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A-202-75
Merrill C. Blagdon (Requérant)
c.
La Commission de la Fonction publique, comité d'appel, et A. R. Barrie (Intimés)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Pratte et le juge suppléant Kerr—Halifax, le 14 octobre 1975; Ottawa, le 7 novembre 1975.
Examen judiciaire—Fonction publique—Le jury de sélec- tion conclut que le requérant ne possède pas un dossier de sécurité satisfaisant—Le jury a-t-il agi illégalement en se fondant sur une connaissance personnelle d'accidents dans lesquels le requérant a été impliqué?—Le jury a-t-il agi illégalement en tenant compte desdits accidents, sans lui donner la possibilité de présenter sa version des faits?—Le jury a-t-il agi illégalement en concluant que le dossier de sécurité du requérant n'était pas aussi satisfaisant que celui du candidat choisi?—La décision du comité d'appel devrait-elle être annulée au motif qu'il a omis de fournir une transcription intégrale des procédures?—Loi sur la Cour fédérale, art. 28— Règle 1402 de la Cour fédérale.
Le requérant demande l'annulation de la décision d'un comité d'appel rejetant son appel à l'encontre de la décision d'un jury de sélection. Le requérant allègue (1) que le jury de sélection a agi illégalement en se fondant sur une connaissance personnelle d'accidents dans lesquels il a été impliqué; (2) que le jury a agi illégalement en tenant compte de ces accidents sans lui donner la possibilité de présenter sa version; (3) que le jury, même s'il pouvait prendre en considération les accidents, ne pouvait pas conclure pour autant que son dossier de sécurité n'était pas aussi satisfaisant que celui du candidat choisi; et (4) que la décision du comité d'appel devrait être annulée au motif qu'il a omis de fournir une transcription intégrale des procédures.
Arrêt: l'appel est rejeté. (1) En règle générale, un jury de sélection peut s'appuyer sur des connaissances personnelles; il n'y a aucune raison de désapprouver cette pratique lorsque les faits en question pourraient justifier, comme on le prétend, des mesures disciplinaires; (2) le jury de sélection n'était pas lié par la règle audi alteram partem, mais uniquement par le principe du mérite; on ne peut conclure que le choix n'était pas fondé sur le mérite; (3) on aurait pu parvenir à une conclusion différente, mais rien ne prouve que la conclusion en l'espèce était erronée; et (4) à supposer que l'absence d'une transcription intégrale empêche l'examen de la décision du comité d'appel, la demande doit être rejetée. Une décision ne peut être annulée en vertu de l'article 28 que s'il s'agit d'une mauvaise décision pour un des motifs énoncés à l'article; une décision qui ne peut être exami née ne peut être annulée.
Et le juge Thurlow: Les qualités essentielles incluaient un 'dossier de sécurité satisfaisant». Il ne s'agissait pas d'un pro- cessus judiciaire, quasi judiciaire ou disciplinaire. Rien n'empê- chait, en droit, le jury de se fonder sur des connaissances personnelles de ses membres. Le requérant pouvait essayer de démontrer en appel que l'opinion du jury n'était pas fondée, mais il n'a pas essayé, en apportant des preuves, de démontrer
que ces incidents ne s'étaient pas produits, ni indiqué pour quelle raison ils n'auraient pas être pris en considération. Il peut sembler injuste, mais il n'est pas déraisonnable, qu'un candidat possédant moins d'expérience soit choisi. La Commis sion de la Fonction publique n'est pas obligée de tenir un compte rendu complet des audiences. Lorsqu'il existe des notes ou des enregistrements, la Commission n'est pas tenue d'en fournir la transcription dès lors qu'une demande en vertu de l'article 28 est présentée. Le requérant est fondé à demander à la Cour, l'aide nécessaire pour en obtenir la production et la transcription à ses frais. Dans la mesure il n'était pas satisfait, le requérant pouvait demander, par requête, que la preuve des faits sur lesquels il se fondait soit ajoutée au dossier. C'est ce qu'il a fait.
Arrêt suivi: MacDonald c. La Commission de la Fonction publique [ 1973] C.F. 1081. Arrêt analysé: Senior c. Hold- worth [1975] 2 W.L.R. 987.
EXAMEN judiciaire. AVOCATS:
J. G. Godsoe fils pour le requérant. A. R. Pringle pour les intimés.
PROCUREURS:
Stewart, MacKeen & Covert, Halifax, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE THURLOW: Je souscris au rejet de la demande pour les motifs rendus par Monsieur le juge Pratte mais je voudrais ajouter certains commentaires.
Le point litigieux soulevé par le requérant devant le comité d'appel de la Fonction publique, puis devant cette Cour, visait principalement la conclusion du jury de sélection selon laquelle son dossier de sécurité n'était pas satisfaisant. Cette contestation était fondée sur plusieurs motifs notamment: le recours à une connaissance person- nelle des antécédents du requérant plutôt qu'à une preuve concluante, l'absence de preuve admissible démontrant que son dossier de sécurité n'était pas satisfaisant et l'absence de toute mention, lors de l'entrevue avec le requérant, de son rôle et de sa responsabilité dans (1) l'échouement du Cygnus, et (2) l'abordage entre le Cygnus et le Margaree, et le fait de ne pas lui avoir donné la possibilité de
prouver que ces incidents n'indiquaient pas que son dossier de sécurité n'était pas satisfaisant.
Premièrement, soulignons que l'avis de concours pour le poste de capitaine du CGS Chebucto, portait la mention suivante sous la rubrique [TRA- DUCTION] «Qualités essentielles»:
[TRADUCTION] Aptitude personnelle
Les candidats doivent démontrer qu'ils possèdent les élé-
ments suivants d'aptitude personnelle:
dossier de sécurité satisfaisant.
En conséquence, j'estime qu'il appartenait au requérant de convaincre le jury de sélection qu'il avait un dossier de sécurité satisfaisant, et, à cette fin, de soulever la question et présenter ses obser vations à ce sujet au jury, en faisant connaître sa position au jury par écrit ou oralement, au cours de l'entrevue. Le requérant était certainement au courant des deux incidents en question ou de l'effet qu'ils pourraient avoir sur son dossier. Il ne pou- vait non plus ignorer que les membres du jury, ou certains d'entre eux, étaient au courant de ces incidents. Le jury n'était ni une cour ni un orga- nisme judiciaire ou quasi judiciaire. L'affaire dont il était saisi n'était pas non plus une procédure de nature disciplinaire. Il s'agissait d'une procédure d'évaluation des qualités des candidats à un poste et de classement par ordre de mérite, tel qu'établi par le jury. Du point de vue juridique, rien n'empê- chait le jury de tenir compte de la connaissance de ses membres, ou de certains d'entre eux, de cer- tains incidents ayant un effet sur le dossier de sécurité du requérant. La présentation d'une preuve plus officielle n'était pas nécessaire. De plus, rien ne l'empêchait de faire une évaluation et de parvenir à une conclusion en se fondant sur cette connaissance, le requérant ayant omis de soulever la question de son dossier de sécurité et de les convaincre qu'il était satisfaisant. A mon avis, la conclusion du jury de sélection selon laquelle le requérant ne possédait pas un dossier de sécurité satisfaisant n'est donc pas entachée d'une erreur de droit ou de fait.
Dans un concours de ce genre, il appartient au jury de sélection de décider en quoi consiste un dossier de sécurité satisfaisant en fonction des qualités requises pour un poste donné et de décider si le candidat possède un tel dossier. Toutefois, si
la sélection opérée par le jury produit certains effets, ses conclusions sont sujettes à révision sur demande d'un candidat non reçu, en vertu du droit d'appel prévu à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Il convient de souligner qu'un appel de ce genre ne porte pas sur les conclusions du jury de sélec- tion mais sur la nomination ou la nomination proposée du candidat reçu et qu'en conséquence la question principale soumise au comité d'appel est de savoir si le choix du candidat reçu a été effectué conformément au principe du mérite. Le candidat non reçu qui interjette appel de la nomination ou de la nomination proposée du candidat reçu est fondé à exposer, s'il le peut, les raisons pour lesquelles il estime que le principe du mérite n'a pas été respecté; dans ce contexte, le requérant pouvait donc essayer de démontrer en appel que l'opinion du jury de sélection, selon laquelle il ne possédait pas un dossier de sécurité satisfaisant, n'était pas fondée. Pour ce faire, il a contesté la connaissance et les sources d'information des membres du jury de sélection, leur capacité de se faire une opinion à ce sujet et leurs conclusions elles-mêmes, mais il n'a pas essayé, en apportant des preuves ou autrement, de démontrer que ces deux incidents ne s'étaient pas produits, et il n'a avancé aucun motif valable justifiant son alléga- tion selon laquelle ces incidents n'auraient pas être pris en considération pour l'appréciation de son dossier de sécurité.
Plus précisément, il n'a pas contesté la conclu sion du rapport d'une enquête menée par le minis- tère des Transports sur les circonstances de l'échouement du Cygnus selon laquelle l'accident résultait d'une mauvaise navigation et indiquant que le requérant avait été réprimandé oralement par son supérieur à la suite de cet incident. Il n'a pas non plus contesté le fait qu'à la suite de l'abordage entre le Cygnus et le Margaree, son supérieur lui avait écrit une lettre l'informant que le rapport sommaire de l'enquête relative à l'abor- dage, tenue par le ministère des Transports et la Commission d'enquête de la marine, avait conclu au partage de la responsabilité entre les deux navires; il l'informait aussi que cette lettre serait jointe à son dossier personnel. Le requérant n'a pas répondu à cette lettre et n'en a pas contesté le contenu. Dans ces circonstances, les observations
et conclusions suivantes du comité d'appel:
[TRADUCTION] Le comité d'appel est d'avis que le jury de sélection n'était pas tenu de prouver que l'appelant avait commis une faute lors des incidents mentionnés. Pour l'un d'eux, le Ministère a présenté une preuve établissant qu'une enquête avait conclu à la «navigation imprudente* à l'égard de l'échouement du «Cygnus» alors que l'appelant en était le commandant. L'appelant n'a pas contesté ce fait et n'a pas non plus réfuté la conclusion du Ministère selon laquelle le «Cygnus», dont il était le commandant, était en partie responsa- ble de l'abordage avec le contre-torpilleur «Margaree».
L'appelant n'a présenté aucune preuve tendant à démontrer que les procédures de concours étaient entachées d'illégalité ou d'irrégularité et le comité d'appel conclut qu'il n'existe en l'espèce aucun motif justifiant une intervention.
me semblent fondées, compte tenu du dossier soumis et ne comportent aucune erreur de droit ou injustice à l'endroit du requérant.
Il peut sembler injuste à première vue que le dossier de sécurité du requérant, qui a occupé le poste de commandant pendant six ans, n'ait pas été considéré satisfaisant en raison des deux inci dents, alors que le dossier de sécurité du candidat reçu, commandant depuis quatre mois seulement, sans incidents de ce genre, a été considéré satisfai- sant. Toutefois, cette question devait être tranchée par les responsables de l'évaluation des dossiers et, à mon avis, on ne peut prétendre qu'ils sont parve nus à une conclusion nécessairement déraisonna- ble.
J'étudierai maintenant l'argument du requérant relatif à l'absence d'une transcription satisfaisante des procédures devant le comité d'appel.
Selon sa thèse, comme je la conçois, il incombe au requérant dans des procédures engagées en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, d'exposer à la Cour les faits sur lesquels il se fonde pour soulever et plaider les motifs de contestation de la décision du tribunal. A cet effet, s'il existe une transcription des procédures tenues devant ledit tribunal, le requérant est fondé à la soumettre à la Cour et établir ainsi les faits dont le tribunal a été saisi. De plus, si le tribunal a fait consigner par écrit les procédures et en possède la transcription et qu'une demande d'examen de sa décision est présentée aux termes de l'article 28, il doit, en vertu de la Règle 1402, joindre cette transcription
au dossier déposé au greffe. A ma connaissance, toutefois, la Commission de la Fonction publique n'est pas tenue aux termes de la loi ou autrement, de tenir un compte rendu complet des audiences de ses comités d'appel, par sténographie, sténotypie ou par des moyens électroniques.' Même si des notes ont été prises, en sténographie, sténotypie ou par un autre moyen électronique, la Commission n'est pas obligée d'engager les frais afférents à la production d'une transcription de ces notes ou comptes rendus dès lors qu'on demande l'examen de la décision du comité d'appel. En revanche, le droit du requérant de soumettre ces notes ou comptes rendus à la Cour à titre de preuves ne peut être annihilé par le refus du tribunal de préparer ou remettre la transcription à la Cour ou encore de mettre les notes ou comptes rendus à sa disposition pour en permettre la transcription. A mon avis, le requérant est fondé à demander à la Cour, l'aide nécessaire pour obtenir la production et la transcription de ces notes ou comptes rendus à ses frais, en vue de leur utilisation à l'audience. 2
Toutefois le problème ne s'est pas posé en l'es- pèce. Les audiences ou une partie d'entre elles ont été enregistrées électroniquement et, à la demande du requérant, la Commission en a produit une transcription qui fut jointe au dossier de la Cour. Dans la mesure il n'était pas satisfait, le requé- rant pouvait demander, par requête, que la preuve des faits sur lesquels il se fondait soit ajoutée au dossier. C'est ce qu'il a fait et l'affidavit de l'avo- cat du requérant fut accepté et inclus au dossier. Il me semble donc que l'allégation du requérant n'est pas fondée.
Je rejetterais la demande.
* * *
' Je ne me prononce pas sur la question de savoir si, en l'absence de compte rendu complet, le comité d'appel de la Fonction publique doit prendre en note les documents et obser vations présentés lors de son enquête et joindre ces notes aux documents transmis en vertu de la Règle 1402. Il est possible qu'une obligation de ce genre existe mais en l'espèce la question ne fut ni soulevée ni plaidée.
2 Voir Senior c. Holdworth [1975] 2 W.L.R. 987.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'une demande pré- sentée en vertu de l'article 28 visant l'annulation d'une décision d'un comité établi en vertu de l'arti- cle 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Le 5 décembre 1974, le ministère de l'Environ- nement a annoncé la tenue d'un «concours res- treint» en vue de nommer le capitaine du navire Chebucto. Trois personnes ont posé leur candida- ture: le requérant, Baker et McKay. Un jury de sélection fut chargé d'évaluer les candidats. Il constata qu'ils étaient tous qualifiés et les classa par ordre de mérite: Baker premier, le requérant second et McKay troisième. La candidature de Baker fut donc retenue. Le requérant appela de ce choix en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
L'enquête tenue par le comité d'appel révèle que le jury de sélection a préféré Baker au requérant, qui possédait une expérience de capitaine de navire beaucoup plus longue, parce que le dossier de sécurité du requérant n'était pas satisfaisant. Cette conclusion résulte du fait que deux des trois mem- bres du jury de sélection savaient personnellement que le requérant avait été impliqué dans deux accidents maritimes. Les parties ont admis que le jury de sélection a soumis chacun des candidats à une entrevue de plus de trois heures, sans mention- ner cependant leurs dossiers de sécurité respectifs.
Le comité d'appel rejeta l'appel du requérant qui demande maintenant l'annulation de cette décision.
L'avocat du requérant soutient que cet appel aurait être accueilli pour les motifs suivants:
1. Le jury de sélection a agi illégalement en se fondant sur la connaissance personnelle de cer- tains de ses membres à l'égard de deux accidents dans lesquels le requérant a été impliqué.
2. Le jury de sélection a agi illégalement en tenant compte du fait que le requérant a été
impliqué dans deux accidents sans lui donner la possibilité de présenter sa version des faits.
3. A supposer que le jury de sélection pouvait prendre en considération les deux accidents en question, il ne pouvait pas conclure pour autant que le dossier de sécurité du requérant n'était pas aussi satisfaisant que celui de Baker.
En dernier lieu, l'avocat du requérant prétend que de toute façon la décision du comité d'appel devrait être annulée parce qu'il a omis de fournir la transcription intégrale des témoignages oraux rendus à l'audience qu'il a tenue.
Je statuerai d'abord sur cette dernière alléga- tion. L'avocat affirme qu'ail est impossible à la Cour d'examiner adéquatement la décision du comité d'appel» parce que ce dernier a omis de fournir cette transcription intégrale. A supposer que cette affirmation soit juste, elle entraînerait, à mon avis, le rejet de la demande en vertu de l'article 28 plutôt que l'annulation de la décision du comité d'appel. Le requérant demande à la Cour d'examiner la décision du comité d'appel; si la Cour ne peut accéder à cette demande, la requête doit être rejetée. La décision d'un tribunal ne peut être annulée en vertu de l'article 28 que s'il s'agit d'une mauvaise décision pour un des motifs énoncés à l'article 28(1). Une décision qui ne peut être examinée ne peut être annulée.
Avant d'étudier les autres arguments avancés au nom du requérant, il convient de faire certaines observations.
Rappelons tout d'abord que cette demande en vertu de l'article 28 ne vise pas la décision du jury de sélection mais celle du comité d'appel et qu'il faut donc prouver, pour obtenir gain de cause, que le comité d'appel a rendu une mauvaise décision pour l'un des motifs énoncés à l'article 28(1).
N'oublions pas non plus que «la nomination, d'une part, et l'appel, d'autre part, ne sont que des étapes dans la mise en oeuvre du système (du `mérite')» (MacDonald c. La Commission de la Fonction publique [1973] C.F. 1081, le juge en chef Jackett, à la page 1086); il ne faut pas confondre le rôle d'un jury de sélection ou d'appré- ciation et celui d'un comité d'appel. Un jury d'ap- préciation est l'intermédiaire par lequel la Com-
mission de la Fonction publique s'acquitte de sa fonction de sélection des candidats selon le système du mérite. Son rôle se limite à l'évaluation des différents candidats et donc à une tâche purement administrative. Bien sûr, l'appréciation du mérite doit se faire avec justice et honnêteté; cependant, elle n'est pas assujettie aux règles imposées aux organismes judiciaires ou quasi judiciaires, comme par exemple la règle audi alteram partem. En résumé, en vertu de la seule règle générale qui régisse l'activité d'un jury de sélection, la sélection doit être fondée sur le mérite. Un comité d'appel, aux termes de l'article 21 de la Loi, remplit une fonction différente. Son devoir ne consiste pas à évaluer de nouveau les candidats mais à tenir une enquête afin de déterminer si la sélection a été effectuée conformément au principe du mérite; cette décision est «soumise à un processus judi- ciaire ou quasi judiciaire». Le simple fait que le comité d'appel, s'il avait siégé à titre de jury de sélection, serait parvenu à une conclusion diffé- rente de celle du jury de sélection ne constitue pas un motif suffisant pour accueillir l'appel. Il faut bien comprendre que l'appréciation du mérite de différentes personnes, fonction attribuée au jury de sélection, ne peut être réduite à une fonction mathématique; dans bien des cas, c'est une affaire d'opinion. Il n'y a aucune raison pour préférer l'opinion d'un comité d'appel à celle d'un jury de sélection.
Je reviens maintenant aux différents arguments avancés par l'avocat du requérant.
Premièrement, il déclare que le jury de sélection ne pouvait se fonder sur la connaissance person- nelle de deux de ses membres pour conclure que le dossier de sécurité du requérant n'était pas satis- faisant. L'avocat n'a pas nié que d'une façon géné- rale, un jury de sélection peut s'appuyer sur la connaissance personnelle de ses membres. Cepen- dant, il prétend qu'une règle différente s'applique lorsque, comme en l'espèce, les faits connus des membres du jury de sélection sont de telle nature qu'ils pourraient justifier ou auraient pu justifier l'imposition de mesures disciplinaires. Je dois avouer que cette distinction est difficile à compren- dre. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il n'y a aucune raison d'établir une distinction de ce genre. Le présent litige ne consiste pas en une procédure de nature disciplinaire.
Le second argument de l'avocat porte que le jury de sélection aurait donner au requérant la possibilité de répondre à l'allégation selon laquelle son dossier de sécurité n'était pas satisfaisant. A mon avis, cet argument doit aussi être rejeté. Le jury de sélection n'était pas lié par la règle audi alteram partem. Il était cependant tenu en vertu de la Loi, de procéder à la sélection selon le système du mérite. Dans les circonstances, on ne peut déduire du fait que le requérant n'a pas eu la possibilité de discuter de son dossier de sécurité, que le choix de Baker n'était pas fondé sur le mérite.
En dernier lieu, je ne vois rien de valable dans le dernier argument invoqué par l'avocat selon lequel, les membres du jury de sélection ne pouvaient raisonnablement déduire des faits dont ils avaient connaissance que le dossier de sécurité du requé- rant n'était pas satisfaisant. Le mieux qu'on puisse dire en faveur du requérant à cet égard, c'est que d'autres personnes auraient peut-être tiré des con clusions différentes à partir des mêmes faits, ce qui, bien sûr, ne prouve aucunement que le jury de sélection avait tort.
Pour ces motifs, je rejetterais la demande.
Après avoir rédigé ces motifs, j'ai eu le privilège de lire les commentaires de mon collègue le juge Thurlow et je souscris entièrement à son jugement.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: J'ai eu l'avantage d'étudier les motifs de jugement rendus par les juges Thurlow et Pratte. Je souscris à leurs motifs et conclus au rejet de la demande.
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