car la périodicité exigée par la Loi a rapport à la manière dont l'allocation est payable et non à la façon dont elle est effective- ment versée. [Soulignement ajouté.]
L'article 60b) exige clairement que, pour être déductibles du revenu du mari, les montants doi- vent non seulement avoir été payés à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement, comme ces termes ont été inter- prétés dans l'arrêt Pascoe, mais doivent aussi avoir été faits «pour subvenir aux besoins du bénéfi- ciaire, des enfants issus du mariage ... si le contri- buable vivait séparé, en vertu d' ... un accord écrit de séparation, du conjoint ... à qui il était tenu de faire le paiement ...». En l'espèce, il est certain que les conjoints vivaient séparés, que le mari était tenu, en vertu de l'accord, d'effectuer les paie- ments qu'il a faits et que ces paiements étaient destinés à subvenir aux besoins de l'épouse et des enfants en ce sens qu'ils leur permettaient de continuer à vivre à l'ancien domicile conjugal plutôt qu'à une autre résidence dont le mari ou l'épouse serait obligé de faire les frais. Cependant, aucun de ces paiements, à l'exception des verse- ments hypothécaires, ne répondait à la définition du terme allocation de l'arrêt Pascoe ni à l'exi- gence de périodicité. L'accord ne prévoyait pas que les paiements devaient s'effectuer périodiquement
à intervalles fixes. En fait l'accord était muet sur la date de paiement desdites dépenses. A l'excep- tion des paiements hypothécaires, aucun des verse- ments ne respectait l'exigence de régularité qui est une caractéristique essentielle des paiements pério- diques. A mon avis, ils n'étaient donc pas déducti- bles pour l'année d'imposition en question.
Par contre, les paiements hypothécaires avaient cette caractéristique et le fait que l'accord n'ait pas précisé le montant et la date de ces paiements n'écarte pas, à mon avis, l'application de l'article à leur sujet. L'accord vise implicitement l'hypothè- que par allusion. La fiche extraite du registre hypothécaire du créancier hypothécaire et déposée en preuve, confirme que des paiements mensuels devaient être faits le 10 de chaque mois jusqu'à l'échéance de l'hypothèque en 1992. Il est donc certain que les paiements ont la régularité de versements d'allocation envisagés par l'article.
On avait soutenu que, même s'il en est ainsi, le fait que la fraction des paiements mensuels corres- pondant à la taxe varie de temps à autre, leur enlève le caractère de «somme limitée et fixée à l'avance» qui selon le juge Pratte, dans l'arrêt Pascoe, est distinctif d'une allocation. Je ne peux partager ce point de vue, parce que le montant de cette fraction du paiement était lui-même fixé d'avance pour une période précise, probablement une année. En conséquence, j'estime que les exi- gences de l'article sont respectées à cet égard.
Il y a encore deux difficultés à surmonter avant de pouvoir affirmer que l'intimé avait, à bon droit, déduit les versements hypothécaires. D'abord, les paiements n'ont pas été faits à l'épouse, mais directement à la compagnie hypothécaire. Cela affecte-t-il leur caractère déductible? A mon avis, non. En examinant corrélativement les paragra- phes 3 et 4 de l'accord, il est certain, à mon avis, que les dépenses que le mari devait régler faisaient effectivement partie de l'ensemble des paiements au profit de l'épouse et des enfants. Le début du paragraphe 4: [TRADUCTION] «le mari paiera à son épouse, outre les sommes prévues au paragra- phe 3 ci-dessus ...», indique qu'il en est ainsi. En outre, alors que le paragraphe 3 impose au mari
l'obligation de payer toutes les dépenses courantes concernant la maison, il ne l'oblige pas à faire ces paiements directement aux créanciers à qui on doit de l'argent, mais simplement de les faire. Il aurait pu aussi bien s'acquitter des obligations mises à sa charge par l'accord en payant les mensualités hypothécaires à sa femme pour qu'elle les trans- mette au créancier hypothécaire. S'il en est ainsi, il ne devrait pas être privé de son droit de déduire les paiements ou une partie des paiements parce qu'il a choisi de les faire directement au créancier hypo- thécaire au nom de son épouse.
Deuxièmement, la maison conjugale appartenait aux intimés qui en étaient co-propriétaires. Une stipulation du paragraphe 3 de l'accord exige que la maison soit vendue lorsque le dernier enfant atteindra l'âge de seize ans et qu'alors, le produit net de la vente soit réparti également entre les intimés. La fraction de chaque paiement hypothé- caire correspondant au principal, profite donc éga- lement au mari et l'épouse. A mon avis, seule la moitié du montant correspondant au principal de chaque paiement hypothécaire effectué par le mari en 1972 est déductible dans le calcul de son revenu imposable de cette année. En ce qui concerne la fraction des paiements, afférente aux intérêts et aux taxes, puisque le paragraphe 3 de l'accord exige que le mari règle les taxes et les versements hypothécaires et que, comme je l'ai déjà dit, je pense qu'ils font partie de l'allocation de la femme, le mari devrait pouvoir en déduire la totalité pour 1972.
En conclusion, j'annulerais donc la décision de la Commission de révision de l'impôt et renverrais l'affaire à la Commission pour qu'elle se prononce en partant du principe qu'outre la déduction de $1,950 autorisée par la cotisation en ce qui con- cerne le revenu imposable du mari intimé pour 1972, la déduction de la fraction des mensualités hypothécaires payées au cours de l'année d'imposi- tion 1972, représentant la moitié du montant affé- rent au principal de chaque paiement, ainsi que le montant correspondant aux intérêts et taxes, Soit admise conformément à l'article 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris aux motifs et conclusions de mon collègue le juge Thurlow.
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